Coronavirus : un petit sursis pour lâhomme, un grand profit pour les pharmacies.
Je me trouvais du cĂŽtĂ© de la Gare du Nord. Je me suis dit que jâallais essayer de me procurer un numĂ©ro dâEl Watan. Depuis que dans le 8Ăšme arrondissement de Paris, jâai croisĂ© un journaliste dâEl Watan, je me suis mis en tĂȘte de le lire. CâĂ©tait avant dâinterviewer le rĂ©alisateur Abdel Raouf Dafri dont jâai dĂ©jĂ reparlĂ© rĂ©cemment. ( A Voir absolument ).
A entendre ce journaliste, il Ă©tait facile de lâacheter dans un kiosque Ă journaux. CâĂ©tait il y a plusieurs semaines. Toujours dans le 8 Ăšme arrondissement, jâai recroisĂ© ce journaliste il y a quelques jours alors que je me rendais Ă la projection de presse du film Brooklyn Secret (Brooklyn Secret.) Mais avant que je puisse lui exposer mes difficultĂ©s pour trouver Ă la vente ce journal qui le rĂ©munĂ©rait, il avait disparu.
Dans un point presse bien pourvu du 13Ăšme arrondissement oĂč on ne le vend plus depuis une dizaine dâannĂ©es, on mâavait suggĂ©rĂ© que jâavais mes chances Ă BarbĂšs. Câest lĂ que des anciens clients de ce point presse se rendraient dĂ©sormais pour acheter El Watan.
Je me suis imaginĂ© que jâavais mes chances Ă la Gare du Nord. Puisque câest proche de BarbĂšs. Je me suis trompĂ©. A la place, le vendeur a fait de lâhumour. El Watan ? LâAlgĂ©rie ? Jâai commencĂ© moi aussi Ă faire de lâhumour :
« Vous savez que lâAlgĂ©rie existe ? ». Il mâa rĂ©pondu sans dĂ©tour :
« Je sais que lâarmĂ©e existeâŠje suis algĂ©rien ».
Il mâa confirmĂ© quâil Ă©tait probable que El Watan soit en vente Ă BarbĂšs. Mais je ne me voyais pas aller jusquâĂ BarbĂšs. Je me suis contentĂ© du New York Time et de El Pais.
Par paresse, je lis trĂšs peu de presse Ă©trangĂšre. Câest un tort. Câest un tort de se contenter du minimum de ce que lâon sait et de ce que lâon a pu apprendre ou commencĂ© Ă apprendre Ă lâĂ©cole ou ailleurs. De rester dans son confort. Câest comme ça quâensuite, avec lâhabitude, le quotidien, notre regard sur nous-mĂȘmes et sur notre environnement se rĂ©trĂ©cit et quâaprĂšs on pleure sur soi-mĂȘme parce-que notre vie est pourrie. Quâil ne sây passe jamais rien ou pas suffisamment selon nous.
Mais, lĂ , jâai achetĂ© The New York Times et El Pais. MĂȘme si je savais que je les lirais trĂšs partiellement, cela me permettrait dĂ©jĂ de partir ailleurs.
Jâai plus feuilletĂ© le New York Times car mon manque de pratique de lâEspagnol mâhandicapait avec El Pais.
Dans le train du retour, je me suis assis Ă quelques mĂštres dâun SDF bouffi par lâalcool que je connais de vue. Je crois quâil rĂ©side dans ma ville. Une dame venait de lui donner de lâargent. Mais dĂšs quâil mâa aperçu prĂšs de lui, il mâa sollicitĂ© et en a redemandĂ©. A dĂ©faut dâargent, il mâa dâabord demandĂ© lâheure car il ne pouvait pas voir. Puis, il a fini par me demander de lui donner un journal. Pour lire. Pour sâinformer. Il avait manifestement envie de parler Ă quelquâun. Lorsque je lui ai dit que les journaux Ă©taient en Anglais et en Espagnol, il a renoncĂ©. Par contre, lorsque quelques minutes plus tard, un autre homme est venu faire la manche dans le mĂȘme wagon en passant parmi les voyageurs, il lâa aussitĂŽt menacĂ© et lui a dit de se casser. Lâautre homme a poursuivi son Ćuvre avec le sourire.
Ce matin, je suis passĂ© Ă la pharmacie. Je savais que je nây trouverais pas El Watan. Aussi me suis-je abstenu de le demander. JâĂ©tais lĂ pour acheter une lotion capillaire pour ma compagne. Jâai dĂ©jĂ fait « pire » :
Je devais avoir Ă peine une vingtaine dâannĂ©es lorsque ma mĂšre mâavait demandĂ© de lui acheter une paire de collants. Cela ne mâavait pas dĂ©rangĂ©. Depuis le temps que ma mĂšre mâenvoyait faire des courses. JâĂ©tais ressorti du supermarchĂ© et, dans les rues de Pointe-Ă -Pitre, jâavais rapidement compris que certaines personnes qui mâavaient croisĂ© avaient des yeux de drones leur permettant de voir parfaitement Ă travers le sac en plastique transparent que je portais en toute dĂ©contraction.
Ce matin, pas de collant parmi mes achats. JâĂ©tais Ă la caisse quand jâai entendu un homme plus jeune que moi demander Ă une autre caisse un masque FFP2. Jâai aussitĂŽt fait le rapprochement avec le coronavirus Covid-19 bien que, sans cet homme, jâaurais Ă©tĂ© incapable de savoir le dĂ©finir de cette façon.
Devant moi, le pharmacien qui me servait mâa rĂ©pondu quâil allait voir sâil en restait. Il mâa dâabord dit quâun masque coĂ»tait 2,99 euros, lâunitĂ©. Puis, revenant avec trois masques, il mâa prĂ©sentĂ© ses excuses : un masque coĂ»tait 3,99 euros. Je les ai nĂ©anmoins pris tous les trois.
Le pharmacien mâa confirmĂ© que, oui, câĂ©tait bien les masques prĂ©ventifs pour le coronavirus. Il mâa dit quâil espĂ©rait que cela allait sâarranger. Il mâa rĂ©pondu quâils nâen nâavaient pas toujours mais quâil y avait en ce moment une certaine demande surtout des touristes. Il se trouve que les seuls touristes « reconnaissables » que jâai pu voir dans cette pharmacie parisienne sont asiatiques. Peut-ĂȘtre chinois. Peut-ĂȘtre japonais.
JusquâĂ maintenant, jâai entendu parler du coronavirus Covid-19 sans mâen inquiĂ©ter plus que ça. Mais, ce matin, je me suis dit que cela pouvait ĂȘtre bien de « sâĂ©quiper ». En sachant que, selon les dires de ce pharmacien un masque a une durĂ©e dâefficacitĂ© de 8 heures. Il serait donc convenable si lâĂ©pidĂ©mie du coronavirus arrive en France quâelle soit trĂšs rapide. Ou dâavoir de quoi acheter un nombre plutĂŽt consĂ©quent de masques. Mais je me suis dit ça aprĂšs avoir quittĂ© la pharmacie et aprĂšs avoir payĂ© les trois masques. Parce quâen reprenant le mĂ©tro, jâai pris le temps de lire le journal gratuit distribuĂ© devant la pharmacie. Jâai jetĂ© ce journal depuis. Mais je me souviens quâaprĂšs un match laborieux, le PSG, hier, a battu Bordeaux 4-3 au parc des Princes. Que El Matador « Cavani » a marquĂ© son 200Ăšme but avec le PSG toutes compĂ©titions confondues. Que Neymar a trouvĂ© le moyen dâĂ©coper dâun second carton jaune et de se faire exclure. Il sera donc absent pour le prochain match face Ă Dijon. Quâau dĂ©but du match, des supporters avaient montrĂ© une pancarte demandant Ă MâbappĂ©, Neymar et Marquinhos de « porter leurs couilles ».
A part ça, lâĂ©quipe de France de Rugby, en battant le Pays de Galles, confirmait quâelle Ă©tait une trĂšs belle Ă©quipe. Et puis, tout au dĂ©but du journal, le coronavirus en Italie. LâinquiĂ©tude en Europe. Deux morts.
En rentrant, jâai regardĂ© Ă nouveau Le New York Times et El Pais. Hier, dans Le New York Times, jâavais pris le temps de lire lâarticle consacrĂ© Ă lâacteur, scĂ©nariste et rĂ©alisateur amĂ©ricain Ben Affleck qui parlait de son addiction Ă lâalcool. Au fait que son propre pĂšre Ă©tait devenu sobre alors quâil avait 19 ans. Lâalcoolisme de son frĂšre Casey, que lâon nâa plus vu depuis quelques temps sur les Ă©crans, Ă©tait aussi mentionnĂ©.
Câest sur El Pais que jâai vu lâarticle dont sâest sans doute inspirĂ© le journal gratuit dâaujourdâhui concernant le coronavirus. Entre-temps, les prĂšs de 4 euros par masque avaient commencĂ© Ă me peser. Lorsque jâen ai discutĂ© avec ma compagne, jâai Ă©tĂ© obligĂ© de me rendre compte que je mâĂ©tais fait arnaquer. Comme dâautres. PrĂšs de 4 euros pour un masque qui ressemble Ă un petit slip jetable pour bĂ©bĂ© et dont le coĂ»t Ă la fabrication doit se compter en centimes et peut-ĂȘtre mĂȘme en micro-centimes. Pour un slip jetable qui est peut-ĂȘtre fabriquĂ© en Chine, ce qui serait comique en plus.
LâanxiĂ©tĂ© et lâesprit de prĂ©vention avaient encore frappĂ©. Lorsque ce nâest pas sous forme de pub sur le net, dans la boite Ă lettres, Ă la tĂ©lĂ©, au cinĂ©ma, Ă la radio, dans la rue, dans les transports en commun, sur le tĂ©lĂ©phone portable, la tablette ou Ă la banque, câest sous forme de terrorisme, dâextrĂ©misme politique, de catastrophe, de meurtres ou dâĂ©pidĂ©mie sanitaire quâils sâinfiltrent. Avant que le moindre virus n’ait eu le temps de visiter nos poumons, nous sommes dĂ©jĂ contaminĂ©s par l’anxiĂ©tĂ© et lâachat de prĂ©vention qui sont une forme de crachat civil rĂ©servĂ© Ă ces ĂȘtres civilisĂ©s et socialisĂ©s que nous sommes. JusquâĂ ce quâune rupture de stock apparaisse….
Mais je crois encore que je rĂ©ussirai Ă me rendre Ă BarbĂšs afin dây trouver El Watan avant que le coronavirus ne trouve lâadresse de mon organisme.
Franck Unimon, lundi 24 février 2020.
Une réponse sur « Coronavirus »
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