Confessions d’un homme hétéro ce 18 septembre 2025
Je me réveille ce matin après être allé hier soir au théâtre avec une copine. Il se trouve que c’était l’anniversaire de cette copine. Je l’ignorais en commandant les places.
Le plus souvent, je sors seul. Je n’aime pas dépendre de la disponibilité des autres pour me rendre ou participer à certains événements que je tiens à vivre ou à connaître. Je n’aime pas dépendre, aussi, de leurs éventuelles réticences concernant le fait de se rendre à tel endroit, de tenter telle expérience ou pour se rendre à tel événement.
J’ai la prétention de croire que je suis plus apte à me rendre avec d’autres là où ils me proposent d’aller que l’inverse. Un ami m’a par exemple proposé d’aller à la fin du mois au concert de l’artiste Eivor. Une artiste que je ne connaissais pas. Je suis tout à fait capable d’y aller. Mais je sais que cet ami n’acceptera pas de se rendre au concert de Meiway où j’envisage d’aller. Au moins parce-qu’il ne sait pas et n’aime pas danser.
C’est une question de tempérament. Et, aussi, je crois, la conséquence d’avoir été, enfant, trop souvent, très souvent, enfermé, cloîtré. Et soumis.
Je crois que, enfant puis adolescent, j’aurais été ouvert et disponible à quantité de découvertes et d’apprentissages. Mais j’ai dû rester un certain nombre de fois à la place où l’on m’avait mis. Non dans un placard. Mais dans un appartement. Sur une terrasse de maison. Tel un meuble, tel un ou une domestique. Ou un toutou( ou une nounou) d’appartement.
Au 20 ème siècle, en région parisienne puis aux Antilles, une autorité familiale s’est chargée de m’inculquer ça. Et j’ai été un bon élève.
Le cloisonnement. La soumission. La peur lorsque l’on sort de ce que l’on « connait ». Le fatalisme. La méfiance vis-à-vis de l’autre. L’esclavage. Voir l’homme blanc et la femme blanche comme des racistes et des ennemis.
Je suis un homme hétéro mais, par bien des aspects, j’ai été éduqué comme une fille soumise et peureuse sous la contrainte et aussi par solidarité.
J’ai été et suis sans doute resté par certains aspects un mec/fille soumise. C’est pour ces quelques raisons, je crois, qu’il est arrivé et qu’il peut arriver que l’on se demande si je suis un homme-eau.
Parce-que je ne m’affirme pas ou ne tiens pas obstinément ou toujours à me montrer ou me rendre visible coûte que coûte au travers de certains types de comportements. De certaines façons de penser et de se comporter qui restent généralement gravées dans la mémoire comme étant spécifiquement « attribuées » aux hommes. Aux vrais hommes comme il existe, aussi, des « vrais Antillais » :
Par exemple. J’ai de la force physique. Je suis plutôt sportif. Je contiens ou suis détenu par une certaine violence au moins physique. Mais aussi une certaine violence morale et psychologique.
Une violence qui m’a été transmise dans certaines proportions avec un certain nombre de rappels.
Dès l’enfance, être capable de faire montre de bonne humeur, de faire bonne figure, être souriant ou rire, faire rire, être discret jusqu’à me faire oublier, ont sans aucun doute été mes premiers maquillages. Aussi, lorsque je vois des humoristes connus ou qui marchent très bien, surtout s’ils me touchent et me plaisent, instinctivement, j’essaie de flairer et de sonder la part de souffrance particulière qui se trouve en eux. C’est la raison pour laquelle j’ai été aussi touché par le décès récent de l’humoriste Bun Hay Mean. Même s’il m’amusait beaucoup, j’’avais sûrement « pressenti » qu’il n’était pas qu’un chinois marrant.
Mais concernant la violence dont je suis fait. Je n’éprouve pas le besoin de faire savoir en permanence autour de moi que je « dispose » de cette violence. Ou de m’en servir pour intimider ou tenter de séduire. J’essaie plutôt de la museler, de la maitriser, de la comprendre et de l’apprivoiser là ou d’autres ont besoin de se montrer démonstratifs.
Mais cela est une attitude finalement assez peu masculine.
Parce-que lorsque l’on est un vrai mec hétéro, on montre ses couilles. On montre ou on tient à faire savoir autour de soi que l’on a des couilles ou le résultat de ses couilles :
On « a » un ou plusieurs enfants. Peu importe que l’on vive ou que l’on ne vive pas avec ses enfants. On les « a » faits. On a une copine ou l’on vit avec une femme. Ou on a une ou plusieurs maitresses. Ou on a des conquêtes et cela se sait ou se voit ou s’entend. Ou on a un avis sur les femmes ou certaines femmes qui fait consensus lorsque l’on discute entre mecs.
On a aussi de la gueule. On peut parler fort, menacer, sanctionner, dire ses quatre vérités. Taper du poing sur la table. Donner des ordres.
Pour faire mal, pour soumettre ou pour prendre du plaisir. Si on le veut. Quand on le veut.
Puisque l’on est très fort. Et, c’est ce que l’on est, dans les grandes lignes, si l’on est un vrai mec hétéro.
Lorsque l’on est un vrai mec hétéro, on peut aussi faire du MMA. On regarde des combats de MMA, de boxe, d’un autre sport de combat ou des matches de Foot. Ou on le pratique à un très haut niveau.
Et on en parle. On le fait savoir. On ne passe pas son temps, comme moi, à écrire ses confessions ou dans un blog. On ne passe pas son temps à faire de l’introspection sauf lorsque ça fait bien durant quelques secondes dans une vidéo ou l’on nous voit en train de « méditer » avant de partir au combat ou à l’entraînement.
On ne passe pas son temps à se branler la tête. On fait. On agit. On n’est pas là pour discuter. Droit au but. On est des hommes d’action. Des guerriers. Des militaires. Des Samouraï. Des sangliers qui n’ont pas peur dans le désert….
J’aime regarder les matches de boxe, des vidéos de sports de combat. J’aime aussi apprendre et pratiquer les sports de combat ou les Arts Martiaux. Je prends plaisir à regarder des vidéos de Greg MMA, Skarbowsky, Léo Tamaki, Youssef Boughanem et d’autres. J’aime regarder leurs démonstrations, écouter leurs propos. Acheter et lire certains ouvrages relatifs au combat, aux Arts Martiaux mais aussi au sport dans son ensemble.
J’ai beaucoup aimé la lecture de Le sens du combat de Georges Saint Pierre. Je suis resté marqué par la lecture, il y a plusieurs années, de Déclassée par l’ancienne joueuse de Tennis française Cathy Tanvier.
Et je constate bien, depuis que j’ai changé d’établissement professionnel, que j’ai moins de disponibilité pour apprendre à « faire » du combat, des arts Martiaux ou tout simplement du sport en raison de mes horaires de travail depuis. Pour écrire. Pour être un peu plus avec ma fille et sa mère. Pour vivre pour moi.
Et ça m’enferme et me frustre.
J’ai l’impression d’être beaucoup trop à la disposition de mon nouveau service. Un service stimulant, prestigieux, formateur ou j’y fais des bonnes rencontres et des bonnes expériences mais à un prix que je trouve élevé pour mon temps personnel.
J’ai l’impression d’être trop dans mon métier d’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie.
Donc, cette sortie au théâtre hier soir dans Paris était d’autant plus bénéfique et importante pour moi.
C’était du temps pour moi.
Hier soir, nous sommes allés au théâtre de l’Atelier, à Paris dans le 18ème afin de voir l’adaptation théâtrale du dernier livre d’Ovidie paru il y a quelques mois :
La Chair Est Triste Hélas ! .
J’ai déjà parlé dans un précédent article ( rédigé hier La Chair est triste, hélas ! un livre d’Ovidie) de mes impressions après la lecture de ce dernier ouvrage d’Ovidie.
Dans cet article, je ne vais pas parler de mon expérience de spectateur hier soir, devant la comédienne Anna Mouglalis. Je le ferai dans un autre article. Car j’essaie, ici, de faire un article court.
Je remarque qu’avec le développement des réseaux sociaux a aussi pu se développer une appétence pour « regarder », « voir » et « savoir » ce que untel a fait ou dit. Il a pu se développer aussi une certaine consommation, en tant que spectateur, de toutes formes de violences, de destruction.
On pourrait penser que « nous » sommes désormais capables de tout voir, de toute entendre et de tout comprendre puisque nous avons toutes ces informations à disposition en permanence. Et que ces informations deviennent très banales à force d’être diffusées 24 heures sur 24.
Sauf qu’il y a ou peut y avoir un gros décalage entre la quantité d’informations que l’on reçoit et la qualité de nos capacités de compréhension et de prise de conscience :
Des gens sont prêts à voir du MMA que ce soit en direct ou à la télé comme récemment lors du dernier combat que le combattant Benoit St Didier a gagné. Des gens sont prêts à aller s’entraîner pour pratiquer du MMA. A se prendre des coups et en donner.
Par contre, je me figure ce matin que très peu de ces partisans et pratiquants du MMA ou d’un autre type de pratique d’affrontement physique pourtant durs au mal et courageux, mais surtout, déterminés, se rendront au théâtre pour venir voir une comédienne interpréter le texte du dernier ouvrage d’Ovidie.
Ces hommes de combat, qu’ils soient dans l’octogone, sur le ring, sur le tatamis ou au Pao, ou spectateurs de ces combats ne parviendront pas jusqu’à cette salle de théâtre pour écouter et recevoir dans la tête ce que Ovidie a pu écrire et dire.
Parce-que, pour eux, il n’y a pas assez d’action. Pas assez d’adrénaline.
Parce-que c’est trop dur pour ces combattants. C’est trop dur à digérer. C’est trop dur de devoir accepter de ne pas avoir le premier rôle. C’est trop dur de devoir se dire qu’ils ne sont pas toujours très beaux , ni les plus performants malgré leurs abdos, leur extraordinaire condition physique, leur capacité à péter un bras ou des cervicales.
C’est trop dur de ne pas avoir un adversaire tout désigné. Un adversaire à qui on a le droit de casser la gueule parce qu’il est le coupable du crime ou délit. Soit parce qu’il a été volontaire pour affronter un autre adversaire. Ou parce-que sa tête ne nous plait pas. Ou parce qu’il nous a cherché et provoqué.
Lors d’un match de Foot, lorsqu’il y a deux équipes, on peut choisir son camp. C’est très simple et très binaire. Lors d’un combat de MMA, c’est pareil. Deux adversaires. Il y a en un que l’on aime et un que l’on aime moins.
Dans la vraie vie, on ne peut pas faire tout à fait pareil même si on peut en avoir très très envie et que lorsque cela arrive, il existe un risque que l’on ait à en assumer les conséquences. Car on n’est plus spectateur. Et le carton rouge ou le carton tout court peut être pour nous.
Dans une simple relation humaine, beaucoup de ces combattants méritants, acharnés, sont plutôt désarmés. Car même si cela peut faire très mal et blesser de prendre les coups physiques d’un adversaire lors d’un combat, l’entraînement répété et préalable au combat ou au match nous y prépare un minimum.
Il n’existe pas d’entraînement aussi performant pour avoir une relation, une vraie relation, avec quelqu’un d’autre. Une relation, prendre sur soi, se montrer patient, optimiste, détendu, écouter, accepter d’être contredit, c’est beaucoup plus difficile à pratiquer qu’une clé de bras, un coup de genou ou un crochet que l’on va finir par incorporer à force de répétitions.
Si je m’en étais strictement tenu à mes codes et à mes habitudes hétéros, hier soir, je ne serais pas allé voir la représentation théâtrale du dernier livre d’Ovidie avec une copine. Je serais allé prendre une bière dans un bar ou au restaurant « entre mecs ». Pour parler de la vie et du monde à la façon des mecs. Ou je serais peut-être allé faire du sport et transpirer. Qu’il s’agisse d’aviron ou d’un sport de combat. Ou je serais peut-être allé au cinéma ou aurais passé mon temps à scroller sur mon téléphone portable.
Etre allé hier soir au théâtre ne fait pas de moi un homme extraordinaire. Et puis, je ne suis pas féministe. J’ai pu ou je peux avoir des comportements, des pensées ou des propos envers des femmes que l’on pourrait considérer comme déplacés ou inadaptés. Mais j’essaie de faire de mon mieux.
J’ai bien sûr aimé ma soirée d’hier soir. Même si je regrette un peu d’y être allé en étant « prévenu ». En ayant lu le livre d’Ovidie auparavant.
Je continue de penser que ma fille est trop jeune pour l’emmener. Je crois qu’en tant que père, il me revient de la préparer à certains sujets afin qu’elle en prenne conscience. Je n’ai pas envie « d’attendre » qu’elle se heurte à certaines situations pour qu’elle doive, seulement après coup si cela est encore possible, apprendre à y parer. Mais il me semble néanmoins qu’il aurait fallu qu’elle ait au moins 14 ou 15 ans pour être présente avec nous dans la salle hier soir. Elle ne les a pas.
Par contre, depuis ce matin, je pense y retourner avec ma mère qui, elle, a un petit peu plus que 14 ou 15 ans.
Franck Unimon, ce jeudi 18 septembre 2025.