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En Concert

PJ Harvey Ă  l’Olympia, octobre 2023

 

PJ Harvey, Ă  l’Olympia, Paris, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023

PJ Harvey, c’est lors des annĂ©es 90 et 2000 qu’elle avait tout emballĂ©.  Je l’avais ratĂ©e au festival Rock En Seine entre 2003 et 2005 au parc de St Cloud. J’avais trop hĂ©sitĂ©.

Trente ans plus tard, ses deux dates pour l’Olympia ont Ă©tĂ© complĂštes. S’il y avait moins la queue pour son concert que pour celui des deux sƓurs Ibeyi, PJ Harvey a nĂ©anmoins son public.

Ce 12 octobre 2023, aprÚs le concert de PJ Harvey. Photo©Franck.Unimon

On a plutĂŽt la quarantaine voire la cinquantaine lorsque l’on vient voir PJ Harvey en concert et l’on est plutĂŽt blanc, aussi. C’est ce que je me dis subitement alors que je me trouve dans la salle oĂč, Ă  part les vigiles pour filtrer les entrĂ©es ou dans la salle pour assurer la sĂ©curitĂ©, je n’ai pas vu un seul noir dans le public.

Il y a aussi pas mal de femmes. De la trentaine Ă  la cinquantaine.

Bien plus que lorsque j’étais allĂ© dĂ©couvrir Joe Bonamassa grĂące Ă  Christophe Goffette et, qu’à cĂŽtĂ© de moi, dĂšs le dĂ©but du concert, un homme avait chaussĂ© ses lunettes noires et ostensiblement refusĂ© toute interaction avec moi. Nous n’étions pas du tout du mĂȘme bord. Lui, c’était un pur. Et, moi, je devais ressembler Ă  un artĂ©fact. Il Ă©tait peut-ĂȘtre aussi dans la salle, parmi les spectateurs, ce soir.

PJ Harvey, Ă  l’Olympia, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

A ce concert de PJ Harvey, je le sais, se trouvent aussi un ami, rencontrĂ© trente ans plus tĂŽt, et une de ses collĂšgues dont j’ai fait la connaissance un peu plus tĂŽt dans la journĂ©e. Avec eux, j’aurai un peu plus d’interactions car aucun des deux ne porte de lunettes noires.

Sans nous ĂȘtre consultĂ©s, tous les trois, nous avions pris notre place pour ce concert de PJ Harvey environ deux mois plus tĂŽt. Les places sont vite parties.

Les artistes, entre eux, ont souvent bien moins de frontiĂšres que celles et ceux qui les « suivent » et les Ă©coutent. C’est parce-que, progressivement, j’ai fait mien ce principe ou cette conduite de vie que j’ai Ă©tĂ© amenĂ©, il y a plusieurs annĂ©es, Ă  Ă©couter PJ Harvey. Tout en Ă©coutant du Zouk ( Jacob Desvarieux)  ou du Reggae ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo).

Mon ami de trente ans, je le sais, n’écoute pas du tout du Zouk, du Kompa, de la Salsa ou du Reggae. Et encore moins du Dub :

( En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie) .

Pas mĂȘme du Funk. Lui, me (re)parlera de Franck Black (que j’ai eu la chance de voir un jour en concert et ce fut une trĂšs trĂšs belle performance), de John Zorn, de Roger Waters
 Des artistes que je peux aimer Ă©couter (Roger Waters) ou que j’ai essayĂ© d’entendre (John Zorn).

Sa collĂšgue, elle, aprĂšs le concert, me donnera envie en m’apprenant avoir vu Massive Attack avec Tricky en 2008. Ces derniers jours, j’ai beaucoup Ă©coutĂ© et rĂ©Ă©coutĂ© Tricky. J’ai cherchĂ© des nouvelles versions de ses titres. Mon ami n’écoute pas Tricky. Mais PJ Harvey avait fait un titre avec lui :

Broken homes.

AprĂšs le concert, cependant, la collĂšgue de mon ami me laissera un peu pantois lorsqu’elle citera les Artic Monkeys. Car elle n’a pas trop aimĂ© la prestation que nous avons vue de PJ Harvey. Elle a trouvĂ© les paroles trĂšs belles mais le son mauvais. Pour elle, on ne sentait pas assez les basses. Elle aurait voulu se sentir « transpercĂ©e Â» par les basses comme cela s’était fait lors du concert des Artic Monkeys ou de Massive Attack par exemple. Je connais les Artic Monkeys seulement de nom. D’aprĂšs mes prĂ©jugĂ©s, c’est une musique froide, « blanche Â», ça ne se danse pas. Je n’ai pas envie d’y aller. Mais je n’ai rien Ă©coutĂ© d’eux Ă  ce jour alors que je peux beaucoup aimer des titres de Cure, Joy Division, Depeche Mode, Soft Cell, Radiohead
.

 D’ailleurs, j’ai vu le film consacrĂ© Ă  Ian Curtis, leader du groupe Joy Division : Control rĂ©alisĂ© en 2007 par Anton Corbijn. J’ai aimĂ© le film mĂȘme s’il est dĂ©primant.

Et, Tricky, lui-mĂȘme, ou Massive Attack, ont assurĂ©ment puisĂ© aussi dans des inspirations qui ont pu ĂȘtre communes aux Artic Monkeys. On ne peut pas dire non plus que les compositions de Tricky et Massive Attack soient des inventions particuliĂšrement festives.

PJ Harvey, A l’Olympia, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mon ami, lui, pour nous redonner du tonus, aprĂšs le concert, nous dit :

« Je pense qu’on est venu la voir trop tard. Il aurait fallu la voir vingt ans plus tĂŽt Â».

Mon ami souligne aussi que la mise en scĂšne thĂ©Ăątrale de PJ Harvey ne l’a pas sĂ©duit. Il est vrai que, durant le concert, PJ Harvey a beaucoup posĂ© tout Ă  son rĂŽle ou aux histoires qu’elle nous a racontĂ©es dans ses chansons. Mais cela a Ă©tĂ© trĂšs pratique pour moi. Pour prendre des photos. Je n’ai peut-ĂȘtre jamais rĂ©ussi autant de photos en concert.

Nous avons vieilli. PJ Harvey, aussi. Mais nous le reprochons plus Ă  PJ Harvey qu’à nous-mĂȘmes. Toutefois, moi, qui ai moins bien compris les paroles de ses chansons que mon ami et sa collĂšgue, j’ai aimĂ© le concert. Jusqu’alors, je n’avais pas remarquĂ© le nombre de fois oĂč elle mentionne les mots « Amour Â» et  Â« JĂ©sus Â».  

Au plus prĂšs de la scĂšne afin de pouvoir faire mes photos, j’ai aimĂ© le dĂ©vouement de PJ Harvey. J’ignore si cela a toujours Ă©tĂ© comme ça mais nous savions que son concert commencerait Ă  20 heures piles comme annoncĂ© sur nos billets. Par ailleurs, des mesures ont Ă©tĂ© prises contre la revente des places de son concert au marchĂ© noir. Il vaut donc mieux avoir achetĂ© son entrĂ©e par les biais officiels. J’ai un peu oubliĂ© maintenant mais il me semble avoir payĂ© 55 euros pour ĂȘtre debout dans la fosse. Et, au dĂ©part, toutes les bonnes places prĂšs de la scĂšne m’ont semblĂ© dĂ©jĂ  prises.

PJ Harvey, ce 12 octobre 2023, Ă  l’Olympia. Photo©Franck.Unimon

La « prĂȘtresse du Rock Â» PJ Harvey (c’est ainsi qu’elle a Ă©tĂ© surnommĂ©e dans la presse pour ces concerts) a dĂ©veloppĂ© sa conscience du monde. J’ai lu ou appris qu’elle se prĂ©occupait de ce que nous faisions de notre planĂšte, de ce qui s’y passait. Devenue plus cĂ©rĂ©brale sans doute qu’à ses « dĂ©buts Â», comme Björk,  sa musique rentre moins dans le tas qu’avant. Et, il y a beaucoup moins de gravats aprĂšs les passages de sa voix et de sa guitare. Or, visiblement, c’est ce que un certain nombre d’entre nous attendaient.

PJ Harvey change d’ailleurs plusieurs fois de guitare. Il s’agit donc d’un instrument qui lui reste familier. Le public reste sage ou tout en dĂ©votion. Il s’anime d’emblĂ©e lorsque l’artiste entame certains de ses anciens « tubes Â» tels que Down by the water par lequel j’avais, je crois, entendu parler d’elle pour la premiĂšre fois dans un film de Laetitia Masson avec Sandrine Kiberlain. Alors que Laetitia Masson, dans les annĂ©es 90, Ă©tait une rĂ©alisatrice de films d’auteurs qui Ă©talonnait son Ă©poque.

PJ Harvey a aussi entonnĂ© Dress mais, si j’ai bien entendu, aucun titre de l’album Is it Desire ?

Je n’aurais pas dĂ» pouvoir prendre toutes ces photos au concert de PJ Harvey. MĂȘme si dans la salle, j’ai bien vu des personnes prendre des photos, ou filmer, y compris Ă  proximitĂ© d’un des vigiles, avec tout ce qu’il fallait pour bien zoomer, j’ai aussi vu une personne devoir dĂ©poser son appareil photo Ă  la consigne avant d’entrer dans la salle.

Je suis content ou trĂšs content de ces photos. Et, je m’en sers non pas pour me faire du fric sur le dos de l’artiste et de celles et ceux qui travaillent avec elle, mais afin d’avoir des photos originales, mes photos, et pour restituer aussi bien que possible cette expĂ©rience qu’a Ă©tĂ© pour moi ce concert ainsi que l’Ɠuvre d’une artiste. Avec autant de sincĂ©ritĂ© que possible ainsi qu’avec les moyens dont je dispose pour mon blog.

Pour le diaporama de photos que j’ai fait et qui arrive Ă  la fin de cet article, j’ai choisi des anciens titres de PJ Harvey. Cela lui dĂ©plairait peut-ĂȘtre. Mais je crois que cela devrait faire plaisir Ă  celles et ceux qui, comme moi, ont vieilli, et ont conservĂ© une partie de leur jeunesse et de leur vitalitĂ© dans les fĂ»ts et les refus de ces titres.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

 

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Théùtre

Zingaro : Cabaret de l’exil femmes persanes conception Bartabas

Au théùtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Zingaro : Cabaret de l’Exil femmes persanes (conception Bartabas)

 

Cela faisait des annĂ©es que j’avais entendu parler de Bartabas, du thĂ©Ăątre Zingaro, de « ses » chevaux et que j’avais envie d’aller les voir. J’avais aussi lu un ou deux articles sur lui. Ou peut-ĂȘtre une interview. Cela m’avait dĂ©cidĂ©.

Bartabas, aprÚs la représentation ce samedi 28 octobre 2023 au théùtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Mais mes envies sont aussi des bagages que je tire derriÚre moi. On peut me trouver excentrique et original. Pourtant, je vis le plus souvent avec les badges, les numéros, les heures, les consignes ou les directions qui me sont attribuées et pour lesquelles je (me) suis renseigné.

Il faut des sorts contraires ou en ĂȘtre arrivĂ© Ă  un stade particulier dans son histoire personnelle, pour, un jour, ou par moments, renoncer complĂštement et oublier beaucoup de ce que Ă  quoi l’on a pu tenir pendant des annĂ©es. Ou faire le nĂ©cessaire pour que tout arrive.

Il a fallu que je me marie et devienne pĂšre pour que je pense cette annĂ©e Ă  offrir Ă  ma fille un spectacle de Bartabas comme cadeau d’anniversaire et que je l’y emmĂšne avec sa mĂšre.

J’avais bien vu un de ses spectacles. Mais c’était au chĂąteau de Versailles. Dans une autre vie avec une autre personne. Nous Ă©tions loin. Cela allait vite. Il Ă©tait difficile de bien distinguer ce qui se passait mĂȘme s’il m’en Ă©tait restĂ© quelques visions. Et, cela n’était pas au thĂ©Ăątre Zingaro.

Une des parties du thĂ©Ăątre Zingaro, Ă  Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023, lĂ  oĂč s’est tenu la reprĂ©sentation. Photo©Franck.Unimon

CrĂ©Ă© en 1989, situĂ© dans la ville d’Aubervilliers, je m’étais toujours imaginĂ© que le thĂ©Ăątre Zingaro Ă©tait difficile d’accĂšs. Que c’était soit trop loin ou soit trop cher.

Je suis pourtant nĂ© en banlieue parisienne et ai toujours vĂ©cu en banlieue parisienne. Un de mes cousins vit depuis plus de vingt ans dans la ville de Saint Denis. J’ai dĂ©jĂ  fait des voyages Ă  l’étranger et en France. J’ai aimĂ© ça et continuer d’aimer faire des voyages. A Paris et en Ăźle de France, je prĂ©fĂšre largement les transports en commun Ă  la voiture et je les emprunte trĂšs facilement depuis des annĂ©es.

Je n’ai peut-ĂȘtre pas assez aimĂ©.

Tout est fait pour pouvoir se rendre Ă  la station Fort d’Aubervilliers, par la ligne 7 du mĂ©tro, et aller au thĂ©Ăątre Zingaro. C’est mĂȘme beaucoup plus pratique que la voiture, le soir de la finale de coupe du monde de Rugby au stade de France entre la Nouvelle ZĂ©lande et l’Afrique du Sud.

Lorsque, tous les trois, nous partons dĂ©couvrir le thĂ©Ăątre Zingaro et son dernier spectacle Cabaret de l’Exil femmes persanes, le match de Rugby n’a pas encore dĂ©butĂ©. Et nous sommes Ă  quelques heures du passage Ă  l’heure d’hiver. Mais nous sommes un samedi soir, entre 18 heures et 19 heures, en pleines vacances de la Toussaint.

Il y a beaucoup de monde dans le mĂ©tro. Des touristes. Des personnes habillĂ©es pour sortir le samedi soir. Des amatrices et des amateurs de Rugby qui se rendent au « stade » (au stade de France) ou ailleurs pour regarder le match. Telle cette jeune femme plutĂŽt longiligne d’une vingtaine d’annĂ©es en face de qui je m’assieds, qui porte un maillot ( de Foot ou de Rugby ?) de l’équipe de France et des Ă©couteurs intra-auriculaires sans fil.

ArrivĂ©s Ă  la station Fort d’aubervilliers, juste avant le terminus, nous descendons et, tels des exilĂ©s, nous cherchons notre chemin.

Sous le chapiteau oĂč il est possible de se restaurer et de s’asseoir prĂšs du thĂ©Ăątre Zingaro, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Le jeune homme noir (la vingtaine) devant lequel je me fige et que je salue avant de l’interroger tient son tĂ©lĂ©phone portable Ă  la main. Il est un petit plus grand que moi, debout, prĂšs de l’une des sorties du mĂ©tro.

A l’intonation et aux accents de sa voix comparativement Ă  mes expressions en Français « soutenu », je mesure Ă  la fois sa surprise mais aussi que nous sommes, lui et moi, de deux mondes diffĂ©rents mais aussi que nous sommes bien en banlieue.

Pourtant, nous venons d’Argenteuil et je suis nĂ© Ă  Nanterre. Argenteuil et Nanterre – lĂ  oĂč j’y ai vĂ©cu en immeuble HLM- n’ont rien Ă  voir avec Versailles, St Germain en Laye, Neuilly sur Seine ou le 6 Ăšme arrondissement de Paris.

Mais nous sommes nĂ©anmoins deux Ă©trangers lui et moi qui parlons alors dans une mĂȘme langue, le Français, tout en ayant- a priori- des perspectives trĂšs diffĂ©rentes.

Toujours sous le mĂȘme chapiteau que prĂ©cĂ©demment, ce samedi 28 octobre 2023, au thĂ©Ăątre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Je vois bien que le thĂ©Ăątre Zingaro, Bartabas, ça ne lui dit rien mĂȘme s’il est du quartier vraisemblablement et qu’il me renseigne. J’ai Ă©tĂ© pareil que lui, durant des annĂ©es, adolescent, lorsque je passais devant le thĂ©Ăątre des Amandiers, Ă  Nanterre, et que je voyais, Ă©tonnĂ© et dubitatif, des personnes faire la queue dans la rue afin d’y entrer. Nous avons habitĂ© Ă  environ dix minutes Ă  pied du thĂ©Ăątre des Amandiers jusqu’en 1985. Soit quatre ans avant la crĂ©ation du thĂ©Ăątre Zingaro Ă  Aubervilliers, ville qui, comme Nanterre, avait alors probablement un maire communiste.

Chaque fois que je connais un peu plus l’histoire du thĂ©Ăątre des Amandiers de Nanterre, je me rappelle avec une certaine amertume de ce genre d’opportunitĂ©s que j’ai pu rater Ă  cause, dĂ©jĂ , de mon infirmitĂ© :

Le manque de curiositĂ©, de volontĂ© et d’autonomie de pensĂ©e. Tout cela conduit Ă  la cĂ©citĂ© – morale, intellectuelle, psychologique- et Ă  la lĂąchetĂ© tant morale, que sociale et physique.

Ou, comme cela est mon cas, par moments, Ă  une sorte de rage, de colĂšre et d’amertume contre moi-mĂȘme. Parce-que j’ai une certaine mĂ©moire contre moi-mĂȘme.

Personne, dans mon histoire, dans mon quartier, dans mes relations ou dans ma famille n’avait pu ou n’avait su saisir la chance ou l’intĂ©rĂȘt que cela pouvait ĂȘtre, pour nous, personnes de banlieue, de milieu social modeste ou moyen, quelles que soient nos origines ou nos religions, d’avoir un tel lieu culturel prĂšs de chez nous.

MalgrĂ© les ambitions d’ouverture et de mixitĂ© sociale du thĂ©Ăątre des Amandiers et de tous les endroits ou de toutes les personnes qui lui ressemblent ou qui lui ont ressemblĂ©.

Pourtant, j’étais une personne normale.

Quelques uns des artistes aprÚs la représentation, ce samedi 28 octobre 2023 au théùtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

J’allais Ă  l’école, Ă  la bibliothĂšque. Je regardais la tĂ©lĂ©, le journal tĂ©lĂ©visĂ©. Je lisais. Je faisais mes devoirs, scolaires ou autres.
Et, lorsque je ne les faisais pas et les remplaçais par des bĂȘtises ou des mauvais comportements et que j’étais dĂ©masquĂ©, j’étais puni ou corrigĂ©, que ce soit Ă  l’école ou Ă  la maison. Mauvaise note, gifles, oreilles tirĂ©es, remontrances devant la classe, coups de ceinture Ă  la maison ou en public, engueulades.
Je jouais aussi au Foot avec les copains ou un autre sport. Je rigolais aussi avec eux. Je n’étais pas un isolĂ©. Je partais en vacances. En colonie ou avec ma famille. J’avais des rĂȘves et de l’imagination. J’avais une vie semblable Ă  d’autres. Et, j’apprenais ce qu’il y avait Ă  apprendre pour que tout se passe bien pour moi, par la suite.

En montant les marches nous amenant à la sortie du métro, ce samedi soir, sous la pluie qui ne nous avait pas quittés, il a fallu interroger deux ou trois autres personnes à une station de bus pour trouver le théùtre.

Un homme noir d’une cinquantaine d’annĂ©es qui vendait des marrons grillĂ©s sous la pluie et qui ne connaissait pas le coin. Une femme noire, large, la quarantaine, qui voyait avec dĂ©livrance son bus se rapprocher. C’est une seconde femme, Ă©galement noire, nettement plus ĂągĂ©e et plus svelte, Ă  cĂŽtĂ© d’elle, qui m’a rĂ©pondu que c’était sur le mĂȘme trottoir, un peu plus loin.

MalgrĂ© les panneaux indiquant le thĂ©Ăątre Zingaro dĂšs la sortie du mĂ©tro, la pluie, la nuit et l’inconnu faisaient de nous des myopes ou des presque aveugles. Nous aurions tout aussi bien pu nous Ă©garer un peu. Un grand centre commercial ou une autoroute restent mieux signalĂ©s. D’autant que, lorsque je cherche un endroit en me dĂ©plaçant Ă  pied, malgrĂ© les GPS et les plans devenus courants depuis des annĂ©es dans nos smartphones, je persiste Ă  chercher parmi les personnes que je croise dans la rue, les Ă©toiles qui vont m’indiquer ma route jusqu’à ma destination.

L’entrĂ©e du thĂ©Ăątre Zingaro se trouve Ă  Ă  peine cinq minutes Ă  pied de la station de mĂ©tro.

Les musiciennes et chanteuses, lors de la représentation : Firozeeh Raeesdanae, Shadi Fathi, Farnaz Modarresifar, Niloufar Mohseni. Photo©Franck.Unimon

Puisque l’on nous parlait d’un Fort, je m’attendais Ă  ce que le thĂ©Ăątre Zingaro se dĂ©couvre dans l’enceinte d’un fort et soit en quelque sorte invisible Ă  l’extĂ©rieur. Mais c’est depuis la rue que le thĂ©Ăątre Zingaro s’expose. C’est aussi un lieu, un monde, qui impose son architecture et son univers dĂšs l’accueil et la prĂ©sentation des billets.
Il m’a fait penser au thĂ©Ăątre du Soleil « d’Ariane » Mnouchkine qui se trouve Ă  la cartoucherie Vincennes dont Bartabas s’était sĂ»rement en partie inspirĂ© comme il s’était sĂ»rement, aussi, inspirĂ© du thĂ©Ăątre des Amandiers.

Alors qu’aujourd’hui existe une crise sĂ©vĂšre de l’immobilier et qu’il a pu se construire Ă  l’excĂšs des logements en dĂ©figurant certains quartiers, le thĂ©Ăątre Zingaro fait penser Ă  ce qui reste de certains millĂ©simes d’espaces conçus pour ĂȘtre beaux, pour ĂȘtre accueillants, pour ĂȘtre divertissants, pour ĂȘtre chauds, pour ĂȘtre confortables, pour ĂȘtre aĂ©rĂ©s, pour y venir en famille avec ses enfants, pour libĂ©rer et faire rĂȘver et rĂ©flĂ©chir celles et ceux qui y viennent ne serait-ce que pour y voir un spectacle. Et, l’on comprend vite que ce programme vaut le dĂ©placement mais aussi le prix que l’on peut mettre pour le vivre et/ou y assister. J’ai payĂ© 39 euros la place pour ma fille, et deux fois 59 euros pour ma compagne et moi afin d’ĂȘtre bien placĂ©s de maniĂšre Ă  ce que je puisse faire des photos.

Finalement, alors que je fais partie des mitrailleurs anarchiques de la prise de vue, je n’ai fait aucune photo durant le spectacle car j’ai trĂšs rapidement acceptĂ© de respecter au moins les chevaux et les artistes mais aussi l’état d’esprit du lieu.

Avant la reprĂ©sentation, le public a Ă©tĂ© d’ailleurs invitĂ© Ă  appliquer le mot « Respect » mais aussi Ă  « Ă©teindre son intelligence artificielle mĂȘme si cela est difficile pour certains ». Les photos de cet article ont donc Ă©tĂ© prises- sans flash comme toujours- avant la reprĂ©sentation ou Ă  la fin de celle-ci. Je ne suis pas trĂšs content de ces photos (il va vraiment falloir que j’apprenne Ă  me servir correctement de mes appareils photos). Par contre, je suis content d’ĂȘtre allĂ© au thĂ©Ăątre Zingaro et que cela ait plu Ă  ma compagne et Ă  notre fille. Et, je me demande si je vais y retourner bientĂŽt.

PrĂšs d’un des deux bars au thĂ©Ăątre Zingaro, aprĂšs la reprĂ©sentation, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon. Sur les deux photos du bas, on peut reconnaĂźtre Bartabas, il y a quelques annĂ©es.

Il est plutĂŽt rare d’envier la caissiĂšre ou l’employĂ© d’un supermarchĂ© lorsque l’on part y faire ses achats. Mais on peut croire et espĂ©rer que celles et ceux qui travaillent au thĂ©Ăątre Zingaro y ont une belle vie ou se consacrent Ă  une Ɠuvre qui a son importance bien au delĂ  de sa valeur marchande. Alors qu’il est tant d’autres endroits oĂč l’on donne de soi oĂč par lesquels on passe oĂč croyance et espĂ©rance passent pour des expĂ©riences de dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s qu’il importe d’éconduire et de dĂ©truire.

C’est en partie ce que raconte Cabaret de l’Exil Femmes persanes oĂč les principaux rĂŽles sont tenus par des femmes de diffĂ©rents profils. Une jeune femme naine ouvre le spectacle et dĂ©clame. D’autres, cavaliĂšres, danseuses, acrobates, chanteuses ou musiciennes ont d’autres silhouettes. Mais avec leurs partenaires masculins, toutes rĂ©clament leur droit de vivre ainsi que leur droit Ă  l’Amour.

Bien-sĂ»r, on ne peut que penser Ă  ce qui se passe depuis quelques temps en Iran mais aussi partout oĂč des femmes sont martyrisĂ©es et tuĂ©es. Cela peut aussi se passer en France, prĂšs du thĂ©Ăątre Zingaro mais aussi Ă  Versailles ou dans le 6Ăšme arrondissement de Paris.

Le cercle dans lequel se déroule le spectacle ainsi que ses diverses dimensions vise sans doute à nous dire que notre vie se déroule souvent sur plusieurs niveaux. Il y a ce sur quoi nous fixons la plus grande partie de notre attention, ce vers quoi, aimantés, obsédés, nous nous dirigeons. Et, il y a tout ce qui nous entoure de merveilleux, de fantastique ou de possible et que nous ne voyons pas ou que nous ratons.

Ainsi, c’est la premiĂšre fois, oĂč, en me rendant Ă  un spectacle, j’ai Ă©tĂ© surpris d’ĂȘtre reçu par la chaleur thermique prĂ©sente alors que nous venions nous asseoir aux places que j’avais rĂ©servĂ©es et payĂ©es. Je m’attendais Ă  ce qu’il fasse froid. Pour moi, il fallait qu’il fasse froid dans l’enceinte du thĂ©Ăątre car, dehors, en plus de la pluie, la tempĂ©rature avait baissĂ© ces derniers jours. Et, pour les chevaux, je me disais qu’il valait mieux qu’il fasse assez froid.

Par ailleurs, devant nous, comme pour d’autres, la table Ă©tait mise : une thĂ©iĂšre remplie, quatre petits verres, quatre boudoirs et quatre serviettes en papier Ă©taient disposĂ©s sur notre table de quatre. Je ne pouvais que saluer la jeune femme qui nous avait prĂ©cĂ©dĂ© et, ensuite, lui proposer de lui servir du thĂ© comme je l’avais fait au prĂ©alable pour ma compagne et notre fille. Ce fut un contraste avec la brutalitĂ© et la totalitĂ© des concerts, des festivals, des piĂšces de thĂ©Ăątre, des sĂ©ances de cinĂ©ma et autres manifestations culturelles auxquels je suis parti assister et oĂč , gĂ©nĂ©ralement, c’est toujours chacun pour soi ou pour nos connaissances. MĂȘme si nous venons admirer ou dĂ©couvrir la mĂȘme Ɠuvre ou le mĂȘme artiste que beaucoup d’autres inconnus, nous nous comportons en ces circonstances de la mĂȘme façon que nous pouvons le faire dans les transports en commun, en voiture ou sur notre lieu de travail ! En troupeaux sĂ©parĂ©s ou en individualitĂ©s forcenĂ©es.

Pour conclure et pour l’anecdote, et, je suis un peu dĂ©solĂ© d’ĂȘtre quelque peu paralysĂ© avec ça car je sais que ce sujet revient assez rĂ©guliĂšrement dans mes articles :

La reprĂ©sentation de Cabaret de l’Exil Femmes persanes Ă  laquelle nous avons assistĂ© hier soir Ă©tait complĂšte ainsi que celle d’aujourd’hui. Mais lorsque les lumiĂšres se sont rallumĂ©es, en plus de moi, j’ai vu un seul homme noir dans la salle, au sein du public.

Je ne lui ai pas parlĂ©. Cependant, Ă  vue d’Ɠil, je dirais qu’il avait une bonne quarantaine d’annĂ©es.
Il demeure un paradoxe entre, d’un cĂŽtĂ©, beaucoup de noirs (et d’autres) prĂ©sents ou qui vivent aux alentours du thĂ©Ăątre Zingaro depuis des annĂ©es et si peu, manifestement, qui, de leur propre volontĂ© ou par curiositĂ©, viennent y voir ce qui s’y passe.

On devrait peut-ĂȘtre inventer le service culturel obligatoire.

Cela existe peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  quelque part. A partir d’un certain Ăąge, et pour une certaine durĂ©e, on devrait peut-ĂȘtre obliger les jeunes femmes et les jeunes hommes, quelles que soient leurs origines, le volume de leur poitrine, la taille de leur pĂ©nis, celle de leurs religions, de leur classe sociale et de leur compte en banque, Ă  quitter pendant un certain temps leur quartier, leur famille et leur environnement afin de partir dĂ©couvrir mais aussi afin de participer Ă  la crĂ©ation d’oeuvres culturelles et artistiques diverses.

Et, toute personne ou toute famille qui s’y opposerait devrait ĂȘtre sanctionnĂ©e moralement ou pĂ©nalement ou considĂ©rĂ©e comme dĂ©sertant ses obligations civiques envers ses semblables. Ou perçue comme potentiellement dangereuse. AprĂšs tout, nous sommes beaucoup Ă  devoir quitter un jour notre famille, nos amis, nos copines, nos copains et notre environnement pour des obligations au moins d’ordre Ă©conomique ou personnelles. Et nous faisons avec gĂ©nĂ©ralement.

Au théùtre Zingaro, aprÚs la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Un feu de camp avait été fait. Photo©Franck.Unimon

La culture et l’Art, Ă  eux seuls, ne sauvent pas de la barbarie, mais avoir Ă  les crĂ©er, Ă  les transmettre, Ă  y assister et rencontrer vĂ©ritablement d’autres personnes mais aussi des figures qui y contribuent, cela procure sans doute plus facilement d’autres ambitions, d’autres armes, d’autres Ăąmes mais aussi d’autres responsabilitĂ©s que celles de morceler sa prochaine ou son prochain pour de vrai ou de les ensorceler avec des barbelĂ©s.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

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Catherine Breillat

Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable

Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable

 

Il y a trois ans, la citer dans mon article sur le film ADN de MaĂŻwenn qui allait sortir en 2020 a sans doute contribuĂ© Ă  me faire rayer de la liste des journalistes pouvant la rencontrer ou voir ses prochains films en projection de presse. ( ADN-un film de MaĂŻwenn au cinema le 28 octobre 2020 )

Cela a sans doute beaucoup dĂ©plu Ă  l’attachĂ© de presse qui s’occupe de ses films.

Comparer MaĂŻwenn Ă  Catherine Breillat ?!

Pour qui je me prenais ?!

Pourtant, j’avais aimĂ© ADN de MaĂŻwenn comme ses films prĂ©cĂ©dents et, cela, depuis son tout premier : Pardonnez-moi (2006).  

Mais je n’avais pas encore tout Ă  fait compris, alors, Ă  quel point Catherine Breillat peut exaspĂ©rer les autres  (elle dit elle-mĂȘme qu’elle est souvent « dĂ©testĂ©e ») mais aussi comme on peut s’empresser de s’éloigner d’elle comme d’une personne qu’il faudrait de toute urgence rebouter. Elle pourrait faire penser un petit peu au boxeur Muhammad Ali, Breillat, lorsque celui-ci fanfaronnait et que ses adversaires ou ses dĂ©tracteurs se disaient entre eux :

« Il faudrait lui faire fermer sa gueule une bonne fois pour toutes ! Oui, mais qui peut le faire ? Â».

Si la maladie de Parkinson finit par assagir Muhammad Ali, un AVC et une hĂ©miplĂ©gie avaient entrepris de faire Ă  peu prĂšs pareil pour Breillat :

« Ma mĂšre m’a coupĂ© horizontalement et l’hĂ©miplĂ©gie, verticalement » raconte Breillat dans ce livre d’entretiens avec Murielle Joudet, sorti rĂ©cemment ( Je ne crois qu’en moi) peu aprĂšs son dernier film L’étĂ© Dernier ( au cinĂ©ma depuis le 13 septembre 2023). Un film peut-ĂȘtre Ă©clipsĂ© par la prĂ©sence sur les Ă©crans de Anatomie d’une chute (Palme d’or Ă  Cannes) derniĂšre rĂ©alisation de Justine Triet qui rencontre un bon succĂšs en salles depuis sa sortie le 23 aout 2023 (plus d’un million  de spectateurs).  Un film que j’ai vu Ă  un jour prĂšs aprĂšs ou avant celui du dernier Breillat et dont mĂȘme le titre peut aussi l’évoquer.

Avant que, ces deux ou trois derniers mois, je ne rĂ©entende parler de Breillat, rĂ©alisatrice, la derniĂšre fois que je l’avais Ă©voquĂ©e, un peu amusĂ©, et en avais entendu parler, c’était vers 2010 ou 2011. Je venais d’assister Ă  un dĂ©bat lors du festival ChĂ©ries, chĂ©ris au forum des halles.

Peut-ĂȘtre Ă  propos du thĂšme « Qu’est-ce qu’ĂȘtre Queer ? Â». Je ne connaissais pas le terme. Je me demandais de quoi il s’agissait.

Aujourd’hui, j’en sais Ă  peine beaucoup plus mais, ce soir-lĂ , j’avais entendu et appris que le rĂ©alisateur Jacques Demy Ă©tait homosexuel. Cela semblait un fait Ă©tabli mais aussi une sorte de prix ou de trophĂ©e acquis Ă  la cause LGBT. C’était donc important, lors de cette soirĂ©e, de dire que Jacques Demy, le rĂ©alisateur et modĂšle admirĂ© et reconnu par la critique et le monde du cinĂ©ma, Ă©tait homosexuel.  

C’était l’équivalent de James Brown chantant des annĂ©es plus tĂŽt:

« Say it loud, I’m Black and proud ! Â». LĂ , on Ă©tait dans « Say it loud, I’m gay and proud ! Â».

Je comprenais la logique. MĂȘme si j’étais un peu Ă©tonnĂ© par ce besoin de dire.

A ce jour, je n’ai vu aucun des films de Demy mĂȘme si je connais bien sĂ»r de nom au moins Les Parapluies de Cherbourg. « On Â» nous en parle tellement ainsi que des sƓurs Deneuve si magnifiques


 Je le regarderai sans doute un jour mais je trouve que les critiques idolĂątrent beaucoup Demy  ce qui me donne beaucoup envie de m’en Ă©loigner. Et puis, je n’ai pas encore perçu, pour moi, la nĂ©cessitĂ© primordiale de voir ses films.

Lors de ce dĂ©bat trĂšs sĂ©rieux ( je ne me rappelle pas qu’il y ait eu beaucoup d’humour lors des interventions) j’avais aussi entendu un participant estimer que le cinĂ©ma de François Ozon ( dont j’ai vu et aimĂ© plusieurs de ses premiers films) Ă©tait « queer Â».

Assis en haut de cette salle amphithĂ©Ăątre plutĂŽt remplie dans mon souvenir, j’entendais et dĂ©couvrais ce soir-lĂ  des avis et des visions qui m’étaient Ă©trangers.

A la fin de ce dĂ©bat, alors qu’un de ses animateurs en Ă©tait Ă  remonter les marches afin de sortir de la salle, je lui avais dit, un peu provocateur et amusĂ©, alors qu’il s’avançait devant moi :

« Il y a une personne dont vous avez oubliĂ© de parler : Catherine Breillat
 Â».

Celui-ci m’avait alors regardĂ©, et, comme on annonce un dĂ©cret, m’avait rapidement et trĂšs sĂ©rieusement rĂ©pondu :

« Catherine Breillat ? Elle s’est faite escroquer, je crois ! Â». Puis, aussitĂŽt, il Ă©tait parti, me plantant-lĂ  avec des restes me permettant de comprendre que Catherine Breillat Ă©tait dĂ©finitivement sur la touche. Que l’on n’entendrait plus parler d’elle. Que sa bouche avait Ă©tĂ© clĂŽturĂ©e pour de bon.

J’avais alors Ă  peine entendu parler du fait qu’elle s’était en effet bien faite (dĂ©)plumer par Christophe Rocancourt- le « bien connu» arnaqueur des stars- alors qu’elle Ă©tait encore quelque peu convalescente d’une hĂ©miplĂ©gie contractĂ©e Ă  la suite d’un AVC.

Comme je suis un demi-tiĂšde et une personne fonciĂšrement peu curieuse, je n’avais pas beaucoup poussĂ© mes recherches pour chercher Ă  en savoir plus. Catherine Breillat n’était pas une de mes proches. Et, je n’avais pas encore forcĂ©ment compris, alors, comme ce qu’elle Ă©tait ou pouvait raconter m’importait beaucoup plus que le fait de voir Les Parapluies de Cherbourg (1963) de Jacques Demy.

Il nous faut parfois des annĂ©es pour nous apercevoir que telle personne ou telle Ɠuvre a une importance trĂšs particuliĂšre pour nous. L’une des premiĂšres fois oĂč je me rappelle avoir eue cette impression, ce fut aprĂšs la dissolution du groupe
.NTM.

Tant que le groupe NTM de Kool Shen et de Joey Starr Ă©tait en activitĂ©, je les Ă©coutais et les regardais plus ou moins de loin. Je m’accrochais plutĂŽt Ă  leurs frasques que je rĂ©prouvais moralement. Je promettais alors Ă  Joey Starr une existence courte et un Ă©pilogue existentiel douloureux, honteux et brutal en raison de ses excĂšs. Je ne lui donnais pas plus de quarante annĂ©es de vie.

Je prĂ©fĂ©rais MC Solaar Ă  NTM. Je l’avais vu en concert au ZĂ©nith une fois. MC Solaar Ă©tait tellement plus classe, plus respectable. Il n’avait pas ces tics de langage ou gestuels auxquels, schĂ©matiquement, on identifiait et auxquels on identifie encore les personnes de la banlieue. Je venais aussi de la banlieue et je n’avais pas les attitudes et les propos de Joey Starr et Kool Shen. Je n’aspirais pas Ă  leur ressembler ou Ă  ce que l’on me confonde avec eux. Eux, c’étaient des mauvais garçons. Ils Ă©taient violents, ils Ă©taient agressifs, ils parlaient mal, se comportaient mal. Avec eux, tout pouvait partir en vrille Ă  n’importe quel moment. Or, moi, j’avais plutĂŽt l’esprit gazon de jardin britannique. Tout devait ĂȘtre impeccable et carrĂ© au centimĂštre prĂšs comme sur le stade de Wimbledon. Il ne devait pas y avoir de trous ou de bouteilles vides de biĂšre, de rhum ou de vodka par terre. Kool Shen et Joey Starr, c’était sĂ»r que si vous les invitiez chez vous, qu’en repartant, ils vous laissaient plein de mĂ©gots partout y compris dans les yaourts et les pots de confiture. En plus, votre logement Ă©tait dĂ©labrĂ© et, Ă  coup sĂ»r, ils (ou leurs copains ) vous auraient tabassĂ©s entretemps pour vous remercier de les avoir invitĂ©s ou parce qu’il n y avait pas assez de filles et que la musique ne leur avait pas plu.

Je n’aurais pas pris le risque de passer une soirĂ©e avec Kool Shen et Joey Starr. Alors qu’avec MC Solaar, j’aurais pu l’envisager. Nous aurions bu du thĂ©, discutĂ© de la banlieue et parlĂ© philosophie
.

MĂȘme si le voir en concert m’avait
.déçu. Mais pendant des annĂ©es, j’ai eu du mal Ă  faire mon coming out et Ă  reconnaĂźtre que son concert m’avait laissĂ© frustrĂ©.  Cela voulait  bien dire quelque chose mĂȘme si, sur scĂšne, et bien entourĂ© ( Soon MC, Les DĂ©mocrates D
) MC Solaar ne s’était pas mĂ©nagĂ©.

Les NTM, eux, j’avais eu peur d’aller les voir en concert. Pour leur public. Seul Ă  vouloir m’y rendre, je n’avais pas envie de me faire agresser en plein concert par une bande. Si on m’avait obligĂ© Ă  y aller, peut-ĂȘtre que je serais restĂ© trĂšs prudemment proche de la premiĂšre issue de secours. Et, si on m’y avait mal regardĂ©, peut-ĂȘtre que je me serais gelĂ© instantanĂ©ment sur place. Je n’aurais peut-ĂȘtre pas pu Ă©couter grand chose. J’aurais peut-ĂȘtre passĂ© la plus grande partie de mon temps, durant le concert, Ă  observer et Ă  surveiller autour de moi si quelqu’un me voulait du mal.  Et, Ă  la fin, je serais peut-ĂȘtre parti en courant. En sprintant pendant au moins cinq cents mĂštres. Jusqu’à ce que je me sente en sĂ©curitĂ© en quelque part.

Donc, Ă  la place de NTM, j’étais allĂ© voir, toujours seul, le premier concert de Me’Shell NdĂ©geocello Ă  l’ElysĂ©e Montmartre, je crois, aprĂšs son premier album : Plantation Lullabies. Une ambiance beaucoup plus safe. Sur scĂšne, Me’Shell nous avait fait un festival. Chant, claviers, basse, prĂ©sence, avec ses petites lunettes rondes et son allure longiligne/androgyne, elle avait tenu son groupe et nous avait servi de la vie. A aucun moment, je ne m’étais senti menacĂ©. ( Me’Shell NdĂ©geocello au festival Jazz Ă  la Villette ce 1er septembre 2023 )

Pour essayer de me racheter de ma lĂąchetĂ© concernant NTM, j’étais allĂ© voir I Am Ă  l’Olympia. Ils y avaient fĂȘtĂ© leur million d’albums vendus mais aussi entonnĂ© leur Je chante le Mia. Un des meilleurs concerts auxquels j’ai assistĂ©s tant pour les artistes que pour l’ambiance dans la salle. Mais aussi pour avoir la vie sauve peut-ĂȘtre.

C’était dans les annĂ©es 90. Alors que maintenant, Ă©couter du RAP, aller Ă  un concert de Rap, c’est tout Ă  fait mainstream. Vous allez rencontrer des personnes de bonne famille, d’un (trĂšs) bon milieu social, trĂšs bonnes Ă©tudes, blanc cachemire, vous dire qu’elle sont allĂ©es voir tel artiste de Rap ou les entendre employer des formules telles que « Je m’en bats les couilles Â» comme si c’était normal.

C’est Ă  peu prĂšs au milieu des annĂ©es 2000, aprĂšs avoir appris la dissolution du groupe NTM, aprĂšs quatre albums, que j’avais commencĂ© Ă  comprendre que plusieurs de leurs titres avaient Ă  voir avec mon histoire. Tant qu’ils faisaient partie du dĂ©cor sonore ou mĂ©diatique et semblaient permanents, je ne leur prĂȘtais pas une attention particuliĂšre ou alors, plutĂŽt pour rĂ©prouver ou craindre leurs maniĂšres et leurs façons de faire.

Leurs apparences me dĂ©rangeaient. Ce n’était pas comme ça qu’il fallait faire. Pour tout dire, Ă  l’époque, je trouvais mĂȘme Joey Starr trĂšs moche alors qu’aujourd’hui, lorsque je revois des images de lui Ă  cette Ă©poque, je le trouve beau gosse. C’est Ă©tonnant, hein ?

Lorsque Kool Shen et Joey Starr ont finalement disparu du dĂ©cor sonore et mĂ©diatique en tant que NTM, je me suis aperçu qu’il me manquait quelque chose. Et, avec Breillat, il y a sĂ»rement eu le mĂȘme phĂ©nomĂšne et la mĂȘme prise de conscience.

Assez ironiquement, l’histoire ou l’avenir, m’a donnĂ© en quelque sorte raison.

Puisque, par la suite, Joey Starr a commencĂ© Ă  faire du cinĂ©ma ( il m’a tout de suite convaincu en tant qu’acteur) et a rencontrĂ© MaĂŻwenn au moins pour faire le film Polisse (2011) qui avait marquĂ© le festival de Cannes, une annĂ©e oĂč j’y avais Ă©tĂ© comme journaliste de cinĂ©ma.

J’y avais alors croisĂ© une journaliste (pour Le Parisien, je crois) d’une bonne quarantaine d’annĂ©es toute fiĂšre de me rĂ©pondre qu’elle allait interviewer Joey Starr !

L’attachĂ© de presse qui s’occupait du film Polisse de MaĂŻwenn Ă©tant fĂąchĂ© avec le mĂ©dia cinĂ©ma (le mensuel papier Brazil) pour lequel j’écrivais, j’avais, moi, Ă©tĂ© privĂ© « de Â» Joey Starr comme l’on est privĂ© de dessert. Et, j’étais parti interviewer ValĂ©rie Donzelli pour La Guerre est dĂ©clarĂ©e, film qu’elle avait co-rĂ©alisĂ© avec JĂ©rĂ©mie ElkaĂŻm, Ă©galement prĂ©sent en tant qu’acteur dans Polisse.

 

De son cĂŽtĂ©, Kool Shen, lui, l’autre moitiĂ© de NTM, a fini par incarner Christophe Rocancourt au cinĂ©ma dans la fiction que Breillat a tirĂ©e de sa rencontre avec celui-ci d’aprĂšs son ouvrage Abus de faiblesse dont j’ai terminĂ© la lecture hier soir.

 

Joey Starr/ Maïwenn, Kool Shen/ Catherine Breillat, il sera difficile de me convaincre que l’une et l’autre n’ont absolument rien en commun.

Par ailleurs, que ce soit chez l’une ou chez l’autre, on peut trouver, dans leur cinĂ©ma, plutĂŽt que du Jacques Demy, du Pialat, du Jean Yanne ou mĂȘme
du Jean-Pierre Mocky. Je sais qu’en Ă©crivant ça, je leur attribue des rĂ©fĂ©rences « masculines Â» mais ce n’est pas une insulte. D’autant que, dans une certaine mesure, malgrĂ© leur machisme et leurs outrances, ces trois artistes masculins ont sans doute, aussi, eu des traits fĂ©ministes
.et fĂ©minins. Si l’on se rappelle, aussi, leur insolence, leur attachement Ă  leur indĂ©pendance ou leur mĂ©pris pour certaines convenances, on doit bien parvenir Ă  dĂ©boucher Ă  nouveau sur des artistes tels que Catherine Breillat, MaĂŻwenn
 NTM ou d’autres.

J’avais donc vu juste, Ă  la fin de ce dĂ©bat sur la question « Queer Â», en mentionnant Catherine Breillat. Et, j’avais aussi vu juste, dans mon article sur le film de MaĂŻwenn qui venait de sortir, de la citer Breillat Ă  nouveau. Sauf que je l’avais fait intuitivement comme je le fais, aussi, de l’usage de certains mots ou de certaines tournures de phrases sans ĂȘtre toujours capable, sur le moment, de l’expliquer ou de le thĂ©oriser.

Aujourd’hui, ce 1er novembre 2023, jour de la Toussaint, s’il me plait bien sĂ»r de parler de Catherine Breillat parce-que c’est le jour de la Toussaint, bien que je ne sache pas trĂšs bien dans les dĂ©tails Ă  quoi cela correspond Ă  part pour rĂ©citer que c’est « le jour de la fĂȘte des morts Â», je peux un peu plus expliquer ce qui me tient chez Breillat.

D’abord, il est difficile de se dĂ©barrasser de Catherine Breillat. Elle est toujours quelque part en train de mijoter une recette ou une action qui nous sera servi Ă  table Ă  un moment ou Ă  un autre, qu’on le dĂ©cide ou non.

Lorsque j’ai commencĂ© Ă  essayer de me rappeler par quel film je l’ai dĂ©couverte la premiĂšre fois, je me suis trompĂ©. J’avais oubliĂ© le titre. J’ai essayĂ© Parfait Amour (1996), Romance ( 1999). Ça ne collait pas. L’histoire dont je me rappelais, avec l’acteur Patrick Chesnay, ne figurait dans aucune distribution des films de Breillat que je regardais. L’histoire d’une femme, mariĂ©e, qui ne parvenait pas Ă  faire le deuil de son histoire d’amour avec son amant. Deuil difficile que son mari, Patrick Chesnais, encaissait stoĂŻquement avec cette patte qui lui est spĂ©cifique, Mi-droopy, mi-Pierre Richard.

A la fin du film, la femme, qui passait par tous les Ă©tats, finissait par se jeter dans une riviĂšre depuis un gros rocher la surplombant d’une bonne dizaine de mĂštres. Puis, elle rĂ©apparaissait, bien vivante, Ă  la surface. Pour moi, c’était du Breillat.

HĂ© bien, c’était du Brigitte RouĂ€n qui jouait d’ailleurs le rĂŽle principal ! Mais lorsque l’on regarde le titre du film, rĂ©alisĂ© en 1996, on aurait pu dire que c’était du Breillat :

Post-coĂŻtum, animal triste.

Dans son film Romance, on retrouve de ça. Mais on retrouve, aussi, la mĂȘme colĂšre et la mĂȘme violence que peut mettre MaĂŻwenn dans son Pardonnez-moi . Sauf que dans Romance, Breillat s’en « prend Â» Ă  l’Amour, au couple amoureux. C’est son sujet. Tandis que MaĂŻwenn ( mais je n’ai pas vu Mon Roi, rĂ©alisĂ© en 2015 ) s’attaque plus Ă  la famille. MĂȘme si j’ai relevĂ© que dans Je ne crois qu’en moi, le livre d’entretiens livrĂ© par Murielle Joudet, s’il est rĂ©guliĂšrement fait allusion Ă  sa mĂšre, avec laquelle elle a nouĂ© des relations trĂšs difficiles, et Ă  sa sƓur, son pĂšre n’est jamais mentionnĂ© une seule fois. Au point que j’ai cru que celui-ci Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© lorsqu’elle Ă©tait trĂšs jeune alors que dans les faits, il semble que non.

Sur la table de chevet de Breillat mais aussi Ă  l’intĂ©rieur de ses chevilles,, il doit sans doute y avoir en permanence une sorte de plan qui, toujours, la ramĂšne, vers ça. Le couple, l’Amour.

Et, elle bĂ©tonne, la Breillat. On peut dire, on a le droit de dire, qu’elle tringle sec et dur, Ă  mĂȘme la croupe, le sujet du couple et de l’Amour, Breillat.

C’est sans dĂ©tour.

S’il est interdit d’en parler ou d’y aller, c’est que c’est pour elle. Et, elle y va, Breillat. MaĂŻwenn, pour moi, n’est pas trĂšs diffĂ©rente. Elle, aussi, recherche le saut d’obstacles.

A cĂŽtĂ© de ça, on comprendra que L’Anatomie d’une chute de Justine Triet, mĂȘme s’il m’a plu (il m’a mĂȘme Ă©tĂ© recommandĂ© par mon thĂ©rapeute) m’a moins touchĂ© que L’étĂ© dernier de Catherine Breillat.

Dans L’étĂ© dernier, sorti donc il y a presque deux mois ( le 13 septembre), j’ai retrouvĂ© tout Breillat. Ses excĂšs, sa franchise «  Oui, c’est vrai que c’est beau, l’Amour conjugal mĂȘme si on s’emmerde Â» ( Breillat, dans le dernier livre d’entretiens sorti rĂ©cemment intitulĂ© Je ne crois qu’en moi).

Son humour.

Il peut m’arriver d’ĂȘtre mal Ă  l’aise devant des images de Breillat. Mais je ne peux pas dire que c’est faux. Breillat montre ce qui peut arriver ou ce qui arrive. Elle ne nous montre pas ce qui doit ou devrait arriver.

J’ai parlĂ© de Pialat, Jean Yanne, Mocky pour Breillat. Mais j’ai aussi pensĂ© Ă  Rohmer dont le cinĂ©ma me plait moins. Pialat, c’est quand mĂȘme celui qui a rĂ©alisĂ©, avec MarlĂšne Jobert et Jean-Yanne :

Nous ne vieillirons pas ensemble.

Ça a quand mĂȘme plus d’abattage que ce que peuvent se susurrer, avec un glaçon dans la bouche, les protagonistes des films de Rohmer que j’ai envie de voir se faire dĂ©capiter dans un film de zombies. Alors que dans les films de Pialat, Breillat ou MaĂŻwenn, leurs personnages s’occupent du service aprĂšs vente des aimables rĂ©glements de comptes.

J’ai oubliĂ© de dire que Breillat me fait penser, aussi, Ă  Cioran :

«  L’homme va disparaĂźtre. C’est ce que j’ai dit un jour. Depuis, j’ai changĂ© d’avis : Il doit disparaĂźtre Â».

J’en profite pour me rappeler de la premiĂšre fois que j’avais entendue la voix de Catherine Breillat. Une trĂšs belle voix, fort agrĂ©able. Dans son livre d’entretiens, Breillat dit qu’elle a Ă©tĂ© une trĂšs belle femme, avec une poitrine affolante, mais elle parle seulement de son physique et non de sa voix, pour moi, trĂšs sĂ©duisante. Je m’attendais davantage Ă  une voix de crĂ©celle vus ses films.  

Or, lorsque j’ai entendu la voix de Breillat pour la premiĂšre fois, c’était pour l’entendre dire :

« Les acteurs qui ne se donnent pas, moi, je les dĂ©teste ! Â».

Dans Abus de faiblesse, qu’elle a Ă©crit avec l’aide de Jean-François KervĂ©an, elle affirme :

« En tant que rĂ©alisatrice, je suis la propriĂ©taire des corps Â».

On peut reprocher Ă  Breillat ses mĂ©andres bourgeois, sa mauvaise foi, son Ă©gocentrisme, sa nĂ©gligence envers celles et ceux qu’elle est censĂ©e protĂ©ger et non exposer.

Il demeure que , sans employer les termes  dĂ©sormais trĂšs Ă  la mode tels que « dĂ©construire Â», « empowerment Â», « transgresser Â», sans s’affirmer ĂȘtre une personne « rock and roll Â» et sans ĂȘtre une influenceuse pourvue de millions de followers, Breillat est, pense et fait ce que d’autres ne font qu’annoncer, fantasmer ou rĂ©pĂ©ter.

Breillat, toute entiĂšre, n’en fait qu’à sa tĂȘte. Elle le fait comme quelqu’un d’insupportable peut le faire mais aussi comme un Joao CĂ©sar Monteiro que j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© qu’elle cite et dont La ComĂ©die de Dieu (1995)  m’avait époustouflĂ©. Pour aimer ce film, il faut au moins aimer les gentils fous, la fantaisie, l’insolence, mais aussi le plaisir et l’érotisme.

C’est comme cela que je m’explique que Breillat puisse ĂȘtre l’amie de la rĂ©alisatrice Claire Denis (je l’ai appris en lisant Abus de faiblesse). Mais c’est aussi comme ça que je m’explique l’apparition dans L’étĂ© dernier de l’avocat- aux extrĂȘmes limites de la loi et des bonnes convenances- Karim Achoui.

Karim Achoui, en plus d’ĂȘtre cet avocat douĂ©, rouĂ© et charismatique trĂšs fortement soupçonnĂ© de baigner dans le grand banditisme, serait ou a Ă©tĂ© un des « amis Â» de Christophe Rocancourt d’aprĂšs ce qu’en dit Breillat Ă©galement dans Abus de faiblesse, paru en 2009. Karim Achoui est celui qui a « Ă©crit Â» en 2008 Un avocat Ă  abattre  d’aprĂšs la tentative d’assassinat dont il a Ă©tĂ© victime en 2007. On peut le voir, Ă  l’image de Rocancourt, mais aussi de Breillat, comme quelqu’un qui joue ou a  souvent jouĂ© sa vie- et ses rĂ©ussites- Ă  la roulette :

Achoui, avec son savoir faire avec la loi et son mĂ©tier d’avocat ; Rocancourt avec son habilitĂ© Ă  habiter ses mensonges et Ă  y faire entrer et participer – en toute confiance, jusqu’à les amener Ă  un Ă©tat avancĂ© de dĂ©pendance-  ses victimes ; Breillat, avec son Ɠuvre cinĂ©matographique et littĂ©raire dans lesquelles elle transpose sa conscience et son intimitĂ©.

Breillat aurait Ă©tĂ© capable de suivre le tueur en sĂ©rie Guy Georges dans une chambre d’hĂŽtel, de lui faire payer la chambre, de lui faire une scĂšne, sans coucher avec lui, de l’étudier et de lui parler toute la nuit de telle façon, qu’à la fin, soulagĂ© d’ĂȘtre dĂ©livrĂ© d’elle, Guy Georges aurait pu s’exclamer : « Elle m’a pris la tĂȘte ! Â».

Pour ces quelques raisons autant que pour ces dĂ©raisons, je n’ai pas fini de voir ou revoir, mais aussi de lire ou d’entendre les propos et les Ɠuvres de Madame Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable. J’aimerais bien, si elle le peut, si elle le veut, que Catherine Breillat fasse quelque chose avec « l’autre Â» Catherine, celle qui reste des Parapluies de Cherbourg de Demy. Mais c’est peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  trop tard ou cela l’a peut-ĂȘtre toujours Ă©tĂ©. AprĂšs tout, LĂ©a Drucker dans L’étĂ© dernier, c’est un peu Catherine Deneuve ou Isabelle Huppert, plus jeunes.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

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Survival Expo Juin 2023 premiĂšre partie

Bunker Ă  vendre Ă  la Survival Expo en juin 2023. FacilitĂ©s de paiement proposĂ©es. Aucune l’aide de l’Etat fournie pour l’instant. Photo©Franck.Unimon

 

 

Survival Expo juin 2023-PremiĂšre partie

 

Coming out survivaliste

« Ohhh, le survivaliste ! » s’est marrĂ© A… au tĂ©lĂ©phone, un de mes amis, alors que je venais de lui apprendre que j’avais prĂ©vu de me rendre Ă  la Survival Expo 2023. EvĂ©nement qui, cette annĂ©e, pour la premiĂšre fois, allait se dĂ©rouler dans le parc floral de Vincennes. Non loin de son chĂąteau, de son bois, de sa caserne militaire aussi mais Ă©galement de la cartoucherie de Vincennes oĂč se trouve, entre-autres, la compagnie du thĂ©Ăątre du Soleil dirigĂ©e par Ariane Mnouchkine. Mais bien-sĂ»r, tout cela, en plus du fait que jusqu’alors j’avais connu le parc floral principalement pour ses trĂšs bons concerts estivaux (dont un du Cubain Chucho ValdĂšs) n’entraient pas en ligne de compte. Comme l’anecdote qui veut quand mĂȘme que cet ami et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s pour la premiĂšre fois, plusieurs annĂ©es auparavant, lors de notre service militaire Ă  l’hĂŽpital inter-armĂ©es BĂ©gin qui se trouve assez proche, Ă  Saint-MandĂ©.

D’ailleurs, il avait pu arriver Ă  cet ami et moi de passer par la caserne de Vincennes au dĂ©but de notre service militaire.

Si on a suivi jusqu’alors ce que j’ai Ă©crit, un rapide calcul mental trĂšs simple nous apprend que j’ai pris plusieurs mois pour me dĂ©cider, aujourd’hui, Ă  parler dans mon blog de la Survival Expo 2023. Nous sommes en octobre, en automne. Et cette manifestation a eu lieu quelques semaines avant le dĂ©but de l’étĂ© le 9 et le 10 juin dernier….

Cela donne une idĂ©e des prĂ©cautions que j’ai prĂ©fĂ©rĂ© prendre avant de me lancer. ( J’en parle ou je n’en parle pas ?).

Le Programme des confĂ©rences de la Survival Expo de juin 2023, laquelle se dĂ©roulait en mĂȘme temps que l’Ă©vĂ©nement consacrĂ© Ă  la maison autonome, juste Ă  cĂŽtĂ©. Photo©Franck.Unimon

Mais en complĂ©tant ce calcul mental « trĂšs simple », on peut aussi dĂ©duire que je suis au bord de l’ñge, presque vieillard. Peut-ĂȘtre suis-je une personne presque sĂ©nile aprĂšs tout ? Pour l’instant, je ne peux pas encore le savoir. Cependant, ce qui est certain, c’est que la personne qualifiĂ©e de survivaliste est une bĂȘte curieuse.

 

On peut mettre de tout dans une personne survivaliste.

 

Comme dans une dent creuse. On peut dĂ©cider qu’il s’agit d’une personne complotiste, raciste, misogyne, esclavagiste, despotique, timbrĂ©e, paranoĂŻaque, dangereuse. On peut la voir comme une personne complĂštement Ă  cĂŽtĂ© de la plaque. Ou comme son opposĂ©, la super aventuriĂšre ou l’hĂ©roĂŻne sexy et indĂ©pendante, sosie de Lara Croft, Gamora ou Bear Grylls, Mike Horn des vrais hommes robustes, aptes Ă  tout, comme ils devraient tous l’ĂȘtre au lieu de ceux que l’on a, des fĂ©tichistes de la bandelette et du bandana. 

Oui, je connais un petit peu quelques classiques.  Je suis donc d’abord trĂšs suspect avant d’ĂȘtre prĂ©-sĂ©nile.

Mais j’ai nĂ©anmoins- j’y tenais- rĂ©pondu Ă  mon ami :

« Ă§a fait du crossfit – entre trois Ă  cinq fois par semaine– ça, se laisse pousser une barbe de plusieurs mois (qu’il prend soin d’aller se faire tailler chez son barbier attitrĂ© rĂ©guliĂšrement) et ça me traite de survivaliste!».

Mon ami a commencĂ© Ă  rigoler. Je devrais peut-ĂȘtre ajouter aussi que mon ami a plutĂŽt le crĂąne rasĂ©. Alors que quand je l’avais connu, il avait des cheveux, fumait et avait emmagasinĂ© quelques kilos en trop. Et, le sport, pour lui, Ă©tait une destination touristique Ă  haut risque ou un programme que l’on regardait Ă  la tĂ©lĂ©.

Petite ambiance Hunger Games lors de la Survival Expo de juin 2023 au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Cependant, mon ami m’avait exprimĂ© spontanĂ©ment ce qui peut se profiler dans la tĂȘte de beaucoup lorsqu’on leur parle de survivalisme. Si pour certains, le survivalisme est une nĂ©cessitĂ© ou une Ă©vidence, pour d’autres, c’est une dĂ©marche louche.

Cet article, mon article, ne pourra ni combattre ni Ă©puiser ce qui peut ĂȘtre reprochĂ© au survivalisme par beaucoup. Car cet article, mon article, raconte surtout ma perception du survivalisme. Perception qui peut Ă©voluer selon mes expĂ©riences et certains Ă©vĂ©nements.

Pour tout « arranger » ou pour rajouter un peu de trouble et de mystĂšre, j’ai profitĂ© d’une Ă©tonnante et plutĂŽt rare insomnie pour commencer, cette nuit, Ă  rĂ©diger cet article alors qu’il Ă©tait quatre heures du matin. Alors que je suis en vacances depuis plusieurs jours et encore pour une bonne semaine. Je suis donc, en principe, tout ce qu’il y a de plus dĂ©tendu d’autant que personne chez moi n’a de problĂšme de santĂ© particulier ou dĂ©clarĂ©.

J’ai bien attrapĂ© le Covid pour la premiĂšre fois – Ă  ma grande surprise- dĂ©but septembre, mais c’était une forme minorĂ©e qui m’a permis en plus d’avancer de quelques jours mes vacances. Et, je sais avoir participĂ© auparavant Ă  un dĂ©mĂ©nagement par plus de trente degrĂ©s. Ce qui a sĂ»rement contribuĂ© Ă  rajouter de l’épuisement Ă  un Ă©tat de fatigue prĂ©Ă©tabli par une alternance de travail  de jour et de nuit ainsi que quelques heures sup travaillĂ©es durant cet Ă©tĂ©.

Pierre “1911” en pleine confĂ©rence. A la fin de celle-ci, celui-ci m’a rĂ©pondu qu’il s’Ă©tait surnommĂ© ” 1911″ en mĂ©moire de son grand-pĂšre nĂ© cette annĂ©e-lĂ . Photo©Franck.Unimon

Professionnellement, je sais aussi qu’un poste attractif m’attend dĂ©but janvier et mon banquier me laisse tranquille. Je n’ai donc pas de raison particuliĂšre, pas plus que d’habitude, pour ĂȘtre angoissĂ© ou me rĂ©veiller en sueurs en pleine nuit comme on peut le voir dans certains films. Je n’ai pas les inquiĂ©tudes de l’acteur Michael Shannon dans le film Take Shelter de Jeff Nichols. Ni celles des protagonistes de The Creator de Gareth Edwards. Un film ( The Creator) qui m’a assez ennuyĂ©, exceptions faites du regard ( et de la rĂ©flexion) qu’il porte sur l’intelligence artificielle, les relations multiculturelles et multiraciales mais aussi sur le handicap, j’ai vu dans ce film une nouvelle Ă©norme machinerie cinĂ©matographique dans laquelle les AmĂ©ricains refont Ă  nouveau leur guerre du Vietnam. Je ne vois pas trop non plus ce que l’on trouve Ă  l’acteur David John Washington si j’ai son pĂšre ( Denzel) en tĂȘte.  J’ai donc prĂ©fĂ©rĂ© nettement Anatomie d’un couple de Justine Triet et encore plus L’Ă©tĂ© dernier de Catherine Breillat. Pourtant, ces deux films n’ont rien Ă  voir avec The Creator et Breillat est une personnalitĂ© aussi insupportable que remarquable. Et, j’attends avec impatience la deuxiĂšme partie de Dune par Denis Villeneuve, un rĂ©alisateur, dont les films, pour l’instant, m’ont tous plu. Contrairement Ă  Christopher Nolan dont j’ai trouvĂ© le Oppenheimer beaucoup trop clinquant. 

Le dimanche

Selon l’ouvrage La Peur et la Haine de Mathieu Burgalassi, paru en 2021, « anthropologue français spĂ©cialiste de la pensĂ©e politique, des questions sĂ©curitaires et de la violence Â», les principales motivations des personnes survivalistes radicales seraient le racisme et la peur de l’autre.

J’ai aimĂ© lire son ouvrage il  y a plusieurs mois maintenant. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas pris le temps d’en parler dans mon blog.

J’avais lu son La Peur et la Haine bien avant de connaütre les dates du Survival Expo de ce mois de juin.

C’est un livre qui m’a Ă©tonnĂ© car pendant plusieurs jours, alors que je continuais de le parcourir, je me demandais s’il s’agissait d’un roman noir Ă©tant donnĂ© la façon dont c’était Ă©crit, dans un style trĂšs entraĂźnant ou s’il s’agissait vĂ©ritablement d’une enquĂȘte anthropologique.

 Je me suis mĂȘme demandĂ© si Burgalassi avait inventĂ© ce qu’il racontait. Car je ne m’attendais pas Ă  cette façon de prĂ©senter ses expĂ©riences.

Dans son livre, Burgalassi nous explique avoir poussĂ© particuliĂšrement loin l’expĂ©rience du survivalisme. Il nous dit d’abord ce qui l’a amenĂ© Ă  entrer dans cet univers. Une agression physique dont lui et un de ses amis auraient Ă©tĂ© victimes une nuit en revenant d’une soirĂ©e ratĂ©e. Ainsi que le fait d’avoir grandi dans une certaine insĂ©curitĂ© Ă©conomique et sociale. Burgalassi, d’origine immigrĂ©e, est issu d’un milieu social trĂšs moyen. A le lire, les fins de mois ont Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement assez difficiles autant pour manger que pour se divertir. Certaines personnes sont habituĂ©es Ă  des soirĂ©es feutrĂ©es ou tout va bien, Burgalassi a plutĂŽt dĂ» se rabattre sur certaines soirĂ©es craignos. Ce genre de soirĂ©e oĂč l’on peut pronostiquer dĂšs le dĂ©part, avant mĂȘme de s’y rendre, qu’il va y avoir une embrouille car celle-ci est incluse dans le contrat.

Selon Burgalassi, il a commencĂ© Ă  se sortir de ça en dĂ©veloppant ses compĂ©tences dans le survivalisme. En dĂ©butant par les sports de combat et la Self DĂ©fense de type Krav Maga. En s’y montrant assidu. Et, tout porte Ă  devenir assidu si l’on craint pour sa peau.

Puis, avec le temps et devenu anthropologue, il a voulu en savoir plus sur le survivalisme et, pour cela, a rencontrĂ© des gens qui sont vĂ©ritablement dedans. En France mais aussi Ă  l’étranger, aux Etats-Unis. Dans certaines conditions limites ou trĂšs dangereuses par moments.

J’avais entendu parler de Burgalassi par un article lu dans TĂ©lĂ©rama. Il y Ă©tait fait rĂ©fĂ©rence Ă  un podcast dans lequel on pouvait entendre Burgalassi parler aussi de son livre. J’ai Ă©coutĂ© le podcast d’une vingtaine de minutes, je crois. Et, si ce que disait Burgalassi dans ses conclusions m’intriguait mais ne me dĂ©rangeait pas, car fondĂ© a priori sur son enquĂȘte, j’avais par contre Ă©tĂ© agacĂ© par les rĂ©actions des journalistes- quel(le)s cruches !- qui l’interviewaient ( je me souviens de femmes et d’hommes) trop contents de dĂ©peindre les survivalistes comme des abrutis chevronnĂ©s et dangereux. Tout allait au mieux dans le monde, il y avait juste quelques crĂ©tins, lĂ , des survivalistes, qui s’imaginaient qu’il fallait flinguer les autres Ă  bout portant et dont il fallait Ă©viter de s’approcher. Pour cela, il convenait de les laisser dans leur coin, lĂ  oĂč ils se terraient de toute façon, Ă  l’abri de la civilisation et, surtout, de la raison. Ils finiraient bien par crever en attrapant le tĂ©tanos aprĂšs s’ĂȘtre blessĂ©s avec une de leurs boites de conserves qu’ils auraient essayĂ© de perforer avec leurs dents ou en dĂ©veloppant un cancer aprĂšs avoir  bu l’eau de leur puits bourrĂ©e de phosphates pendant plusieurs annĂ©es.

Assez rĂ©guliĂšrement, durant la Survival Expo, se sont tenues Ă  cet endroit des interventions ( trĂšs) pratiques portant sur divers sujets, autant sur la maniĂšre de faire du feu assez simplement avec du matĂ©riel accessible, que sur des conseils pour faire de meilleures photos avec son tĂ©lĂ©phone portable ou un appareil photo… Photo©Franck.Unimon

Je suis un survivaliste du dimanche. Comme il existe des sportifs du dimanche. Ce que je « sais Â», je l’ai beaucoup lu ou regardĂ©.

Cela signifie que, comme beaucoup de personnes peuvent le faire avec le sport ou lorsqu’elles prennent certaines rĂ©solutions, en matiĂšre de survivalisme, je suis un faible. Mais je vais un peu mieux m’expliquer avant de repartir me planquer.

Je suis nĂ© en ville et ai toujours vĂ©cu en ville. Lorsque je me trouve en prĂ©sence de plantes ou d’arbres, je suis incapable de retenir le nom des plantes ou des arbres que je vois, lorsque j’en vois, comme de les dĂ©crire. Cela peut ĂȘtre pareil pour certains oiseaux. A part reconnaĂźtre les pigeons, peut-ĂȘtre parce-que je me reconnais en eux, je ne sais pas trĂšs bien reconnaĂźtre tel ou tel type d’oiseau que je croise. Je ne sais pas faire un feu. Je ne sais pas construire une cabane en bois avec quelques branches. Si on me parle de tarp, je suis capable de faire la diffĂ©rence avec un pĂ©tard. Je vois trĂšs bien de quoi il s’agit  parce-que j’ai lu et regardĂ© des images, j’en ai peut-ĂȘtre mĂȘme achetĂ© un, car-on-ne-sait-jamais, mais je ne m’en suis jamais servi.

Je sais casser des Ɠufs, je peux rĂ©ussir Ă  planter un clou dans un mur, je sais lacer mes chaussures tout seul, je peux porter un seau rempli d’eau, mais je ne suis pas trĂšs manuel. Au fond, et par bien des aspects, je suis un assistĂ©. Je m’en remets Ă  des personnes plus compĂ©tentes que moi, Ă  des artisans, Ă  des commerçants, Ă  des animateurs, aux services publics, Ă  l’Etat, aux autres, Ă  ma fainĂ©antise, Ă  ma patience mais aussi Ă  mes soumissions.

J’ai quand mĂȘme quelques capacitĂ©s. Je ne suis pas un incapable majeur ou complet. Autrement, je ne serais mĂȘme pas lĂ  Ă  Ă©crire cet article.

Mais si je peux encore m’émerveiller devant celles et ceux qui font du scoutisme dĂšs leur enfance ou en repensant au fait que mon grand pĂšre paternel, maçon lorsqu’il travaillait, avait construit sa maison pratiquement tout seul, durant ses congĂ©s, je me sens incapable de  faire de mĂȘme. De construire l’équivalent de cette maison oĂč, Ă  Morne Bourg, j’ai passĂ© mes premiĂšres vacances en Guadeloupe alors que j’allais avoir 7 ans. Pourtant, mon grand pĂšre paternel savait Ă  peine lire. Et il ne savait pas Ă©crire. J’ai donc une culture gĂ©nĂ©rale et une situation Ă©conomique et sociale qui lui sont, officiellement, trĂšs nettement supĂ©rieures, et, sans doute ai-je pu ĂȘtre une de ses fiertĂ©s et, pourtant, il est pratiquement Ă©vident que le survivaliste le plus accompli entre lui et moi, c’était lui, de trĂšs loin. Et, je ne parle pas d’un homme qui vous guettait dans la pĂ©nombre avec un fusil de chasse. Mais de quelqu’un que j’ai connu retraitĂ©, qui menait sa vie tranquille avec ses voisins, sa famille, qui se rendait rĂ©guliĂšrement sur sa mobylette- sans porter de casque- jusqu’à son jardin oĂč il avait Ă©tabli une petite cabane en tĂŽle et bois dans laquelle il se posait. Et oĂč se trouvaient les ananas ou les lĂ©gumes qu’il avait pu cultiver ainsi que ses « poules » qu’il appelait en sifflotant pour les nourrir de grains de maĂŻs tandis que ses coqs de combat, eux, Ă©taient dans leur cage. Je parle d’un homme de la campagne, qui, de temps Ă  autre, partait faire un tour Ă  Marie-Galante, et avait plus de soixante ans, lorsque, pour la premiĂšre fois, il a pris l’avion pour venir en France, en Ăźle de France, oĂč plusieurs de ses enfants- dont mon pĂšre- Ă©taient partis vivre.

On est ici trÚs loin du portrait de forcenés qui aspirent à vous «déflagrer » ou à vous délocaliser les vertÚbres cervicales.

Nos besoins

Les journalistes qui ont « entourĂ© Â» Burgalassi m’avaient agacĂ© car je les imaginais, relativement jeunes (la trentaine), citadins calfeutrĂ©s (ça existe), privilĂ©giĂ©s, trĂšs sĂ»rs d’eux mais en fait trĂšs ignorants et peuplĂ©s de prĂ©jugĂ©s. S’ils Ă©taient a priori dĂ©pourvus de toute intention de se servir d’une arme Ă  feu contre autrui, leur immaturitĂ© (je crois que l’on peut dire ça) lĂ©gitimĂ©e gratuitement et avec facilitĂ© au travers d’un mĂ©dium capable de toucher une grande audience m’est apparue assez irresponsable.

Dans d’autres circonstances, je me rappelle encore avoir entendu une jeune femme dire un jour fiĂšrement :

« Ce n’est pas parce-que je porte une jupe que je ne sais pas changer une batterie de voiture ! Â».

Pour moi, cette jeune femme avait un Ă©tat d’esprit survivaliste. Je suis persuadĂ© que ces journalistes qui ont reçu Burgalassi ne savaient pas changer une batterie ou une roue de voiture. Par contre, beaucoup de personnes survivalistes, Ă  mon avis, armĂ©es ou non, s’appliqueront Ă  apprendre Ă  le faire ou Ă  penser Ă  une solution alternative en cas de besoin.

Le terme « besoin » devrait ĂȘtre plus souvent employĂ© lorsque l’on parle de survivalisme  Ă  mon avis. De quoi avons-nous vraiment besoin ? Comment satisfaisons nous nos besoins ? Avec quels moyens? A quelles conditions ? A quel prix ?

Sortie de la Survival Expo de juin 2023. Photo©Franck.Unimon

Je me mĂ©fie des « c’était mieux avant Â». Cependant, lorsque je nous vois pratiquement tous, la tĂȘte penchĂ©e et rivĂ©s, quasi cramponnĂ©s Ă  nos tĂ©lĂ©phones portables dans les transports en commun oĂč dĂšs qu’il nous faut attendre cinq minutes ou plus, je me dis que nous nous sommes faits capturer.

Je ne crois pas que la satisfaction de nos besoins nĂ©cessite que nous soyons autant, aussi souvent et Ă  une telle frĂ©quence, en train de regarder nos tĂ©lĂ©phones portables. Je l’ai mĂȘme vu chez des couples dans les transports en commun. Un malaise s’installe au sein du couple, hop, baguette magique, je sors mon tĂ©lĂ©phone portable et je pianote dessus ou regarde quelque chose. Il vaut mieux ça que de se prendre le malaise- ou le problĂšme- de face.

Le silence, l’observation, la patience et la contemplation sont les ennemis de nos  Ă©crans mais aussi de nos « navigations Â» compulsives sur internet.

Je crois qu’ils font partie de nos besoins mais nous passons outre. Des cascades d’images et de stimulations Ă  volontĂ© se chargent de faire barrage entre eux et nous. Il ne faut surtout pas penser. Il ne faut surtout pas y penser. Il faut vibrer.

J’en suis dĂ©jĂ  Ă  cinq pages pour cet article. Et, je me dis que cela fait dĂ©jĂ  suffisamment. Il est certain que je vais retrouver plus facilement le sommeil cette fois. Mais je crois aussi que plus de pages, pour cet article, cela fera trop d’un seul coup. Il vaut mieux que je passe par une premiĂšre partie que je termine maintenant.

Fin de la premiĂšre partie. A bientĂŽt. Avant la fin du monde, bien-sĂ»r. Sourire. En attendant la deuxiĂšme partie, on peut lire quelles avaient Ă©tĂ© mes impressions lorsque, l’annĂ©e derniĂšre, je me rendais pour la premiĂšre fois au Survival Expo Paris, alors situĂ© du cĂŽtĂ© de la Villette Survival Expo Paris 2022 .

Franck Unimon, ce mercredi 4 octobre 2023.

 

 

 

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En Concert

Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023

Rosalia au festival LOLLAPALOOZA, Ă  l’hippodrome de Longchamp, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023

 

Avant le concert de Rosalia, au festival LOLLAPALOOZA, hippodrome de Longchamp, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

On a plutĂŽt la vingtaine voire un petit peu moins lorsque l’on va voir Rosalia ce samedi 22 juillet 2023 au festival LOLLAPALOOZA Ă  l’hippodrome de Longchamp. Beaucoup de jeunes femmes. Des hommes eau. MĂȘme un homme en fauteuil roulant, poussĂ© par un de ses amis, a voulu traverser la foule pour ĂȘtre au plus prĂšs de la scĂšne. Un des agents de sĂ©curitĂ©, pĂ©dagogue, a su ĂȘtre convaincant :

 Â« Au moindre mouvement de foule, la premiĂšre personne Ă  se faire Ă©craser, ce sera vous Â».

Plus d’une heure avant le concert de Rosalia, toutes les bonnes places face Ă  la scĂšne sont prises. Elles l’étaient dĂšs le concert prĂ©cĂ©dent. J’ai essayĂ© de me faufiler comme j’ai pu. Je n’ai pas pu faire mieux que d’ĂȘtre sur le cĂŽtĂ© Ă  plus d’une vingtaine de mĂštres de lĂ  oĂč ça s’est « passĂ© ». Mais j’avais un grand Ă©cran au dessus de moi et mon matĂ©riel photo et audio. Ci-dessous, le titre Saoko :

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J’ai beaucoup hĂ©sitĂ© avant de venir Ă  ce concert de Rosalia. 89 euros la place pour la journĂ©e du festival ( contre 28 euros pour aller voir Oumou SangarĂ© rĂ©cemment. Voir Oumou SangarĂ© en concert) . Seule Rosalia me donnait envie de venir. Rosalia, dont le dernier album Motomami – que j’avais achetĂ© et Ă©coutĂ©- avait Ă©tĂ© adoubĂ© par la critique. Rosalia dont les vidĂ©os provocantes dĂ©ployaient une audace et une assurance en mĂȘme temps qu’un certain « contraste».

Rosalia, hippodrome de Longchamp, au festival LOLLAPALOOZA, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Ici, la langue espagnole prend le dessus sur la langue anglaise. Rosalia se joue des tendances musicales.  Techno, kizomba, Flamenco, Reggaeton, la forme piano/voix ou d’autres allures d’AmĂ©rique latine peuvent ainsi cohabiter. Elle peut aussi trĂšs bien danser. On peut considĂ©rer qu’elle sait tout faire et avoir l’impression d’assister Ă  un renversement de modĂšle oĂč l’Espagne, pays « minorĂ© » sur la scĂšne musicale internationale, prend en quelque sorte sa revanche sur les pays anglo-saxons qui, au moins depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale environ, dominent le monde avec leurs artistes et leurs nĂ©vroses Rock. Ci-dessous, une autre vidĂ©o montrant Rosalia lors du festival LOLLAPALOOZA:

ZOOM0015

 

AdĂ©mas (en outre), Rosalia est une femme sĂ©duisante, affirmĂ©e, indĂ©pendante et ouverte aux diffĂ©rents genres. On a donc le Jackpot. Une musique et une culture diffĂ©rentes. MĂȘme si, mĂȘme si, lorsque l’on y regarde bien, Rosalia, par certains aspects, et sĂ»rement malgrĂ© elle, colle Ă  l’image que l’on se fait d’une femme espagnole. Brune, ardente, virilement- presque brutalement- et fiĂšrement sensuelle.

Rosalia, ce samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais c’est toujours ça. Ne nous privons pas d’un bon moment d’autant que l’on a payĂ©- plutĂŽt cher- pour cela. Et marchĂ© aussi prĂšs de deux kilomĂštres au moins depuis l’endroit oĂč l’on a pu trouver oĂč se garer.

Il fait beau ce samedi et il s’agit du dernier concert de la tournĂ©e mondiale de Rosalia qui a Ă©tĂ© un trĂšs grand succĂšs. DĂ©sormais, Rosalia fait partie des grandes vedettes et cette prestation a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e comme l’évĂ©nement Ă  ne pas manquer. Son concert de dĂ©cembre dernier, Ă  Paris, a bien Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© « meilleur concert de l’annĂ©e Â». On n’a pas envie de rater des moments pareils.

 

DĂšs l’entrĂ©e sur scĂšne de Rosalia avec ses danseurs et le dĂ©but de son concert avec le titre Saoko, le public est happĂ© par la toile Rosalia. Laquelle a gardĂ© la main et la maitrise totale sur sa reprĂ©sentation. PassionnĂ©e et souriante, oui, mais pas liĂ©e Ă  l’approximatif.

Rosalia est trĂšs Ă  l’aise avec l’image et les technologies de communication moderne. Elle aime aussi beaucoup se voir mĂȘme si elle tourne cela aussi en dĂ©rision. Le public, lui, l’adore, et reprend plusieurs de ses paroles. Il se trouve bien un public hispanophone parmi nous mais d’autres se sont aussi visiblement mis Ă  l’Espagnol.

J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© ĂȘtre plus prĂšs de la scĂšne, entendre des titres de quatre minutes ou plus, et y voir des « vrais Â» musiciens. Le festival, officiellement, entend proposer une alternative Ă  notre sociĂ©tĂ© d’argent en nous imposant un systĂšme de recharge. SystĂšme qui, d’aprĂšs mon expĂ©rience, expose surtout Ă  offrir au festival ce que l’on n’a pas pu dĂ©penser. Qu’est-ce que cela m’a agacĂ© par ailleurs de devoir me promener avec un gobelet en carton rempli d’eau simplement « pour des raisons de sĂ©curitĂ© Â». A moins de filouter, Il est devenu de plus en plus difficile de se trouver Ă  un concert avec une bouteille d’eau munie de son bouchon en plastique. Car trop d’artistes ont reçu des projectiles inopportuns lors de leur prestation.

Mais le spectacle valait le dĂ©placement. Et, lorsqu’ensuite, je me suis mis Ă  rĂ©Ă©couter l’album Motomami, j’ai su que cela m’avait vĂ©ritablement plu.

Rosalia, festival LOLLAPALOOZA 2023, hippodrome de Longchamp, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 2 octobre 2023.

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Musique

Finley Quaye

UNSPECIFIED – JANUARY 01: Photo of Finley QUAYE (Photo by Marc Marnie/Redferns). Finley Quaye, probably in the beginning of the 2000’s.

 

                                             Finley Quaye

« You, alone ? » is what I heard in one of John Lee Hooker’s songs.

Maybe in that song where John Lee Hooker says « Oh, come back, baby, please don’t go one more time
 Â».

I surely wish he would come back.

He did not seemed to be impressed when he came a few years after Portishead, Massive Attack, Tricky (supposed to be his nephew but I never knew if they are really relatives) and Björk in the end of the nineties.

That is probably why he escaped memories. Finley Quaye.

Because Portishead, Massive Attack, Tricky, Björk and others by then were the musical ships which had already taken us to the 21 first century which had to be our next target.

For sure, this is not the only reason why Finley Quaye, today, does not appear in many play lists and I know it but I can barely face it.

Because it’s too hard.

Music is about memory. Our intimate memory. It’s like skin. But some skin we blend with what our lives are made of when when we listen to it. Every time I read the comments below some videos I watch on Youtube you will find someone writing « It reminds me of this, it reminds me of that ». It happened that night while catching Tricky’s Christiansands on video and on stage. While watching some videos of Finley Quaye.

That’s right.

Since we were born and even before, we listen to various amounts of music. Music, for us, in rich and « peaceful » countries, can also be like abundant water. It is  so easy to get some that many times we do not really care about what’s going on. Apart for what we already like and are focused on, the « rest » is just here and we do not have to particularly pay attention until many years later, suddenly, we remember the rest we had left.

And we say :

It was really the good times. I was doing this. Everything was easy then and all smiles were open.

Of course, this feeling is deceiving in some way. But Music does not interfer with our sense of happiness. It stimulates us. It rarely bury us even if  we are listening to some depressive music. By saying this I think of all the fans in the world who are so fond – almost to the grave- of artists like Leonard Cohen and Nick Cave.

I have tried to get involved with their music but all I can hear until now is a grave coming next to me. We cannot dance while hearing Leonard Cohen or Nick Cave. But we can probably pray for our souls while hearing their songs and I do not want to pray for my soul while listening to some music because I must probably have sinned some day.

I want to live even if what I am going through is painful. Even if I feel responsible for that.

We cannot plan to dance if  we want it while listening to Miles Davis’s albums too but I don’t mind. Perhaps because Miles did not sing and it was for the best. The voice can be everything.

But Finley Quaye was someone else.

Finley Quaye’s Music was utter stimulation. It was not a burial. 

Most Reggae artists can be divided in three or four sections.

Those who made History :

Burning Spear, Bob Marley, Albert Griffith and the Gladiators, Lee Scratch Perry, Steel Pulse, Aswad, U-Roy, Black Uhuru, LKJ, and many many more.

Those who respectfully follow the greatest and do nothing really new almost like musicians and singers playing in a zoo or for tourists.

Those who play dancehall.

Those who get Dub.

Finley Quaye Managed to do something else without denying the best the eldest had done before. His « obedience » to some standards of the Rastafarism even sounded odd when he spoke in a jamaican way .  What had this young man ( he was about 25 then when he became famous ) to do with Rastafarism by the end of the 1990’s in a world dealing with the dope of internet, cellular phones and a movie like Matrix by the then brothers Wachowski ? Despite the irresistible clocks of Rap Music. 

I ignored- or I easily forgot- at that time that Finley Quaye had spent most of his life in Scotland, a country I was very pleased with in the beginning of the 1990’s. But in my opinion it does not explain the sort of blast Finley Quaye remains in my mind when I listen to his music today almost 25 years later.

Reggae, Electro ( some say Trip Hop), Jazz, Soul. And what a voice !  In his voice, I find a crooner, a charmer and a
muezzin.

You want to listen to a musician and singer who does not pretend when he is in Music ? Finley Quaye is one of these artists you can rely on. Dig his albums Maverick A Strike and Vanguard.

I confess ( this is my Leonard Cohen and Nick Cave part) I p(r)ay little attention at what Finley Quaye says in his songs whose texts I guess can somewhat be heard like the result of a mix of esoteric, crazy stuff and automatic writing.

 

But, musically
.

 

Speaking of Finley Quaye, some People often recall the titles Even after all or Sun is Shining. It is only recently I have heard that Rita Marley gave Finley Quaye the permission to « replay Â» that song of Bob Marley whereas she had always refused any permission of that kind for years.

 

I am OK with Sun is shining and I like the symbol of Finley Quaye playing it after Bob Marley. And like many others I really enjoy Even after all so delicate and yet so warm and strong like blood taking care of  Life in our veins as if it will never stops. And that song never stops when you love it.

But what about Falling ? How can people forget about that song ? Again, Finley Quaye does not force you. He simply has all the keys (notes) to open your mind in 3 minutes and 19 seconds against 3 minutes and 56 seconds for Even after all.

There are others songs of Finley Quaye in Maverick A Strike ( 1997) and Vanguard (2001) that are worth listening : Ultra Stimulation, It’s great when we are together, When I burn off the distance, Feeling Blue and others
.

But I want to deal with another song of Finley Quaye that is not very famous :

White Paper.

Probably that song is not a masterpiece for its lyrics. But hear the Music ! At first, this song has some sort of psychedelic atmosphere and seems only to be fun. Nothing special. Then the break occurs at 2’43.  What a break. Only great musicians can do that. Finley Quaye did not need to sing to hide himself. His music can speak for itself.

I saw him once at a concert,  when he came to France, in Paris in the nineties at Le Zenith, I think, or at L’ElysĂ©e Montmartre ?

 

He seemed to be bored when he sung his most known songs. Perhaps because he had to and was fed up with this permanent do it again during his tour.

After a while, about an hour, (after his contract was honoured ?) we had a different Finley Quaye in front of us. Playing good music and definitely enjoying it.

That night, he was dressed with military clothes. I forgot when Finley decided to throw his vest at the crowd as a gift. But the circles made by his arm were too strong and too fast. The vest got so high it reached one of the spotlights. It never went down. Like Finley Quaye’s music.

 

When we listen to his Music now, we find pleasure and some regrets about our Youth. Finley Quaye found addiction to bad experiences and drugs.

Nostalgia, too, and its unsung dreams can be an addiction. From the start, Finley Quaye’s Music was safe due to its riddles of Nostalgia. But I wouldn’t notice. Because I was then getting old and I was not ready yet to admit for I was still hooked on my Youth.

 

Our Youth can vanish before we see it. Let’s enjoy it. Perhaps Finley Quaye ‘s Music is also a lot about that warning. I hope Finley Quaye – and his female and male twins- will recover enough from this to be at his best again.

 

Franck Unimon, the 2 of october, 2023. Today is my birthday and when I woke up this morning I had not scheduled to write my very first article in English for my blog balistiqueduquotidien.com. It came in English and I have tried my best. I hope this article will be enough enjoyable for a reading despite my english mistakes. See you !

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En Concert

Oumou Sangaré en concert

 

 

Oumou Sangaré, à la Villette, mercredi 6 septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Oumou Sangaré en concert à la Villette

 

AprĂšs En concert avec Hollie Cook au Trabendo, En concert avec Pongo Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022, Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023, Me’Shell NdĂ©geocello au festival Jazz Ă  la Villette ce 1er septembre 2023, avant PJ Harvey (ce 12 octobre) et peut-ĂȘtre, un jour, Jorja Smith :

 

Oumou Sangaré.

 

Sa voix est un empire,  un jaillissement.  Ses chants sont des troncs sans artifices. Il est difficile pour moi, le citadin occidental handicapĂ©, qui a touchĂ© des bouts de l’Afrique seulement au travers de  musiques ou de films, d’en dire beaucoup sur Oumou SangarĂ© en Ă©vitant les erreurs. AprĂšs l’avoir entendue ou avoir entendu parler d’elle pendant des annĂ©es, c’était seulement la premiĂšre fois que je la voyais en concert. Oumou SangarĂ©, la fĂ©ministe « Quand je rencontre un homme intelligent, je me dis, ah, lui, sa maman l’a bien Ă©duquĂ© ! Â». Oumou SangarĂ©, l’optimiste, malgrĂ© les blessures « On va oublier ces petits problĂšmes Â». La voyageuse « Hier, on Ă©tait Ă  Lisbonne Â». Celle qui multiplie les projets avec d’autres artistes et les inspire (Cheikh LĂŽ, Tony Allen
.). Celle qui danse et qui fait de l’humour. Oumou SangarĂ© nous a prĂ©sentĂ© l’Afrique « traditionnelle Â», des siĂšcles et des villages, mais aussi l’Afrique moderne. 

 

Oumou Sangaré à la Villette, ce 6 septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Moins connue que les vedettes anglaises et amĂ©ricaines ( elle ne chante pas en Anglais et ne fait pas de strip tease) qui en Europe ou aux Etats-Unis monopolisent les grandes scĂšnes, c’est pourtant une diva qui Ă©tait prĂ©sente dans le 19Ăšmearrondissement de Paris, Ă  la Villette, ce mercredi 6 septembre 2023. Celles et ceux qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ©e ou qui Ă©taient avec elle sur scĂšne ne dĂ©pareillaient pas.

La Chica, Valentin et ThĂ©o Ceccaldi. Lors de la 1Ăšre partie du concert d’Oumou SangarĂ© ce 6 septembre 2023 Ă  la Villette. Photo©Franck.Unimon
Anna Majidson, lors de la 1Ăšre partie du concert d’Oumou SangarĂ© ce 6 septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

De gauche à droite, Théo Ceccaldi, Valentin Ceccaldi, Emma Lamadji. Photo©Franck.Unimon
Sofiane Saidi, en premiĂšre partie du concert d’Oumou SangarĂ© ce 6 septembre 2023. Photo©Franck.Unimon
Emma Lamadji, lors de la 1Ăšre partie du concert d’Oumou SangarĂ©. Photo©Franck.Unimon
De gauche à droite : Sofiane Saidi, Théo Ceccaldi, Valentin Ceccaldi, Anne Majidson, Emma Lamadji, La Chica. Photo©Franck.Unimon

 

Abou Diarra, Kamalen’goni, lors du concert d’Oumou SangarĂ©. Photo©Franck.Unimon
Oumou Sangaré, Abou Diarra, au fond, Elise Blanchard, basse. Photo©Franck.Unimon
Au centre, Emma Lamadji, choeur, à droite, Kandy Guira, choeur. Au fond, Julien Pestre, guitare. Photo©Franck.Unimon
Oumou Sangaré et Julien Pestre, guitare. Photo©Franck.Unimon
Elise Blanchard, basse. Photo©Franck.Unimon
Abou Diarra, Kamalen’goni, Oumou SangarĂ©, Elise Blanchard, basse. Photo©Franck.Unimon
Emma Lamadji, Kandy Guira, choeurs. Photo©Franck.Unimon
Oumou Sangaré. Photo©Franck.Unimon
Oumou Sangaré. Photo©Franck.Unimon
Emma Lamadji et Kandy Guira. Photo©Franck.Unimon
Elise Blanchard, basse. Photo©Franck.Unimon
Oumou Sangaré. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce samedi 30 septembre 2023.

 

 

 

 

 

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En Concert

Me’Shell NdĂ©geocello au festival Jazz Ă  la Villette ce 1er septembre 2023

 

Me’Shell en concert Ă  la Villette ce vendredi 1er septembre 2023 avec ses musiciens et son choriste. Photo©Franck.Unimon

Me’Shell NdĂ©geocello au festival Jazz  Ă  la Villette ce 1er septembre 2023.

 

« Elle est fatiguĂ©e et elle joue pour elle Â».

 

C’est tĂ©lĂ©phone Ă©teint, que je suis retournĂ© voir Me’Shell NdĂ©geocello. La premiĂšre fois, c’était aprĂšs son premier album, Plantation Lullabies, sorti en 1993. Et, ce vendredi 1er septembre 2023, je suis assis au premier rang (j’ai rĂ©cupĂ©rĂ© la place d’une personne partie un peu plus tĂŽt) quand, aprĂšs le concert, en sortant de la salle, deux hommes passent devant la scĂšne. Ce faisant, l’un des deux livre son opinion Ă  l’ami qui l’accompagne.

 

AprĂšs son premier album, Plantation Lullabies, Me’Shell (cela s’écrivait comme ça Ă  l’époque. Aujourd’hui, cela s’écrit Meshell)  Ă©tait passĂ©e Ă  l’ElysĂ©e Montmartre. J’étais allĂ© la voir seul, comme ce vendredi soir. Je ne voyais pas qui aurait pu venir assister Ă  ce concert avec moi.

Me’Shell, au festival Jazz Ă  la Villette ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Me’Shell, c’est trente ans de carriĂšre ou plus. Me’Shell n’est pas

« connue Â».

Pour ce concert, j’ai lu qu’on la prĂ©sentait comme celle qui avait jouĂ© avec David Bowie ? On l’aura peut-ĂȘtre confondue avec quelqu’un d’autre. Peut-ĂȘtre avec la bassiste et chanteuse Gail Ann Dorsey que je connais moins bien et qui a pu ĂȘtre particuliĂšrement mĂ©diatisĂ©e aprĂšs la mort de David Bowie rĂ©cemment
.

Autrement, pour rendre Me’Shell NdĂ©geocello un peu plus familiĂšre, on dit aussi qu’elle a jouĂ© avec les Rolling Stones. Je n’ai pas vĂ©rifiĂ©.

Me’Shell, au festival Jazz de la villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

J’ai bien davantage retenu que Me’Shell avait fait un trĂšs bon duo avec le bassiste, compositeur, arrangeur et producteur Marcus Miller (Rush Over). Je continue de me demander pourquoi leur collaboration s’est limitĂ©e Ă  un seul titre. Marcus Miller, depuis prĂšs de vingt ans maintenant, est devenu un trĂšs grand nom des festivals de Jazz. Il est dĂ©sormais en tĂȘte d’affiche au premier plan devant la scĂšne alors que, traditionnellement, le bassiste est plutĂŽt « derriĂšre Â».

 

Me’Shell n’a pas le pedigree de Marcus Miller mais elle a quand mĂȘme jouĂ© avec pas mal de musiciens qui comptent sur les Ă©toiles autant que sur leurs doigts pour faire de la musique. Elle a ainsi pu jouer avec Marc Ribot et Chocolate Genius. C’était aussi Ă  la Villette.

 

Je me suis aussi mis dans la tĂȘte que Oren Bloedow, sans pouvoir le certifier, l’un des membres du groupe Elysians Field avec Jennifer Charles, avait Ă©tĂ© un de ses guitaristes sur scĂšne lors d’un de ses concerts Ă  l’ElysĂ©e Montmartre ou Ă  la Cigale.

SinĂ©ad O’Connor, dĂ©cĂ©dĂ©e rĂ©cemment, a aussi chantĂ© sur un des disques de Me’Shell. Peut-ĂȘtre sur le disque hommage Ă  Nina Simone dont a Ă©tĂ© retrouvĂ© l’enregistrement d’un de ses concerts mĂ©morables dans les annĂ©es 60.

 

Il y a aussi eu le saxophone Jacques Schwarz-bart  qui a pu revendiquer, pour son premier album, d’avoir jouĂ© du Gwo-ka Jazz. Elle ( Me’Shell) avait aussi participĂ© au disque hommage Ă  Fela en reprenant le titre Gentleman qu’elle avait fait plus que fredonner.

Elle a aussi cĂŽtoyĂ© Ravi Coltrane, l’un des enfants de John Coltrane et Alice Coltrane. Ou collaborĂ© avec Anthony Joseph.

 

Me’Shell NdĂ©geocello aurait beaucoup aimĂ© pouvoir jouer avec Prince mais celui-ci, de son vivant, ne le lui a jamais permis.

 

Funk, Jazz, Soul, Punk Rock, Reggae, folk, Rap, chant, compositions, interprĂ©tations, et sans doute d’autres tempos, militante, Me’Shell NdĂ©geocello n’a eu peur de rien et celles et ceux qui aiment la musique le lui rendent bien.

 

J’ai dĂ» la voir quatre ou cinq fois en concert en incluant le concert de ce vendredi soir.

Me’Shell en concert au festival Jazz de la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

J’écris ce dont je me souviens.

 

En rĂ©Ă©coutant plusieurs de ses titres tout en Ă©crivant cet article, je me dis qu’il y a trĂšs peu de bassistes, qui, comme elle, peuvent aussi bien varier du Funk ou du Jazz au Reggae sans que cela ne ressemble Ă  un pastiche. Lorsque, pour Miles, Marcus Miller avait composĂ© le titre Don’t Lose your mind sur l’album Tutu (c’était en 1986), je me rappelle d’un camarade de lycĂ©e, joueur et chanteur de Reggae, qui avait reconnu la rythmique du duo Sly Dunbar et Robbie Shakespeare. Cela m’avait fait drĂŽle de « voir Â» le grand Marcus Miller devenir en quelque sorte l’élĂšve de deux artistes Reggae incontestĂ©s ( Serge Gainsbourg les avait bien sollicitĂ©s pour ses albums Reggae).

 

Lorsque j’écoute la basse de Me’Shell sur ses titres Reggae, je l’entends, elle, et non Robbie Shakespeare, dĂ©cĂ©dĂ© il y a quelques mois, que j’ai pu et peux particuliĂšrement aimer Ă©couter avec le groupe Black Uhuru des MichaĂ«l Rose, Duckie Simpson et Puma Jones ou sur des titres Dub.

J’aime particuliĂšrement, par exemple, ce que fait Me’Shell sur le titre Forget my name, selon moi, un titre contre le fanatisme religieux. 

 

Mais Me’Shell n’est pas connue.

Me’Shell en concert au festival Jazz de la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Beaucoup moins connue que Depeche Mode, Sting et U2 ( elle est arrivée aprÚs eux).

Bien moins connue que les vedettes de ces dix Ă  quinze derniĂšres annĂ©es aux concerts ou festivals Ă  100 000 personnes ou davantage pour lesquelles il faut dĂ©bourser facilement plus de cinquante euros pour les voir en concert. Sans doute, doit-elle ĂȘtre situĂ©e aux cĂŽtĂ©s de SinĂ©ad O’Connor, dĂ©jĂ  citĂ©e, mais aussi de PJ Harvey ou Björk, des artistes qui se sont imposĂ©es Ă  partir des annĂ©es 90 et qui avaient d’autres quĂȘtes que la recherche de la cĂ©lĂ©britĂ©. 

 

Des quatre, aujourd’hui, il en reste trois. PJ Harvey passera bientĂŽt en Octobre Ă  l’Olympia pour deux dates qui ont Ă©tĂ© rapidement complĂštes. J’irai la voir pour la premiĂšre fois afin d’essayer de rattraper le fait de l’avoir ratĂ©e au festival Rock en Seine au dĂ©but des annĂ©es 2000 moyennant une place de concert aux alentours de 60 euros.

 

Björk, je l’ai « vue Â» plusieurs fois sur scĂšne depuis ses dĂ©buts. La derniĂšre fois Ă©tant cette annĂ©e oĂč elle avait clĂŽturĂ© le festival Rock en Seine (2007 ?) avec Declare Independance. Il y a plus de dix ans. C’était avant qu’elle (Björk) ne joue dans des salles Ă  cent euros la place en moyenne.

Me’Shell en concert au festival de Jazz Ă  la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Pour Me’Shell, ce vendredi 1er septembre 2023, aprĂšs au minimum trente ans de carriĂšre, la place assise et numĂ©rotĂ©e a coĂ»tĂ© 35 euros. C’est un peu plus que pour Oumou SangarĂ© que j’irai voir  ce 6 septembre, Ă©galement Ă  la Villette : 28 euros.

 

Oumou SangarĂ©, aussi, n’est pas trĂšs « connue Â».

 

« Elle est fatiguĂ©e et elle joue pour elle Â».

Me’Shell au festival de Jazz de la Villlette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Il est indiscutable que depuis « You say that’s your boyfriend, funny, he wasn’t last night
.maybe he needed a little change, a switch
. Â», il y a trente ans, Me’Shell s’est assagie et a grossi. Elle n’est plus cette bitch garçon manquĂ© qui gouvernait le public et son groupe avec son allure et sa basse.

 

« Elle est fatiguĂ©e et elle joue pour elle Â».

MĂȘme assise comme elle l’a Ă©tĂ© ce vendredi durant tout le concert, mettez-lui une basse dans les mains, alignez Ă  cĂŽtĂ© une des vedettes actuelles avec le mĂȘme instrument et regardez ce qu’il en sort. J’ai aimĂ© voir l’artiste Rosalia au mois de juillet lors d’un festival Ă  l’hippodrome de Longchamp. Pour elle et cette date unique en rĂ©gion parisienne cette annĂ©e, j’ai finalement acceptĂ© de payer prĂšs de 90 euros.

Juste pour elle.

Si Rosalia maitrise tout ce qui a trait Ă  la mise en scĂšne et les technologies actuelles de communication, rĂ©seaux sociaux inclus, pour moi, entre elle et Me’Shell, il en est une des deux qui est bien plus musicienne que l’autre. Et une qui est plus plasticienne que la prĂ©cĂ©dente.

Me’Shell au festival de Jazz Ă  la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce vendredi, quand le bassiste, placĂ© derriĂšre Me’Shell, a commencĂ© Ă  lancer les premiĂšres notes de son titre Virgo prĂ©sent sur son dernier album The Omnichord Real Book, rejoint par une batterie afro-beat qui rappelle autant Fela que le batteur Tony Allen ( dĂ©cĂ©dĂ© durant la pandĂ©mie du Covid) je me suis dit qu’il lui fallait toujours trĂšs peu pour nous atteindre.

 

Me’Shell NdĂ©geocello fait partie de cette minoritĂ© d’artistes (musicaux ou autres) qui ont dĂ©cidĂ© de prendre beaucoup de risques pour vivre de leur Art et qui y sont parvenus, trente ans durant.

 

Rosalia n’a pas encore ces trente ans de carriùre.

Rosalia, Ă  l’hippodrome de Longchamp, cet Ă©tĂ©. Photo©Franck.Unimon

Il en est tant d’autres, artistes ou spectateurs que l’on ne voit pas et que l’on n’entend pas sur aucune scùne trente ans aprùs. A la Villette ou ailleurs. Il m’arrive d’ailleurs de regretter encore le Finley Quaye de Even after All .

 

On peut rater un concert. Cela reste moins grave que de rater sa vie.

Me’Shell au festival de Jazz Ă  la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Me’Shell a-t’elle jouĂ© pour elle, ce vendredi soir ? Me’Shell n’a plus envie de performance. Lorsqu’elle a chantĂ© en Anglais « Je suis reconnaissante d’avoir des yeux, je suis reconnaissante d’avoir des oreilles pour entendre Â», c’était sincĂšre. On peut la trouver mystique. Elle s’est bien convertie un moment Ă  la religion musulmane ou a semblĂ© en tout cas s’en rapprocher. Mais elle fait ce qu’elle peut afin de se dĂ©sabonner de l’ego.  Bien d’autres artistes, avant elle, sont passĂ©s par lĂ . Prince y compris, qui, un temps, ne voulait plus s’appeler Prince.

Alors que, nous, spectateurs, nous sommes nombreux à venir en concert afin de satisfaire ou de soigner notre ego. Souvent, nous repartons comme nous sommes venus et lorsque nous avons changé un peu, les effets de ce changement sont transitoires. Nous ne prenons pas beaucoup de risques à venir en spectateurs.

 

Il y avait sĂ»rement un cĂŽtĂ© « prĂȘche Â» dans l’attitude de Me’Shell  ce vendredi soir. Elle n’était pas lĂ  pour nous flatter et nous caresser le ventre avec sa basse. MĂȘme si elle est passĂ©e par I’m digging you like an old soul record ( un de ses titres les plus connus de son premier album, Plantation Lullabies ) mais aussi par Love Song ( titre qui a plusieurs variantes, dont une variante Reggae, sur son album Comfort Woman sorti en 2003).

Me’Shell au festival Jazz de la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Et, il faudra un moment mentionner, aussi, qu’elle a perdu ses parents. Elle les a d’ailleurs dessinĂ©s sur son dernier album. Un album sur lequel on peut d’ailleurs trouver certains de ces croquis un peu Ă  la façon de Miles sur son album Star People


Me’Shell au festival de Jazz Ă  la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Me’Shell NdĂ©geocello restera celle qui n’est pas trĂšs connue et qui fait partie de ces artistes Ă©vitant la cĂ©lĂ©britĂ©. En cela, on peut peut-ĂȘtre aussi la rapprocher de bien d’autres artistes.  Cependant hier soir, dans la salle, on a pu voir quelques enfants d’une dizaine d’annĂ©es, des jeunes d’une vingtaine d’annĂ©es ainsi que des personnes, noires et blanches, d’une cinquantaine ou d’une bonne soixantaine d’annĂ©es. Il y avait des Français mais aussi, Ă  l’oreille, des AmĂ©ricains. On doit sans doute penser qu’une grande majoritĂ© de ce public Ă©tait venue Ă©couter de la musique de « vieux Â» car, aujourd’hui, ce que joue Me’Shell est en dehors de certains codes de cette musique-spectacle qui marche :

 

Aucune chorĂ©graphie en forme de fesse, principalement des musiciens sur scĂšne avec leurs instruments, pas de Rap ou de Reggaeton, pas d’autotune. Tout cela est d’un ringard car, selon certains critĂšres, ce concert aurait donc Ă©tĂ© une sorte de « troisiĂšme Ăąge Â» de la musique. Et, Me’Shell, pourtant novatrice, serait donc une artiste dĂ©passĂ©e et nous aussi qui sommes venus ou revenus l’écouter. MĂȘme si, cachĂ©s ou non, il doit bien y avoir des artistes qui marchent trĂšs bien actuellement, depuis des annĂ©es (ou plus tard) qui connaissent leur Me’Shell par cƓur.

 

Bien-sĂ»r, j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© un autre concert de Me’Shell d’autant que j’ai l’impression que l’acoustique de la philarmonie est un peu un filet de pĂȘche qui empĂȘche la musique de passer. Mais on mesure la rĂ©ussite d’un concert au fait qu’en rentrant chez soi, on aime ensuite rĂ©Ă©couter les titres de l’artiste que l’on a vu (e) sur scĂšne. Si ce vendredi soir, dans le train du retour, j’ai Ă©coutĂ© Crash Landing et Come down hard on me de Jimi Hendrix suivi du Botanical Roots de Black Uhuru, alors que j’écris cet article aujourd’hui, je ne me fatigue pas de rĂ©entendre un certain nombre des titres de Me’shell.

 

Franck Unimon, ce mardi  5 septembre 2023.

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Cinéma

La beauté du geste un film de Sho Miyake

La beauté du Geste un film de Sho Miyake

 

De cƓur Ă  cƓur. « Ishin Denshin Â».

 

La beautĂ© du geste est un titre dĂ©jĂ  utilisĂ© pour un certain nombre d’ouvrages et d’Ɠuvres. On peut mĂȘme trouver un album du chanteur français GĂ©rald de Palmas, sorti en 2016, qui porte ce titre. Le film de Sho Miyake passe par un de ces principes assez radical, voire dogmatique, Ă©noncĂ© par le rĂ©alisateur ukrainien Myroslav Slaboshpytskyi lorsqu’il a prĂ©sentĂ©,  son film The Tribe, rĂ©compensĂ© Ă  Cannes en 2014 :

Le fait d’employer des mots pour parler nous sert souvent Ă  mentir ou Ă  dissimuler nos pensĂ©es. De ce fait, dans The Tribe ( 132 minutes), tous les protagonistes (en majoritĂ© sourds et muets) s’expriment dans la langue des signes sans le moindre sous-titre pour les spectateurs.  

Keiko Ogawa ( l’actrice Yukino Kishii)

Keiko Ogawa, l’hĂ©roĂŻne de La beautĂ© du geste, malentendante (pour Ă©viter de dire sourde) utilise principalement la langue des signes pour s’exprimer. Et la boxe. Elle Ă©crit aussi dans son journal intime.

 

Il faut avoir pratiquĂ© un Art martial durant dix mille heures en moyenne afin de pouvoir peut-ĂȘtre  « obtenir Â» le premier niveau de la ceinture noire ou son Ă©quivalent.

C’est une rĂšgle- ou une vĂ©ritĂ©- qui varie selon les individus, selon le degrĂ© d’intimitĂ© qu’ils dĂ©veloppent avec leur intĂ©rioritĂ© mais aussi avec celle de leurs enseignants ou leurs Maitres, des compĂ©tences de ces derniers, de leur sincĂ©ritĂ©, mais aussi selon les Ă©poques et les contextes.

 

Il est trĂšs difficile de savoir Ă  l’avance Ă  combien de rencontres, de gestes et d’expĂ©riences correspondent ces dix mille heures. Il s’agit juste d’un chiffre, d’une indication, pour donner un repĂšre comme on pourrait signaler une Ă©toile, une mĂ©taphore ou un indice afin de montrer vers oĂč continuer de se diriger. Il ne s’agit pas d’une vĂ©ritĂ© rigide et comptable.

 

La ceinture noire ou tout autre « grade Â», quelle que soit la discipline concernĂ©e,

est aussi une culture du coeur.  

 

Et du gong.

 

On peut aussi comparer ça Ă  une histoire d’Amour. Ou Ă  toute rencontre qui, pour nous, dispose d’un dĂ©compte particulier.

Keiko Ogawa est sans doute en dessous des 10 000 heures de pratique quand « Monsieur le directeur Â» ( l’acteur Tomokazu Miura) de son petit club de boxe la remarque.

 

Le gong est une frontiùre. Ce n’est pas un mur.

 

Une des erreurs possibles, Ă  parler de La BeautĂ© du geste, film franco-japonais ( par la production)  qui sortira dans les salles ce mercredi 30 aout 2023, serait de seulement l’enfermer dans le ring pour toute comparaison avec  le film Million Dollar Baby  rĂ©alisĂ© en 2004 par l’AmĂ©ricain Clint Eastwood. Un film  adaptĂ© par l’acteur et rĂ©alisateur Clint Eastwood d’aprĂšs une des Ɠuvres de l’auteur FX Tool, trĂšs grand connaisseur- et amateur sur le tard- de boxe anglaise.

Le directeur et entraĂźneur du club de boxe ( l’acteur Tomokazu Miura ) et Keiko Ogawa ( l’actrice Yukino Kishii).

Certes, l’hĂ©roĂŻne de La BeautĂ© du geste, Keiko Ogawa -interprĂ©tĂ©e par l’actrice Yukino Kishii- peut rappeler celle de  Million Dollar Baby  jouĂ©e par l’actrice Hillary Swank. Deux femmes venues sur le tard Ă  la boxe anglaise et dont l’engagement va saisir les regards de deux entraĂźneurs vĂ©tĂ©rans de la boxe. D’un cĂŽtĂ©, Monsieur le directeur d’un petit club de boxe japonais (l’acteur Tomokazu Miura), de l’autre, l’ancien cow-boy et inspecteur Dirty Harry, Clint Eastwood, devenu rĂ©alisateur aprĂšs avoir d’abord Ă©tĂ© un acteur mondialement connu.

 

19 annĂ©es sĂ©parent ces deux films et le Japon est diffĂ©rent des Etats-Unis. MĂȘme si au dĂ©cours de Hiroshima,  Nagasaki et d’abord de Pearl Harbour leurs histoires se sont confrontĂ©es mais aussi rapprochĂ©es.

 

Pour moi, en 1h39, La BeautĂ© du geste Ă©meut plus loin que Million Dollar Baby.

Sans vedettes mondialement connues. Avec un budget moindre.  Sans musique insidieuse.

 

Le film dĂ©fie aussi – et fait oublier- la pandĂ©mie du Covid dont on aperçoit les masques et qui avait fait de nous des sacs (ou des visages) de peur et d’angoisse.

 

Keiko Ogawa n’a pas peur. Elle n’aime pas avoir mal. CĂ©libataire, femme de mĂ©nage plutĂŽt modeste dans un hĂŽtel et dans le pays des mangas qui reste un pays riche et machiste corsetĂ© et entraĂźnĂ© par la recherche perpĂ©tuelle de la victoire Ă©conomique, elle prend des coups et donne du courage. Celles et ceux qu’elle croise sont Ă  son image.

 

La beauté du geste de Sho Miyake est un trÚs bon film à voir avant le gong de la rentrée mais aussi aprÚs.

 

Franck Unimon, ce lundi 28 aout 2023.

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Addictions Crédibilité

Dissociation

L’artiste Rosalia en concert au festival Lollapalooza, ce samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Dissociation

 

Les algorithmes puissants d’internet ou de youtube m’ont amenĂ© cette nuit Ă  regarder un documentaire d’une trentaine de minutes en replay sur Arte consacrĂ© au sujet des addictions Ă  la pornographie. J’y ai dĂ©couvert le tĂ©moignage de quelques jeunes  Allemands (des hommes exclusivement), plutĂŽt d’un bon milieu socio-culturel apparemment ( journaliste
.) qui ont dĂ©veloppĂ© cette addiction.

Ps : Concernant notre addiction Ă  nos Ă©crans et aux vidĂ©os qui nous sont trĂšs facilement proposĂ©es sur nos ordinateurs, tablettes et smartphones via internet, et aux consĂ©quences possibles de cette addiction, je vous invite Ă  lire l’ouvrage Algocratie (vivre libre Ă  l’heure des algorithmes) d’Arthur Grimonpont, paru en 2022.

Cette nuit, aprĂšs avoir studieusement regardĂ© ce documentaire sur l’addiction Ă  la pornographie, toujours sur « recommandation» des algorithmes, parmi plusieurs propositions manifestement aiguisĂ©es par mes navigations prĂ©cĂ©dentes, j’ai regardĂ© un second documentaire d’une trentaine de minutes (c’est la durĂ©e Ă  laquelle je me suis limitĂ©, que je me suis astreint cette nuit Ă  ne pas dĂ©passer) consacrĂ© Ă  ces personnes ( des “hippies”)  venant se «rĂ©fugier Â» sur l’ile des Canaries afin d’y changer de vie.

Dans ce documentaire, nous voyons quatre personnes vivant dans une grotte ou ayant vĂ©cu dans une grotte. Des personnes de 30-45 ans (mĂȘme si un homme de 62 ans, devenu riche aprĂšs avoir travaillĂ© dans l’immobilier, est ensuite venu se joindre Ă  eux) sans enfants.

On pourrait se dire : aprĂšs avoir prĂ©tendu s’intĂ©resser aux addictions en regardant un documentaire tout de mĂȘme consacrĂ© Ă  la pornographie, voilĂ  que maintenant il se mate un documentaire sur un mode de vie inspirĂ© des hippies. Alors que  l’on sait trĂšs bien que les hippies ne sont pas les derniers pour s’envoyer en l’air et partouzer. 

 

Comme on peut se dire, aussi, que “Changer de vie, les addictions”, ces deux sujets semblent peut-ĂȘtre ne rien avoir en commun.

Il est vrai que ce ne sont pas ces deux documentaires “nocturnes” abordant le sujet de l’addiction Ă  la pornographie et de la volontĂ© de changer de vie  qui m’ont inspirĂ© le titre de « dissociation Â» pour ce chapitre. Chapitre, qui, pour ce blog, se rĂ©sumera Ă  cet article. 

 

En revanche, il y a une forme de dissociation dans le fait, d’une part, que des algorithmes prennent le relais de multiples et incessantes incantations ou sollicitations sociales, culturelles, Ă©conomiques, publicitaires, mensongĂšres, informationnelles, politiques ou autres pour   tenter de tirer parti -et profit- de nos failles psychologiques afin de nous faire adopter des comportements qui nous contredisent, nous nuisent et nous font ignorer nos besoins les plus Ă©vidents. Et, d’autre part, le fait qu’un mĂ©tier comme celui d’infirmier consiste plutĂŽt Ă  ĂȘtre au chevet de celles et ceux qui ont des failles psychologiques et autres sans volontĂ© voire sans espoir d’en tirer un quelconque profit Ă©conomique et/ou politique.

 

D’un cĂŽtĂ©, une sociĂ©tĂ© qui « s’enrichit Â»  Ă©conomiquement avec mĂ©thode en vampirisant les forces vives d’une majoritĂ© d’ĂȘtres humains. En lui faisant payer le prix fort en termes de santĂ© physique, mentale, Ă©conomique et autre.

D’un autre cĂŽtĂ©, des infirmiĂšres et des infirmiers (pour ne parler que de ces « acteurs Â» de la santĂ© sociale mais aussi mentale et physique) qui puisent ou ont constamment Ă  puiser dans leurs ressources et leurs rĂ©serves personnelles ( qui peut encore croire que la seule application d’horaires Ă  la minute, de protocoles, de slogans, de « trucs Â», de « recettes Â», de sĂ©ances de mĂ©ditation et de yoga et de cours appris Ă  l’école suffisent pour s’appliquer Ă  veiller sur les autres pendant une bonne quarantaine d’annĂ©es ?! ) pour en soutenir d’autres, et qui, parallĂšlement Ă  cela, trinquent et subissent comme la majoritĂ© les coĂ»ts et les coups de la vie sans s’enrichir matĂ©riellement Ă  l’image de ces nouvelles grandes fortunes ou de ces milliardaires qui passent souvent pour des gĂ©nies, des pionniers, des visionnaires, ou des personnes d’autant plus respectables, exemplaires et indispensables qu’elles ont :

« rĂ©ussi Â».

 

Qu’est-ce que la rĂ©ussite ? Pour moi, ce serait de ne pas ĂȘtre pris , d’abord,  pour une serpillĂšre ou un domestique. Mais, Ă©galement, de ne pas ĂȘtre essorĂ©, bousillĂ©, cancĂ©risĂ© et dĂ©primĂ© alors que je suis  jeune et dĂ©sireux de vivre. De parvenir Ă  me maintenir, le plus longtemps possible, en bonne ou en trĂšs bonne santĂ© mentale et physique. Ou que, en cas de dĂ©faillance de ma part, qu’il se trouvera suffisamment de personnes autour de moi pour intervenir rapidement afin de veiller sur moi afin de me sauver, de me protĂ©ger et de m’aider Ă  me remettre sur pied.

 

Mais aussi pour me conseiller, me guider voire m’escorter hors de ce qui peut m’ atteindre ou me nuire.

 

Au vu de ces quelques critĂšres, je ne suis pas sĂ»r que la rĂ©ussite soit au rendez-vous pour beaucoup de monde y compris pour moi-mĂȘme.

Et, cela, malgrĂ© tous les efforts ou sacrifices consentis, jour aprĂšs jour, annĂ©e aprĂšs annĂ©e en Ă©change d’une Ă©ventuelle, future ou hypothĂ©tique reconnaissance sociale, Ă©conomique et personnelle.

Amen. 

 

La reconnaissance faciale est peut-ĂȘtre plus certainement ce qui risque de m’attendre au lieu de la grande reconnaissance sociale attendue par tous aprĂšs bien des annĂ©es d’efforts, de responsabilitĂ©s, de sacrifice et de travail. 

Pourtant, constamment, nous baignons dans une sorte de liquide et d’ambiance amniotique, pour ne pas dire hypnotique, qui nous laisse croire ou entrevoir que  rĂ©ussite et bonheur crĂ©pitent, gisent – voire, rugissent- et se rĂ©pandent Ă  nos pieds telles des cascades auxquelles il suffirait de s’abreuver.  Alors mĂȘme que la rĂ©ussite et le bonheur nous glissent entre les doigts ou que nous n’en apercevons que les reflets sans cesse difractĂ©s et qui, bien-sĂ»r, s’éloignent “un peu” lorsque nous en approchons. 

 

Ma vision, lors de ce dernier dimanche du mois de juillet, un mois de grandes vacances estivales, est sans doute trop pessimiste. Pourtant, je n’ai pas promis de me tuer cette nuit ou avant l’arrivĂ©e du mois d’aout 2023. Et encore moins de me muter en grand gourou ou en marabout.

Ni gourou, ni loup-garou, j’aimerais seulement ĂȘtre sĂ»r de pouvoir et de savoir quand arrĂȘter de m’agiter lorsque l’on me prĂ©sente, comme cela arrive frĂ©quemment, toutes sortes d’opportunitĂ©s, d’affaires Ă  ne pas manquer et des bons coups qui sont, finalement, des plans foireux ou stĂ©riles, pour ne pas dire des plans de dĂ©sespoir, des pertes de temps, d’argent et d’énergie.

Dire qu’il faut apprendre à faire le tri ne suffit pas.

Je crois qu’il faut aussi ĂȘtre disciplinĂ©. Savoir ĂȘtre disciplinĂ©. Apprendre Ă  se discipliner. Apprendre Ă  rester lucide et concentrĂ©. Et clairvoyant. Ne pas partir dans tous les sens.

C’est Ă  dire :  

Savoir rester suffisamment attentif et permĂ©able Ă  ce qui nous entoure sans pour autant se laisser ou se faire embarquer n’importe oĂč et vers n’importe quoi, n’importe qui.

Savoir rester ancré.

En se mettant dans un Ă©tat finalement assez proche d’une certaine
dissociation.

Je sais que ce terme de “dissociation” fait partie des symptĂŽmes d’une maladie psychiatrique. Mais je sais aussi que ce terme est employĂ©, selon moi Ă  bon escient, au moins par LĂ©o Tamaki, un expert en AĂŻkido qui se reconnaĂźtra s’il parcourt les lignes de cet article et qui en sourira certainement ( lire Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition ).

Nous ne parlons sans doute pas de la mĂȘme dissociation, bien-sĂ»r.  Au sens psychiatrique, la dissociation emporte ou dĂ©vie son sujet ou sa victime. Un peu comme un sous-marin qui, par cinquante ou cent mĂštres de fond, prendrait l’eau par ses Ă©coutilles et qui tenterait de rester maitre de sa trajectoire et de sa vitesse malgrĂ© la force des courants et les grands volumes d’eau qui le perturbent de plus en plus.

Le terme “dissociation” employĂ© par cet expert en AĂŻkido pourrait aussi ĂȘtre employĂ© par un musicien, un batteur par exemple, lorsque celui-ci est capable, avec sa main droite de rĂ©aliser de façon  rĂ©pĂ©tĂ©e et harmonieuse un geste diffĂ©rent de celui de sa main gauche. Et l’on pourrait dire ça, bien-sĂ»r, d’une pianiste. Ou d’une personne adepte du jonglage. 

 

Un exemple simple de cette action trĂšs difficile Ă  maitriser- la dissociation-  me suffira, je pense, pour l’illustrer. 

 

RĂ©cemment, j’ai revu sur youtube ( dont les sĂ©duisants et puissants algorithmes savent nous retenir pendant des heures devant des vidĂ©os qu’ils nous proposent) un extrait de ce concert du bassiste Foley McCreary avec le batteur Chris Dave. Ils Ă©taient accompagnĂ©s du saxophoniste Zhenya Strigalev. Voici la vidĂ©o en question. Si “sa majestĂ© ” Youtube accepte que je la partage : 

https://youtu.be/2ZaMEGnI5iQ

C’était Ă  Londres aux alentours de 2009 dans une reprise spĂ©ciale de You are under arrest, un titre interprĂ©tĂ© par Miles Davis dans les annĂ©es 80.

 

Au dĂ©but du titre, Foley McCreary dĂ©cide d’une ligne de basse qu’il rĂ©pĂšte. Une ligne de basse qu’on pourra estimer comme « simple Â» si l’on fait abstraction du fait que Foley est un exceptionnel joueur de basse et que, nous, nous sommes surtout les spectateurs moyens d’un concert de musique ou, plus simplement :

 

Nous sommes des amateurs de musique qui regardons des professionnels qui sont, gĂ©nĂ©ralement, aussi, des passionnĂ©s ou des “fous” de musique.

Je ne suis pas certain que je pourrais vraiment supporter de passer plusieurs jours de suite avec ces musiciennes et musiciens que j’admire. De suivre leur rythme de vie intĂ©gralement. Car celles-ci et ceux-ci, probablement, me parleraient de musique, parleraient de musique et joueraient de la musique bien au delĂ  de ce que je serais capable de supporter. Et sans doute, cette analogie est-elle possible avec d’autres artistes ou des Maitres d’Arts martiaux comme avec toute personne passionnĂ©e par et pour….sa discipline. Peut-ĂȘtre aussi peut-on se dire que cette passion serait aussi envahissante et dĂ©vorante que certains dĂ©lires, mal maitrisĂ©s et mal canalisĂ©s, qui amĂšnent certaines personnes Ă  se retrouver enfermĂ©es…dans un service de psychiatrie. Ou isolĂ©es de leurs proches.

 

Dans cette vidĂ©o, neuf minutes durant, Foley ” le mutant” va tenir sa ligne de basse malgrĂ© les « attaques Â» rythmiques variĂ©es de Chris Dave et ses chorus avec le saxophoniste Zhenya Strigalev.

 

On pourrait s’amuser Ă  imaginer que Chris Dave et Zhenya Strigalev sont des algorithmes qui font tout pour dĂ©tourner Foley McCreary de ses limites et de sa ligne de basse. Pour nous, spectateurs et amateurs de musique, ces neuf minutes de musique sont une expĂ©rience hors norme. Et un trĂšs grand plaisir si l’on aime ce genre de musique. Foley McCreary rĂ©alise devant nous la dissociation parfaite.

 

Sauf que dans la vraie vie, nous sommes rarement des Foley McCreary. Et, en plus, il nous faut tenir bien plus que neuf minutes par vingt quatre heures pour tenir notre propre cap. Celui qui nous assure de nous rapprocher véritablement de ce qui nous convient véritablement.

 

Franck Unimon, ce dimanche 30 juillet 2023.