Under The Skin un film de Jonathan Glazer
Lors de la réalisation de ce film en 2013, Scarlett Johansson était une actrice plus que retenue. Elle avait déjà tourné avec Sofia Coppola, les FrÚres Coen, Woody Allen. Elle avait aussi déja joué dans The Avengers.
Avec Charlize Theron, Jennifer Lawrence, Maggie Cheung Ă une certaine Ă©poque, Halle Berry et Ellen Page dans une moindre mesure, Cate Blanchett, peut-ĂȘtre Amy Adams, Scarlett Johansson est lâune des rares actrices-vedettes actuelles que lâon nous montre aptes Ă jouer autant dans des films dâaction grand public que dans des films dâauteurs exigeants voire expĂ©rimentaux. Under The Skin en est une dĂ©monstration.
Il yâavait vraiment peu de monde dans la salle de cinĂ©ma lorsque je lâavais dĂ©couvert la premiĂšre fois. Il est du reste possible que jâaie Ă©tĂ© le seul spectateur Ă la sĂ©ance oĂč je mâĂ©tais rendu. Jâai oubliĂ©.
Les premiĂšres minutes du film mâavaient rapidement renseignĂ© sur les raisons de cette salle dĂ©serte, sorte de Sahel pour cinĂ©phile. A la fin du film, jâĂ©tais sorti interloquĂ©. Evidemment, je ne mâattendais pas à ça. Mais Under The Skin mâavait suffisamment intriguĂ© pour me donner envie de le revoir. Je viens de le revoir. Et cela doit maintenant faire quatre Ă cinq fois que je le revois. Avec plaisir.
Si lâactrice Scarlett Johansson est lâappĂąt de cette affiche pour attirer le spectateur, elle lâest Ă©galement dans le film. Under The Skin est un film que lâon aimera voir si lâon lâaccepte dâaller sous la surface voire sous la glace de ce personnage quâelle interprĂšte. Elle est au dĂ©part une espĂšce de Terminator au fĂ©minin. Mais une Terminator dont les motivations sont floues, alternant entre un rĂŽle dâentomologiste et celui de prĂ©datrice ou de tueuse en sĂ©rie. Mais elle pourrait Ă©galement ĂȘtre une rabatteuse pour une secte, un groupe terroriste ou tout autre groupe extrĂ©miste. Et, ici, La comparaison avec Terminator sâeffiloche car le rythme et la dramaturgie entre les deux Ćuvres sont trĂšs diffĂ©rents.
Dans Terminator, on est trĂšs vite dans un film dâaction fantastique. Dans Under The Skin, on est davantage dans une prospection, une introspection et une contemplation. En allant dans les clichĂ©s, on pourrait dire :
Dans Terminator, Schwarzenegger arrive sur Terre avec lâobjectif bourrin de rentrer dans le tas pour remplir sa mission. Ce qui serait une composante trĂšs masculine. Ici, Scarlett Johansson, elle, fait plutĂŽt des cercles pour accomplir sa mission. Elle enveloppe et engloutit son sujet. Câest aussi une prĂ©datrice/ prospectrice assez conventionnelle : elle se sert de la palette dâatouts du sexe dit faible (la femme) pour approcher ses proies toutes masculines. Et elle a aussi besoin dâune escorte toute masculine que lâon voit rĂŽder par moments prĂšs dâelle sous la forme dâun motard tout en cuir et protections et quelque peu sĂ©vĂšre. Nous sommes ici dans un univers trĂšs hĂ©tĂ©ro-normĂ©. Et sĂ©duire un mĂąle hĂ©tĂ©ro occidental y est trĂšs facile pour Scarlett. Sourire.
Film sur lâidentitĂ©, la naissance et l’humanisation dâune conscience, la solitude existentielle, le dĂ©sir comme pĂ©ril mais aussi comme tentative de remĂ©dier Ă la solitude, voire sur lâimmigration en ce sens que Scarlett Johansson y est aussi une immigrĂ©e sur Terre, Under The Skin nous observe et nous fait de lâĆil. Et ce quâil voit peut ĂȘtre angoissant, dĂ©sespĂ©rant ou captivant. Tant Scarlett Johansson peut par moments nous aveugler au point de nous Ă©carter de toute raison et de toute prudence. Câest peut-ĂȘtre lâune des grandes particularitĂ©s du film : on y Ă©volue comme dans un rĂȘve pour peu que lâon accepte de se laisser faire. Et Scarlett Johansson semble elle-mĂȘme Ă©voluer dans le mĂȘme Ă©tat.
Le corps musical du film, lâaccent Ă©cossais Ă©pais de plusieurs des protagonistes, les paysages de lâEcosse contribuent tout autant Ă nous faire quitter notre quotidien.
Sauf que le rĂȘve est Ă©troit. Le feu sera notre derniĂšre fuite.
Franck Unimon, ce lundi 25 février 2019.