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Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023

Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023.

 

 

Retour à Séoul aurait pu avoir pour sous-titre : Le Prix du Matin calme.

 

 

Alors qu’il est en quête d’harmonie, le loup occidental  croit l’apercevoir dans certains pays d’Asie. Si l’on fait partie de ces personnes attirées par l’Asie au moins pour cette « raison » ou cette croyance, on envie la jeune Freddie lorsqu’elle arrive en Corée du sud au début du film. Freddie est alors notre alibi et notre double. Bien que d’origine et d’apparence coréenne, elle a toujours vécu en France et parle à peine Coréen. C’est une jeune femme dans la vingtaine très à l’aise pour les relations sociales. Au lieu de se regarder dans un miroir en attendant que quelqu’un vienne à elle, c’est elle qui s’avance vers les autres.

 

L’actrice Park Ji-Min II dans le rôle de Freddie.

 

Sa facilité pour entrer en contact, en abattant les distances, avec les jeunes Coréens surprend (et cela nous surprend tout autant). Mais cela les fascine aussi et semble leur simplifier la vie. Tels les timides invités d’une soirée ou d’une  société, ces jeunes Coréens semblent avoir toujours attendu que quelqu’un comme Freddie les rejoigne et  fasse pour eux le premier pas, les autorisant en cela à s’avancer ensuite.

 

Le pays du Matin Calme serait donc un de ces endroits où l’harmonie est obtenue en maintenant, dès son plus jeune âge, chaque individu à l’envers de soi sur  un socle.

 

Freddie, « la jeune étrangère », est celle qui provient du hors champ de cette éducation à la Coréenne. Laquelle éducation, pour garantir l’harmonie sociale d’un pays, n’en n’enferme pas moins ses citoyens. Le pays tout entier est leur prison et s’étend jusqu’à leur espace social, émotionnel, corporel et mental.

 

« Tu es une personne très triste » lui dira pourtant plus tard en Français Tena ( l’actrice Guka Han, également auteure du livre Le jour où le désert est entré dans la ville ) une de ses amies coréennes pourtant peu portée sur l’extravagance. Comme si le fait d’avoir laissé filer cette tristesse hors de son bol intérieur était une grande tare sociale en Corée du sud. Ou que le secret de cette trop grande liberté de Freddie, d’abord entraînante et extraordinaire, avait pour elle le tort d’avoir été révélé.

 

L’armature des convenances est telle qu’il convient de toujours aller bien et de savoir garder pour soi certaines émotions afin de ne pas incommoder les autres avec celles-ci. Rien ne doit dépasser ou déborder.

 

Le pays du Matin Calme est peut-être le pays où l’on aspire parfois à extraire de soi ce que l’on ressent afin de l’exprimer mais où le risque reste trop grand de se retrouver dévalué, aux yeux des autres ou à nos propres yeux, si l’on se confie tel que l’on est. Car nos secrets nous protègent.

 

Or, Freddie, elle, déborde et se livre allégrement comme une enfant tandis que les jeunes Coréens alentour se tiennent bien et à l’abri du jugement des autres.

 

La récréation, pour Freddie, dès lors, se fait courte. Après les premiers temps de l’exaltation de la découverte de la Corée du Sud, il lui faut aussi passer aux choses sérieuses.

Freddie ( l’actrice Park Jin-Min II) alors qu’elle cherche le Centre Hammond.

De d’abord libérée par rapport à ses rencontres coréennes, car Française, Freddie trouve ensuite sa propre prison. Celle de l’histoire de son adoption. Car elle est née Coréenne. Ses amis coréens lui parlent du centre Hammond qui aide les enfants coréens adoptés à retrouver leurs parents biologiques.

 

A partir de là, Retour à Séoul cesse d’être la comparaison amusante mais aussi embarrassante – Freddie se montre par moments assez rude ( tant en Français qu’en Anglais ) envers certaines mœurs coréennes-  entre deux cultures, Coréenne et Française, pour devenir le récit de la fabrication “en accéléré” d’une nouvelle identité.

 

Freddie est spécifiquement Française au début du film. A la fin du film, sa part coréenne sera établie.

 

Le processus, sur plusieurs années, sera plusieurs fois déconcertant et difficile.

L’acteur OH Kwang-ROK qui incarne le père biologique de Freddie suivi par celle-ci ( l’actrice Park Ji-Min II) et son amie coréenne Tena ( l’actrice Guka Han)

 

Il contiendra aussi son lot de dérives. Car tant que l’on fait semblant et que l’on raffole de l’instant et sans attente particulière, ce que l’on vit est sans conséquences. Par contre, lorsque l’on s’expose au Temps des autres et que l’on en attend des réponses….

 

Freddie ne peut pas se soustraire à cet autre voyage. Celui de son histoire personnelle et de son identité pour lequel ses parents adoptifs français, malgré tout leur Amour et tous leurs efforts, restent et redeviennent deux étrangers.

 

Après plusieurs voyages au Japon, pays proche, celui de Freddie en Corée du Sud, plus personnel et moins exotique, est le voyage de la maturité.

 

Presque paradoxalement, l’inconnu de ses origines qui construit sa quête, le handicap d’être Française comme celui de peu parler la langue coréenne vont aussi lui permettre de prendre des décisions, comme de mener une vie, dont elle aurait sûrement été incapable si elle avait toujours vécu en Corée et toujours été « seulement » Coréenne.

 

Pour réaliser ce film, Davy Chou s’est inspiré librement de la vie de Laure Badufle qui a participé à la conception du scénario. Aujourd’hui, Laure Badufle est devenue Coach professionnelle de l’Ecole Française de Coaching, enseignante de Yoga Kundalini et co-présidente de la Fédération Française FFKY. Elle a aussi « créé le programme Adoption Mastermind pour accompagner adopté.e.s et adoptants à travers les défis de l’adoption et travaille avec des associations en France et à l’étranger ( Racines Coréennes, La Voix des Adoptés, G.O.A’ L (….) ».   

 

Dans le film Retour à Séoul, L’actrice (Park Ji-Min II) qui incarne Freddie passe par un spectre de regards et d’émotions qui la rendent tantôt attachante, tantôt agaçante mais aussi cruelle, froide ou effrayante. Parfois, elle scrute voire sectionne du regard ses interlocuteurs comme des insectes de passage ou de transition mais aussi comme si elle voulait se réincarner dans leur histoire personnelle. On ne la quitte pas des yeux tant son jeu est convaincant.

Freddie, en plein repas avec sa famille biologique du côté de son père qu’elle a retrouvé. Face à elle, son amie Coréenne, Tena ( l’actrice Guka Han) qui lui sert d’interprète.

 

A la fin du film, Freddie demeure une personne assez insaisissable. Peut-être parce qu’elle est devenue un être humain plus libre et plus heureux en achevant bien sa mue en tant que Coréenne. 

 

 

 

Retour à Séoul sortira au cinéma le 25 janvier 2023.  

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 novembre 2022.

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