Japon Juillet 2024 : Le Retour
« BientĂŽt, ce qui sâest passĂ© trois semaines durant au Japon se diluera :
Les effets de lâensorcĂšlement de ces petits abrutissements quotidiens rĂ©pĂ©tĂ©s.
Ma compagne et ma fille dorment encore. Câest un moment fait pour commencer Ă Ă©crire.
Jâai passĂ© rĂ©cemment trois semaines au Japon. Mon prĂ©cĂ©dent voyage au Japon en 1999 avait Ă©tĂ© principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a Ă©tĂ© opĂ©rĂ© lors du Masters Tour 2024 ».
Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines Ă la RĂ©union.
Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 Ă©taient Ă©galement originaires de la RĂ©union. D’autres venaient de Suisse, de Belgique, du Vietnam, et de diverses rĂ©gions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, Ăźle de France….).
Bien-sĂ»r, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, jâai repris le «travail ».
Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidĂ©os que jâai « faites » et de me mixer les neurones afin de dĂ©cider quelle photo choisir pour dĂ©buter et comment mây prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplĂ©mentaires sont passĂ©s. Nous sommes dĂ©sormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminĂ©. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidĂ©os. Se demander si tel passage est justifiĂ©. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mĂ©galomanie et folie.
Jâavais 31 ans et Ă©tais cĂ©libataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. LâannĂ©e de la sortie du premier film Matrix que jâavais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.
Je dois ce premier voyage Ă une amie qui rĂ©sidait alors Ă Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, Ă une heure en train du centre de Tokyo. GrĂące Ă elle et Ă son frĂšre qui mâavait donnĂ© des conseils et mâavait appris ces quelques mots japonais qui mâont Ă nouveau servi en 2024, jâavais vĂ©cu ce voyage extraordinaire.
Et cette semaine oĂč je mâĂ©tais rendu seul Ă Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi quâĂ Hiroshima et sur lâĂźle de Miyajima.
Le numĂ©rique et internet, les rĂ©seaux sociaux, nâen nâĂ©taient pas au stade oĂč ils en sont aujourdâhui pour le pire et le meilleur. Et, je nâavais pas de blog. En plus de divers souvenirs, jâai conservĂ© les photos papier et peut-ĂȘtre leurs nĂ©gatifs de ce sĂ©jour.
Je confirme que pour moi, comme pour dâautres, il y eut un « avant » et un « aprĂšs » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que jâavais gagnĂ© en luciditĂ© sur moi-mĂȘme. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.
Cependant, mĂȘme si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, jây Ă©tais allĂ© en touriste. Et en idĂ©aliste du Japon, de lâAsie en gĂ©nĂ©ral ou des Arts Martiaux. Câest peut-ĂȘtre en raison de cette attitude de touriste que jâai pris autant dâannĂ©es pour retourner au Japon alors que jâavais prĂ©vu dây revenir.
Entre-temps, le Japon Ă©tait devenu un peu plus touristique.
Au cinĂ©ma, le film LâĂ©tĂ© de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelĂ© voire fĂ©minisĂ© le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait Ă©tĂ© pour moi une marque cinĂ©matographique et personnelle lorsque je lâavais vu vers 1997 Ă Paris lors dâun festival consacrĂ© Ă un certain cinĂ©ma asiatique en direct de Hong Kong. Jây avais alors vu des films de « genre » de rĂ©alisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et John Woo…
Kitano, de par ses « polars » faits de violence, dâhumour noir et de poĂ©sie avait Ă©tĂ© le Japonais « infiltrĂ© » du groupe de rĂ©alisateurs prĂ©sentĂ©s.
La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succÚs.
Le succĂšs connu par le Japon sâĂ©tend peu Ă peu, depuis Ă peu prĂšs une dizaine dâannĂ©es, Ă la CorĂ©e du Sud.
En 1999, le Japon Ă©tait peut-ĂȘtre encore la Seconde ou la TroisiĂšme Puissance Mondiale. Peu avant notre sĂ©jour , en juillet 2024, le Japon est devenu la QuatriĂšme Puissance Mondiale Ă©conomique, dĂ©passĂ© par lâAllemagne et devancĂ© par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous Ă©tait favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.
Le voyageur que je suis
Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.
DâemblĂ©e, dans un pays ou une rĂ©gion oĂč je voyage, je pense assez peu Ă des endroits que je tiens particuliĂšrement à « voir » ou à « visiter ». Ou alors trĂšs grossiĂšrement. Ainsi, jâaimerais aller visiter lâAlgĂ©rie ou un pays dâAfrique noire. Mais lâAlgĂ©rie est un grand pays et lâAfrique noire est vaste.
Câest dĂ©jĂ bien que je puisse me dire que, en AlgĂ©rie, jâaimerais bien voir « Alger la blanche », Tlemcen et dâautres villes. Car, ordinairement, jâen suis incapable.
Il mâest arrivĂ© dâacheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou dâen emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis quâils sont trĂšs bien Ă©crits et quâils fournissent des informations culturelles trĂšs importantes et trĂšs divertissantes. Mais je ne parviens pas Ă les ouvrir suffisamment.
Je suis plus rĂ©ceptif Ă des suggestions que lâon peut me faire. JâĂ©coute aussi et je marche facilement et beaucoup.
Comme un fou. Sans nĂ©cessairement savoir oĂč je me rends.
En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous dĂ©placions Ă pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, mâavait un moment dit :
« Jâai lâimpression dâĂȘtre avec un fou ! ».
Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait Ă marcher et qui dĂ©couvrirait son environnement. Et qui croit Ă lâintemporalitĂ©.
Le Masters Tour crĂ©Ă© et proposĂ© par LĂ©o Tamaki, Ă premiĂšre vue, câĂ©tait plutĂŽt lâopposĂ© de tout cela. Mais avant de prĂ©senter un peu LĂ©o Tamaki, je crois important de rappeler comment jâen suis arrivĂ© Ă le « connaĂźtre ».
Une atmosphÚre de pandémie
Jâai eu tendance Ă raconter que jâavais dĂ©couvert LĂ©o Tamaki la premiĂšre fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.
Mais Ă la rĂ©flexion, tout est parti, je crois, de la pandĂ©mie du Covid et de son atmosphĂšre exceptionnellement anxiogĂšne il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourdâhui, nous sommes en plein dans lâambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remportĂ© un certain nombre de mĂ©dailles. Officiellement, tout le monde est content. Câest une ambiance dĂ©tendue ou trĂšs dĂ©tendue qui contraste avec celle des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es qui se sont terminĂ©es la veille de notre dĂ©part le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi quâavec celle connue dĂšs le premier confinement lors de la pandĂ©mie du Covid en mars 2020. MĂȘme si elle camoufle bien des aspects prĂ©occupants de lâactualitĂ©, je prĂ©fĂšre Ă©videmment lâambiance de ces olympiades sportives Ă nos olympiades sanitaires durant la pandĂ©mie du Covid.
Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.
Tant de personnes hospitalisées aprÚs avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.
CâĂ©taient en permanence des auberges de Babel qui sâaccordaient suffisamment afin de nous hĂ©berger dans une atmosphĂšre de fin du Monde au travers de cet acharnement mĂ©diatique. Nous vivions sans la perspective annoncĂ©e de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.
Alors infirmier dans un service de pĂ©dopsychiatrie, jâavais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continuĂ© de circuler, dâavoir donc le droit de prendre lâair lors de certains horaires et dans un certain pĂ©rimĂštre. Et dâexercer.
Si le Covid m’avait physiquement Ă©pargnĂ©, jâĂ©tais nĂ©anmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.
Je nâai pas de tĂ©lĂ©. Mais jâaime lire. Et prĂšs de mon service dâalors, dans le 13Ăšme arrondissement, mĂ©tro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurĂ©e ouverte.
Une oasis.
Je mâĂ©tais dit que lire et pouvoir choisir de lire Ă©tait plus bĂ©nĂ©fique que subir en continu les mĂȘmes images.
Dans cette centrale de presse, jâavais commencĂ© Ă regarder (et Ă acheter) des magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux. Sans doute AĂŻkido et Self & Dragon pour commencer.
Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues mentales, psychologiques, Ă©motionnelles, intellectuelles et culturelles. Et quâils peuvent ĂȘtre des alliĂ©s dans une pĂ©riode de trouble Ă condition quâils permettent ou entretiennent une certaine capacitĂ© dâintrospection, dâempathie et de rĂ©flexion. Ainsi quâun certain optimisme.
En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontrĂ© dans le service oĂč je travaillais alors, dans les annĂ©es 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacitĂ© Ă reprendre le contrĂŽle de lui-mĂȘme lorsqu’il sentait qu’il commençait Ă s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgrĂ© le dĂ©clin de son destin Ă son jeune Ăąge ( moins de 30 ans)- que, de temps Ă autre, certains Ă©vĂ©nements douloureux et tragiques poussent certains Ă associer Ă la psychiatrie.
Je sais aussi que, durant la pandĂ©mie du Covid, un Maitre de Kung Fu que jâavais rencontrĂ© Ă Paris une ou deux fois auparavant a gardĂ© rĂ©guliĂšrement le contact avec ses Ă©lĂšves via Facebook.
Et, je sais aussi que durant la pandĂ©mie du Covid, dĂšs que cela avait Ă©tĂ© possible, un entraĂźneur de boxe française, dans ma ville de banlieue, Ă Argenteuil, a proposĂ© rĂ©guliĂšrement des sĂ©ances dâentraĂźnement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking. Aux enfants comme aux adultes.
Ce sont des initiatives qui dĂ©montrent Ă la fois lâengagement de ces personnes mais aussi que la combattivitĂ© consiste aussi Ă savoir se maitriser comme Ă continuer de proposer autre chose que du pessimisme.
Je crois que beaucoup de personnes mĂ©connaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent ĂȘtre des mĂ©dia dâoptimisme voire d’une certaine libertĂ© individuelle.
Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassé à dire que je suis parti au Japon « avec » un expert en Aïkido ou que je pratique un peu le karaté.
Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu.
Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se rĂ©sument Ă du spectacle et Ă du combat. Cela revient Ă faire le grand Ă©cart et/ou le moonwalk comme MichaĂ«l Jackson ou Ă possĂ©der des pouvoirs ou des « trucs » magiques et acrobatiques devant un public Ă©baubi. Ou Ă faire de lâEPS comme au collĂšge lorsque certaines et certains dĂ©ployaient tout leur gĂ©nie afin dâen ĂȘtre dispensĂ©s.
Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, rĂ©pugnent Ă passer par leur corps pour apprendre Ă sâextraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.
Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester Ă distance Ă lâĂ©tat de vitrine ou dâĂ©clats ultimes sur un Ă©cran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou nâimporte quelle activitĂ© physique et sportive, pour ces personnes, Ă©taient le danger ou un dĂ©chet radioactif mortel implacable et irrĂ©versible qui pouvait les dĂ©figurer ou les anĂ©antir.
A lâinverse, dâautres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme dâun Ă©lixir censĂ© leur procurer tout ce qui a pu leur manquer Ă un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.
La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.
Elle a dâabord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi Ă©conomiquement) que lâon soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous rĂ©vĂ©ler Ă quel point il Ă©tait facile de nous Ă©carteler (diviser) et de nous affoler.
Et, ces magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux que jâai trouvĂ©s ont fait partie de ma petite panoplie de self dĂ©fense mentale afin dâessayer de continuer Ă vivre au mieux.
Je crois que câest de cette façon et dans ce contexte que jâai entendu parler pour la premiĂšre fois de LĂ©o Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons mâont guidĂ© vers lui et dâautres avant lui mais aussi aprĂšs lui.
LĂ©o lâa peut-ĂȘtre oubliĂ© aujourdâhui mais un ou deux ans aprĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, un jour, je lui avais exprimĂ© mes doutes quant au fait que celle-ci allait sâarrĂȘter et quâil serait possible de pratiquer Ă nouveau. CâĂ©tait peut-ĂȘtre avant mon passage au Dojo 5 en Ă©tĂ© 2021 ( Dojo 5).
TrĂšs simplement, il mâavait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je nâavais pas eu besoin de plus.
Masters Tour et LĂ©o Tamaki
Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frÚre Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (prÚs de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.
Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, trÚs impliquée.
Et dâautres.
LĂ©o Tamaki -qui est Ă lâinitiative du projet et qui est en le chef dâorchestre- est un expert en AĂŻkido. Son CV martial est Ă©loquent. Sa pratique martiale lâest tout autant. Quelques quarante annĂ©es dâexpĂ©riences ou davantage.
Bien avant lâAĂŻkido quâil pratique et enseigne depuis plusieurs annĂ©es maintenant, comme beaucoup de Maitres, LĂ©o Tamaki sâĂ©tait auparavant « configurĂ© » dans dâautres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois quâil y a eu du judo, de la boxe thaĂŻ, du karatĂ©âŠ
LĂ©o a du charisme et une autoritĂ© que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu lâapprocher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.
On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une rĂ©duction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue dâobtenir un abonnement gratuit Ă vie Ă la revue Yashima.
Pourtant, chaque fois que lâon parle dâun Maitre, dâun expert, dâun prof, dâun collĂšgue, dâune histoire dâAmour ou dâune personne qui nous a laissĂ© une impulsion salvatrice ou libĂ©ratrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui Ă©taient absents chez d’autres.
Et cela y compris sous dâautres latitudes que celles de la pratique martiale.
Je peux donc trĂšs facilement citer dâautres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :
Stephan, Le prof de plongĂ©e qui, en Guadeloupe, mâavait fait passer mon baptĂȘme puis mes deux premiers niveaux de plongĂ©e ; Yves, le responsable de la section apnĂ©e du club dont je fais partie; Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karatĂ© prĂ©fĂ©rĂ© » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages tĂ©lĂ©phoniques quâil a pu me laisser. Mais aussi certains collĂšgues dans mon travail Ă mes dĂ©buts ( ou Ă leurs dĂ©buts) et plus tard, en psychiatrie, et en pĂ©dopsychiatrie, dans les services oĂč j’ai travaillĂ©, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, MichaĂ«l, une infirmiĂšre, Katia, le premier pĂ©dopsychiatre avec lequel j’ai travaillĂ©, le Dr Bruno RistâŠ
Du cĂŽtĂ© artistique et musical, je pourrais citer beaucoup dâartistes, de Miles Davis, Ă Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusquâĂ Lana Del Rey bientĂŽt au festival Rock en SeineâŠ
Au mieux, lâĂ©mulation voire la compĂ©tition qui dĂ©coulent de notre attirance pour le charisme dâune personnalitĂ© nous inspirent et amĂšnent des grandes Ćuvres et des beaux projets.
Au pire, on se contente de singer le modĂšle, de quiproquos, de rapports de domination ou dâune admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.
A cÎté de ce charisme et de cette autorité, Léo a quelques particularités.
Il est par exemple trĂšs Ă lâaise avec les rĂ©seaux sociaux. Il tient un blog, poste rĂ©guliĂšrement des vidĂ©os ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutĂŽt Ă lâaise avec les interactions sociales ainsi quâen interview : il ne passe pas son temps Ă regarder ses pieds ou Ă tchiper lorsquâon lui adresse la parole.
En bon manager, il sait aussi trĂšs bien choisir ses associĂ©es, associĂ©s et partenaires directs. Et, rĂ©guliĂšrement, il crĂ©e et propose des Ă©vĂ©nements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses » troupes mais aussi trĂšs exigeants en implication personnelle et en travail dâorganisation⊠et dâimprovisation.
Pour ma part, je ne sais pas faire « tout » ça ou je ne le souhaite pas.
Ce Masters Tour au Japon, comme les prĂ©cĂ©dents et comme ces stages dâAĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ proposĂ©s par LĂ©o et par les enseignants de son Ă©cole, est ouvert aux pratiquants dâautres disciplines, quâils soient experts ou dĂ©butants.
Il est dâautres Ă©vĂ©nements proposĂ©s ailleurs, par dâautres experts ou Maitres dâArts Martiaux, mais ce sĂ©jour au Japon a fait partie des bonus pour moi.
Motivations et conditions pour participer au Masters Tour :
« Surtout, ne regarde pas à la dépense ! »
Câest ce que mâa recommandĂ© avant ce Masters Tour, cette mĂȘme amie qui, vingt cinq ans plus tĂŽt, mâavait encouragĂ© Ă faire un prĂȘt avant mon premier voyage au Japon.
Lorsque jâai revu cette amie Ă Paris deux ou trois semaines avant mon dĂ©part, je me souviens avoir Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par son regard au moment de nous dire au revoir prĂšs de la gare de lâEst.
JâĂ©tais dans la mesure pratique de mon quotidien. Jâallais retourner au Japon et je me focalisais sur des dĂ©marches Ă faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien mâassurer de lâinscription administrative de ma fille au collĂšge ou, simplement, recevoir lâofficialisation de son passage en sixiĂšme. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle Ă©tait dĂ©jĂ dans lâavion pour moi.
Je suis venu en amateur Ă ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.
En curieux.
Sans trop dâattentes dĂ©mesurĂ©es, je crois.
Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, jâai du mal Ă me percevoir comme un passionnĂ© des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. MĂȘme si cela peut me flatter- et mâĂ©tonner- que lâon me puisse me dĂ©crire de cette maniĂšre.
Budget pour le Japon
Les premiĂšres fois que jâai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage mâest apparu exorbitant voire mĂ©galo :
5000 euros pour trois semaines.
CâĂ©tait Ă peu prĂšs il y a deux ans. Avant de participer pour la premiĂšre fois aux 24 heures du SamouraĂŻ au dojo dâHerblay en 2023, un Ă©vĂ©nement Ă©galement proposĂ© par LĂ©o et les enseignants et pratiquants de lâĂ©cole dâAĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ. ( voir Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024 ).
Puis, je me suis rappelĂ© que le Japon est une destination chĂšre. Je vois le sĂ©jour au Japon comme un sĂ©jour rĂ©servĂ© Ă des privilĂ©giĂ©s ne serait-ce que dâun point de vue Ă©conomique.
En 1999, jâavais dâabord payĂ© environ 7800 francs mon billet dâavion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. Jâavais alors cru avoir fait le principal en termes dâeffort financier.
Puis, quelques jours avant mon dĂ©part, jâavais lu quâil fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. Jâallais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.
En 1999, peu avant mon départ pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 à 1000 francs par jour.
Sur les conseils dâune amie, jâavais alors demandĂ© et obtenu un prĂȘt revolving de 20 000 francs que jâavais ensuite remboursĂ© en deux ans.
Un prĂȘt que je nâai jamais regrettĂ© dâavoir demandĂ© et obtenu. Jâavais alors Ă©tĂ© trĂšs Ă lâaise financiĂšrement durant mon sĂ©jour dâun mois au Japon.
Les 30 000 francs de lâĂ©poque Ă©quivalent sans aucun doute Ă peu prĂšs aux 5000 euros nĂ©cessaires cette annĂ©e afin de pouvoir participer Ă ce Masters Tour et ĂȘtre logĂ©s. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres dâArts martiaux, pratiquer, visiter diffĂ©rents endroits auxquels spontanĂ©ment, je nâaurais pas pensĂ©, avec quelquâun qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.
Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :
repas, restaurants, dĂ©penses diverses et personnelles ( vĂȘtements, Ă©lectronique, mantras, baleines, autres…).
Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.
Jâai Ă nouveau fait le nĂ©cessaire afin dâĂȘtre dĂ©tachĂ© le plus possible des Ă©ventuelles contraintes financiĂšres de lâexpĂ©rience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prĂ©vu un budget dĂ©penses situĂ© entre 4000 et 5000 euros.
J’avais aussi payĂ© deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă Holafly) avec un forfait illimitĂ© durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opĂ©rateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.
Et, je m’Ă©tais achetĂ© auparavant deux smartphones reconditionnĂ©s, donc Ă prix rĂ©duit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les rĂ©seaux sociaux, les Ă©ventuels appels, les photos et les vidĂ©os.
Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidéos.
LĂ©o nous avait recommandĂ© de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos dĂ©placements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’Ă©tais donc parti en acheter une et elle m’a donnĂ© satisfaction durant le sĂ©jour. C’est dĂ©sormais ma compagne et ma fille qui en profitent Ă la RĂ©union.
On peut me trouver trĂšs Ă l’aise financiĂšrement. Alors, je rappelle mon Ăąge :
56 ans, cette annĂ©e. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon prĂ©cĂ©dent voyage au Japon datait de 1999. J’ai donc particuliĂšrement tenu Ă refuser que l’aspect financier vienne me gĂącher ce voyage peu ordinaire.
Le prix des billets pour certaines Ă©preuves olympiques ( jâai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale dâathlĂ©tisme du 100 mĂštres aux JO de cette annĂ©e en France) mâa dâautant plus confortĂ© dans lâidĂ©e que mon argent Ă©tait « mieux » employĂ© en partant pour le Japon. MĂȘme si, plus tard, jâai profitĂ© dâune opportunitĂ© pour racheter deux places afin dâemmener ma fille assister Ă des Ă©preuves de Judo aux Jeux Olympiques.
Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons  » connu » durant ces trois semaines, je considĂšre que notre argent a Ă©tĂ© trĂšs bien utilisĂ©. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :
Jusqu’Ă trois Ă quatre visites de temples, parcs ou de musĂ©es ( ou plus) certains jours. Les entraĂźnements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changĂ© d’hĂŽtel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hĂŽtels plutĂŽt haut de gamme, trĂšs Ă©loignĂ©s des standards du formule 1, et proches des gares.
Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes oĂč nous avons sĂ©journĂ©. Et, j’en oublie peut-ĂȘtre une ou deux.
Nous avons rĂ©guliĂšrement reçu des suggestions de lieux Ă visiter lĂ oĂč nous nous trouvions.
Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.
Les 140 du Masters Tour :
Je nâai rien dâoriginal.
Sans doute que beaucoup dâautres sont venus Ă ce Masters Tour en ayant Ă peu prĂšs les mĂȘmes prĂ©occupations tant financiĂšres que personnelles.
Cette annĂ©e, nous Ă©tions un peu plus de 140 Ă venir probablement pour des raisons identiques au dĂ©part ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » LĂ©o Tamaki sur les rĂ©seaux sociaux ou pour lâavoir rencontrĂ© lors dâun stage dâAĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ ou aux 24 heures du SamouraĂŻ.
Puisque LĂ©o Tamaki passe environ 200 jours par an Ă animer des stages dâAĂŻkido un peu partout dans le monde. Et quâil publie rĂ©guliĂšrement au moins sur Facebook.
142, câĂ©tait plus que les autres fois oĂč, au plus haut, il y avait eu jusquâĂ 90 participants. Ce qui Ă©tait dĂ©jĂ beaucoup comparativement Ă la trentaine de participants prĂ©sents lors dâĂ©ditions prĂ©cĂ©dentes. Jâai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre dĂ©part.
Certains participants sont restĂ©s deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants Ă©taient dĂ©jĂ venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des Ă©lĂšves de LĂ©o revenait pour la quatriĂšme ou cinquiĂšme fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expĂ©rience.
De par ma participation aux 24 heures du SamouraĂŻ de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux Ă©ditions des 24 heures du SamouraĂŻ m’avait permis de mĂ©moriser certains visages. Autrement, j’ai dĂ©couvert sur place tous les autres lors du sĂ©jour.
Ainsi que « mes » co-locataires.
Puisque j’ai partagĂ© ma chambre d’hĂŽtel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karatĂ© shotokan. Puis, G, pratiquant d’AĂŻkido aprĂšs que sa femme et leurs deux enfants soient retournĂ©s en France aprĂšs la deuxiĂšme semaine.
J’ai aussi appris sur place que cette annĂ©e correspondait Ă la dixiĂšme annĂ©e de la crĂ©ation de l’Ă©cole d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ crĂ©Ă©Ă© par LĂ©o, Issei, Tanguy et Julien.
Jâavais bien sĂ»r imaginĂ© que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebutĂ©.
Ce « succÚs » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.
Jâinsiste sur ce point de la mĂ©diatisation et des rĂ©seaux sociaux car bien des experts et Maitres dâArts Martiaux toujours en activitĂ© passent inaperçus ou sont oubliĂ©s en raison dâune certaine invisibilitĂ© mĂ©diatique, voulue ou subie, faisant dâeux peut-ĂȘtre ce que lâon appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de lâombre » mâa trĂšs vite intriguĂ© lorsque je lâai dĂ©couvert et me rappelle aujourdâhui, aussi, ces thĂ©s dâombre qui peuvent ĂȘtre produits au Japon Ă©galement.
Si la mĂ©diatisation peut apporter son cortĂšge dâembarras et nĂ©cessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisĂ©e et bien tolĂ©rĂ©e, avoir un certain nombre dâavantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous Ă lâaise de la mĂȘme façon avec la mĂ©diatisation ou avec le fait dâĂȘtre en interaction constante ou rĂ©pĂ©tĂ©e avec nos semblables.
DĂ©sillusions
Ce sont des dĂ©sillusions que jâai dĂ©jĂ pu connaĂźtre ailleurs et que je pourrais Ă nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idĂ©e prĂ©conçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que jâanticipe trop le dĂ©roulement dâun Ă©vĂ©nement car je suis plus dans lâattente dâun signe, dâun geste, dâun Ă©vĂ©nement ou dâune ouverture que je souhaite.
Jâai sĂ»rement trop idĂ©alisĂ© les interactions sociales et humaines que jâattendais lors de ce Masters Tour 2024.
Je les voulais selon mes souhaits.
Je mâimaginais que des pratiquants dâArts martiaux auraient les mĂȘmes perceptions que moi. Quâils seraient « ouverts » et plutĂŽt zen.
Jâai dĂ©chantĂ©. Et câest normal.
Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances oĂč je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passĂ© depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, câest assez souvent le contraire de ce que l’on prĂ©voit :
Les gens rĂ©agissent diffĂ©remment de ce Ă quoi lâon sâattend.
Je me ferai peut-ĂȘtre des amis Ă la suite de ce Masters Tour 2024 -ou mĂȘme des ennemis Ă la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prĂ©vu.
Je me rappelle que les premiĂšres fois que jâavais rencontrĂ© mon meilleur ami au collĂšge, il mâĂ©tait insupportable. Et, il avait fallu plusieurs annĂ©es pour que nous devenions amis.
Toutefois, il importe rapidement dâapporter de la nuance et des prĂ©cautions Ă mes propos :
Jâai bien sĂ»r connu des moments rĂ©pĂ©tĂ©s de dĂ©tente et de visites, improvisĂ©s et dĂ©cidĂ©s avec dâautres participants du Masters Tour 2024.
Jâai mĂȘme pris la libertĂ© certaines fois de rester dans mon coin.
Mais, visiblement, en dâautres circonstances, mes prioritĂ©s sociales diffĂ©raient de celles dâautres participantes et participants.
Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.
Mais, Ă mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face Ă soi-mĂȘme, et en dehors du tatami.
Et, dans certains compartiments de la vie sociale, lĂ , jâai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ©.
Pendant ces trois semaines, jâai pris soin, un certain nombre de fois, dâessayer dâaller vers les autres. De discuter avec eux. Dâapprendre leurs prĂ©noms.
Vers autant de personnes que je le pouvais. Je nây suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayĂ©. Et je crois avoir retenu plus de prĂ©noms que de participants nâont retenu le mien. Jâai aussi bien vu que dâautres participants Ă©taient assez isolĂ©s par intermittences en dehors du tatami.
ParallĂšlement Ă cela, un certain nombre de participantes et de participants ne sâembarrassaient pas avec ce genre dâapplications sociales superflues. Elles et Ils ont nĂ©anmoins peut-ĂȘtre essayĂ© au dĂ©but du Masters Tour dâaller vers les autres.
Ce sont peut-ĂȘtre aussi des rĂ©actions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que lâon nâa pas choisies. Et de se voir et de se revoir frĂ©quemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela nâest pas dans nos habitudes.
On reste entre soi. Avec des personnes que lâon connaĂźt dĂ©jĂ (souvent depuis des annĂ©es) ou avec lesquelles on est (dĂ©jĂ ) venu Ă des Masters Tour prĂ©cĂ©dents. On passe sans dire bonjour. Celle ou celui que je ne connais pas ou qui nâest pas de ma discipline martiale ou de mon niveau nâexiste pas. Ou trĂšs peu.
On se prĂ©cipite pour rester avec celles et ceux que lâon connaĂźt dĂ©jĂ et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont lĂ mais qui nâexistent pas. A lâhĂŽtel, on sort de lâascenseur que lâon a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivĂ© Ă notre Ă©tage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.
Il mâest arrivĂ© de penser que cela faisait partie des Ă©preuves informelles et implicites du Masters Tour. Quâil sâagissait que le nouveau ou lâinconnu se fasse connaĂźtre et accepter ou endure lâĂ©preuve de lâanonymat. AprĂšs tout, dans certaines traditions dâapprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle nâa pas de visage, de nom ou mĂȘme de matiĂšre. Elle ou il est lĂ pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit Ă petit, son statut Ă©voluera. Si elle ou il persĂ©vĂšre.
On Ă©tait bien entre guerriĂšres et guerriers ?! Donc, pourquoi se prĂ©occuper des autres et de ces facilitĂ©s- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persĂ©vĂ©rer et que tout le monde nous aime toujours ?
Cependant, ces attitudes dâĂ©vitement Ă©taient par moments tellement caricaturales – voire comiques- quâelles relevaient davantage, de mon point de vue, dâune difficultĂ© Ă entrer simplement en relation avec celle ou celui que lâon ne connait pas. Qui est peut-ĂȘtre un ennemi dĂ©guisĂ© sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…
Dire bonjour Ă quelquâun Ă©tait peut-ĂȘtre plus difficile Ă prononcer pour certaines et certains que dâavaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir.
Il a pu arriver quâĂ la fin dâune sĂ©ance dâentraĂźnements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prĂ©nom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. Jâai alors toujours donnĂ© la mĂȘme rĂ©ponse :
Non.
Mais je suis sĂ»rement beaucoup trop photosensible. Et jâexagĂšre sans doute. Je me la pĂšte aussi trĂšs certainement beaucoup.
Il y a eu nĂ©anmoins des Ă©claircies, je le rĂ©pĂšte. Des pĂ©riodes oĂč jâai connu des moments agrĂ©ables avec dâautres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprĂ©vues devant la laverie automatique.
Et, je le prĂ©cise : jâai vu dâautres participants ĂȘtre par moments isolĂ©s, sans doute par choix, mais aussi, Ă mon avis, parce quâils avaient commis lâerreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie dâun groupe, duo ou trio.
Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » Ă dâautres adeptes du karatĂ© shotokan parce-que je pratique un peu le karatĂ© shotokan. Sauf que mon identitĂ© et ma valeur, câest dâabord mon prĂ©nom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnĂ©e quâelle soit martiale ou autre :
Je suis une personne avant dâĂȘtre un pratiquant que ce soit de karatĂ© ou dâune autre pratique. Et, mĂȘme si la pratique martiale- ou une autre pratique- rĂ©vĂšle toute ou partie de la personne que lâon est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux ĂȘtre.
Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour » voire, plus difficile, de connaĂźtre mon prĂ©nom. ça donne peut-ĂȘtre une idĂ©e de la trĂšs haute opinion que jâai de moi-mĂȘme et aussi de mon ego surdimensionnĂ©.
Mais, visiblement, dâautres participantes et participants ont eu le rĂ©flexe inverse. Et, jâaurais eu plus « dâattraits » y compris dâun point de vue sociĂ©tal si jâavais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.
Je crois que câest une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants dâavoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancĂ© dans leur pratique martiale quâil sâagisse dâAĂŻkido ou de karatĂ©.
Je rĂ©pĂšte aussi que jâai dĂ©jĂ assistĂ© peu ou prou Ă ce type de comportement dans dâautres domaines :
Lorsquâil mâest arrivĂ© de faire du journalisme cinĂ©ma en tant que bĂ©nĂ©vole, jâai pu croiser des journalistes cinĂ©ma professionnels, certes rĂ©putĂ©s et rĂ©munĂ©rĂ©s, mais que jâai perçus comme des handicapĂ©s de la relation sociale. Je me rappelle de mon enthousiasme Ă mâadresser pour la premiĂšre fois, lors dâune projection de presse, Ă un journaliste cinĂ©ma de TĂ©lĂ©rama dont jâavais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci mâavait rĂ©pondu ne disait rien de ses jours de fĂȘte. Jâavais rencontrĂ© des personnes beaucoup plus joyeuses Ă un enterrement.
Jâai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachĂ©es de presse mettre sur un piĂ©destal certains journalistes employĂ©s par des mĂ©dia renommĂ©s tel TĂ©lĂ©rama. Quâest-ce qui mâavait fondamentalement sĂ©parĂ© de ces journalistes cinĂ©ma mis sur un piĂ©destal ?
Le fait que jâĂ©crivais pour un mĂ©dia moins diffusĂ© en tant que bĂ©nĂ©vole. Il aurait suffi oĂč il suffirait que demain, jâĂ©crive ou travaille pour un mĂ©dia reconnu et important et, lĂ , on me donnerait du « Monsieur » mĂȘme si mes articles sont Ă©crits par une banane en dĂ©composition.
Dans « mon » club de karatĂ©, il a pu arriver quâun pratiquant nĂ©cessairement bien plus ancien que moi et plus gradĂ© se contente de mâappeler « Ceinture jaune ! ». Jâai alors expliquĂ© calmement que mon prĂ©nom Ă©tait trĂšs diffĂ©rent. Et, intĂ©rieurement, il mâest arrivĂ© de mâamuser en considĂ©rant que ces anciens (qui peuvent ĂȘtre nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karatĂ© ou deux, situĂ© Ă quelques minutes de leur domicile alors quâil me faut une heure de transport, et que je nâai jamais vu aucun dâeux aux 24 heures du SamouraĂŻ.
Dans un service de psychiatrie adulte oĂč il mâarrivait de faire des remplacements, une infirmiĂšre du service dont je connaissais le prĂ©nom mâavait interpellĂ© un jour, comme je revenais, de la maniĂšre suivante :
« Pédopsy ? ». Elle avait eu une soudaine réminiscence. Je lui avais confirmé puis répondu :
« Mais, tu sais, mon prĂ©nom, ce nâest pas pĂ©dopsy⊠».
Ces exemples pour montrer que ce qui sâest passĂ© avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcĂ©ment des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimĂ©es supĂ©rieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancĂ© que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospĂšres et profondes sont possibles. Mais cela passe par diffĂ©rentes Ă©tapes proches de lâorpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaĂźtre. Et, Ă la fin de ce Masters Tour, jâai aussi remarquĂ© que certains, plus distants ou indiffĂ©rents en apparence Ă premiĂšre vue mâavaient identifiĂ© et commençaient Ă sâautoriser Ă me parler un peu.
Jâavais simplement idĂ©alisĂ©- et cru- de maniĂšre enfantine quâau travers des Arts Martiaux, il Ă©tait plus simple de rencontrer dâautres ĂȘtres humains.
Si les Arts Martiaux peuvent ĂȘtre des mĂ©dia, ils peuvent aussi servir de masques ou dâarmures. Câest peut-ĂȘtre dâailleurs lâun des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, OpĂ©ration Dragon.
Lors du Masters Tour, Ă notre arrivĂ©e Ă la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusquâĂ lâhĂŽtel situĂ© Ă Ă peine dix minutes Ă pied. Je nâen veux pas Ă LĂ©o et Ă Issei malgrĂ© la cadence imprimĂ©e au groupe afin dâarriver Ă une certaine heure Ă lâhĂŽtel. Par contre, embarrassĂ© par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tĂŽt, en descendant les marches dâescaliers, quelques participants avaient failli ĂȘtre les tĂ©moins dâune superbe cascade que jâavais failli rĂ©aliser malgrĂ© moi avec ma valise. Je dois Ă des rĂ©flexes et au fait dâavoir portĂ© mes Doc Martens dâavoir pu rĂ©tablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident mâa stupidement incitĂ© Ă la prudence par la suite.
Or, lâĂ©tat dâesprit « Sauve qui peut ! » et « Chacun pour soi ! » lâa emportĂ© chez beaucoup. Et, arrivĂ©s Ă la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver Ă lâhĂŽtel.
Un seul participant du groupe a eu la prĂ©sence dâesprit de se retourner et de voir que jâĂ©tais Ă la traĂźne. Et de mâattendre. ChargĂ© comme je lâĂ©tais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.
Sans ce participant, jâaurais trouvĂ© lâhĂŽtel puisquâil nâĂ©tait pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.
Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.
Mais jâai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© par cette absence dâattention du groupe pour quelquâun dâautre. Et cette façon de foncer tĂȘte la premiĂšre vers la destination qui Ă©tait lâhĂŽtel dans cette ville que nous dĂ©couvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadĂ© que jâaurais eu cette attention pour quelquâun dâautre Ă l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expĂ©rimentĂ© pour moi.
Une attention qui, mĂȘme si elle lui a semblĂ© tout Ă fait normale, et quâil a sans doute aujourdâhui oubliĂ©e, est pour moi devenue quasiment indĂ©lĂ©bile dans ma mĂ©moire.
Jâexprime ici quelles ont pu ĂȘtre mes dĂ©sillusions, et mes incomprĂ©hensions, par moments, lors de ce Masters Tour.
Mais il Ă©tait sĂ»rement impossible pour quiconque dâĂ©chapper Ă une quelconque dĂ©sillusion ou incomprĂ©hension, Ă un moment ou Ă un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracĂ© Ă©tait dirigĂ©e. Et oĂč il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire, rĂ©guliĂšrement, de toutes façons, de sâadapter Ă diverses Ă©chĂ©ances et circonstances. Au point, quâil mâest arrivĂ© de me dire quâen participant Ă ce Masters Tour, on faisait partie intĂ©grante- jusquâĂ un certain point- du systĂšme Tamaki.
Mais il y a le « systĂšme » Tamaki et la façon dont on reste soi-mĂȘme. Etre perçu Ă ce point par moments comme un corps Ă©tranger, par certaines et certains, mâa dĂ©rangĂ©.
Corps Ă©tranger
Jâestime avoir autant voire plus appris durant ce sĂ©jour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques dĂ©ambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des sĂ©ances dâentraĂźnement :
Quand, lors de la deuxiĂšme semaine de ce Masters Tour, jâai « oubliĂ© » mes armes dans le bus Ă Kyoto, jâĂ©tais certes fatiguĂ© et distrait, mais jâavais aussi manquĂ© de prĂ©sence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :
MĂȘme fatiguĂ© et distrait, je nâaurais pas oubliĂ© ma fille dans un bus que ce soit Ă Kyoto ou ailleurs. Jâai oubliĂ© ces armes dans le bus (finalement retrouvĂ©es grĂące au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles Ă©taient alors pour moi des corps Ă©trangers.
AprĂšs avoir oubliĂ© ces armes, et en avoir Ă©tĂ© privĂ© durant deux jours, jâai perçu leur importance et leur singularitĂ© lorsque jâai compris quâil Ă©tait difficile dâen retrouver des semblables vu quâelles avaient Ă©tĂ© constituĂ©es dans ce bois rare et lĂ©ger dont LĂ©o nous avait parlĂ© avant notre dĂ©part.
Deux leçons fondamentales
Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour lâinstant, sont dâabord ces deux commentaires que mâont faits tour Ă tour LĂ©o puis Issei en pleine sĂ©ance :
« Tu es trop bienveillant ». « Tu réfléchis ? » (synonyme de « Tu réfléchis trop »).
Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.
Pas tout le temps.
Mais suffisamment pour mâempĂȘcher dâĂ©voluer certaines fois. Depuis plusieurs annĂ©es, jâai plus (tenu) Ă dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© bienveillant quâĂ dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© tranchant. Mon cĂŽtĂ© tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excĂšs de bienveillance.
Il arrive que de temps Ă autre, on me dise :
« Câest parce-que tu es infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etcâŠ. ».
De la mĂȘme maniĂšre que jâai dĂ©menti ĂȘtre une personne passionnĂ©e, je vais ici dĂ©mentir le fait dâavoir une quelconque vocation pour le mĂ©tier dâinfirmier comme le fait dâĂȘtre « bienveillant » par effet de ruissĂšlement parce-que je suis infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie.
Certains tortionnaires ont pu ĂȘtre et sont des mĂ©decins ou des soignants. Je pourrais trĂšs bien faire partie de ces tortionnaires.
Pour simplifier, « LâĂšre » nazie a donnĂ© de « bons » exemples de mĂ©decins tortionnaires. Et, malheureusement, je nâai aucune difficultĂ© Ă concevoir que lors du gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participĂ© au massacre. DĂšs lors quâune forme de folie meurtriĂšre devient « normale », « fĂ©conde » et « collective », toutes les catĂ©gories sociales et professionnelles peuvent se rĂ©vĂ©ler zĂ©lĂ©es et entreprenantes pour participer au « grand projet » qu’est un gĂ©nocide. Câest un vĂ©ritable film dâhorreur mais pour de vrai.
Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de maniĂšre spontanĂ©e et stimulĂ©e, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et Ă©conomique oĂč lâon exerce, et selon la conscience que lâon a de soi et des autres, va et peut se dĂ©velopper ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nĂŽtres que lâon accepte ou que lâon refuse.
Jâaurais pu ĂȘtre tout autant quelquâun de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.
Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bĂ»cher des innocents) un journaliste comme Ted Conover ( auteur de LĂ oĂč la terre ne vaut rien) ou Joseph Kessel lorsquâil a Ă©critAvec les Alcooliques anonymes ont Ă mon avis une bienveillance supĂ©rieure Ă bien des personnes.
La bienveillance part dâeux. Ensuite, ils sont parvenus Ă la monnayer ou Ă en faire un mĂ©tier mais aussi un moteur de leur carriĂšre.
Moi, jâen suis au stade oĂč je pense que ma bienveillance voire ma « sur » bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de lâutiliser Ă des fins que jâestime plus utiles et rĂ©paratrices. Câest une façon de la maintenir Ă distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir lâutiliser afin dâen faire une Ćuvre dâart ou une Ćuvre socialement responsable et collective, câest donnĂ© Ă peu de personnes :
Le plus souvent, lorsque lâon est coutumier de lâusage de la violence, soit on dĂ©truit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se dĂ©truit soi-mĂȘme.
Picasso et Miles Davis Ă©taient des personnes violentes et destructrices. Mais malgrĂ© tout, ils ont pu crĂ©er et câest ce que beaucoup prĂ©fĂšrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse sâest autodĂ©truite quasiment en direct live et câest la raison pour laquelle jâai beaucoup de mal Ă comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir Ă assister Ă certains de ses concerts. Et, jâai du mal Ă aimer sa musique pour les mĂȘmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rĂ©tro comme corsetĂ©e dans une Ă©poque qui ne pouvait pas la retenir.
Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des ĂȘtres totalement pacifiĂ©s et expurgĂ©s de tout conflit intĂ©rieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour dâautres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des Ă©quivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repĂšres et des guides.
Le but de ce cadre, de ces repĂšres et de ces guides, câest dâĂ©viter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur lâHumanitĂ© et de permettre Ă cette derniĂšre de subsister, de sâexprimer et de se consolider le plus possible.
Mais tout excĂšs, mĂȘme lorsquâil sâagit de bienveillance, est Ă attĂ©nuer.
Câest peut-ĂȘtre pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sĂ»r mais aussiâŠ.des armes blanches.
Acheter un iaitĆ :
Je nâĂ©tais pas du tout venu au Japon avec lâintention dâacheter un iaitĆ.
Lorsque LĂ©o en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concernĂ©. Je voyais cela comme une espĂšce dâexcentricitĂ© coĂ»teuse et dĂ©corative. Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posĂ© sur un mur pour faire joli ou pour intimer :
«Mon secret, câest que je suis un samouraĂŻ, une personne trĂšs redoutable, car jâai un katana commandĂ© sur internet accrochĂ© au mur dans mon salon ».
Jâai quelques fois la naĂŻvetĂ© de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indĂ©tectables et se fondre dans la masse. On lâa trĂšs bien « vu » (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces derniĂšres annĂ©es.
Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitĆ devant moi dans la boutique Sakuraya.
Curieux, je lâai regardĂ© faire. Il a Ă©tĂ© conseillĂ© par Issei.
Ensuite, puisque jâĂ©tais lĂ , autant en profiter pour toucher. Jâen ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de prĂ©caution que mes mains mal habitĂ©es le pouvaient.
Jâai ressenti quelque chose. Jâai ressenti de la vie. Ce nâĂ©tait pas un objet ni un geste inerte. CâĂ©tait une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, apprise, maitrisĂ©e, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.
Je peux vraiment dire que câest ce que jâai ressenti plus que ce que jâai vu ou lâenvie de possĂ©der une « arme » qui mâa incitĂ© Ă faire cette acquisition mais aussi Ă mâembarrasser ensuite Ă la porter dâhĂŽtel en hĂŽtel, de shinkansen en shinkansen jusquâĂ lâaĂ©roport.
Alors que voyager léger et le moins encombré possible facilitait beaucoup nos déplacements avec nos bagages.
Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expĂ©rimentĂ© m’indiquait que j’avais achetĂ© un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important.
A mon retour en France, j’ai commencĂ© Ă chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitĆ. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitĆ n’est pas un objet de dĂ©coration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sĂ»rement des erreurs grossiĂšres et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le prĂ©serve de la poussiĂšre.
Quelques jours aprĂšs avoir achetĂ© « ce » iaitĆ, j’aurais aimĂ© m’ĂȘtre aussi fiĂ© Ă ce que je ressentais en touchant un Jeans Ă Kurashiki. Jâ y ai dĂ©laissĂ© un Jeans auquel je continue de penser depuis.
Car j’ai voulu me raisonner. Je porte trĂšs occasionnellement des Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais dĂ©jĂ achetĂ© deux.
Jâai un moment envisagĂ© de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramenĂ© ce Jeans quasiment au prix dâun diamant !
Jâai quand mĂȘme vĂ©cu beaucoup de bons moments lĂ -bas. Alors, pourquoi, Ă certains moments ai-je disparu du groupe ?
La vie en groupe, premiĂšre semaine :
Jâai Ă©crit quâun certain nombre de participantes et participants sont restĂ©s entre eux. Jâai nĂ©anmoins bĂ©nĂ©ficiĂ© aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.
Durant la premiÚre semaine, je me suis abreuvé principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre.
CâĂ©tait trĂšs agrĂ©able. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela Ă©tait trĂšs confortable et je nâavais pas beaucoup Ă rĂ©flĂ©chir sur ce qui mâenvironnait. Tout ce que jâavais Ă faire, câĂ©tait ĂȘtre Ă lâheure et faire avec les autres ou comme tous les autres.
Au prĂ©alable, jâavais toutefois effectuĂ© le minimum. Jâavais pensĂ© Ă retirer des yens en espĂšces dĂšs le dĂ©but de mon sĂ©jour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux trĂšs avantageux pour lâeuro). Jâavais achetĂ© un tĂ©lĂ©phone portable reconditionnĂ© qui acceptait la carte e-sim et jâĂ©tais reliĂ© en permanence (et trĂšs facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.
Nos journĂ©es Ă©taient quotidiennement rythmĂ©es par lâengrais des informations qui venaient rĂ©guliĂšrement fertiliser nos messageries whatsApp.
La vie en groupe, deuxiÚme semaine : Ne Pas déranger
En dĂ©but de deuxiĂšme semaine, jâavais digĂ©rĂ© le dĂ©calage horaire et avais commencĂ© Ă comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses rĂšgles liĂ©es Ă la ponctualitĂ© qui consiste Ă ĂȘtre en avance de dix Ă quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas dĂ©ranger » rappelĂ© rĂ©guliĂšrement par LĂ©o et Issei.
Mais, surtout, jâai alors fait une grande dĂ©couverte :
JâĂ©tais devenu un bovidĂ©.
Je me contentais de suivre et de boire Ă grands traits quand on me le disait et lĂ oĂč lâon me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller Ă Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui Ă©tait bien moins touristique que celui « retrouvĂ© » cette annĂ©e oĂč on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou AmĂ©ricain. Mais oĂč jâai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine dâannĂ©es ainsi que des NigĂ©rians.
Câest probablement au dĂ©but de cette deuxiĂšme semaine que jâai vraiment vu que certaines et certains prĂ©fĂ©raient rester entre eux pratiquant dâune certaine façon le « chacun pour soi ».
A cela sâest additionnĂ© un certain Ă©tat dâesprit « sauve qui peut ». Lâesprit « sauve qui peut », câest cette tension ou cette anxiĂ©tĂ©, voire cette quasi-Ă©pouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsquâil sâagissait de se dĂ©placer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou lâinquiĂ©tude de se perdre. De rester Ă quai. Ou dans le shinkansen.
Sans le groupe.
Ces observations m’ont amenĂ© Ă rĂ©flĂ©chir Ă celui que j’Ă©tais et que j’avais oubliĂ© : j’aime ĂȘtre en relation avec les gens mais pas Ă n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermĂ© dans un groupe.
La vie en groupe, troisiĂšme semaine : « On dirait quâil fait tout le temps, la gueule ! ».
Lors de la premiĂšre semaine du Masters Tour environ, jâavais Ă©tĂ© surpris dâapprendre par un participant que certaines personnes avaient lâimpression que je faisais « tout le temps, la gueule ! ».
Jâavais rĂ©pondu Ă ce participant quâen une semaine de Masters Tour, jâavais appris ça :
« Si les gens étaient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux ».
Une remarque que jâavais Ă©tendue aussi aux pratiquantes et pratiquants dâapnĂ©e.
Jâavais ensuite ajoutĂ© que ces personnes qui sâĂ©taient formalisĂ©es Ă mon sujet Ă©taient trĂšs peu venues me parler.
Mais, rĂ©trospectivement, ces personnes avaient peut-ĂȘtre un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcĂ© Ă sourire. Et quâil est dâautres moments oĂč jâai pu rester trĂšs sĂ©rieux ou concentrĂ©.
Dâun autre cĂŽtĂ©, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du mĂȘme club ou aient optĂ© pour se rĂ©unir en personnes de la mĂȘme discipline. Ce voyage sera pour eux mĂ©morable et leur a sans aucun doute- je le crois et je lâespĂšre- rĂ©servĂ© des moments trĂšs privilĂ©giĂ©s.
Pour ma part, mĂȘme si, dans lâidĂ©al, jâaurais aimĂ© faire autrement, je continue de croire que jâai pris la meilleure dĂ©cision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements dâhĂŽtel, de la chaleur humide (plus de trente degrĂ©s tous les jours en moyenne), de la variabilitĂ© de nos horaires selon les circonstances, de la nĂ©cessitĂ© de sâadapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraĂźnements, je trouve quâil est difficile de pouvoir sây ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.
On pourra me dire quâune vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre dâapprendre Ă se concentrer sur lâessentiel.
Je rĂ©pondrais quâil mâa manquĂ© le courage, lâoptimisme, la force, la folie mais aussi la gĂ©nĂ©rositĂ© pour venir avec ma compagne et ma fille Ă ce Masters Tour 2024.
Je me souviens aussi mâĂȘtre senti devenir assez irritable ou susceptible en dĂ©but de troisiĂšme semaine. Et de moins bien supporter dâĂ©ventuelles contraintes relatives au groupe. Quâil sâagisse de faire en groupe ou de « tĂ©ter » lâanxiĂ©tĂ© ou la fĂ©brilitĂ© de quelquâun dans le groupe.
Donc, tout ce qui, en troisiĂšme semaine, mâa semblĂ© facultatif concernant le groupe est assez facilement passĂ© davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’ĂȘtre celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.
Je suis sĂ»rement devenu nettement plus solo, plus Ă©gocentrique, donc peut-ĂȘtre encore plus bizarre et plus incomprĂ©hensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisiĂšme et derniĂšre semaine.
ParallĂšlement Ă cela, je me suis davantage ouvert au pays, Ă mon rythme ainsi quâĂ mes inspirations pour continuer Ă le dĂ©couvrir.
Jâai un temps voulu aller Ă Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre pĂ©riple, je me suis avisĂ© que jâavais Ă peine vu Shinjuku. Et en me rendant Ă Harajuku (oĂč jâĂ©tais aussi passĂ© en principe en 1999), je me suis aperçu que jâavais tout Ă dĂ©couvrir.
Du Japon que j’avais aperçu en 1999, exceptĂ© Hiroshima et l’Ăźle de Miyajima, je n’ai rien reconnu.
Cette premiĂšre partie sâarrĂȘte lĂ . La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrĂ©s. Des impressions quâil me reste ou que je me suis fait dâeux.
Il me semble que cette premiÚre partie est la plus difficile à lire et à avaler. Mais je crois que sans cette premiÚre partie, mon « récit » aurait été incomplet et artificiel.
Franck Unimon, dimanche 11 aout 2024.