How to have Sex un film de Molly Manning Walker
Plus de deux semaines sont passĂ©es depuis que jâai vu ce film en projection de presse.
Et je nâai toujours rien Ă©crit dessus. Le film va bientĂŽt sortir et jâai dĂ©jĂ commencĂ© Ă apercevoir â sur lâaffiche du film- des commentaires de la presse dithyrambiques.
Pour « bien » mâaider Ă rĂ©diger cet article, jâai Ă©garĂ© les quelques notes, bicoques de mes pensĂ©es, que jâavais Ă©crites peu aprĂšs avoir vu le film. Je les retrouverai peut-ĂȘtre aprĂšs, lorsque le film sera sorti. Ce 15 novembre 2023.
Ce matin, je me mets Ă repenser Ă ce film alors que, pour dâautres raisons qui nâont rien Ă voir avec lui, je raisonne tout seul Ă propos de ces besoins que nous avons, qui nous poussent Ă vivre certaines relations douloureuses ou heureuses, et qui se partagent peu avec les contingences de la morale et du Devoir.
Le titre du film est une entourloupe. Le sexe. Le sexe, ça excite.
Ou ça effraie.
C’est un peu comme une chouette qui nous surprend la nuit ou dans un environnement inconnu et dont on a du mal Ă identifier, avec autoritĂ©, l’identitĂ© ou les vĂ©ritables intentions Ă notre sujet. On s’est alors beaucoup trop avancĂ©, d’un pas dĂ©cidĂ©, pour passer de l’autre cĂŽtĂ© et, maintenant, on commence un peu Ă hĂ©siter. A se hĂ©risser. Mais on ne peut plus reculer. On a oubliĂ© ou perdu le trajet qui pourrait nous faire revenir Ă notre point de dĂ©part. Lorsque l’on Ă©tait sain et sauf et que l’on avait envie d’aller de l’avant. On s’Ă©tait voulu dĂ©terminĂ©, on se rencontre maintenant autrement. On se rend compte que l’on n’avait pas tout Ă fait tout prĂ©vu comme on le croyait au dĂ©part, en terrain familier.
On croit que le sujet de How to have sex, câest le sexe. On a de quoi se frotter les mains ou se caresser les lĂšvres du vagin en dĂ©couvrant ce titre si lâon est « intĂ©ressĂ© ( e) ».
Le rĂ©sumĂ© de lâhistoire nous apprend que trois copines, Em, Skye et Tara, mineures, et encore collĂ©giennes, partent en vacances dans lâĂ©quivalent dâun endroit comme Ibiza afin de perdre leur virginitĂ© et de connaĂźtre ce grand moment de la premiĂšre fois contre le corps de lâautre. Sea, Sex and sun.
Mais il faut voir ce que lâon met dans la boite Ă lettres du sexe. Cette boite Ă lettres se trouve dans notre tĂȘte.
Pour certaines personnes, il sâagit de tirer son coup et de sâen battre les couilles- ou les ovaires- aprĂšs, que lâon soit un homme ou une femme.
Je suis tombĂ© rĂ©cemment sur une vidĂ©o de la chanteuse Miley Cirus affirmant crĂąnement quâaprĂšs avoir couchĂ© avec quelquâun, celle-ci ou celui-ci nâexiste plus. Câest Ă peu prĂšs lâĂ©quivalent dâun cadavre qui a rempli son office â ainsi que ses orifices- de son vivant et dont il faut se dĂ©barrasser ou dont il faut sâĂ©loigner au plus vite par la suite sans laisser de traces.
Avec Miley Cirus, lorsque l’on a un rapport sexuel, on nâest pas lĂ pour vivre ensemble. Ni pour concevoir une quelconque relation. Si lâon recherchait un suivi de relation comme on le fait dâune lettre suivie par la poste, on sâest trompĂ© dâendroit et de personne.
On sâest juste mis « bien » pour coucher ensemble. On est bien dâaccord ! Que les choses soient claires !
Sous cette vidĂ©o de ce qui ressemblait Ă une interview de Miley Cirus, on pouvait lire des commentaires admiratifs et enthousiastes de personnes vantant son inconditionnelle franchise. Je nâai aucune idĂ©e de lâĂąge moyen de ces admiratrices et admirateurs mais jâai envie de croire quâils Ă©taient « jeunes », câest Ă dire, pour faire trĂšs simple :
Moins de trente ans.
Lorsque lâon a moins de trente ans (ou plus ) et que, finalement, on a vĂ©cu assez peu dâhistoires ou de relations qui comptent, on pourrait rejoindre cet avis de Miley Cirus ou de ces « fans ».
« Moi, câest juste pour baiser ». « CâĂ©tait pour sâamuser. Je ne lui ai rien promis. On nâest pas marié⊠».
Nous sommes réguliÚrement « convaincus » que le sexe est devenu une livraison banale sans engagement particulier de notre part :
Entre les pubs dĂ©nudĂ©es ; les soirĂ©es plus ou moins festives; les occasions et les propositions diverses; les lieux et les sites dits de rencontres; les femmes et les hommes qui voient le sexe comme Miley Cirus ; les images Ă©laborĂ©es dâinfluenceuses ou de stars fĂ©minines (BeyoncĂ©, Rihanna etcâŠ) acharnĂ©es Ă se montrer suggestives et parfaitement Ă lâaise pour nous expliquer que tout cela est transgressif et vise surtout Ă secouer ou dĂ©molir la pudibonderie hypocrite, veule et patriarcale prĂ©Ă©tablie dont le seul projet- ou objet- est de domestiquer mais aussi dâĂ©radiquer la femme ;
Beaucoup est fait, dit, rĂ©pĂ©tĂ© et montrĂ© pour nous convaincre que la sexualitĂ©, finalement, mĂȘme pas mal. Câest mĂȘme un outil ou un engin de dĂ©livrance et dâaffirmation de soi en tant que personne libre, consciente et responsable.
 » Je fais de mon corps ce que je veux… »
Tel est Ă peu prĂšs lâĂ©tat dâesprit de Em, Skye et Tara, les trois « meilleures amies pour la vie » lorsquâelles dĂ©cident de partir ensemble dans ce lieu de rĂ©-jouissances oĂč, Ă la façon dâun club MĂ©d, bien des animations sont organisĂ©es (par des adultes souvent plus ĂągĂ©s que les jeunes venant sây dĂ©fouler) afin de boire beaucoup dâalcool mais aussi de permettre des interpĂ©nĂ©trations charnelles faciles et rĂ©Ă©ditĂ©es sans, a priori, aucune consĂ©quence.
Sur le papier, un tel programme, cela peut ĂȘtre le pied Ă condition dâaccepter de se bourrer la gueule et de trouver ça festif. Personnellement, dans ce genre dâambiance, jâaurais dĂ©rangĂ© et emmerdĂ© bien des gens car prendre une cuite, partir vomir ensuite et avoir plaisir Ă le raconter ne mâa jamais fait bander. Probablement, je le sais maintenant, parce-que je suis un type coincĂ© et sans avenir.
Mais lĂ oĂč se rendent nos trois hĂ©roĂŻnes, Em, Skye et Tara, fort heureusement, tout le monde ou Ă peu prĂšs est beaucoup plus drĂŽle, sait prendre la vie du bon cĂŽtĂ© et se montre consentant et participatif puisque lâon y vient tous pour ça. Cela change tellement des mimiques et des corps embarrassĂ©s et des mĂ©thodes de dragues Ă deux balles, lorsque, dans la rue, sur la plage, en pleine forĂȘt, sur l’autoroute ou dans le mĂ©tro, on croise un inconnu ou une inconnue qui nous plait sans trop savoir comment lâaborder ou en prenant le risque-en public- de se faire jeter ou traiter de pauvre type, de pervers ou de harceleur.
En pratique, malgrĂ© leurs bonnes dispositions, nos trois jeunes collĂ©giennes vont dĂ©couvrir quâelles manquent peut-ĂȘtre encore un peu de rĂ©alisme. Et que lâon peut ĂȘtre une fille intelligente et rusĂ©e, et, par ailleurs, se jouer des tours Ă soi-mĂȘme. Ou se faire rouler dans la farine.
Le rĂ©alisme, How to have sex en est pourvu. On pourra donc, lors de certaines scĂšnes quasi-documentaires, se sentir quelque peu mal Ă lâaise sans ĂȘtre dans une position de voyeur. Comme devant des images du film Kids ( 1995) de Larry Clark auquel ce film mâa au moins fait penser. On pourra aussi se rappeler le personnage interprĂ©tĂ© par l’actrice Thora Birch dans le American Beauty de Sam Mendes ( 1999) ou de certaines des paroles plus rĂ©centes du titre Teenage Fantasy de la chanteuse Jorja Smith. Une chanson qui aurait pu faire partie de la bande son du film.
How to have Sex, avec mĂ©thode, nous dĂ©voile comment se forme le canevas qui va permettre la « chute » : on y trouve des personnes vulnĂ©rables qui se croient suffisamment prĂȘtes, ouvertes, adultes et fortes pour lâaventure dans laquelle elles se sont lancĂ©es; une figure maternelle et protectrice qui ne peut pas ĂȘtre omniprĂ©sente et deviner la prĂ©sence et lâimminence du danger; le sentimental crĂ©dule, timide, bienveillant et gentil dominĂ© par « lâami » tapi en embuscade, infiltrĂ©, qui, lui, agit Ă la moindre opportunitĂ© et sans le moindre scrupule.
Tout nâest pas pourri dans cet univers oĂč des jeunes viennent un peu de tous les pays pour « sâamuser ». Mais il suffit quâune personne malintentionnĂ©e sâinvite et se cache parmi eux pour que les premiĂšres victimes apparaissent.
Initiatique, How to have sex lâest autant pour les trois protagonistes quâil pourra lâĂȘtre pour certaines spectatrices et spectateurs qui pourront aller voir ce film Ă partir de ce 15 novembre 2023.
Franck Unimon, ce samedi 4 novembre 2023.