
Addictions en temps de pandémie.
Sans doute faut-il ĂȘtre un petit peu formĂ© aux thĂ©rapies familiales, avoir vu certains films tels Canine (rĂ©alisĂ© en 2009 par Yorgos Lanthimos), lu certains ouvrages et articles sur le sujet.
Ou plus simplement :
Sans doute faut-il avoir Ă©tĂ© tĂ©moin- ou acteur- de certains Ă©vĂ©nements pour savoir quâil existe rĂ©guliĂšrement une rupture entre la plus ou moins belle image quâincarne une famille, un couple ou un groupe et ce qui se passe Ă lâintĂ©rieur de cette famille, de ce couple ou de ce groupe derriĂšre le grillage des agrĂ©ables assurances et des sourires.
On peut multiplier les exemples de films sur ce sujet. On peut mĂȘme citer OpĂ©ration Dragon de Robert Clouse avec Bruce Lee. Mais aussi The Naked Kiss de Samuel Fuller, Get Out de Jordan Peele, LâImpasse de Brian de Palma, John Wick ou Le Chant du Loup dâAntonin Baudry ou AlienâŠ. Tous ces films et bien dâautres parlent du confinement imposĂ© au hĂ©ros sous forme dâun destin le plus souvent imposĂ© ou, quelques fois, choisi (Bruce Lee dans OpĂ©ration Dragon par exemple, les hĂ©ros du film Le Chant du Loup) que le hĂ©ros essaie de surmonter et qui le rĂ©vĂšle Ă lui-mĂȘme dans ses Ă©checs et fracas (le plus frĂ©quemment) comme dans ses succĂšs (plutĂŽt rares) souvent obtenus au forceps.
On ne compte plus les hĂ©roĂŻnes et les hĂ©ros administrĂ©s par lâalcool ou une autre substance psychoactive que ce soit au cinĂ©ma ou dans les polars et romans et qui, pourtant, font sortir les «pourris » du circuit. On sâidentifie Ă quelques unes et Ă quelques uns de ces hĂ©roĂŻnes et de ces hĂ©ros ainsi quâĂ leurs adversaires qui sont souvent leur propre reflet. Ne serait-ce quâen acceptant rĂ©guliĂšrement dâaller se confiner dans une salle de cinĂ©ma (oui, ce temps reviendra) pour aller voir et vivre avec une certaine ambivalence toutes ces histoires sur grand Ă©cran. Et/ou en se livrant soi-mĂȘme rĂ©guliĂšrement ou de temps en temps Ă certaines de ces conduites addictives :
« Or, quâil sâagisse de consommation de produits psychoactifs, de jeux vidĂ©o ou de dĂ©pendance au travail, lâaddiction nâa pas attendu le SARS CoV-2 pour affecter les salariĂ©s. LâĂ©tude Impact des pratiques addictives au travail, menĂ©e en septembre 2019 par GAE Conseil, indiquait que 44% des salariĂ©s jugent les pratiques addictives frĂ©quentes dans leur milieu professionnel.
« Les expĂ©riences de la NASA ont dĂ©montrĂ© que le stress provoquĂ© par le confinement pouvait conduire les personnes les mieux prĂ©parĂ©es Ă prendre de mauvaises dĂ©cisions, rappelle Eric Goata, administrateur de la FĂ©dĂ©ration des intervenants en risques psychosociaux (Firps) ». Câest extrait de la chronique dâAnne Rodier dans le journal Le Monde du jeudi 26 mars 2020, partie Management, page 19. Titre de la chronique :
Le manageur face à la pandémie de Covid-19.
La chronique dâAnne Rodier se termine en rĂ©pondant Ă la question suivante :
Mais comment un manageur peut-il reconnaßtre les salariés à risque à distance ?
Eric Goata rĂ©pond : « En repĂ©rant les alertes, une agitation verbale, un silence inhabituel, un comportement automatique de gestes routiniers sans utilitĂ© pour lâorganisation sont autant de signaux faibles Ă prendre en considĂ©ration ».
Dans le film PlanĂšte Hurlante ( rĂ©alisĂ© en 1995 par Christian Duguay) vu en dvd il y a plusieurs annĂ©es, je me rappelle encore de cette scĂšne oĂč, sur une planĂšte Ă©loignĂ©e de la Terre, revenant dâune mission, un homme interpelle son collĂšgue restĂ© Ă la base.
Mais si le collĂšgue lui rĂ©pond dâabord « normalement », ensuite, il ne cesse de rĂ©pĂ©ter la mĂȘme phrase. JusquâĂ ce que la porte de la base ne sâouvre et quâun cortĂšge de robots hurleurs (plus effrayants que les robots chasseurs de Karaba la sorciĂšre dans Kirikou) ne vienne Ă sa rencontre.
Bien-sĂ»r, une personne « Ă risque » du fait du tĂ©lĂ©travail et qui se rapprocherait du burn-out en pĂ©riode de confinement est Ă diffĂ©rencier dâun des robots hurleurs de PlanĂšte Hurlante oĂč lâon devient assez rapidement lâun des meilleurs « amis » de la paranoĂŻa. Car nous sommes dans lâunivers de Philippe K.Dick. Mais aussi dans le nĂŽtre :
En cette pĂ©riode dâĂ©pidĂ©mie, une accalmie mentale peut ĂȘtre recherchĂ©e sous la forme dâun calumet un peu spĂ©cial. Ce peut ĂȘtre la nourriture. Cela peut ĂȘtre le sexe. Cela peut ĂȘtre des images. Mais cela peut aussi ĂȘtre ces substances psychoactives qui peuvent dĂ©boucher sur des addictions ou les entretenir.
« + 15% de ventes sur le rayon cave dâAuchan » ; « On est passĂ©s de six rĂ©unions en visioconfĂ©rence par semaine Ă une trentaine, qui sâĂ©talent de 8 heures du matin Ă 23 heures du soir, nous confirme Laurent, membre des Alcooliques anonymes » ( Page 13, dans la rubrique SociĂ©tĂ©/ Crise du Coronavirus du journal Le Parisien du jeudi 26 mars 2020. Titre de lâarticle : Lâalcool, pour oublier).
Toujours dans cet article de Le Parisien, ce passage :
« En rĂ©alitĂ©, câest la peur, lâanxiĂ©tĂ©, le fait de ne pas voir de fin Ă ce confinement qui augmente le stress et peut donc crĂ©er un besoin dâalcool et une surconsommation. Dans ce contexte, les personnes seules sont encore plus Ă risques, analyse la psychologue spĂ©cialisĂ©e. Dâailleurs, pour les personnes addictives, il y a un fort risque de majoration de la consommation ».

Plus loin, page 15, toujours dans le mĂȘme numĂ©ro de Le Parisien, ces propos du GĂ©nĂ©ral Jean-Philippe Lecouffe, gendarme, dans cet article intitulĂ© :
« La gendarmerie est en alerte sur les trafics de chloroquine » .
Celui-ci alerte à propos de la cybercriminalité :
« Oui, il faut appeler les internautes Ă ĂȘtre encore plus prudents que dâhabitude. (âŠ.)
Beaucoup de personnes travaillent sur des ordinateurs, parfois personnels, en tĂ©lĂ©travail, sans disposer des moyens de protection dâun service informatique dâentreprise. Nous observons des attaques par rançongiciels ou des hameçonnages avec vol de donnĂ©es. Par exemple, des envois dâe-mails livrant un point de situation dĂ©taillĂ© sur le Covid-19, ou Ă©voquant la chloroquine, avec une piĂšce jointe. DĂšs que celle-ci est ouverte, lâinternaute se retrouve avec non pas le coronavirusâŠ.mais un logiciel espion. Nous surveillons aussi tout ce qui est manipulation de lâinformation sur les rĂ©seaux pour dĂ©tecter les « fake new » sur le Covid-19 ».
Concernant les trafics de drogue, voici la réponse, toujours, du général Jean-Philippe Lecouffe, toujours dans Le Parisien de ce jeudi 26 mars 2020, page 15 :
« Ce quâon pressent, compte-tenu du confinement, câest quâune partie de la vente de la drogue se reporte sur le Darknet. Les consommateurs ne vont plus se dĂ©placer, ils vont essayer de passer par des systĂšmes de livraison avec des dealers qui bĂ©nĂ©ficient dâautorisation de circulation. Il y aura une probable « ubĂ©risation » du business ».
A propos des violences conjugales, le mĂȘme Jean-Philippe Lecouffe rĂ©pond :
« Les violences faites aux femmes restent une prioritĂ©. Je veux ĂȘtre clair : mĂȘme en pĂ©riode de confinement, nos unitĂ©s continuent Ă intervenir quand elles reçoivent des appels dâurgence. (âŠ.) Je rappelle que la gendarmerie possĂšde une brigade numĂ©rique que lâon peut contacter 24 heures sur 24 sur Internet ».
Rencontrer ce patient dont je parle dans mon article Faire des images mâa sĂ»rement inspirĂ© ce sujet et rappelĂ© le sĂ©minaire sur les addictions oĂč jâĂ©tais allĂ© en janvier et dont je compte rendre compte ensuite.
Franck Unimon, mercredi 8 avril 2020.