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Me’Shell Ndégeocello au festival Jazz à la Villette ce 1er septembre 2023

 

Me’Shell en concert à la Villette ce vendredi 1er septembre 2023 avec ses musiciens et son choriste. Photo©️Franck.Unimon

Me’Shell Ndégeocello au festival Jazz  à la Villette ce 1er septembre 2023.

 

« Elle est fatiguée et elle joue pour elle ».

 

C’est téléphone éteint, que je suis retourné voir Me’Shell Ndégeocello. La première fois, c’était après son premier album, Plantation Lullabies, sorti en 1993. Et, ce vendredi 1er septembre 2023, je suis assis au premier rang (j’ai récupéré la place d’une personne partie un peu plus tôt) quand, après le concert, en sortant de la salle, deux hommes passent devant la scène. Ce faisant, l’un des deux livre son opinion à l’ami qui l’accompagne.

 

Après son premier album, Plantation Lullabies, Me’Shell (cela s’écrivait comme ça à l’époque. Aujourd’hui, cela s’écrit Meshell)  était passée à l’Elysée Montmartre. J’étais allé la voir seul, comme ce vendredi soir. Je ne voyais pas qui aurait pu venir assister à ce concert avec moi.

Me’Shell, au festival Jazz à la Villette ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Me’Shell, c’est trente ans de carrière ou plus. Me’Shell n’est pas

« connue ».

Pour ce concert, j’ai lu qu’on la présentait comme celle qui avait joué avec David Bowie ? On l’aura peut-être confondue avec quelqu’un d’autre. Peut-être avec la bassiste et chanteuse Gail Ann Dorsey que je connais moins bien et qui a pu être particulièrement médiatisée après la mort de David Bowie récemment….

Autrement, pour rendre Me’Shell Ndégeocello un peu plus familière, on dit aussi qu’elle a joué avec les Rolling Stones. Je n’ai pas vérifié.

Me’Shell, au festival Jazz de la villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

J’ai bien davantage retenu que Me’Shell avait fait un très bon duo avec le bassiste, compositeur, arrangeur et producteur Marcus Miller (Rush Over). Je continue de me demander pourquoi leur collaboration s’est limitée à un seul titre. Marcus Miller, depuis près de vingt ans maintenant, est devenu un très grand nom des festivals de Jazz. Il est désormais en tête d’affiche au premier plan devant la scène alors que, traditionnellement, le bassiste est plutôt « derrière ».

 

Me’Shell n’a pas le pedigree de Marcus Miller mais elle a quand même joué avec pas mal de musiciens qui comptent sur les étoiles autant que sur leurs doigts pour faire de la musique. Elle a ainsi pu jouer avec Marc Ribot et Chocolate Genius. C’était aussi à la Villette.

 

Je me suis aussi mis dans la tête que Oren Bloedow, sans pouvoir le certifier, l’un des membres du groupe Elysians Field avec Jennifer Charles, avait été un de ses guitaristes sur scène lors d’un de ses concerts à l’Elysée Montmartre ou à la Cigale.

Sinéad O’Connor, décédée récemment, a aussi chanté sur un des disques de Me’Shell. Peut-être sur le disque hommage à Nina Simone dont a été retrouvé l’enregistrement d’un de ses concerts mémorables dans les années 60.

 

Il y a aussi eu le saxophone Jacques Schwarz-bart  qui a pu revendiquer, pour son premier album, d’avoir joué du Gwo-ka Jazz. Elle ( Me’Shell) avait aussi participé au disque hommage à Fela en reprenant le titre Gentleman qu’elle avait fait plus que fredonner.

Elle a aussi côtoyé Ravi Coltrane, l’un des enfants de John Coltrane et Alice Coltrane. Ou collaboré avec Anthony Joseph.

 

Me’Shell Ndégeocello aurait beaucoup aimé pouvoir jouer avec Prince mais celui-ci, de son vivant, ne le lui a jamais permis.

 

Funk, Jazz, Soul, Punk Rock, Reggae, folk, Rap, chant, compositions, interprétations, et sans doute d’autres tempos, militante, Me’Shell Ndégeocello n’a eu peur de rien et celles et ceux qui aiment la musique le lui rendent bien.

 

J’ai dû la voir quatre ou cinq fois en concert en incluant le concert de ce vendredi soir.

Me’Shell en concert au festival Jazz de la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

J’écris ce dont je me souviens.

 

En réécoutant plusieurs de ses titres tout en écrivant cet article, je me dis qu’il y a très peu de bassistes, qui, comme elle, peuvent aussi bien varier du Funk ou du Jazz au Reggae sans que cela ne ressemble à un pastiche. Lorsque, pour Miles, Marcus Miller avait composé le titre Don’t Lose your mind sur l’album Tutu (c’était en 1986), je me rappelle d’un camarade de lycée, joueur et chanteur de Reggae, qui avait reconnu la rythmique du duo Sly Dunbar et Robbie Shakespeare. Cela m’avait fait drôle de « voir » le grand Marcus Miller devenir en quelque sorte l’élève de deux artistes Reggae incontestés ( Serge Gainsbourg les avait bien sollicités pour ses albums Reggae).

 

Lorsque j’écoute la basse de Me’Shell sur ses titres Reggae, je l’entends, elle, et non Robbie Shakespeare, décédé il y a quelques mois, que j’ai pu et peux particulièrement aimer écouter avec le groupe Black Uhuru des Michaël Rose, Duckie Simpson et Puma Jones ou sur des titres Dub.

J’aime particulièrement, par exemple, ce que fait Me’Shell sur le titre Forget my name, selon moi, un titre contre le fanatisme religieux. 

 

Mais Me’Shell n’est pas connue.

Me’Shell en concert au festival Jazz de la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Beaucoup moins connue que Depeche Mode, Sting et U2 ( elle est arrivée après eux).

Bien moins connue que les vedettes de ces dix à quinze dernières années aux concerts ou festivals à 100 000 personnes ou davantage pour lesquelles il faut débourser facilement plus de cinquante euros pour les voir en concert. Sans doute, doit-elle être située aux côtés de Sinéad O’Connor, déjà citée, mais aussi de PJ Harvey ou Björk, des artistes qui se sont imposées à partir des années 90 et qui avaient d’autres quêtes que la recherche de la célébrité. 

 

Des quatre, aujourd’hui, il en reste trois. PJ Harvey passera bientôt en Octobre à l’Olympia pour deux dates qui ont été rapidement complètes. J’irai la voir pour la première fois afin d’essayer de rattraper le fait de l’avoir ratée au festival Rock en Seine au début des années 2000 moyennant une place de concert aux alentours de 60 euros.

 

Björk, je l’ai « vue » plusieurs fois sur scène depuis ses débuts. La dernière fois étant cette année où elle avait clôturé le festival Rock en Seine (2007 ?) avec Declare Independance. Il y a plus de dix ans. C’était avant qu’elle (Björk) ne joue dans des salles à cent euros la place en moyenne.

Me’Shell en concert au festival de Jazz à la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Pour Me’Shell, ce vendredi 1er septembre 2023, après au minimum trente ans de carrière, la place assise et numérotée a coûté 35 euros. C’est un peu plus que pour Oumou Sangaré que j’irai voir  ce 6 septembre, également à la Villette : 28 euros.

 

Oumou Sangaré, aussi, n’est pas très « connue ».

 

« Elle est fatiguée et elle joue pour elle ».

Me’Shell au festival de Jazz de la Villlette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Il est indiscutable que depuis « You say that’s your boyfriend, funny, he wasn’t last night….maybe he needed a little change, a switch…. », il y a trente ans, Me’Shell s’est assagie et a grossi. Elle n’est plus cette bitch garçon manqué qui gouvernait le public et son groupe avec son allure et sa basse.

 

« Elle est fatiguée et elle joue pour elle ».

Même assise comme elle l’a été ce vendredi durant tout le concert, mettez-lui une basse dans les mains, alignez à côté une des vedettes actuelles avec le même instrument et regardez ce qu’il en sort. J’ai aimé voir l’artiste Rosalia au mois de juillet lors d’un festival à l’hippodrome de Longchamp. Pour elle et cette date unique en région parisienne cette année, j’ai finalement accepté de payer près de 90 euros.

Juste pour elle.

Si Rosalia maitrise tout ce qui a trait à la mise en scène et les technologies actuelles de communication, réseaux sociaux inclus, pour moi, entre elle et Me’Shell, il en est une des deux qui est bien plus musicienne que l’autre. Et une qui est plus plasticienne que la précédente.

Me’Shell au festival de Jazz à la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Ce vendredi, quand le bassiste, placé derrière Me’Shell, a commencé à lancer les premières notes de son titre Virgo présent sur son dernier album The Omnichord Real Book, rejoint par une batterie afro-beat qui rappelle autant Fela que le batteur Tony Allen ( décédé durant la pandémie du Covid) je me suis dit qu’il lui fallait toujours très peu pour nous atteindre.

 

Me’Shell Ndégeocello fait partie de cette minorité d’artistes (musicaux ou autres) qui ont décidé de prendre beaucoup de risques pour vivre de leur Art et qui y sont parvenus, trente ans durant.

 

Rosalia n’a pas encore ces trente ans de carrière.

Rosalia, à l’hippodrome de Longchamp, cet été. Photo©️Franck.Unimon

Il en est tant d’autres, artistes ou spectateurs que l’on ne voit pas et que l’on n’entend pas sur aucune scène trente ans après. A la Villette ou ailleurs. Il m’arrive d’ailleurs de regretter encore le Finley Quaye de Even after All .

 

On peut rater un concert. Cela reste moins grave que de rater sa vie.

Me’Shell au festival de Jazz à la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Me’Shell a-t’elle joué pour elle, ce vendredi soir ? Me’Shell n’a plus envie de performance. Lorsqu’elle a chanté en Anglais « Je suis reconnaissante d’avoir des yeux, je suis reconnaissante d’avoir des oreilles pour entendre », c’était sincère. On peut la trouver mystique. Elle s’est bien convertie un moment à la religion musulmane ou a semblé en tout cas s’en rapprocher. Mais elle fait ce qu’elle peut afin de se désabonner de l’ego.  Bien d’autres artistes, avant elle, sont passés par là. Prince y compris, qui, un temps, ne voulait plus s’appeler Prince.

Alors que, nous, spectateurs, nous sommes nombreux à venir en concert afin de satisfaire ou de soigner notre ego. Souvent, nous repartons comme nous sommes venus et lorsque nous avons changé un peu, les effets de ce changement sont transitoires. Nous ne prenons pas beaucoup de risques à venir en spectateurs.

 

Il y avait sûrement un côté « prêche » dans l’attitude de Me’Shell  ce vendredi soir. Elle n’était pas là pour nous flatter et nous caresser le ventre avec sa basse. Même si elle est passée par I’m digging you like an old soul record ( un de ses titres les plus connus de son premier album, Plantation Lullabies ) mais aussi par Love Song ( titre qui a plusieurs variantes, dont une variante Reggae, sur son album Comfort Woman sorti en 2003).

Me’Shell au festival Jazz de la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

Et, il faudra un moment mentionner, aussi, qu’elle a perdu ses parents. Elle les a d’ailleurs dessinés sur son dernier album. Un album sur lequel on peut d’ailleurs trouver certains de ces croquis un peu à la façon de Miles sur son album Star People

Me’Shell au festival de Jazz à la Villette, ce vendredi 1er septembre 2023. Photo©️Franck.Unimon

 

Me’Shell Ndégeocello restera celle qui n’est pas très connue et qui fait partie de ces artistes évitant la célébrité. En cela, on peut peut-être aussi la rapprocher de bien d’autres artistes.  Cependant hier soir, dans la salle, on a pu voir quelques enfants d’une dizaine d’années, des jeunes d’une vingtaine d’années ainsi que des personnes, noires et blanches, d’une cinquantaine ou d’une bonne soixantaine d’années. Il y avait des Français mais aussi, à l’oreille, des Américains. On doit sans doute penser qu’une grande majorité de ce public était venue écouter de la musique de « vieux » car, aujourd’hui, ce que joue Me’Shell est en dehors de certains codes de cette musique-spectacle qui marche :

 

Aucune chorégraphie en forme de fesse, principalement des musiciens sur scène avec leurs instruments, pas de Rap ou de Reggaeton, pas d’autotune. Tout cela est d’un ringard car, selon certains critères, ce concert aurait donc été une sorte de « troisième âge » de la musique. Et, Me’Shell, pourtant novatrice, serait donc une artiste dépassée et nous aussi qui sommes venus ou revenus l’écouter. Même si, cachés ou non, il doit bien y avoir des artistes qui marchent très bien actuellement, depuis des années (ou plus tard) qui connaissent leur Me’Shell par cœur.

 

Bien-sûr, j’aurais préféré un autre concert de Me’Shell d’autant que j’ai l’impression que l’acoustique de la philarmonie est un peu un filet de pêche qui empêche la musique de passer. Mais on mesure la réussite d’un concert au fait qu’en rentrant chez soi, on aime ensuite réécouter les titres de l’artiste que l’on a vu (e) sur scène. Si ce vendredi soir, dans le train du retour, j’ai écouté Crash Landing et Come down hard on me de Jimi Hendrix suivi du Botanical Roots de Black Uhuru, alors que j’écris cet article aujourd’hui, je ne me fatigue pas de réentendre un certain nombre des titres de Me’shell.

 

Franck Unimon, ce mardi  5 septembre 2023.

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