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self-défense/ Arts Martiaux

Trois Maitres + Un

 

Paris, station Opéra, octobre 2021.

                                               Trois Maitres + Un

 

Le Contexte :

Trouver l’album de musique qui va nous faire bien dĂ©buter la journĂ©e correspond peut-ĂȘtre Ă  la profession de certaines personnes. De ce choix  peut dĂ©couler une ribambelle d’incidences et d’influences.

Ce matin, mon choix se porte finalement sur l’album Live at Hammersmith en 1979 de Ted Nugent. Un cd empruntĂ© hier. Je n’ai jamais Ă©coutĂ© d’album de Ted Nugent mais j’ai entendu son nom il y a des annĂ©es. Peut-ĂȘtre dans les annĂ©es 80. Ted Nugent, ce matin, a supplantĂ© l’album Celebration des Simple Minds. Dont j’ai trouvĂ© le premier titre trop « dansant Â». Une danse froide. Mais aussi l’album Addiction de Robert Palmer ainsi que le Cd The Best of Bond
James Bond sur lequel ne figure pas le titre interprĂ©tĂ© par la chanteuse Adele que j’aurais aimĂ© rĂ©entendre.

Si Ted Nugent avait « Ă©chouĂ© Â» au casting, j’aurais alors essayĂ© l’album Live de The Clash From Here to Eternity. Mais Ted Nugent l’a emportĂ©. En Ă©coutant plusieurs de ses titres alors que j’effectuais des Ă©tirements, je me suis avisĂ© que lui, comme bien des artistes qui ont « rĂ©ussi Â», sont souvent des personnes qui, malgrĂ© bien des difficultĂ©s souvent adverses, sont parvenues Ă  leur substituer le succĂšs. Economique, artistique, social. Un artiste qui « rĂ©ussit Â» est souvent une personne qui su conserver une certaine libertĂ© ( mĂȘme si celle-ci tient Ă  coups de substances, de dĂ©sagrĂ©ments, de compromissions, d’opĂ©rations de communication ou de publicitĂ©s, de trahisons) qui, le plus souvent, manque Ă  celles et ceux qui l’écoutent, le  dĂ©sirent,  le « dĂ©vorent Â» ou le regardent, et qui, prĂšs ou loin de la scĂšne « communient Â» avec lui le temps d’un concert ou d’une reprĂ©sentation publique de quelques minutes ou de quelques heures.  

 

Comme tant d’autres, je ne suis pas Ted Nugent. Et, demain, je vais reprendre « le travail Â» : celui que l’on dĂ©signe le plus souvent en premier du fait de ses caractĂ©ristiques obligatoires. Tant d’un point de vue financier que moral. Si mon travail a peut-ĂȘtre plus de points communs que je ne le crois avec celui d’un artiste comme Ted Nugent, mon travail bĂ©nĂ©ficie de beaucoup moins d’aura. C’est celui d’un employĂ© comme il en existe des millions.

 

Au cours de la durĂ©e d’une certaine activitĂ© professionnelle et personnelle, comme des millions d’autres individus, j’accepte d’ĂȘtre l’employĂ© de quelqu’un, de plusieurs interlocuteurs ou d’une institution, et de partager avec eux un certain nombre de valeurs et d’objectifs Ă  atteindre. Je m’appliquerai Ă  faire de mon mieux en vue d’ĂȘtre, quelles que soient les circonstances rencontrĂ©es lors de l’exercice de mes fonctions, conforme Ă  ces valeurs mais aussi attachĂ© Ă  la rĂ©alisation des objectifs dĂ©finis, prĂ©dĂ©finis lors de mon embauche. Ou redĂ©finis aprĂšs mon embauche. 

 

J’offre ou donne une partie de ma disponibilitĂ©, de ma bonne volontĂ© comme de mes capacitĂ©s et compĂ©tences en vue de percevoir un salaire ou une rĂ©munĂ©ration. Laquelle rĂ©munĂ©ration me permet et me permettra, ensuite, de continuer de satisfaire ou de faire face Ă  d’autres obligations. Mais, aussi, de m’accorder quelques plaisirs ou de prĂ©parer certains projets ( comme, peut-ĂȘtre, prendre une place dans une machine Ă  remonter le temps afin d’aller assister en direct Ă  ce concert de Ted Nugent). De maniĂšre immĂ©diate ou diffĂ©rĂ©e. En pouvant m’acquitter rapidement de la somme financiĂšre attendue. Ou en demandant et en obtenant un crĂ©dit que je m’engagerai, aprĂšs signature d’un contrat, Ă  rembourser rĂ©guliĂšrement pendant un  certain laps de temps.

 

Il est d’autres sortes de travail que nous effectuons rĂ©guliĂšrement en parallĂšle ou, aussi, un peu en mĂȘme temps. Au « travail Â», nous continuons de penser Ă  notre vie personnelle. Sauf si nous sommes trop absorbĂ©s par notre tĂąche ou notre « travail Â» par choix ou par contrainte.

 

Afin de vivre au mieux ce travail, il est prĂ©fĂ©rable que celui-ci corresponde au mieux Ă  nos croyances comme Ă  la plus grande partie de nos valeurs. C’est encore plutĂŽt le cas pour moi lĂ  oĂč je travaille actuellement. MĂȘme si rien n’est parfait dans le monde du travail comme ailleurs.

Paris, octobre 2021.

 

 

Cependant, avant de reprendre « ce Â» travail demain, dois-je ranger tous les journaux que j’ai accumulĂ©s depuis plusieurs semaines et qui font plusieurs piles prĂšs de mon lit ? Alors que je les ai parcourus comme une souris grignoterait tous les rebords ( et un peu le cƓur ) du pain sans s’attaquer aux tranches elles-mĂȘmes.

Dois-je retranscrire au propre – et trier- les nombreuses notes que j’ai prises la semaine derniĂšre lors de deux jours de formation professionnelle pour lesquelles j’ai choisi de revenir sur mes jours de vacances ? Deux jours de congĂ©s que je rĂ©cupĂšrerai plus tard.

Dois-je d’ores et dĂ©jĂ  commencer Ă  prĂ©parer mon sac pour partir au travail demain vu que j’effectue une partie de mon trajet avec mon vĂ©lo ?

Pourrais-je, ce soir, me rendre Ă  Paris, du cĂŽtĂ© de Mouffetard, Ă  la derniĂšre reprĂ©sentation d’une trĂšs grande artiste lors d’un spectacle de marionnettes ?

Pourrai-je rapidement, et correctement, Ă©crire au moins deux autres articles aprĂšs celui-ci :

Embrigadement  et Les principales vertus du combattant dont les idĂ©es me sont aussi advenues ce matin ? Sachant que je n’ai toujours pas rĂ©digĂ© d’article sur le cinĂ© dĂ©bat avec Jean-Gabriel PĂ©riot ; que je n’ai pas Ă©crit d’article sur le dernier James Bond, Mourir peut attendre que je suis allĂ© voir lundi matin ?

 

Dans les informations rĂ©centes que j’ai lues dans des journaux ( Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Le Canard EnchainĂ©, Charlie Hebdo, Le Parisien
) j’ai retenu qu’il y a aujourd’hui plus de 800 postes d’infirmiĂšres et d’infirmiers vacants dans les hĂŽpitaux publics de la rĂ©gion parisienne. Le manque infirmier se fait beaucoup sentir sur les postes de nuit. Le Plan SĂ©gur dĂ©cidĂ© par le gouvernement qui a accordĂ© 183 euros de plus par mois Ă  un certain nombre d’infirmiĂšres et d’infirmiers et la prochaine augmentation salariale qui devrait ĂȘtre effective Ă  partir de la fin de ce mois dans les Ă©tablissements de soins (et concerner aussi le personnel aide-soignant) n’a pas suffi Ă  attĂ©nuer la dĂ©gradation des conditions de travail lancĂ©e il y a plus de vingt ans aprĂšs des dĂ©cisions gouvernementales et managĂ©riales successives et rĂ©pĂ©tĂ©es.

 

Trois vaccins contre le Covid, d’aprĂšs des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur plus de vingt millions de personnes, ont dĂ©montrĂ© leur efficacitĂ© rĂ©elle contre le Covid ainsi que contre ses formes graves : les vaccins Ă  ARN messager Pfizer et Moderna. Mais aussi le vaccin Astrazeneca , pourtant techniquement moins avancĂ© et aussi moins bien rĂ©putĂ© en raison de quelques effets secondaires graves reconnus ( thromboses
..). Cette information concernant l’efficacitĂ© avĂ©rĂ©e des vaccins anti-covid m’a nĂ©anmoins rassurĂ©. Reste cette histoire de passe sanitaire dĂ©sormais installĂ©e telle une ancre ou une enclume de plus en plus lourde, au fur et Ă  mesure des jours, et qu’il va ĂȘtre de plus en plus difficile de soulever et de faire sortir de nos vies.

 

Au moins trois tĂ©moignages m’ont marquĂ© parmi les parties civiles qui ont tĂ©moignĂ© lors du procĂšs des des attentats du 13 novembre 2015 qui continue de se dĂ©rouler.

Une femme qui, d’abord, s’est sentie illĂ©gitime en tant que victime, car non blessĂ©e physiquement, puis qui finit par dire qu’aprĂšs l’attentat, elle n’a plus Ă©tĂ© en mesure de vivre comme auparavant et qui conclu, Ă  propos des meurtriers des attentats :

« Ils m’ont tout pris Â».

Le deuxiĂšme tĂ©moignage est celui d’une autre victime, un homme, au concert au bataclan avec son fils, qui a expliquĂ© qu’avant de tirer- et de tuer- les terroristes avaient parlĂ© du PrĂ©sident François Hollande, de la Syrie, pour justifier le fait de tirer ensuite sur les spectateurs du concert de ce jour-lĂ . Mais que leur discours, toujours selon cet homme qui tĂ©moigne, sonnait faux. Les terroristes donnant l’impression d’ĂȘtre des « mauvais acteurs Â» rĂ©citant un texte appris par cƓur mais auquel ils ne croyaient pas eux-mĂȘmes comme s’ils Ă©taient « sous captagon Â».

Le troisiĂšme tĂ©moignage est celui d’un autre homme qui, s’adressant aux accusĂ©s, leur a dit que les terroristes s’étaient attaquĂ©s Ă  des personnes qui n’avaient rien Ă  voir avec les horreurs qui leur Ă©taient reprochĂ©es (la guerre en Syrie ou autre). Mais, aussi que les terroristes s’en Ă©taient pris Ă  des personnes qui n’étaient pas des militaires (entraĂźnĂ©s et armĂ©s). Et, il a demandĂ© aux accusĂ©s s’il leur Ă©tait arrivĂ©, de rester couchĂ©s, pendant des heures, au milieu de cadavres dont les yeux les regardaient ?

 

Au milieu de tout ça, l’industrie nuclĂ©aire, malgrĂ© Fukushima, malgrĂ© Tchernobyl, malgrĂ© le livre La Supplication de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littĂ©rature il y a moins de cinq ans pour l’ensemble de son Ɠuvre, a les faveurs du PrĂ©sident Macron afin de prĂ©parer  notre avenir en anticipant le tarissement  des gisements de pĂ©trole prĂ©vu d’ici un demi-siĂšcle.

 

En ce moment, sur certaines plages de Bretagne, les algues vertes toxiques dues Ă  l’usage et au rejet intensif de certains engrais chimiques destinĂ©s Ă  l’élevage, continuent d’abonder.  En pleine mer, suffisamment loin de tout ça, plusieurs de mes moniteurs de mon club d’apnĂ©e, avec quelques membres du club dont j’aurais pu faire partie comme lors des deux stages prĂ©cĂ©dents, sont partis faire de la chasse sous-marine. Ils ont dĂ» se mettre Ă  l’eau vers 8h30 ou 9h avec leurs combinaisons de 5 Ă  7 mm de nĂ©oprĂšne. Et, maintenant, ils ont dĂ» rentrer et commencĂ© Ă  prĂ©parer leur repas fait d’une partie de leur pĂȘche.

 

 

Voici pour le contexte.

 

 

 

Trois Maitres + Un

 

J’ai officiellement rencontrĂ© trois Maitres d’Arts Martiaux depuis la fin de l’annĂ©e derniĂšre :

 

Sensei Jean-Pierre Vignau. Sensei LĂ©o Tamaki. Sensei RĂ©gis Soavi. Trois hommes. Trois vies diffĂ©rentes.  L’un, particuliĂšrement chĂ©tif Ă  sa naissance mais aussi lors des premiĂšres annĂ©es de son enfance a Ă©tĂ© placĂ© Ă  l’assistance publique. Puis, a Ă©tĂ© adoptĂ© par un frĂšre et une sƓur agriculteurs. Le second, mi-Japonais, mi-europĂ©en a aussi un frĂšre qui enseigne l’AĂŻkido dans le Val d’Oise et qui participe Ă  ses divers projets avec martiaux ainsi que d’autres enseignants de son Ă©cole : Aikido Kinshikai dont une antenne se trouve Ă  quelques minutes Ă  pied de mon domicile.

J’ai toujours le projet d’interviewer Sensei LĂ©o Tamaki L’Apparition). 

 

Je connais « moins Â», pour l’instant, la biographie de Sensei RĂ©gis Soavi. Toutefois, des trois Maitres rencontrĂ©s, il est celui que j’ai rencontrĂ© avec une de ses filles. Laquelle,  Manon Soavi, est cet autre Maitre que je suggĂšre dans le titre de cet article. Sensei Soavi, m’a aussi particuliĂšrement interpellĂ© en tant que pĂšre.

Parce-que je suis pĂšre d’une fille bien plus jeune que Manon, aujourd’hui mĂšre et en couple. Mais aussi parce-que Sensei Soavi m’a appris que Manon n’avait pas Ă©tĂ© scolarisĂ©e.

Mais… comment a-t’elle fait pour apprendre Ă  lire ? ai-je alors demandĂ©. Sensei Soavi d’interpeller alors sa fille Manon:

” Manon, tu sais lire ?”. Celle-ci, situĂ©e alors Ă  plusieurs mĂštres de nous, en pleine discussion, a rĂ©pondu : ” Quoi ?!”. 

Sensei Soavi de m’apprendre ensuite en souriant que Manon savait non seulement lire et Ă©crire, parler Italien mais, qu’en plus, elle Ă©crivait “mĂȘme des livres”. Soit exactement l’inverse du modĂšle d’Ă©ducation et d’apprentissage que j’ai toujours connu. J’ai souvent eu besoin de prendre des cours avec un prof certifiĂ© pour dĂ©buter un nouvel apprentissage. Une amie m’en avait fait un jour la remarque. Il n’y a que pour Ă©crire et la photographie ( mais je serais bien incapable de tirer mes propres photos avec un appareil photo non numĂ©rique) que je n’ai pas pris de cours. Et, Ă  ce jour, je ne vis toujours pas Ă©conomiquement, grĂące Ă  ces deux activitĂ©s.  

Selon Sensei Soavi, “quand on aime son enfant”, on y arrive. C’Ă©tait aussi simple et aussi Ă©vident que cela Ă  l’entendre. J’aurais bien aimĂ© avoir sa confiance. Une confiance d’autant plus Ă©tablie que, concrĂštement, je voyais et vivais le rĂ©sultat en temps rĂ©el. Ce dojo oĂč je me trouvais. Et une de ses filles qui m’avait guidĂ© durant ma sĂ©ance de dĂ©couverte. Alors que moi, je ne suis qu’au dĂ©but de tout ça. Et, encore, si je m’y prends “bien”. Car, en tant que pĂšre, on peut beaucoup rater en se montrant trop volontaire.  

MĂȘme si je suis trĂšs loin de ce qu’a pu rĂ©aliser Sensei Soavi en tant que pĂšre,  je crois que la capacitĂ© de se conformer au systĂšme scolaire et social est un atout dont certaines et certains sont dĂ©pourvus. Plus pour des raisons de “comportement” ou d’histoire personnelle et Ă©motionnelle que pour des raisons d’aptitude cognitive. Et, bien mĂȘme si je suis  plus conformiste en tan que pĂšre que Sensei Soavi , je ne crois pas que toute la vie s’apprenne Ă  l’Ă©cole, dans les Ă©coles, dans les livres ou dans les Ă©tudes.

Mais j’ai assez peu de mĂ©rite pour “savoir” cela. D’une part, j’ai grandi en prenant quelques mandales et semonces au moins paternelles qui rĂ©futent totalement le thĂ©orĂšme selon lequel il suffirait d’ĂȘtre poli, sĂ©rieux et gentil pour que nos quelques erreurs et bĂȘtises supposĂ©es ou rĂ©elles nous soient magiquement pardonnĂ©es. D’autre part, ĂȘtre poli, sĂ©rieux et seulement gentil nous expose dans la vie Ă  bien des retournements de situation dĂ©favorables. Enfin, mes Ă©tudes puis mon mĂ©tier d’infirmier m’a un petit peu instruit quant au fait que le bonheur est une activitĂ© trĂšs concrĂšte. Et qu’il ne se dĂ©cide pas Ă  nous choisir juste parce-que l’on aurait fait de trĂšs bonnes Ă©tudes ou que l’on disposerait du bon algorithme. Mais aussi, que l’on peut avoir des trĂšs bonnes notes lors de ses Ă©tudes d’infirmier, de mĂ©decine ou autres, et, en pratique, se rĂ©vĂ©ler ĂȘtre une personne irascible, tyrannique, dispensable ou incompĂ©tente malgrĂ© le poste Ă  haute responsabilitĂ© ou toute l’anciennetĂ© qui peut ĂȘtre le nĂŽtre ou la nĂŽtre. 

Paris, Octobre 2021.

Pour ces raisons, ce que m’a laissĂ© entrevoir Sensei Soavi de l’Ă©volution de Manon depuis son enfance, ne pouvait que m’interpeller. En tant qu’individu mais aussi en tant que pĂšre. Car si je veux bien-sĂ»r le meilleur pour ma fille, je me comporte aussi avec elle comme un militaire. La vie n’est pas que jolies licornes, douceur et gentillesse immĂ©diates et sans arriĂšres pensĂ©es oĂč le temps s’est arrĂȘtĂ© et nous laisse tout loisir d’inventer et de compter les jolies couleurs dans le ciel. MĂȘme s’il faut, Ă©videmment, aussi, savoir s’offrir de tels moments. Mais pas n’importe comment. Pas n’importe quand. Et pas avec n’importe qui. 

 

Dans mon article Dojo Tenshin-Ecole Itsuo Tsuda/ sĂ©ance dĂ©couverte , je me demande si  Manon Soavi est dĂ©jĂ  un Maitre.

 

 

Qu’il n’y ait aucune mĂ©prise :

 

Je ne connais pas le rituel, la cĂ©rĂ©monie, le protocole ou le processus par lequel un ĂȘtre humain devient un Maitre. Je suis totalement ignorant de ce « passage Â» vers le statut de Maitre et, bien-sĂ»r, des responsabilitĂ©s que cela peut incomber. Car il ne suffit pas d’avoir le titre de Maitre. Il faut ĂȘtre Maitre. Et, cela est vrai pour toute responsabilitĂ© que l’on « incarne Â» ou que l’on prend.

 

Lorsque je parle de celui par lequel j’ai dĂ©couvert et pratiquĂ© le judo, Pascal Fleury, je dis mon « prof  de judo Â». Cependant, je suis dĂ©jĂ  retournĂ© le saluer par affection dans son club ou ai pu participer Ă  une ou deux sĂ©ances de reprise et ai pu alors constater que, dĂ©sormais, plusieurs – ou la plupart- de ses Ă©lĂšves l’appellent Sensei. Y compris Des Ă©lĂšves dĂ©sormais plus avancĂ©s et plus gradĂ©s que moi en judo. Mais lorsque je l’ai connu, il y a plus de vingt ans, personne dans le club ne l’appelait Sensei. Tout en reconnaissant Ă©videmment son autoritĂ©, son Savoir et son expĂ©rience.

 

 

J’écris, qu’à mon avis, Manon Soavi est aussi un Maitre car elle est beaucoup plus avancĂ©e que moi dans diffĂ©rents domaines. MĂȘme si j’ai arrĂȘtĂ© de pratiquer le judo pendant une vingtaine d’annĂ©es, j’ai nĂ©anmoins continuĂ© Ă  apprendre Ă  vivre. Mon regard et ma façon de penser, sur moi-mĂȘme et sur les autres, a un petit peu Ă©voluĂ©.

Gare de Cergy st-Christophe, octobre 2021.

 

 

L’ñge, le sexe, la condition sociale d’origine, la formation universitaire ou scolaire reconnue ou officielle,  ni mĂȘme l’habilitĂ© Ă  savoir s’exprimer par Ă©crit, par l’image ou par oral, n’est pas, pour moi, le critĂšre le plus important pour dĂ©finir un Maitre. Ces aspects ont leur importance ou peuvent en avoir une au dĂ©part, bien-sĂ»r. Pour d’autres comme pour moi. Mais, ensuite, vient la pratique. Les faits. C’est ce que je vais « regarder Â» ou retenir pour me dire que telle personne est un Maitre ou en a, selon moi, les particularitĂ©s. Que j’en parle ou non. Pour moi, un de mes moniteurs d’apnĂ©e, Y…actuellement en Bretagne, est l’équivalent d’un Maitre dans cette discipline qu’est l’apnĂ©e. Je ne lui en parlerai pas. Car il me rĂ©pondrait qu’il n’en n’est pas question. Qu’il trouve ça exagĂ©rĂ©. Ou qu’il n’a pas cette prĂ©tention. Pourtant, lorsque j’en ai parlĂ© il y a quelques jours Ă  une copine du club, elle a aussitĂŽt abondĂ© dans mon sens.

 

 

On ne dit et l’on n’écrit pas toujours ce qui peut nous marquer. Parce-que l’on n’y pense pas. Ou que l’on se concentre sur d’autres sujets que l’on voit comme plus importants Ă  dire.

 

Par exemple, dans mon article Dojo Tenshin- Ecole Itsuo Tsuda/ SĂ©ance dĂ©couverte, je n’ai pas Ă©crit ces moments oĂč, venant me corriger aimablement, Sensei RĂ©gis Soavi, a pu me montrer comment, par un tout petit changement d’attitude corporelle ( a very very little change), une attaque apparaissait inoffensive. Et, une autre, alarmante, appelant aussitĂŽt une façon diffĂ©rente, plus prĂ©cise, de rĂ©agir.

 

Il en est de mĂȘme avec Sensei Manon Soavi avec qui j’ai participĂ© Ă  la sĂ©ance avant hier matin. Je n’ai pas tout Ă©crit. Et, cet article et les deux autres que j’écrirai peut-ĂȘtre

( Embrigadement  et Les principales vertus du combattant ) doivent autant une partie de mon inspiration Ă  ma « rencontre Â» avec Sensei Jean-Pierre Vignau, Sensei LĂ©o Tamaki, Sensei RĂ©gis Soavi. Qu’à Sensei Manon Soavi.

 

Lors d’une de mes rencontres avec lui, Jean-Pierre Vignau m’avait rĂ©pondu :

 

« Appelle-moi, Jean-Pierre. Parce-que, pour m’appeler Sensei, il faut dĂ©jĂ  que tu aies connu plusieurs Maitres Â».

 

 

Paris, octobre 2021.

Lorsque j’étais allĂ© assister  Ă  un de ses stages, LĂ©o Tamaki m’avait dit que je pouvais l’appeler LĂ©o. (Dojo 5 ). 

 

RĂ©gis et Manon Soavi ne m’ont pas demandĂ© de les appeler Sensei. Parmi tout ce qu’il m’a dit, RĂ©gis Soavi m’a aussi expliquĂ© qu’il n’exigeait pas de ses Ă©lĂšves qu’ils portent d’emblĂ©e le Hakama. Que cela relevait de leur propre dĂ©cision. Mais que, par contre, du jour oĂč ils dĂ©cidaient de le porter, qu’ils s’engageaient d’une façon particuliĂšre et qu’il ne pouvait y avoir de retour en arriĂšre.

Concernant la ceinture, Sensei RĂ©gis Soavi m’a dit qu’il y avait pour lui deux ceintures. Une blanche. Une noire. Et, qu’à un moment donnĂ©, sans que cela soit tenu par une Ă©valuation d’ordre didactique, il attribuait la ceinture noire. Ou pas sans doute
..

Lorsque RĂ©gis Soavi m’a expliquĂ© ça, sĂ»rement lors du petit-dĂ©jeuner d’aprĂšs la sĂ©ance, oĂč, comme nous tous, il avait alors quittĂ© sa tenue martiale, redevenant ainsi un simple civil, je n’ai pas eu besoin de sous-titres pour comprendre que c’était toujours  le Maitre d’AĂŻkido qui continuait de me parler au travers de la simple enveloppe civile et dĂ©contractĂ©e de RĂ©gis.

 

 

Sensei Manon Soavi , elle, est la seule avec laquelle, Ă  ce jour, dans mon expĂ©rience trĂšs limitĂ©e, j’ai un peu pratiquĂ© directement l’AĂŻkido. Le temps d’une sĂ©ance. Ce n’est ni une dĂ©butante ni une inconnue de l’AĂŻkido.

 

 

Alors, je suis lĂ  Ă  donner du Maitre. Et on peut se demander si je suis en pleine extase tel le pĂšlerin ou l’alpiniste se trouvant au pied d’une montagne sacrĂ©e dont il a pu rĂȘver depuis des annĂ©es. En outre, avec le rĂ©chauffement du permafrost, il y a plutĂŽt intĂ©rĂȘt Ă  ne pas trop traĂźner pour dĂ©buter l’apprentissage de l’escalade. AprĂšs tant d’annĂ©es passĂ©es Ă  errer. Et, c’est lĂ  oĂč je reprends la phrase de Sensei Jean-Pierre Vignau. Si je jouais sur ses termes, je pourrais me dire :

 

« Ă§a y’est ! J’ai rencontrĂ© trois ou quatre Maitres, donc, maintenant, je peux dire Maitre ! Â».

 

En fait, se hĂąter Ă  dire Maitre revient un peu Ă  se dĂ©pĂȘcher de se chĂątrer et de se chĂątier soi-mĂȘme. A prendre le mot « Maitre Â» dans son sens le plus avilissant pour l’HumanitĂ©. L’esclave devait et doit dire Maitre Ă  celle ou celui qui le domine et qui a droit de vie et de mort sur lui et sa descendance. Or, les Maitres d’Arts martiaux que je dĂ©signe dans cet article- ainsi que les autres – seraient sĂ»rement horrifiĂ©s si les Ă©lĂšves ou les disciples qui les appellent Maitre se comportaient d’eux-mĂȘmes comme des esclaves devant leur pharaon. Ou comme des fans devant  leur Ted Nugent.

 

Aussi, que cela soit officiel : lorsque j’écris « Maitre Â», je ne parle pas de pharaons, d’empereurs ou de ClĂ©opĂątre devant lesquels, je devrais baisser les yeux et lĂ©cher le sol  oĂč ils marchent. En remerciant une force supĂ©rieure de m’avoir autorisĂ© Ă  vivre cette expĂ©rience suprĂȘme. Et, en faisant de moi un peu l’équivalent du personnage particuliĂšrement bien jouĂ© par l’acteur Samuel Jackson  dans le film Django Unchained de Quentin Tarantino. Soit un esclave noir si fervent de son Maitre esclavagiste (Ă©galement trĂšs bien interprĂ©tĂ© par l’acteur  LĂ©o Dicaprio) qu’il est prĂȘt Ă  mourir pour lui en dĂ©pit des multiples sĂ©vices que celui-ci et d’autres ont pu lui infliger dĂšs sa naissance.

 

Cergy St-Christophe, fin septembre 2021, lors de la manifestation Cergy, soit !

 

La libertĂ© :

 

 

Ce qui me marque beaucoup Ă  parler de ces Maitres, c’est leur libertĂ©. Chacun a bien sĂ»r sa personnalitĂ©. Et, celle-ci tranche par rapport Ă  celle des autres. Mais ces Maitres, d’une façon ou d’une autre, sont plus libres et semblent aussi plus Ă©panouis que la majoritĂ©.

 

Une minoritĂ© d’individus, sur terre, concentre la majoritĂ© des richesses Ă©conomiques et politiques sur terre. Les Maitres d’Arts martiaux font plutĂŽt partie de ces minoritĂ©s d’individus qui concentrent ou semblent concentrer, elles et eux, une « quantitĂ© Â», peut-ĂȘtre une majoritĂ©, de richesses morales, spirituelles et physiques sur terre. Mais ces derniers ( les Maitres d’Arts martiaux) peuvent ĂȘtre assez « ignorĂ©s Â» au profit de coaches, de consultations de « bien-ĂȘtre Â» les plus diverses, de salles de sport, de magazines, souvent fĂ©minins ou considĂ©rĂ©s comme du ressort de la presse dite fĂ©minine type Psychologie ou Biba ou autres, ou de « sorties Â» entre copains ou entre copines. Ce mode de vie a bien-sĂ»r ses justifications. Sauf qu’il a une certaine tendance, Ă  un moment donnĂ©, Ă  tourner autour du pot lorsqu’il s’agit de vivre ou d’ĂȘtre une personne. Je vais prendre mon exemple :

 

Je peux continuer d’aller voir des quantitĂ©s indĂ©nombrables de films et Ă©crire ensuite Ă  leur sujet. D’autant que depuis hier, par exemple, en m’inscrivant dans une mĂ©diathĂšque d’une autre ville que la mienne, j’ai un nouvel accĂšs – illimitĂ©- Ă  un certain nombre de prĂȘts de dvds, de cds et de livres. Et, j’ai commencĂ© par en emprunter 39 articles car il fallait bien « amortir Â» le coĂ»t de l’inscription Ă  l’annĂ©e, pour un « Ă©tranger Â» : 50 euros. Je savais trĂšs bien qu’un mois de prĂȘt serait largement insuffisant pour regarder tous ces films et ces quelques sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es. Mais, aussi, pour Ă©couter avec prĂ©sence cette dizaine de cds.

Cependant, mĂȘme si j’y parviens, voir tous ces films, Ă©crire Ă  leur sujet, lire le plus possible de journaux et de livres (empruntĂ©s comme achetĂ©s) cela va-t’il suffire pour me rendre plus libre et plus Ă©panoui ?

 

MĂȘme si j’ai la chance, par rapport Ă  d’autres, de pouvoir prendre le temps de regarder des dvds et d’écouter des cds. Ainsi que, d’avoir  pu faire le nĂ©cessaire, en dĂ©cidant de chercher un poste avec certains horaires de travail, pour pouvoir bĂ©nĂ©ficier de ce temps personnel. Mais aussi en dĂ©cidant du nombre d’enfants pour lequel je serai pĂšre et Ă  partir de quand dans ma vie.  

 

Donc, ĂȘtre Maitre, c’est sĂ»rement, dĂ©jĂ , ĂȘtre suffisamment Maitre de son temps afin de pouvoir l’employer Ă  ce qui nous importe le plus. Et, cela, de maniĂšre suffisamment satisfaisante pour soi et pour celles et ceux qui, ensuite, viennent rĂ©guliĂšrement chercher et vivre ce temps commun.

 

PrĂšs de la gare d’Argenteuil, octobre 2021.

 

La difficulté

 

 

Toutefois, si je parle de Maitres d’Arts martiaux qui sont, pour tout pratiquant d’Art martial, les modĂšles ou les pionniers dont on s’inspire (j’aime, dans la traduction du mot Sensei lire que le Sensei est « celle ou celui qui est nĂ©(e ) avant), il faut aussi parler de celles et ceux qui les entourent. Les autres pratiquantes et pratiquants.

 

Face au sensei, on est un peu comme face Ă  un miroir. Sauf que le reflet, la silhouette, l’idĂ©al, la personnalitĂ© que l’on voit n’est pas le nĂŽtre, pas la nĂŽtre. Et, cela ne sera jamais. Car chaque personne est unique.  NĂ©anmoins, on peut avoir tendance, si l’on admire un peu trop une Maitre ou un Maitre, si l’on colle beaucoup trop Ă  son reflet ou Ă  sa personnalitĂ©, Ă  ne voir qu’elle ou lui ou Ă  ne voir que par elle ou par lui. Et Ă  nĂ©gliger celles et ceux qui nous entourent. Plus avancĂ©s que nous, plutĂŽt exemplaires. Mais aussi celles et ceux donnant Ă  voir une pratique peu flatteuse et peu avantageuse  de la discipline. Il y a les pratiquantes et les pratiquants douĂ©s et expĂ©rimentĂ©s. Leur inverse existe aussi : peu douĂ©, peu expĂ©rimentĂ©, mais aussi expĂ©rimentĂ© et pourtant peu douĂ©. Ou trĂšs douĂ© alors que peu expĂ©rimentĂ©.

 

Etre un Maitre, ou aspirer Ă  en devenir un, cela consistera sans doute Ă  apprendre Ă  accepter de composer avec au moins ces trois « difficultĂ©s Â».

 

Celle du Maitre. Celle des autres pratiquantes et pratiquants qui « rĂ©ussissent Â» mieux que nous ou qui sont « meilleurs Â» que nous. Celle des pratiquantes et pratiquants qui « patinent Â», qui « rament».

Et soi-mĂȘme. Avec nos propres difficultĂ©s et facilitĂ©s qui varient selon les pĂ©riodes.

 

 

Je cite trois difficultĂ©s + une. Ces difficultĂ©s peuvent aussi ĂȘtre perçues comme les trois angles diffĂ©rents d’un problĂšme ou d’une situation. On peut aussi remplacer le terme « difficultĂ©s Â» par le terme «  dimension Â».  Nous vivons souvent dans Ă  peine une dimension, voire deux. Et, encore. Je l’écris ici, assez intuitivement, et, aussi, pour l’avoir lu ou entendu.

 

Le titre de cet article est Trois Maitres + Un. Soit quatre possibilitĂ©s, parce qu’une difficultĂ© peut aussi devenir une possibilitĂ©,  que l’on peut rencontrer, que l’on rencontre, que l’on a rencontrĂ©, de vivre autrement, d’ĂȘtre autrement. Selon que l’on  dĂ©cide. De Ranger des piles de journaux. De PrĂ©parer son sac de travail pour le lendemain. D’ Ă©crire un article ou plusieurs. Ou de ne pas le faire. L’école Itsuo Tsuda de Sensei RĂ©gis Soavi enseigne le Non-Faire. Le Non-Faire, c’est le contraire de notre sociĂ©tĂ©. Il y a beaucoup de personnes de par le monde, en France comme ailleurs, pour lesquels ne rien faire est particuliĂšrement violent. Cela reviendrait presque Ă  vomir ses tripes aprĂšs plusieurs cuites rĂ©pĂ©tĂ©es.

 

Franck Unimon, ce jeudi 14 octobre 2021.

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