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L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais trĂšs content de devoir aller dans une agence de l’opĂ©rateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des annĂ©es.

 

Et me faire tester aussi, peut-ĂȘtre. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal Ă  me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idĂ©e fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tĂŽt, Anissa, la technicienne que j’avais contactĂ©e, avait fait son possible. Elle avait fait des tests Ă  distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opĂ©rateur Orange. Celle de ma ville, et peut-ĂȘtre de ma vie, avait fermĂ© deux ou trois ans plus tĂŽt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblĂ© plus pratique d’aller Ă  l’agence d’OpĂ©ra. PrĂšs de l’OpĂ©ra Garnier. Internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile cĂŽtoyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

TrĂšs vite, en arrivant Ă  Paris, je me suis retrouvĂ© dans les dĂ©cors de NoĂ«l. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de NoĂ«l. C’était une seconde raison d’ĂȘtre content. Cette obligation de faire la fĂȘte sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a trĂšs vite contrariĂ©. Il m’a expliquĂ© qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandĂ© de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous Ă©tions dans un sous-sol sans fenĂȘtres et surchauffĂ©. Un Ă©clairage veillait Ă  simuler la lumiĂšre du jour mais elle Ă©chouait Ă  faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employĂ©s semblaient indiffĂ©rents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction dĂ©finie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dĂ» me dĂ©placer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait trĂšs bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clĂ© 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliquĂ© le fonctionnement trĂšs simple :

 

«  On allume lĂ  oĂč on Ă©teint Â».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisĂ© un homme.  Le magasin Le Printemps Ă©tait sur ma gauche de l’autre cĂŽtĂ© de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masquĂ© comme nous tous en cette pĂ©riode Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identitĂ© se forge dans mes pensĂ©es, il m’avait presque passĂ©. Je me suis retournĂ© et l’ai regardĂ© marcher. Ses jambes Ă©taient trĂšs arquĂ©es. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginĂ© les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquĂ©e Â» qui laissait supposer qu’il avait dĂ» beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne PrĂȘt Ă  manger Ă  la main, le voilĂ  qui s’arrĂȘte Ă  cinquante mĂštres. Il a enlevĂ© son masque et commence Ă  boire Ă  la paille ce qui est peut-ĂȘtre une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous ĂȘtes LĂ©o Tamaki ? Â». Mais avant mĂȘme qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlĂ© de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a Ă©coutĂ©. Je me demandais s’il Ă©tait encore dans son Ă©cole vu que j’avais cru comprendre qu’il Ă©tait souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages frĂ©quents. Puis, me prĂ©cise qu’il est toujours prĂ©sent dans son Ă©cole qui se trouve «  Ă  quinze minutes Ă  pied d’ici Â». Qu’il espĂšre rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez dĂ©jĂ  pratiquĂ© ? Â». «  J’ai pratiquĂ© un peu de judo Â».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensĂ©e telle que je l’ai perçue dans une vidĂ©o oĂč il est face Ă  Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui rĂ©agit avant mĂȘme que l’on ait eu le temps de saisir les consĂ©quences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlĂšve mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me prĂ©sente. Je me dis souvent que cela doit ĂȘtre insolite de se faire aborder par un inconnu masquĂ©. Mais cela ne semble pas le dĂ©sarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillitĂ© d’esprit peut-ĂȘtre. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue frĂ©quentĂ©e. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques annĂ©es, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirĂ©e, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carriĂšre est Ă©tonnamment discrĂšte. Je l’avais saluĂ© Ă  distance. Mais, Ă  sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayĂ©. Ça m’a Ă©tonnĂ© d’apprendre rĂ©cemment que Jalil Lespert, le discret, vit dĂ©sormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve Â» de Johnny. Celle qui pleurait son « homme Â» il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

LĂ©o Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinĂ©ma. C’est le monde de l’AĂŻkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises Â» et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le dĂ©sordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui rĂ©pond Ă  une nĂ©cessitĂ© voire des affinitĂ©s et, avant cela, des lieux de frĂ©quentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.

 

 

 

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