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Moon France Musique

Jacob Desvarieux

Jacob Desvarieux, Ă  la guitare, au centre. A gauche, Ă  la basse, Georges DĂ©cimus. FĂȘte de l’HumanitĂ©, 2019. Photo©Franck.Unimon

                                  

                                                 Jacob Desvarieux

La fatigue attendra.

 

J’étais un “Moon France” adolescent occupĂ© de CrĂ©ole, lorsque j’ai entendu pour la premiĂšre fois la voix de Jacob Desvarieux Ă  la radio. Sa voix « blues et macho Â» comme en parlerait Jocelyne BĂ©roard, des annĂ©es plus tard.

 

Ce devait ĂȘtre Ă  Morne Bourg, chez mes grands parents paternels. Ou Ă  CarrĂšre, chez ma grand-mĂšre maternelle. A la campagne. Je dirais,  plutĂŽt durant les congĂ©s bonifiĂ©s de 1983 en juillet et en aoĂ»t que durant ceux de 1980.

 

 

Pour le titre Oh, Madiana !

 

 

Il y avait aussi eu le titre Zombi. Aujourd’hui, c’est amusant de se dire que ce titre Ă©tait sorti aux Antilles avant le Thriller de MichaĂ«l Jackson dont on nous parle «  en corps Â».

 

Le Oh, Madiana ! de Desvarieux m’avait plu. Desvarieux avait alors une bonne bedaine et portait souvent une salopette. C’était environ deux ou trois ans avant que le zouk de Kassav’ ne me cloue et ne me rĂ©cupĂšre dans une boite de nuit, au quartier de la DĂ©fense oĂč, avec mon entraĂźneur d’athlĂ©tisme et des copains de notre club de Nanterre, nous venions de voir en concert le groupe Apartheid Not.

 

Les premiĂšres notes de guitare de Desvarieux sur le Zouk-La-SĂ©-Sel-MĂ©dikaman-Nou-Ni suivies de sa voix grave « An Nou Ay ! Â» avaient eu le temps de s’insĂ©rer dans ma tĂȘte alors que nous nous en allions.

 

De la musique antillaise, j’en entendais depuis mon enfance. En France et aux Antilles. Georges Plonquitte, Simon Jurad, les Aiglons, les Vikings, Ibo Simon, Perfecta, les « squales Â» de la musique haĂŻtienne, tous les « Combo Â» : Bossa, Tabou, Sugar et tous les autres, haĂŻtiens ou non. Plusieurs tubes de ces groupes font partie de mon histoire que j’en connaisse les titres ou non. Mes compatriotes ont souvent cru que, parce-que j’étais nĂ© en MĂ©tropole, que les ondes des musiques de « lĂ -bas Â», du « pays Â», mais aussi qu’une certaine mĂ©moire, coulaient dans l’ocĂ©an bien avant d’arriver jusqu’Ă  la MĂ©tropole ( la France) oĂč grandissaient les Moon France comme moi.

 

En Guadeloupe, le Oh, Madiana ! de Desvarieux m’avait Ă©tonnĂ©. Peut-ĂȘtre pour son cĂŽtĂ© funky qui le diffĂ©renciait d’une frĂ©quente production antillaise. 

 

Quelques annĂ©es plus tard, alors que nous Ă©tions en train de quitter cette boite de nuit de la DĂ©fense oĂč nous venions d’écouter le groupe Apartheid Not, un garçon qui entrait dans la salle pour danser s’était alors Ă©tonnĂ© :

 

« Mais, vous partez ?! Â». Un de ses amis l’avait alors entraĂźnĂ© en lui disant :

« Laisse-les, ils ne connaissent rien Ă  la musique ! Â».  Nous avions dĂ» retenir notre ami JĂ©rome qui, courroucĂ©, que l’on porte atteinte Ă  sa vie privĂ©e musicale, avait trĂšs mal pris ce jugement. Car, nous Ă©tions Ă  cet Ăąge oĂč, comme la plupart des jeunes, nous Ă©tions d’éminents spĂ©cialistes et critiques musicaux. Des musiques et des dĂ©couvertes, nous en faisions rĂ©guliĂšrement en allant les chercher. Nous Ă©coutions par exemple du jazz, du free-jazz. Miles Davis, pour nous, Ă©tait aussi frĂ©quentable ( ou allait le devenir) que Stevie Wonder, Black Uhuru, Sun Ra, Bob Marley, Aswad, Eddy Grant, Burning Spear, Steel Pulse, Stanley Clarke ou Georges Duke. En plus de The Jacksons, Marcus Miller, T-Connection, Prince, Rick James


 

« Ils ne connaissent rien Ă  la musique ! Â».

Durant pratiquement l’intĂ©gralitĂ© du concert d’Apartheid Not, nous avions Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©s par l’incorrection permanente des spectateurs. Un spectateur ( un homme noir) avait mĂȘme lancĂ© lors d’un solo du batteur plutĂŽt rĂ©ussi un « No Good ! Â» avec un accent francisĂ©. Lui et d’autres spectateurs n’attendaient qu’une chose :

Que la musique de cette boite de nuit commence. Et, ça avait dĂ©butĂ© par ce titre de Kassav’ chantĂ© par Jacob Desvarieux.

 

An-Nou-Ay ! ( « On y va ! Â»/ On dĂ©colle ! Â» ).

 

La bonne musique de Desvarieux et de Kassav’, je l’ai retrouvĂ©e ensuite bien des fois. En Guadeloupe, lors d’autres sĂ©jours.

 

En concert. A Basse-Terre. Mais aussi en mĂ©tropole, Ă  Nanterre, Ă  l’ancien parc de la mairie. A La DĂ©fense Arena ( en 2018 ?) puis Ă  la fĂȘte de l’HumanitĂ© en 2019.

 

 

L’annĂ©e derniĂšre, lors du premier confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid, sur les rĂ©seaux sociaux, j’avais reçu l’annonce que Desvarieux Ă©tait malade. L’information avait Ă©tĂ© rapidement dĂ©mentie par Desvarieux ou un(e ) de ses proches.

 

Le fait que ce genre d’annonce erronĂ©e puisse circuler m’avait contrariĂ©. Puis, je m’étais rappelĂ© que la perte d’un membre pouvait faire mourir un groupe. Et qu’un groupe comme Kassav’,  lui, avait tenu 40 ans ! Ce qui est exceptionnel. Peu de grands groupes durent autant avec un public aussi nombreux Ă  leurs concerts. Les Rolling Stones. Un petit peu, Led Zeppelin. Quels autres grands groupes ? AC/DC ? Des groupes de Rock, le plus souvent.  

Desvarieux, MarthĂ©ly, derriĂšre, Naimro. J’ai oubliĂ© le nom du saxophoniste. FĂȘte de l’Huma, 2019. Photo©Franck.Unimon

 

Mais, cette fois, Jacob Desvarieux est bien mort. Ma mĂšre me l’a confirmĂ© tout Ă  l’heure au tĂ©lĂ©phone, depuis la Guadeloupe.

 

Lors du concert de Kassav’ Ă  la DĂ©fense Arena- oĂč nous Ă©tions cent mille spectateurs nous avait annoncĂ© Desvarieux- celui-ci avait fait un petit peu d’humour quant au fait que Kassav’ ne pourrait peut-ĂȘtre pas fĂȘter ses cinquante ans de carriĂšre. Des photos gĂ©antes de Patrick St-Eloi avaient aussi Ă©tĂ© affichĂ©es durant le concert.

 

Le propos du zouk et du titre Zouk-La-SĂ©-SĂšl-MĂ©dikaman-Nou-Ni, c’est de pouvoir continuer Ă  danser, Ă  vivre et Ă  rĂȘver malgrĂ© les diverses scories de la vie. GrĂące Ă  la musique. GrĂące au Zouk, ce genre musical Ă©peronnĂ©, Ă©talonnĂ©, par quelques personnalitĂ©s dont Desvarieux au sein du groupe Kassav’ et qui a modifiĂ© le courant musical des Antilles  En travaillant. En osant. En se perfectionnant. En se professionnalisant encore davantage. En se diversifiant. Tout en se remĂ©morant.

 

Ce sera ça que je prĂ©fĂšrerai, d’abord, retenir de Jacob Desvarieux.

 

FĂȘte de l’Huma, 2019. Au centre, Jacob Desvarieux. Photo©Franck.Unimon

 

Photos, vidĂ©os, article  par Franck Unimon, Moon France, ce samedi 31 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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