
Ad Astra, un film de James Gray.
A travers ce nouveau film de James Gray, il y a au moins deux histoires : celle du cinéma qui réplique à l’infini des histoires qui ont enchanté nos aînés cinéphiles- avec d’autres acteurs- et que l’on nous a plus ou moins racontés ou que l’on a aperçus. Et celle de l’Humanité qui, pour différentes raisons, souvent du fait de ses carnages et de ses naufrages intérieurs et extérieurs, s’oblige à chercher une meilleure vie dans un au-delà . Pour accéder à cet au-delà , l’Humanité est prête à commettre d’autres crimes et d’autres horreurs tout en prétextant que c’est pour avancer et pour faire évoluer l’Humanité.
Pour accéder à un autre cinéma, James Gray est prêt à s’engager derrière d’autres films réalisés par d’autres dont il connaît sûrement chaque plan par cœur.
Il y a au moins du Apocalypse Now (Francis Ford Coppola en 1979) dans Ad Astra. Mais Brad Pitt a remplacé Martin Sheen et Tommy Lee Jones (cela aurait pu être Nick Nolte) est ici le Marlon Brando du nouveau film de James Gray. On parlera sûrement aussi de Stanley Kubrick, Terrence Malick….
James Gray est un réalisateur cultivé et multi-médaillé. Dans l’alcôve des cinéphiles, les films de James Gray sont fait de ce cuivre que bien des regards seront toujours prêts à polir alors on le suit dans ce film qui est bien le sien quelles que soient les œuvres qui l’on précédé et qui ont pu l’inspirer.
Brad Pitt est ici un super-héros américain de plus qui traverse son Vietnam, son Afghanistan, son Algérie, son Rwanda, son Irak ou sa Syrie intérieure et antérieure ( sa furie mystérieuse) tout le long du film pour trouver et rejoindre- peut-être- ce père (Tommy Lee Jones), astronaute pionnier et autre « héros », parti s’établir dans l’espace en abandonnant femme et enfant (le personnage de Brad Pitt alors qu’il avait 16 ans) et que beaucoup décrivent comme étant une étoile morte.
Entre la mémoire de celle ou de celui qui nous a abandonné et l’espoir de le retrouver intact dans le corail intergalactique, mais aussi qu’il nous guérisse de notre naufrage moral, il existe bien des récifs et des rencontres qui nous dévient ou cherchent plutôt à nous forcer à changer de sujet. Brad Pitt, homme mûr quitté par sa femme (Liv Tyler), épuisée de son absence, connaît tout ça dans Ad Astra.
Le film est-il réussi ? S’agit-il d’une singerie facticement métaphysique ? Tommy Lee Jones est une étoile moindre que Marlon Brando, ça c’est sûr. Néanmoins, ce film est un fruit mur que James Gray nous tend et que l’on aurait tort d’ignorer même si on peut lui reprocher, un petit peu, de ne pas assumer assez la fin de son film comme s’il avait hésité entre une conclusion à la Gravity et la fin fracassante (de l’Humanité ?) que sa conscience lui a pourtant, sûrement, maintes fois commandée au vu de sa filmographie mais à l’imminence de laquelle il continue de se dérober. James Gray n’est pas un réalisateur de commande, c’est certain. Et, nous, on en redemande.
Plus bas, il y a un article Ă propos d’un autre film. Oui, le titre initial Ad Astra de cet article ne le laisse pas supposer. Et alors ? Il y a mĂŞme ensuite un autre article sur un troisième film. Vous verrez, c’est court et rapide Ă lire.

Papicha , un film de Mounia Meddour
Dans l’AlgĂ©rie des annĂ©es 90 du terrorisme religieux et du couvre-feu, une gĂ©nĂ©ration après la guerre de la libĂ©ration, Nedjma ( l’actrice Lyna Khoudri) est une brillante Ă©tudiante et une couturière douĂ©e. La nuit, avec une de ses amies, Nedjma prend la mesure de sa jeunesse :
Elle fait le mur, se maquille, fume et se rend en boite de nuit -en taxi- où elle vend ses robes à des algéroises aisées. Cela, aussi, grâce aux backchichs qu’elle donne au gardien de la cité universitaire qui pourrait être son père et qui fait l’aveugle lorsqu’elle sort et rentre au petit matin.
Les étoiles de Nedjma sont son pays et cette vie qu’elle veut faire défiler par ses doigts dans ses robes. Mais l’avenir de Nedjma et de ses amies se coud de plus en plus dans la toile d’araignée grandissante de l’intégrisme religieux.
Nedjma doit apprendre en grandissant que ce pays dans lequel elle a grandi est devenu, pour elle, un pays rêvé dont le seul succès véritable, c’est la tombe et le sang. Mais incapable de se laisser convertir par cette pénombre, elle s’oppose au renoncement. Contrairement à un Brad Pitt dans Ad Astra, Nedjma n’a pas d’autre planète où espérer se panser en compagnie d’un père éventuel. Même si, pour elle aussi, l’amour est une déroute. Patriote jusque-boutiste, Nedjma et ses amies sont menacées par celles et ceux qui s’estiment les plus purs et les plus justes tandis que d’autres, « justes » opportunistes, en profitent pour faire des affaires ou pour obtenir par la force ou le chantage ce que les lois de la paix réprouvent.
Le film Papicha nous met devant les yeux ce « passé » de plus en plus présent pour lequel certains héros et martyrs sont prêts à mourir afin d’en faire notre futur et notre résidence principale. Ce n’est plus le rêve américain et mégalo dont le personnage de Tommy Lee Jones, dans Ad Astra, incarne l’impuissance devant la vie mais le rêve du suicide pour tous.

Terminator : Dark Fate un film de Tim Miller.
Après avoir vu Papicha, il fallait bien sortir de la tombe et remonter la pente. Terminator : Dark Fate est fait pour ça. Même si dans les Terminator, l’avenir est très sombre, on sait que cela va bien se finir à un moment donné pour les héros. Pour les autres, celles et ceux qui font partie du décor, hé bien, ils font partie du décor. Donc, il faut bien qu’ils servent à quelque chose, à mourir par exemple, afin de rendre la menace crédible et pour que nos héros gagnent du relief et nous étonnent. Et puis, on ne va quand même pas plaindre tous ces gens qui se font éclipser dans le film :
Ils sont payés pour ça car c’est du cinéma.
Donc, en allant voir Terminator : Dark Fate, on ne va pas (trop) plaindre les victimes. De toute façon, les héros font très vite leur deuil de leurs proches. Le stress post-traumatique est vite éliminé chez eux. Là où beaucoup de personnes resteraient prostrées, se feraient sur elles et seraient incapables de s’alimenter ou d’avoir une conversation sérieuse ( sur le résultat du prochain match de Foot par exemple), là , on a affaire à des vrais soldats qui ne se plaignent jamais et encaissent très bien les coups durs. Même sans entraînement comme c’est le cas de Dani Ramos (l’actrice Natalia Reyes) qui, cette fois-ci, doit être protégée.
Car dans Terminator : Dark Fate l’intrigue est devenue encore plus féministe qu’à l’origine. Trois héroïnes pour un héros. Ça donne bien-sûr de la nouveauté. Trois femmes et, pourrait-on dire, trois types de femmes :
Sarah Connor (l’actrice Linda Hamilton) une vieille blonde très masculine. Grace (l’actrice Mackenzie Davis) une (grande) femme blonde augmentée à la Ghost in the shell ou empruntée à Blade Runner (il y a bien des prêts de joueurs entre clubs de Football) mais en plus humaine et en plus friable. Et Dani Ramos, une Latinos qui va se découvrir l’héroïne d’une histoire dans un pays ou le Président américain actuel (Trump) qu’elle ne connaît pas et qui n’est jamais cité en veut à son peuple de l’autre côté de la frontière.
Même le méchant (l’acteur Gabriel Luna) a un physique de Latinos. Schwarzie, lui, vieillit bien (72 ans) comme souvent. Et en voyant le film, je me suis dit que cela allait nous faire tout drôle lorsqu’il allait disparaître pour de bon. Parce qu’à force de l’avoir vu dans Terminator et revenir, surtout, plusieurs fois dans Terminator, je suis sûr que nous sommes des millions à désormais croire que cet homme est indestructible car il a toujours été là sur nos écrans. Avant Trump. Avant Daech. Avant Bachar El Assad. Avant Poutine. Avant les gilets jaunes. Avant Macron. Ça va nous faire tout drôle lorsqu’il sera parti pour de bon. Alors on profite bien de son humour dans Dark Fate car c’est lui qui en transporte le plus tout en nous parlant des Etats-Unis et de leurs rapports aux armes à feu. Terminator/Schwarzie a aussi une certaine vision- drôle- de la vie de couple.
Mais ayons un mot tout particulièrement pour l’actrice Linda Hamilton qui rempile dans le film à près de 70 ans ou peut-être plus (63 ans dans les faits : pourvu qu’elle ne lise pas mon article). Oui, elle a vieilli. Mais quelle vieille ! On ne la trouvera pas à l’EHPAD, elle. Ou alors, c’est elle qui dirigera le personnel et lui fera faire des pompes (à insuline ou à héparine).

Cependant, un détail en particulier me retient lorsque je repense à Linda Hamilton dans le film :
J’ai plutôt entendu dire qu’avec la ménopause, les femmes devenaient de grandes candidates à l’ostéoporose et aux fractures. Dans Dark Fate, l’actrice Linda Hamilton (Sarah Connor) se fait brutaliser plus d’une fois par le Terminator létal ( l’acteur Gabriel Luna). Et elle n’a pas une fracture. A peine un petit bleu. Même pas un œdème ou une varice qui explose. C’est un indice : Linda Hamilton, aussi, nous survivra. Et, c’est tant mieux.
Lorsque nous serons morts, nous la laisserons, elle et Schwarzenneger/Terminator s’expliquer avec les intégristes qui ont fait tant de mal à Nedjma et ses amies dans Papicha. En espérant qu’outre-tombe, il y ait des écrans plats partout avec beaucoup de bons programmes télés, avec des bons films, des bons documentaires, des bons débats et une bonne télécommande. Mais sans la pub. La pub, ça attire les vers et après ça, on ne peut plus rien voir jusqu’à ce que le programme reprenne.
Franck Unimon.