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Tu ne penses qu’à toi !

 

                                            Tu ne penses qu’à toi !

Depuis deux ou trois jours, les températures ont baissé. Nous avons perdu une dizaine de degrés.  

Il pleut.

Celles et ceux qui portent des lunettes de vue- en plus de leur masque de prévention anti-covid – ont désormais le regard partagé entre des crottes d’eau sur leurs carreaux. Et la buée.

 

Mais le moral est bon. Il est un peu plus de midi. Je viens de déjeuner. Je suis debout depuis 6h30 et c’est seulement maintenant que je vais pouvoir faire un peu ce par quoi j’aurais préféré commencer cette journée : Ecrire un article.

 

J’avais prévu d’écrire sur le film Rouge de Farid Bentoumi qui sortira le 25 novembre. Avec Sami Bouajila, Zita Hanrot, Céline Sallette et Olivier Gourmet pour parler des acteurs les plus côtés et connus du film. J’aimerais bien parler de mon expérience d’il y a plusieurs jours, maintenant, de Google Trad. Mais c’est impossible.

 

Hier après-midi, un dimanche, j’ai travaillé dans mon service. J’ai effectué un remplacement, payé en heures supplémentaires. J’étais volontaire. L’après-midi s’est bien passée. Nous avons même écouté des contes audios. J’avais prévu d’en proposer un seul. Nous sommes d’abord allés sur l’île de Gorée avec Djeneba la bossue. Puis en Bretagne avec Jean Carré.

 

Une jeune a voulu que je mette un troisième conte audio. Je suis resté avec elle, ce faisant, lors du conte De l’or et des dattes  qui nous a emmené en Tunisie. Tout en feuilletant le début d’un livre de Patricia Higgins Clark du service. Ainsi qu’un dictionnaire de rimes. J’ai beaucoup aimé le début du livre de Patricia Higgins Clark. Sa technique. Je savais qu’elle était une référence. Mais je n’avais rien approché de son écriture.

 

 

Un peu plus tard, j’ai regardé quelques passages de l’émission Super nanny avec cette même jeune. Je ne suis pas sûr que ce soit elle qui l’ait choisie. Les jeunes du service sont souvent des adeptes du zapping avec la télé. Et, quand je peux, j’aime regarder avec les jeunes le programme qu’ils ont choisi. Quand je suis capable de le supporter.

 

Super nanny rappelait certains principes lors de trois journées d’action dans une famille :

 

L’importance de donner des limites à nos enfants. En plus d’une certaine affection bien-sûr.

L’utilité de savoir faire diversion en cas de conflit avec son enfant.

La nécessité pour le couple de savoir se retrouver dans une certaine intimité sans les enfants.

L’importance, aussi, d’avoir du plaisir à être tous ensemble.

Le couple concerné avait deux filles. Une de 7 ans environ, et une, de trois ou quatre ans, qui, habituée à recevoir un traitement de « petite princesse », avait tendance à être tyrannique. Le père avait 34 ans. La mère, 28.

 

Je ne connais pas la formation ni l’expérience professionnelle de celle qui incarne Super nanny. Ni les critères de sélection des familles qu’elle part « aider ». Mais il y a un côté magique dans ses interventions. J’ose espérer qu’après son passage, cela continue de bien se dérouler dans les familles où elle est entrée.

 

 

Pendant le dîner, dans le service, nous avons participé à un autre type d’émission. Une émission assez fréquente :

Deux ou trois jeunes ont commencé à déblatérer sur le service ceci et le service cela. Une, sans doute, avait donné le tempo puis les deux autres ont suivi. C’est souvent comme ça que ça marche.

Le synopsis était le suivant : leur hospitalisation les empêchait d’avancer. C’était à cause du service (et de nous, les soignants) qu’elles allaient mal. Et qu’elles s’ennuyaient. Par conséquent, c’était de notre faute si elles fumaient plus de cigarettes. J’ai rappelé que c’était vrai : le service n’est pas le club Med. Mais que leur hospitalisation allait durer un temps puis s’arrêterait. Je suis aussi allé dans l’ironie :

J’ai suggéré que cela irait peut-être beaucoup mieux pour elles si nous les attachions nuit et jour ; si nous les surveillions constamment ; et si nous limitions leur nombre de cigarettes. Elles ont bien-sûr protesté.  J’étais dans mon rôle. Elles, aussi. Leur dîner terminé, elles sont toutes les trois parties fumer dans la cour en se blottissant l’une contre l’autre, assises par terre, près de la porte. Là où elles pouvaient se protéger de la pluie qui tintait sur le sol.

 

Quelques minutes plus tard, une des trois jeunes est venue nous voir, assez catastrophée. Elle se sentait angoissée.  Mon collègue l’a vue en entretien. Pendant ce temps-là, j’avais un œil sur les autres jeunes. Tout en débarrassant et  en lavant la table puisque nous n’avions pas d’agent de service hospitalier ce dimanche après-midi. Du fait, sans doute, de plusieurs arrêts maladie.

 

Ensuite, une autre jeune est partie aux toilettes. Je l’ai entendue vomir. Revenue de sa permission deux heures plus tôt, elle avait été toute fière de clamer qu’elle s’était enfilée une certaine quantité de sushis. A sa sortie des toilettes, je lui ai demandé :

« ça va ? ». Elle m’a répondu :

 

« Je viens de vomir mais à part ça, tout va bien ! ». Ce que j’ai traduit par :

« Tu poses des questions de merde et tu ne sers à rien ! Comme d’habitude…. ».

Au lieu de mal le prendre, je lui ai demandé :

« Qu’est-ce qui a pu te faire vomir ? ».

Elle : «  Je n’en sais rien ! ».

Moi : « Cela a peut-être un rapport avec les sushis ?…. ». Elle ne voyait pas le rapport et elle a filé dans la cour.

 

Dix minutes plus tard, la jeune angoissée qui allait mieux depuis son entretien avec mon collègue vient nous alerter, catastrophée :

La troisième est en train de faire « une crise d’épilepsie » par terre, dans la cour. Mon collègue et moi nous rendons sur les lieux. Recroquevillée, presque en chien de fusil, la troisième jeune a en effet des secousses des membres inférieurs. Il fait alors pratiquement nuit. Ses yeux sont fermés. Elle respire mais ne répond pas lorsque je lui parle et lui prends la main.

 

Les deux autres jeunes qui étaient encore avec elle quelques secondes plus tôt sont parties se réfugier à l’intérieur du service. Par terre, j’aperçois un paquet de tabac à rouler, des filtres et un briquet. J’apprendrai plus tard que ce matériel appartient à la jeune « aux sushis ».

Je dis à mon collègue de rentrer, afin d’être avec les autres jeunes, et d’appeler le médecin de garde qui se trouve être le chef de service.

 

Le chef de service arrive très vite. Je suis toujours accroupi près de la jeune à qui je tiens la main et à qui je m’adresse. Je ne suis pas inquiet même si elle ne me répond pas et que ses yeux restent fermés. De temps en temps, elle est prise de secousses des membres inférieurs. Depuis le début de la « crise », elle s’est mise d’elle-même en position latérale de sécurité. Même si c’est la première fois, pour ma part, que je la vois dans cet état, je me dis que cela va passer. Même si je ne sais pas combien de temps ça va durer. Je lui suggère plusieurs fois de s’asseoir. Je lui parle de la pluie qui va peut-être tomber. Et que cela ne sera pas très agréable pour elle de se faire mouiller par la pluie, par terre, comme ça. Pas de réponse. Je me tais aussi tout en continuant de lui donner la main. Je crois aussi que les trois jeunes, lorsqu’elles étaient ensemble à discuter dans la cour, se sont montées le « bourrichon ». Car je ne crois pas à une coïncidence : en l’espace de trente à quarante cinq minutes, toutes les trois, chacune son tour, s’est sentie mal.

 

Après quinze à vingt minutes, la jeune ouvre les yeux. A ce moment-là, resté silencieux jusqu’alors, le médecin-chef lui parle et l’encourage à se relever. Ce qu’elle fait calmement, sans dire un mot. Je me place un peu derrière elle afin de prévenir une chute éventuelle. La jeune retourne dans le service tranquillement et part s’asseoir près d’une table où elle commence aussitôt à écrire, je crois. Car elle tient un journal. Les deux autres jeunes se tiennent à distance comme si elles avaient vu un fantôme en la personne de leur « copine ». Celle-ci ne semble pas leur tenir rigueur pour leur attitude.

 

Mon collègue m’apprendra quelques minutes plus tard que, tous les jours, cette jeune fait ce genre de crise. Après avoir fait un résumé de l’après-midi à nos collègues de nuit, mon collègue et moi sommes rentrés à notre domicile.

 

Ce matin :

 

Ce matin, j’étais content de la façon dont les préparatifs de ma fille se sont passés pour aller à l’école. Pas de colère de part et d’autre. Nous étions en avance. Nous marchions main dans la main et je ne crois pas que nous nous parlions. Nous étions presque arrivés à l’école quand elle m’a dit :

 

« Tu ne penses qu’à toi ! ».

 

Je lui ai demandé pourquoi elle me disait ça.

Elle : «  Arrête ! Si tu pouvais te taire maintenant…. ». Et, elle de m’expliquer qu’elle ne supportait pas le bruit. Je me suis demandé si elle m’en voulait d’avoir été absent hier après-midi. Ou si elle me répétait des propos tels que « wesh » et d’autres termes que les mômes se transmettent. Pas de réponse. Je lui ai quand même rappelé que dire à son père de se « taire », ne passait pas. Elle s’est alors tue et s’est mise à marcher un ou deux mètres devant moi, pleine d’une certaine autorité. Cela fait des années que je lui connais certaines facilités avec l’autorité. C’est seulement que j’ignore ce qui, ce matin,  a déclenché cette soudaine manifestation d’autorité.

 

 

Devant les grilles encore fermées de l’école, ma fille s’est postée quelques minutes. Puis, elle est venue se mettre contre moi sans rien dire. J’ai refermé mon bras sur elle. Lorsque les portes de l’école se sont ouvertes, nos relations étaient de nouveau détendues.

 

Formulaire :

 

 

 Il y a plus d’un mois maintenant, fin août, le téléphone portable de ma compagne a capitulé. Nous avons décidé d’en acheter un nouveau. Je l’ai commandé sur le site de Darty. A un de ses « vendeurs partenaires ».  J’ai payé par carte. Le téléphone devait arriver au bout de quelques jours.

 

Après l’achat, j’ai appris que le téléphone venait de Hong-Kong. Et qu’il y allait y avoir du retard à la livraison. Au vu du contexte politique à Hong-Kong, j’ai compris qu’il fallait patienter.

Le 5 septembre, le « vendeur partenaire » m’a appris que le téléphone allait arriver dans un délai compris entre 7 et 10 jours.

Le 22 septembre, nous n’avions toujours pas reçu le téléphone. J’ai donc recontacté le vendeur qui m’a appris que nous avions reçu le téléphone….le 3 septembre. C’était ce que leur indiquait leur site. Et qu’il me fallait donc voir avec mon bureau de poste local.

 

Je suis allé à la poste près de chez moi la semaine dernière. Je m’étais trompé de référence et on m’a répondu qu’une réclamation sur place était impossible. Qu’il fallait passer par le 36 31. Ce que j’ai fait en rentrant. Là, après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par avoir quelqu’un qui m’a appris que c’était un colissimo qui m’avait été envoyé et non un chronopost. J’ai préféré remettre mes démarches à plus tard.

 

Ce matin, je suis retourné à la poste près de chez moi. On m’a répondu que, pour eux, aussi, le colissimo m’avait été remis le 3 septembre. C’est ce qui était indiqué sur le terminal de l’agent qui m’a reçu. Cet agent m’a néanmoins remis un formulaire de réclamation. Elle m’a bien proposé de joindre le 36 31 mais j’ai refusé !

 

J’ai rempli le formulaire sur place. Derrière moi, un homme d’une bonne soixantaine d’années expliquait avoir été envoyé à la Poste pour faire une réclamation pour un chronopost qu’il n’avait pas reçu. Le jeune agent qui l’a reçu lui a expliqué que la Poste ne gérait pas les envois de Chronopost. La Poste se contentait de vendre les produits Chronopost. Le client lui a demandé :

« Mais, alors, pourquoi m’a-t’on dit de venir à la Poste ?! ».

L’agent : «  Je n’en sais rien ! ».

 

Pour les démarches que j’ai à effectuer pour la réclamation, il me faut une connexion internet correcte ainsi que, sans doute, l’imprimante qui va avec. Même si, pour l’instant, j’ai la contrariété de l’argent déboursé pour ce téléphone portable et du temps déjà liquidé pour le récupérer ou me faire rembourser, je m’en sors mieux que d’autres.

J’ai un emploi. Un toit. Je mange à ma faim. Ma fille est scolarisée (d’accord, sa maitresse a déjà été malade une dizaine de jours pratiquement dès la rentrée mais elle est revenue depuis hier). Je suis plutôt en bonne santé. J’ai accès à la culture et à certains loisirs. J’ai une connexion internet décente. Et une imprimante qui marche. La France des gilets jaunes, du chômage et du crédit à tue-tête ne dispose pas de tout ça. Ou, alors, elle le paie très cher. Pourtant, avoir dû attendre près de six heures entre l’heure de mon réveil ce matin et le moment où j’ai pu m’asseoir et disposer de mon temps- et de ma vie- à peu près comme je le souhaite, et pour une durée limitée, me paraît un délai assez long. D’autant que je reprends mon travail seulement ce soir, à 21 heures.

 

 

Donc, heureusement que, quelques fois, je ne pense qu’à moi.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 28 septembre 2020.

 

 

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