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Dissociation

L’artiste Rosalia en concert au festival Lollapalooza, ce samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Dissociation

 

Les algorithmes puissants d’internet ou de youtube m’ont amenĂ© cette nuit Ă  regarder un documentaire d’une trentaine de minutes en replay sur Arte consacrĂ© au sujet des addictions Ă  la pornographie. J’y ai dĂ©couvert le tĂ©moignage de quelques jeunes  Allemands (des hommes exclusivement), plutĂŽt d’un bon milieu socio-culturel apparemment ( journaliste
.) qui ont dĂ©veloppĂ© cette addiction.

Ps : Concernant notre addiction Ă  nos Ă©crans et aux vidĂ©os qui nous sont trĂšs facilement proposĂ©es sur nos ordinateurs, tablettes et smartphones via internet, et aux consĂ©quences possibles de cette addiction, je vous invite Ă  lire l’ouvrage Algocratie (vivre libre Ă  l’heure des algorithmes) d’Arthur Grimonpont, paru en 2022.

Cette nuit, aprĂšs avoir studieusement regardĂ© ce documentaire sur l’addiction Ă  la pornographie, toujours sur « recommandation» des algorithmes, parmi plusieurs propositions manifestement aiguisĂ©es par mes navigations prĂ©cĂ©dentes, j’ai regardĂ© un second documentaire d’une trentaine de minutes (c’est la durĂ©e Ă  laquelle je me suis limitĂ©, que je me suis astreint cette nuit Ă  ne pas dĂ©passer) consacrĂ© Ă  ces personnes ( des “hippies”)  venant se «rĂ©fugier Â» sur l’ile des Canaries afin d’y changer de vie.

Dans ce documentaire, nous voyons quatre personnes vivant dans une grotte ou ayant vĂ©cu dans une grotte. Des personnes de 30-45 ans (mĂȘme si un homme de 62 ans, devenu riche aprĂšs avoir travaillĂ© dans l’immobilier, est ensuite venu se joindre Ă  eux) sans enfants.

On pourrait se dire : aprĂšs avoir prĂ©tendu s’intĂ©resser aux addictions en regardant un documentaire tout de mĂȘme consacrĂ© Ă  la pornographie, voilĂ  que maintenant il se mate un documentaire sur un mode de vie inspirĂ© des hippies. Alors que  l’on sait trĂšs bien que les hippies ne sont pas les derniers pour s’envoyer en l’air et partouzer. 

 

Comme on peut se dire, aussi, que “Changer de vie, les addictions”, ces deux sujets semblent peut-ĂȘtre ne rien avoir en commun.

Il est vrai que ce ne sont pas ces deux documentaires “nocturnes” abordant le sujet de l’addiction Ă  la pornographie et de la volontĂ© de changer de vie  qui m’ont inspirĂ© le titre de « dissociation Â» pour ce chapitre. Chapitre, qui, pour ce blog, se rĂ©sumera Ă  cet article. 

 

En revanche, il y a une forme de dissociation dans le fait, d’une part, que des algorithmes prennent le relais de multiples et incessantes incantations ou sollicitations sociales, culturelles, Ă©conomiques, publicitaires, mensongĂšres, informationnelles, politiques ou autres pour   tenter de tirer parti -et profit- de nos failles psychologiques afin de nous faire adopter des comportements qui nous contredisent, nous nuisent et nous font ignorer nos besoins les plus Ă©vidents. Et, d’autre part, le fait qu’un mĂ©tier comme celui d’infirmier consiste plutĂŽt Ă  ĂȘtre au chevet de celles et ceux qui ont des failles psychologiques et autres sans volontĂ© voire sans espoir d’en tirer un quelconque profit Ă©conomique et/ou politique.

 

D’un cĂŽtĂ©, une sociĂ©tĂ© qui « s’enrichit Â»  Ă©conomiquement avec mĂ©thode en vampirisant les forces vives d’une majoritĂ© d’ĂȘtres humains. En lui faisant payer le prix fort en termes de santĂ© physique, mentale, Ă©conomique et autre.

D’un autre cĂŽtĂ©, des infirmiĂšres et des infirmiers (pour ne parler que de ces « acteurs Â» de la santĂ© sociale mais aussi mentale et physique) qui puisent ou ont constamment Ă  puiser dans leurs ressources et leurs rĂ©serves personnelles ( qui peut encore croire que la seule application d’horaires Ă  la minute, de protocoles, de slogans, de « trucs Â», de « recettes Â», de sĂ©ances de mĂ©ditation et de yoga et de cours appris Ă  l’école suffisent pour s’appliquer Ă  veiller sur les autres pendant une bonne quarantaine d’annĂ©es ?! ) pour en soutenir d’autres, et qui, parallĂšlement Ă  cela, trinquent et subissent comme la majoritĂ© les coĂ»ts et les coups de la vie sans s’enrichir matĂ©riellement Ă  l’image de ces nouvelles grandes fortunes ou de ces milliardaires qui passent souvent pour des gĂ©nies, des pionniers, des visionnaires, ou des personnes d’autant plus respectables, exemplaires et indispensables qu’elles ont :

« rĂ©ussi Â».

 

Qu’est-ce que la rĂ©ussite ? Pour moi, ce serait de ne pas ĂȘtre pris , d’abord,  pour une serpillĂšre ou un domestique. Mais, Ă©galement, de ne pas ĂȘtre essorĂ©, bousillĂ©, cancĂ©risĂ© et dĂ©primĂ© alors que je suis  jeune et dĂ©sireux de vivre. De parvenir Ă  me maintenir, le plus longtemps possible, en bonne ou en trĂšs bonne santĂ© mentale et physique. Ou que, en cas de dĂ©faillance de ma part, qu’il se trouvera suffisamment de personnes autour de moi pour intervenir rapidement afin de veiller sur moi afin de me sauver, de me protĂ©ger et de m’aider Ă  me remettre sur pied.

 

Mais aussi pour me conseiller, me guider voire m’escorter hors de ce qui peut m’ atteindre ou me nuire.

 

Au vu de ces quelques critĂšres, je ne suis pas sĂ»r que la rĂ©ussite soit au rendez-vous pour beaucoup de monde y compris pour moi-mĂȘme.

Et, cela, malgrĂ© tous les efforts ou sacrifices consentis, jour aprĂšs jour, annĂ©e aprĂšs annĂ©e en Ă©change d’une Ă©ventuelle, future ou hypothĂ©tique reconnaissance sociale, Ă©conomique et personnelle.

Amen. 

 

La reconnaissance faciale est peut-ĂȘtre plus certainement ce qui risque de m’attendre au lieu de la grande reconnaissance sociale attendue par tous aprĂšs bien des annĂ©es d’efforts, de responsabilitĂ©s, de sacrifice et de travail. 

Pourtant, constamment, nous baignons dans une sorte de liquide et d’ambiance amniotique, pour ne pas dire hypnotique, qui nous laisse croire ou entrevoir que  rĂ©ussite et bonheur crĂ©pitent, gisent – voire, rugissent- et se rĂ©pandent Ă  nos pieds telles des cascades auxquelles il suffirait de s’abreuver.  Alors mĂȘme que la rĂ©ussite et le bonheur nous glissent entre les doigts ou que nous n’en apercevons que les reflets sans cesse difractĂ©s et qui, bien-sĂ»r, s’éloignent “un peu” lorsque nous en approchons. 

 

Ma vision, lors de ce dernier dimanche du mois de juillet, un mois de grandes vacances estivales, est sans doute trop pessimiste. Pourtant, je n’ai pas promis de me tuer cette nuit ou avant l’arrivĂ©e du mois d’aout 2023. Et encore moins de me muter en grand gourou ou en marabout.

Ni gourou, ni loup-garou, j’aimerais seulement ĂȘtre sĂ»r de pouvoir et de savoir quand arrĂȘter de m’agiter lorsque l’on me prĂ©sente, comme cela arrive frĂ©quemment, toutes sortes d’opportunitĂ©s, d’affaires Ă  ne pas manquer et des bons coups qui sont, finalement, des plans foireux ou stĂ©riles, pour ne pas dire des plans de dĂ©sespoir, des pertes de temps, d’argent et d’énergie.

Dire qu’il faut apprendre à faire le tri ne suffit pas.

Je crois qu’il faut aussi ĂȘtre disciplinĂ©. Savoir ĂȘtre disciplinĂ©. Apprendre Ă  se discipliner. Apprendre Ă  rester lucide et concentrĂ©. Et clairvoyant. Ne pas partir dans tous les sens.

C’est Ă  dire :  

Savoir rester suffisamment attentif et permĂ©able Ă  ce qui nous entoure sans pour autant se laisser ou se faire embarquer n’importe oĂč et vers n’importe quoi, n’importe qui.

Savoir rester ancré.

En se mettant dans un Ă©tat finalement assez proche d’une certaine
dissociation.

Je sais que ce terme de “dissociation” fait partie des symptĂŽmes d’une maladie psychiatrique. Mais je sais aussi que ce terme est employĂ©, selon moi Ă  bon escient, au moins par LĂ©o Tamaki, un expert en AĂŻkido qui se reconnaĂźtra s’il parcourt les lignes de cet article et qui en sourira certainement ( lire Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition ).

Nous ne parlons sans doute pas de la mĂȘme dissociation, bien-sĂ»r.  Au sens psychiatrique, la dissociation emporte ou dĂ©vie son sujet ou sa victime. Un peu comme un sous-marin qui, par cinquante ou cent mĂštres de fond, prendrait l’eau par ses Ă©coutilles et qui tenterait de rester maitre de sa trajectoire et de sa vitesse malgrĂ© la force des courants et les grands volumes d’eau qui le perturbent de plus en plus.

Le terme “dissociation” employĂ© par cet expert en AĂŻkido pourrait aussi ĂȘtre employĂ© par un musicien, un batteur par exemple, lorsque celui-ci est capable, avec sa main droite de rĂ©aliser de façon  rĂ©pĂ©tĂ©e et harmonieuse un geste diffĂ©rent de celui de sa main gauche. Et l’on pourrait dire ça, bien-sĂ»r, d’une pianiste. Ou d’une personne adepte du jonglage. 

 

Un exemple simple de cette action trĂšs difficile Ă  maitriser- la dissociation-  me suffira, je pense, pour l’illustrer. 

 

RĂ©cemment, j’ai revu sur youtube ( dont les sĂ©duisants et puissants algorithmes savent nous retenir pendant des heures devant des vidĂ©os qu’ils nous proposent) un extrait de ce concert du bassiste Foley McCreary avec le batteur Chris Dave. Ils Ă©taient accompagnĂ©s du saxophoniste Zhenya Strigalev. Voici la vidĂ©o en question. Si “sa majestĂ© ” Youtube accepte que je la partage : 

https://youtu.be/2ZaMEGnI5iQ

C’était Ă  Londres aux alentours de 2009 dans une reprise spĂ©ciale de You are under arrest, un titre interprĂ©tĂ© par Miles Davis dans les annĂ©es 80.

 

Au dĂ©but du titre, Foley McCreary dĂ©cide d’une ligne de basse qu’il rĂ©pĂšte. Une ligne de basse qu’on pourra estimer comme « simple Â» si l’on fait abstraction du fait que Foley est un exceptionnel joueur de basse et que, nous, nous sommes surtout les spectateurs moyens d’un concert de musique ou, plus simplement :

 

Nous sommes des amateurs de musique qui regardons des professionnels qui sont, gĂ©nĂ©ralement, aussi, des passionnĂ©s ou des “fous” de musique.

Je ne suis pas certain que je pourrais vraiment supporter de passer plusieurs jours de suite avec ces musiciennes et musiciens que j’admire. De suivre leur rythme de vie intĂ©gralement. Car celles-ci et ceux-ci, probablement, me parleraient de musique, parleraient de musique et joueraient de la musique bien au delĂ  de ce que je serais capable de supporter. Et sans doute, cette analogie est-elle possible avec d’autres artistes ou des Maitres d’Arts martiaux comme avec toute personne passionnĂ©e par et pour….sa discipline. Peut-ĂȘtre aussi peut-on se dire que cette passion serait aussi envahissante et dĂ©vorante que certains dĂ©lires, mal maitrisĂ©s et mal canalisĂ©s, qui amĂšnent certaines personnes Ă  se retrouver enfermĂ©es…dans un service de psychiatrie. Ou isolĂ©es de leurs proches.

 

Dans cette vidĂ©o, neuf minutes durant, Foley ” le mutant” va tenir sa ligne de basse malgrĂ© les « attaques Â» rythmiques variĂ©es de Chris Dave et ses chorus avec le saxophoniste Zhenya Strigalev.

 

On pourrait s’amuser Ă  imaginer que Chris Dave et Zhenya Strigalev sont des algorithmes qui font tout pour dĂ©tourner Foley McCreary de ses limites et de sa ligne de basse. Pour nous, spectateurs et amateurs de musique, ces neuf minutes de musique sont une expĂ©rience hors norme. Et un trĂšs grand plaisir si l’on aime ce genre de musique. Foley McCreary rĂ©alise devant nous la dissociation parfaite.

 

Sauf que dans la vraie vie, nous sommes rarement des Foley McCreary. Et, en plus, il nous faut tenir bien plus que neuf minutes par vingt quatre heures pour tenir notre propre cap. Celui qui nous assure de nous rapprocher véritablement de ce qui nous convient véritablement.

 

Franck Unimon, ce dimanche 30 juillet 2023. 

 

 

 

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