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Corona Circus

Immunité et amnésie collective

 

Photo prise à Paris, vraisemblablement près de la Place Monge. Photo©Franck.Unimon

Immunité et amnésie collective

 

Pour un retour à une vie normale

 

Cette vidéo est repassée plusieurs fois. Comme bien d’autres passagers, je n’y ai pas fait plus attention que ça. Désormais, dans les trains de banlieue, il y a aussi des écrans. On y voit des images nous présentant, sans le son, les attraits de la région d’île de France et certains événements.

 

On y voyait une jeune femme brune plutôt charmante, seule, portant un maillot et, sur son visage, les couleurs de l’équipe française de Football. Elle nous souriait devant ce qui pouvait faire penser au Stade de France d’avant un match. Cela se terminait par une phrase qui disait à peu près :

 

« Pour revenir à une vie normale, et recommencer à tous nous amuser, vaccinons-nous contre le Covid ».

C’est à ce “clip” que je fais allusion. Il est à nouveau rediffusé depuis quelques jours. Mais je ne saurai dire quand. J’ai pris cette photo ce mercredi 1er septembre 2021 près de la ligne 14. Le clip est bien-sûr rediffusé dans d’autres lieux de transports. Sans doute comme un rappel avant le 15 septembre 2021. Date à partir de laquelle toute personne non vaccinée ou non en cours de vaccination anti-covid risque d’être licenciée, mise à pied, suspendue…. Le clip se termine avec la phrase : ” A chaque vaccination, c’est la vie qui reprend”. Phrase que j’avais oubliée mais dont j’avais retenu le message à ma façon comme on peut le lire dans cet article.

 

Il y avait le même genre de clip pour les festivals de musique. Avec le même message. C’était le début de l’été, peut-être avant le début des grandes vacances. A cette période de l’année, où, traditionnellement et souvent, en France, on aspire particulièrement à vivre à l’extérieur.

 

Maintenant que j’y repense, à peu près deux mois plus tard, cette campagne d’information et de prévention était un slogan. Le public incité à la vaccination anti-Covid était peut-être féminin mais surtout jeune adulte. Dans une moyenne d’âge comprise entre celui où l’on est autorisé à se rendre seul à un stade de foot jusqu’à, disons, 25 ou 26 ans. Cette tranche de la vie où l’on est supposé insouciant, sans enfants et sans charges particulières. Où l’on aime circuler, sortir et consommer et où l’on a, en principe, la possibilité de le faire.

Près des Colonnes de Burren. Photo©Franck.Unimon

 

C’est peut-être aussi pour ces raisons que je ne m’étais pas du tout senti concerné. Cette époque de la vie était pour moi plutôt révolue. Si j’avais été une femme charmante et jeune à une époque, je ne l’étais plus depuis des années. Cela fait des années que plus personne ne m’a invité au restaurant ou proposé d’aller danser en boite de nuit.

 

Il y avait aussi des années que je n’étais allé dans un stade de foot. Et, en plus, je n’étais pas du tout pressé de me faire vacciner contre le Covid.

 

Notre Dame

 

Il y avait eu,  aussi, finalement, à peu près le même genre de publicité pour la cathédrale Notre Dame de Paris. C’était après son incendie- en avril 2019- qui avait beaucoup ému. Et qui avait été très médiatisé de par le monde quelques années plus tôt. Pour des appels à dons afin de permettre sa reconstruction.

 

 

Je me rappelle d’une affiche sur un mur avant d’aller prendre la ligne 12 du métro en partant pour le travail. Cette grande affiche montrait un jeune d’une vingtaine d’années avec cette phrase :

 

« Parce-que c’est Notre Dame ».

 

Là aussi, je ne m’étais pas senti concerné. Je n’avais jamais fait que passer devant Notre Dame et je ne me rappelle pas y être entré une seule fois avant son incendie.

 

Depuis le 12 juillet 2021, je le répète comme je bute contre cette information, la campagne de vaccination contre le Covid m’a assez brutalement rattrapé. Les mesures décidées par le gouvernement ont organisé une sorte de parcours fléché directif vers les centres de vaccination anti-Covid et l’acceptation du passe sanitaire numérisé. Le passe sanitaire n’est autre que la version améliorée,  quelque peu totalitaire, de ces attestations de déplacement provisoire que nous devions remplir à chaque fois, sur un formulaire papier. Lorsque nous sortions de chez nous à partir du premier confinement de mars 2020. L’année dernière. Ce genre d’attestation à remplir et à présenter était une Première, pour nous, Français, nés après la Seconde Guerre Mondiale. Pour nous, de telles mesures de restriction faisaient plutôt partie des manuels d’histoire.

J’avais gardé quelques uns de ces formulaires. Je crois qu’il s’agit de la première version papier ou de l’une des toutes premières versions papier d’attestation de déplacement que nous avions à remplir lors du premier confinement en mars 2020. L’année dernière, j’en avais souvent plusieurs exemplaires vierges sur moi.

 

 

 

Avec le passe sanitaire, nous avons franchi d’un seul coup plusieurs paliers supplémentaires dans l’auto-surveillance et l’autojustification de nos déplacements. Nous avons accepté un peu plus ou un peu mieux de nous retrouver derrière certains verrous.

 

 

Seuil psychologique

 

 

Cette obligation indirecte, mais concrète, de la vaccination anti-Covid et de l’acceptation du passe sanitaire m’a amené devant mon seuil psychologique. Nous avons tous un seuil psychologique à partir duquel, chacune et chacun, nous devenons plus ou moins sidérés, nous fuyons, nous résistons, nous piétinons ou remettons en cause ce que l’on nous propose ou ce que l’on tente de nous imposer.

 

Dernièrement, j’ai écrit que mon refus pour l’instant de la vaccination anti-Covid et du passe sanitaire obligatoire (puisque les deux ont été menottés ensemble par notre gouvernement) a fait de moi l’équivalent d’un aborigène exclu de la civilisation des spectateurs et des consommateurs dont je faisais partie jusque là. ( Paris sans passe : Atterrissage ethnique), un article écrit ce 11 aout 2021.

Gare St Lazare. Photo©Franck.Unimon

 

 

Avoir mauvaise conscience

 

 

Je vais me reprendre à ce sujet. J’ai pu avoir mauvaise conscience lors du mouvement des gilets jaunes. Leurs manifestations persistantes, chaque week-end, ont pu durer plusieurs mois sans que je ne participe à aucune d’entre-elles. Alors que je les approuvais. Même si, par ailleurs, certaines personnalités et certains agissements ou dérapages m’ont laissé perplexe. Et, Il avait fallu qu’en sortant du travail, je tombe fortuitement sur celle qui allait être- à ce jour- la dernière manifestation des gilets jaunes avant le premier confinement de mars 2020 pour que j’assiste un peu, malgré moi, en  direct, à l’événement. Et pour y participer un peu à ma façon en restant quelques minutes et en prenant des photos.

Sans cette circonstance imprévue, j’avais toujours eu une bonne ou une mauvaise raison pour me tenir éloigné du mouvement des gilets jaunes. Ma méfiance et ma réserve envers les mouvements de foule, et pour la façon dont ils peuvent être récupérés et utilisés. Pour ne parler que de ça. Raisons pour lesquelles, par exemple, je n’avais pas participé en janvier 2015 à la marche Je suis Charlie après les attentats. Je savais qu’il y aurait beaucoup de monde à cette marche. Et puis, pour moi, « être un Charlie » devait être un acte durable plutôt qu’un acte « cutané » : une réaction épidermique à très court terme non suivie d’un engagement sur la durée.

Même si, bien-sûr, cette manifestation spontanée après les attentats était nécessaire et qu’elle était aussi constituée de personnes qui sont restées des « Charlie » depuis.

Pour moi, “être un Charlie” a consisté, après les attentats, plutôt qu’à le dire et à le montrer lors de cette marche d’après les attentats, à me mettre à acheter chaque semaine, voire à m’abonner  à cet hebdomadaire. Et, six ans plus tard,  alors même que depuis plusieurs semaines, Charlie raille et caricature lourdement les personnes comme moi qui se refusent à la vaccination anti-Covid, je n’en continue pas moins de l’acheter et de le parcourir. Même si sur certains sujets auparavant, j’avais pu être en désaccord avec quelques uns de leurs points de vue.

Manifestation des gilets jaunes, ce 14 mars 2020, quelques jours avant le premier confinement de mars 2020. Photo©Franck.Unimon

 

Mais envers le mouvement des gilets jaunes et d’autres mouvements sociaux qui les ont précédés, et par lesquels j’ai pu, aurais pu ou aurais dû me sentir concerné, j’étais resté spectateur. J’avais perpétué ma vie de spectateur, de commentateur et de consommateur. Alors que ces personnes qui manifestaient, gilets jaunes ou autres, elles, étaient alors arrivées à ce seuil psychologique que je crois connaitre actuellement devant cette vaccination anti-Covid et ce passe sanitaire.

 

 

 

Manifestation des gilets jaunes, ce 14 mars 2020, quelques jours avant le premier confinement de mars 2020. Photo©Franck.Unimon

 

 

L’être humain est fait de paradoxes

L’attestation de déplacement dérogatoire dans sa version papier telle qu’elle a pu évoluer ensuite. En bas à droite, on peut remarquer l’invitation à télécharger un QR Code. On en était, alors, encore, à une situation optionnelle. J’ai oublié quand ce genre de formulaire a commencé à apparaitre. Probablement après juin 2020.

 

Photo prise en novembre 2020 à la gare de Lyon. Mais, si je me rappelle bien, ce genre d’invitation sous cette forme, à télécharger l’application Tousanti-Covid sur notre téléphone portable, existait déja plusieurs mois auparavant dans d’autres gares parisiennes.

 

 

On peut toutefois être spectateur, consommateur et  militant, résistant ou engagé. C’est aussi là où je tiens à me reprendre. L’être humain est fait de tant de paradoxes. Des paradoxes que l’informatisation et la modélisation de nos vies cherchent et parviennent assez à refouler jusqu’au moment où survient ce seuil psychologique, cette limite qui est notre véritable identité.

 

Au Jardin des Tuileries. Photo©Franck.Unimon

 

 

Par exemple, je crois que parmi les personnes aujourd’hui pro-vaccin anti Covid, il s’en trouve un certain nombre qui, avant l’arrivée des vaccins anti-Covid, avaient pris quelques libertés avec les mesures restrictives décidées par le gouvernement. Que ce soit pour le nombre de kilomètres autorisé hors de chez soi. Pour les motifs de déplacement hors de chez soi. Pour le fait de se retrouver en compagnie de plus de personnes qu’il ne l’était autorisé par le gouvernement pour lutter contre la pandémie du Covid. Mais aussi pour le respect de certaines règles de distanciation sociale. Il doit bien y avoir un certain nombre de personnes, qui, bien avant leur vaccination contre le Covid, avaient déja pris dans leurs bras des proches ou des collègues ; ou s’étaient embrassées- ou plus- en dépit des mesures préconisées de distanciation sociale. Et, c’est aussi parmi ces personnes aujourd’hui que l’on trouvera les plus grands critiques envers les réticents à la vaccination anti-Covid, aujourd’hui perçus comme celles et ceux qui emmerdent tout le monde et qui retardent le retour à la « vie normale ».

 

Pour l’instant, je n’ai pas retrouvé la date de cette photo. Mais j’opterais pour dire que je l’ai prise l’année dernière, en 2020. Entre juin et décembre 2020.

 

Immunité collective

L’année dernière, entre mars 2020 et juin 2020, je croyais que la pandémie du Covid serait passagère. Je croyais à un retour à “notre vie normale”. Même si je m’attendais à ce que, de plus en plus, les masques anti-Covid ou de “protection respiratoire”, fassent désormais partie de notre culture. Même si je pensais, paradoxalement, que la pandémie du Covid allait contribuer à changer notre monde.

Hé bien, maintenant, je vais écrire que, même si nous parvenons à une immunité collective, telle qu’elle nous est louée afin de permettre la sortie de cette pandémie, je ne crois pas à notre retour «  à la vie normale ». A notre vie « d’avant ». Je n’y crois pas. Ce n’est pas pour cette raison, au départ, que je rechigne à me faire vacciner contre le Covid. Mais, pendant que j’aborde ce sujet de la « responsabilité » supposée des anti-vaccins dans la longévité de la pandémie, je me dis qu’il faut aussi aller au delà et aborder ce sujet au passage.

 

 

 

Très certainement que beaucoup de personnes, en vacances ou non, mais vaccinées, croient encore qu’une fois que tout le monde sera vacciné contre le Covid, que notre vie deviendra ou redeviendra meilleure. Moi, je trouve que les événements nous démontrent déja le contraire. Par exemple, je n’oublie pas que les manifestations des gilets jaunes qui avaient lieu chaque semaine depuis des mois, ont dû s’arrêter avec le premier confinement décidé par notre gouvernement et débuté mi-mars 2020 en raison de la pandémie du Covid. Cette coïncidence, entre la priorité sanitaire, indiscutable, donnée à la pandémie Covid, et, en même temps, l’interdiction des rassemblements et des manifestations des gilets jaunes m’a toujours dérangé. Car cette coïncidence a aussi été bien commode, trop commode, pour permettre à notre gouvernement de se débarrasser facilement du mouvement des gilets jaunes.

Depuis, le gouvernement a aussi obtenu du plus grand nombre dans l’hexagone, volontaire ou contraint, de se faire vacciner contre le Covid. Et d’accepter le passe sanitaire. A partir de là, le gouvernement actuel et celui qui lui succèdera (car j’ai beaucoup de mal à imaginer que le Président Macron puisse être réélu/ et je ne vois pas « la fille de son père » se faire élire. Je crois qu’elle a épuisé tous ses jokers. Mais, bien entendu, je peux me tromper)  n’aura de cesse de nous faire admettre encore plus de contraintes. Elle est là, notre amnésie collective. Dans le fait d’oublier de plus en plus tout ce que nous avons accepté depuis des années et que nous aurions dû refuser. Bien avant la pandémie du Covid. Laquelle pandémie n’a fait que montrer davantage comme nous pouvons être dociles. Après ça, comme dans un restaurant ou dans un magasin, un gouvernement (pas seulement celui de Macron) mais aussi des entreprises ou toutes sortes d’idéologues plus ou moins bienveillants n’ont plus qu’à consulter le menu,  sonder, passer commande et se ( faire) servir.

Pour cet article, j’ai d’abord utilisé des photos que j’avais prises entre mars et juin 2020. Et d’autres que j’avais prises par la suite. Principalement, entre juin et décembre 2020. On pourra retrouver quelques unes de ces photos dans des diaporamas-panoramas “rangés” dans la catégorie Corona Circus de ce blog. Avec un premier diaporama-panorama qui “couvre” la période Mars-avril 2020 ( Panorama 18 mars-19 avril 2020 ). On pourra lire mes premières impressions concernant la pandémie du Covid avant qu’elle ne soit officialisée en mars 2020 ici Coronavirus, un article que j’avais écrit le 24 février 2020. 

 

 

Cet article écrit en plein mois d’aout peut faire l’effet d’un très grand coup de fouet mortifère. Ce n’est pourtant pas son but. Soit un paradoxe de plus, sans aucun doute. Comme rédigé plus haut, on peut être consommateur, spectateur et, par ailleurs, en certaines circonstances et à d’autres moments, être militant, résistant, engagé. Cela peut être par le biais de l’humour, de la poésie, de l’art en général. Ou dans le simple fait de porter et de prêter attention à quelqu’un d’autre que soi à un moment où elle ou il en a besoin ou peut en avoir en besoin. Il existe bien des façons différentes- et persistantes- de faire primer sa conscience et son humanité avant tout. Y compris malgré soi. 

 

Je viens de m’apercevoir que cet article est le 300 ème que j’ai écrit depuis la création de mon blog, il y a deux ou trois ans. Je me devais donc de particulièrement le soigner. C’est donc pour cette raison qu’entre sa première version cette nuit, vers une heure du matin, et ce matin un peu avant midi, je l’ai un peu complétée et modifiée. 

Franck Unimon, ce jeudi 12 aout 2021.

 

 

 

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