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Embolie pulmonaire : balle de vie ?

 

Photo©Franck.Unimon

Embolie pulmonaire : balle de vie ?

Hier soir, pour la premiĂšre fois depuis un an et demi, aprĂšs une concertation avec le pneumologue qui me suit dans le service de consultation d’un hĂŽpital parisien, je n’ai pas pris de comprimĂ© d’Eliquis :

Un traitement que je continuais de prendre de maniĂšre prĂ©ventive contre la rĂ©cidive d’une embolie pulmonaire.

Fin novembre 2023, j’ai fait une embolie pulmonaire.

«  Vous avez fait un infarctus pulmonaire » avait tenu Ă  me dire le jeune pneumologue (il est plus jeune que moi d’environ une dizaine d’annĂ©es) qui me suit.

Photo©Franck.Unimon

Une embolie caractéristique

Une embolie pulmonaire « caractĂ©ristique » avait-il insistĂ©. Il avait affutĂ© son vocabulaire. Pour Ă  la fois me faire comprendre et bien me faire entrer dans la tĂȘte que cette embolie pulmonaire qui avait créé sa boite dans mon corps afin d’y dĂ©velopper son chiffre d’affaires jusqu’à ma mort Ă©tait grave :

J’avais alors 55 ans, j’étais plutĂŽt sportif et non -fumeur. Jusque- lĂ , j’avais plutĂŽt Ă©tĂ© une personne en bonne voire en trĂšs bonne santĂ© sans facteurs de risque me prĂ©disposant Ă  faire une embolie pulmonaire aussi jeune. Je n’avais pas le profil des patients qu’il suivait aprĂšs une embolie pulmonaire. Car les patients dont il s’occupait suite Ă  une embolie pulmonaire avaient gĂ©nĂ©ralement entre 70 et 80 ans et disposaient d’une santĂ© moins bonne ou plus prĂ©caire que la mienne.

Hier, comme il y a un an et demi, il n’a pas su me dire ce qui avait pu causer mon embolie pulmonaire «caractĂ©ristique». Selon lui- nous en avions parlĂ©- le fait d’avoir attrapĂ© le Covid deux mois avant mon embolie pulmonaire n’était pas une raison suffisante.

L’ examen sanguin poussĂ© rĂ©alisĂ© derniĂšrement confirme que je n’ai aucune modification gĂ©nĂ©tique de mes facteurs de coagulation. Une modification gĂ©nĂ©tique de mes facteurs de coagulation aurait pu expliquer mon embolie pulmonaire. Mais j’aurais Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© d’apprendre que j’étais porteur de cette modification gĂ©nĂ©tique. J’ai plutĂŽt toujours Ă©tĂ© en bonne santĂ©. Et, dans ma famille, oĂč l’on vit vieux ( ma mĂšre a 77 ans, mon pĂšre 81 ans, et ils vivent tous les deux dans leur maison en Guadeloupe depuis des annĂ©es), je ne connais personne qui ait une modification gĂ©nĂ©tique des facteurs de coagulation.

Avec Maman, fin décembre 2023, en Guadeloupe, à la Pointe des Chùteaux. Photo©Franck.Unimon

Je ne vois pas qui, non plus, aurait fait une embolie pulmonaire dans ma famille mĂȘme du cĂŽtĂ© de mes grands-parents ou alors ils avaient dĂ©ja 80 ans ou davantage.

Et je n’ai pas fait de phlĂ©bite.

Les premiers symptĂŽmes de l’embolie dĂ©but novembre 2023

Je me rappelle encore des premiers symptĂŽmes ressentis au dĂ©but de mon embolie pulmonaire :

Exposition Chiharu Shiota au Grand Palais, Paris, 2025. Photo©Franck.Unimon

Un essoufflement en montant quelques marches dans le mĂ©tro alors que je me rendais au pot de dĂ©part de Zara, une amie et ancienne collĂšgue de nuit. 

Un essoufflement anormal en effectuant des efforts de la vie quotidienne. Pour monter les marches des escaliers pour rentrer à mon domicile au quatriÚme étage sans ascenseur ; monter les marches en prenant le métro ; une douleur persistante, un peu comme un coup de poignard, à droite de mes cÎtes.

Il m’est arrivĂ© de remonter l’équivalent de quarante Ă  cinquante kilos de courses ou plus chez moi et je n’avais jamais ressenti ça.

Ni cette sensation d’avoir perdu- d’ĂȘtre privĂ©- d’à peu prĂšs la moitiĂ© de mon amplitude et de mon aisance respiratoire habituelle.

Du cÎté de Loctudy, Mai 2025, avec le Subaquaclub de Colombes.

Je pratique l’apnĂ©e depuis quelques annĂ©es et je suis assez sportif depuis l’adolescence. Un sportif sait ĂȘtre un minimum attentif Ă  son souffle ainsi qu’à « l’état Â» de certaines de ses capacitĂ©s physiologiques.

 

Chez le médecin

 

Si je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, je n’avais pas Ă©tĂ© particuliĂšrement angoissĂ© malgrĂ© mon progressif affaiblissement physique. Les trois ou quatre mĂ©decins consultĂ©s en deux semaines avaient Ă©tĂ© encore moins angoissĂ©s que moi :

La premiĂšre, consultĂ©e Ă  la maison mĂ©dicale hospitaliĂšre de ma ville deux Ă  trois jours aprĂšs le dĂ©but des symptĂŽmes, avait suggĂ©rĂ© que j’étais peut-ĂȘtre stressĂ© ou angoissĂ©.

Exposition Chiharu Shiota au Grand Palais, Paris. Photo©Franck.Unimon

Le deuxiĂšme mĂ©decin, consultĂ© dans un centre mĂ©dical Cosem Ă  Paris, que j’avais rencontrĂ© deux fois Ă  quelques jours d’intervalle m’avait dĂ©clarĂ©- aprĂšs avoir regardĂ© la radio pulmonaire qu’il m’avait demandĂ© de faire- que j’avais sĂ»rement une bronchiolite:

« Il n’y a que ça en ce moment ! ».

Je n’avais pas d’antĂ©cĂ©dents de bronchiolite ou de crise d’asthme mais j’avais nĂ©anmoins commencĂ© Ă  prendre le bronchodilatateur qu’il m’avait prescrit. En Ă©tant quelque peu dubitatif.

Faire des recherches sur internet :

Faire des recherches sur internet n’avait servi Ă  rien. A part pour trouver des rĂ©ponses diffĂ©rentes et contradictoires et, bien-sĂ»r, des mĂ©tastases de rĂ©ponses de plus en plus repoussantes.

Ce que j’Ă©cris ici est un tĂ©moignage. Je peux avoir oubliĂ© des dĂ©tails ou certaines informations mais j’ai un dossier mĂ©dical.

Et quelques personnes ( des proches voire des anciens collĂšgues)  pourront attester un minimum de ce que je raconte. Internet n’atteste de rien. Il est mĂȘme courant, sur internet, que les auteurs d’un article Ă  contenu mĂ©dical prĂ©viennent que ce qu’ils Ă©crivent ne dispense pas de prendre avis auprĂšs d’un professionnel de la santĂ© agréé et que leur article ne remplace pas l’avis d’un professionnel de la santĂ© que l’on part consulter. 

Une des rĂ©ponses que j’avais dĂ©nichĂ©e sur internet me suggĂ©rait que j’avais peut-ĂȘtre un cancer.  Les recherches sur internet peuvent peut-ĂȘtre aiguiller lorsque l’on sait prĂ©cisĂ©ment ce que l’on cherche. Voire, elles peuvent confirmer ce que l’on a dĂ©jĂ  trouvĂ© ou compris ou conclu. (Les examens mĂ©dicaux faits depuis le diagnostic et le traitement de mon embolie pulmonaire n’ont retrouvĂ© Ă  ce jour  aucun cancer dans mon organisme).

Gare de Paris St Lazare, Paris. Mai ou juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Epanchement pleural

Fin novembre 2023, deux bonnes semaines aprĂšs le dĂ©but de l’histoire de mon embolie pulmonaire, et aprĂšs ĂȘtre dĂ©jĂ  allĂ© consulter des mĂ©decins Ă  trois reprises,  sur la suggestion de Florence-Jennifer, une de mes collĂšgues de nuit d’alors, je m’étais fait ausculter par la mĂ©decin de garde pendant ma nuit de travail Ă  l’IPPP. Quelques heures plus tĂŽt, avant de revenir travailler de nuit avec elle et d’autres collĂšgues, j’avais appelĂ© Florence-Jennifer, cette collĂšgue infirmiĂšre de l’IPPP, pour la prĂ©venir de mon Ă©tat de mĂ©forme. Un Ă©tat de mĂ©forme qui durait depuis deux bonnes semaines donc et qui s’accentuait. Je ne venais plus au travail Ă  vĂ©lo depuis plusieurs jours. Je marchais au ralenti dans le mĂ©tro. J’étais fatiguĂ©. J’Ă©tais rapidement et constamment essoufflĂ©.

A l’IPPP, La mĂ©decin de garde m’avait auscultĂ© et avait entendu « un Ă©panchement pleural Â» au stĂ©thoscope. Puis, en souriant, elle avait ajoutĂ© :

« Je pense que, ce soir, on ne te demandera pas de travailler Â».

«Un Ă©panchement pleural Â», cela ne m’évoquait rien de particulier Ă  part le fait que c’était un « Ă©panchement pleural Â». Mais c’était dĂ©jĂ  quelque chose. C’était donc ça qui m’épuisait et me faisait mal comme ça ?!

Ligne 14 du métro, Paris, Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Florence-Jennifer, ma collĂšgue infirmiĂšre de nuit donc, avait demandĂ© Ă  notre collĂšgue ADS (adjoint de sĂ©curitĂ©) de m’emmener aux urgences de l’hĂŽpital le plus proche. Des urgences qu’elle avait prĂ©venues au prĂ©alable par tĂ©lĂ©phone de mon arrivĂ©e. Florence-Jennifer, toujours, m’avait dit de demander Ă  notre mĂ©decin de garde de me faire un courrier Ă  destination du mĂ©decin des urgences. Merci, Florence-Jennifer. Quand tu veux, tu peux. 

Aux urgences

Le jeune collĂšgue ADS m’avait dĂ©posĂ© Ă  environ une vingtaine de mĂštres de l’entrĂ©e des urgences. Puis, il Ă©tait reparti :

Pour nous rendre en voiture jusqu’au parking rĂ©servĂ© aux vĂ©hicules d’urgences, il lui aurait fallu faire des dĂ©tours. Car cette nuit-lĂ , la route Ă©tait barrĂ©e. Et, lui, il avait sans doute eu une grosse journĂ©e de travail. Il devait ĂȘtre prĂšs de 23 heures. Il aurait dĂ» terminer sa journĂ©e de travail Ă  19h ou 20 heures.  

J’avais parcouru les quelques mĂštres  Ă  pied, seul dans la rue, jusqu’à l’accueil des urgences. Tout Ă©tait tranquille. Pas de panique. 

Puis, aprĂšs m’ĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă  l’accueil, je m’étais assis sur une chaise et m’étais adossĂ© Ă  une colonne. Et je m’étais rapidement endormi dans la salle d’attente plutĂŽt calme pour un samedi soir. Je dormais trĂšs trĂšs bien. 

La Pointe des Chùteaux, Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A peu prĂšs une demi-heure plus tard, j’avais Ă©tĂ© reçu dans un box. J’avais rĂ©expliquĂ© Ă  la femme mĂ©decin des urgences :

« Un effort anormal pour des efforts de la vie quotidienne, une douleur, là
. Â».

Une médecin que je voyais impliquée, travailleuse.

On m’avait Ă©coutĂ©. On m’avait pris mes constantes, fait un bilan sanguin, fait un ECG. J’étais restĂ© allongĂ© sur le brancard dans le box quelques heures. Puis, en fin de nuit, on m’avait orientĂ© vers une autre partie des urgences oĂč j’avais attendu un peu dans une autre salle d’attente. Puis, nouveau box, nouveau brancard.

Vers 7 ou 8 heures du matin, petit-dĂ©jeuner.  Une soignante qui commençait sa journĂ©e m’avait appris que je restais afin que l’on puisse ponctionner mon Ă©panchement pleural. Elle avait Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©e d’ĂȘtre celle qui me l’apprenait. 

Ensuite, direction un service d’hospitalisation dans ce mĂȘme hĂŽpital oĂč j’avais Ă©tĂ© accompagnĂ© aux urgences.

Je n’étais pas emballĂ© par une ponction pleurale. Je n’en n’avais jamais eue. Mais, pour moi, cela faisait plutĂŽt mal.

Photo©Franck.Unimon

A la recherche de l’épanchement pleural

Une jeune mĂ©decin, sans doute interne, Ă©tait arrivĂ©e pour me faire une Ă©chographie pleurale. Pour savoir oĂč ponctionner. Mais elle ne parvenait pas Ă  bien voir l’épanchement pleural. Alors, elle m’avait envoyĂ© passer un scanner ou une IRM.

Lorsque l’interne Ă©tait venue m’annoncer le rĂ©sultat de l’examen dans la chambre d’hĂŽpital oĂč j’étais retournĂ© entre-temps, dans son regard, j’avais changĂ© de catĂ©gorie.

Depuis l’Arc de Triomphe, Paris, fin 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce fut peut-ĂȘtre l’une des seules fois de ma vie oĂč je devins une espĂšce de VIP. Et cela Ă©tait dĂ» au degrĂ© d’inquiĂ©tude que suscitait dĂ©sormais mon Ă©tat de santĂ©.

Elle Ă©tait restĂ©e calme en m’apprenant que je faisais « une embolie pulmonaire » et en m’informant des prĂ©cautions d’usage. Mais c’était parce qu’elle se maitrisait. Mon sentiment de surprise contrastait avec, sĂ»rement, le scĂ©nario catastrophe qui Ă©tait en train de s’ériger dans sa tĂȘte. Je me souviens lui avoir dit, assis sur le rebord du lit face Ă  elle :

«Une embolie pulmonaire ? Vraiment, je suis Ă©patĂ© ! Â».

Je n’ai jamais envisagĂ© qu’un jour, je puisse faire une embolie pulmonaire. Et je n’ai pas davantage entrevu que je pourrais y passer malgrĂ© mon Ă©puisement physique de plus en plus affirmĂ©.

Sauf que, jusque lĂ , je ne trouvais pas la porte d’entrĂ©e ou de sortie du bon diagnostic. Et en entendant parler « d’embolie pulmonaire », j’avais compris que, cette fois, on tenait la vĂ©ritable identitĂ© de mes ennuis de santĂ©.

La Pointe des Chùteaux, Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Transporté comme une bombe à neutrons

On m’avait transportĂ© en lit roulant jusqu’à un autre service. Avec autant de prĂ©cautions que possible.  Et une certaine fĂ©brilitĂ©. Comme si j’étais une bombe Ă  neutrons pouvant exploser Ă  n’importe quel moment.

On m’avait injectĂ© un anticoagulant Ă  dose curative en m’informant que j’aurais d’autres injections. Deux par jour. On m’avait posĂ© une perfusion. Je devais rester allongĂ©, en position demi-allongĂ©e. DĂ©sormais, j’urinerais dans un « pistolet Â» sans quitter mon lit.

Je resterais à l’hîpital.

La vue, la nuit, depuis ma chambre, Ă  l’hĂŽpital, fin novembre 2023. Un endroit qui fait rĂȘver. Photo©Franck.Unimon

Une hospitalisation courte et un Ă©tat d’ahurissement

L’hospitalisation fut courte. Et cela me surprit beaucoup. Durant ces trois jours, j’eus de la visite de plusieurs de mes proches, particuliùrement inquiets. Et de Florence-Jennifer, ma collùgue infirmiùre de l’IPPP.

Ma fille, Ă  peine dix ans, fut peut- ĂȘtre l’une des personnes les plus touchĂ©es surtout qu’elle Ă©tait en train d’arriver dans le service avec sa mĂšre, ma compagne, alors que du personnel exclusivement fĂ©minin Ă©tait en train de me changer de service en dĂ©plaçant mon lit comme si j’Ă©tais  la bombe Ă  neutrons. 

Mon Ă©tat d’épuisement avancĂ© explique peut-ĂȘtre cette espĂšce d’état de somnolence lors des visites que je reçus. Je me souviens des personnes. De leur visage. Du fait que l’on s’est parlĂ©. De mon ahurissement devant ce qui m’était arrivĂ©. Mais je dois aussi faire un certain effort pour bien me rappeler d’eux. Ma mĂ©moire de ces trois jours me revient moins spontanĂ©ment que pour d’autres circonstances.

Fin novembre 2023, Ă  l’hĂŽpital. On m’avait autorisĂ© Ă  me lever de nouveau.

Sortie d’hîpital

Je sortis aprĂšs trois jours d’anticoagulants par injection Ă  des doses curatives et une prescription d’anticoagulant oral, l’Eliquis, Ă  prendre deux fois par jour. Je fus en arrĂȘt de travail jusqu’à mon dĂ©part de l’IPPP car, deux ou trois mois avant de faire cette embolie pulmonaire, j’avais demandĂ© et obtenu ma mutation pour partir travailler dans un nouvel Ă©tablissement oĂč j’exerce maintenant depuis un an et demi sans avoir connu de problĂšme de santĂ©. Bien-sĂ»r, la mĂ©decine du travail de mon nouvel employeur avait Ă©tĂ© informĂ©e avant mon embauche. 

La colĂšre

Tu piges ?!, une de mes amies et ancienne collĂšgue infirmiĂšre, m’a fait comprendre par la suite qu’à ma place, elle aurait Ă©tĂ© en colĂšre. Et qu’elle serait par exemple retournĂ©e voir au centre Cosem, ce deuxiĂšme mĂ©decin qui m’avait vu Ă  deux reprises en moins de cinq minutes, sans jamais m’ausculter, et qui m’avait diagnostiquĂ© une bronchiolite.

Je ne peux pas donner tort Ă  Tu Piges ?!. Et, je comprendrais que quelqu’un d’autre Ă  ma place fasse ce genre de dĂ©marche. Mais j’avais d’autres prioritĂ©s. D’abord, celle de bien me faire soigner et de faire le nĂ©cessaire pour cela. Donc, de m’Ă©conomiser d’autant que, par ailleurs, ma vie continuait et elle ne rĂ©sumait pas Ă  aller mieux et repartir travailler. 

Pratiquer la médecine

Et, puis, ce qui m’a beaucoup marquĂ© dans cet itinĂ©raire mĂ©dical, c’est principalement l’absence de rĂ©flexion intellectuelle, d’ouverture d’esprit et de curiositĂ© des mĂ©decins consultĂ©s malgrĂ© leur nombre d’annĂ©es d’études supĂ©rieures.

Le nombre d’annĂ©es d’études, vĂ©ritablement, n’est pas un gage absolu.

Je n’ai jamais aspirĂ© Ă  devenir mĂ©decin. Mais j’ai Ă©tĂ© amenĂ© et je suis amenĂ© Ă  en rencontrer un certain nombre soit comme patient soit comme professionnel de la santĂ©.

Lorsque j’avais discutĂ© plus tard avec le mĂ©decin du sport qu’il m’arrive de consulter ou avec celui qui Ă©tait encore mon mĂ©decin traitant avant son dĂ©part Ă  la retraite, tous deux s’étaient montrĂ©s plutĂŽt ironiques envers leurs confrĂšres mĂ©decins consultĂ©s qui n’avaient pas fait le bon diagnostic. Sauf que lorsque je leur avais parlĂ© de cette mĂ©saventure, le diagnostic avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© trouvĂ©. J’Ă©tais sorti de l’hĂŽpital et j’Ă©tais « sous » Eliquis. 

Je sais que des mĂ©decins auraient rapidement fait le bon diagnostic ou « suspectĂ© » une embolie pulmonaire et donc orientĂ© leurs recherches dans ce sens. Mais je sais aussi que les mĂ©decins peuvent aussi avoir des relations trĂšs conflictuelles entre eux et se dĂ©nigrer les uns, les autres, avec une violence ou une dĂ©testation dont le public n’a pas idĂ©e. En cela, les mĂ©decins sont trĂšs semblables aux femmes et aux hommes politiques ou Ă  certains sportifs de haut niveau qui sont en compĂ©tition. Le thrash talk, les coups de pute, les dĂ©lations mutilaloires ou les phrases gorgĂ©es de poison Ă  la Game of Thrones sont des prescriptions que certains mĂ©decins savent parfaitement dĂ©livrer Ă  destination de certains de leurs confrĂšres et consoeurs.

Et la mĂ©decine, en tant que telle, est une trĂšs vaste discipline. Je crois que c’est le mĂ©decin du sport- ou mon thĂ©rapeute- qui me l’a rappelĂ©. Il y a tellement de maladies, de symptĂŽmes, de façons de dĂ©cliner ou « d’exprimer » un mĂȘme symptĂŽme selon l’ñge, le sexe, la culture et le contexte ou l’environnement du patient. Il  peut exister tellement de variantes personnelles entre deux patients.

Certains diagnostics sont Ă©vidents aussi parce-que l’on se spĂ©cialise dans une discipline donnĂ©e et que l’on s’y « connait Â» un peu ou beaucoup dans cette discipline ou que l’on a entendu parler de tel cas. Ou parce-que que l’on peut demander conseil Ă  une collĂšgue ou un collĂšgue plus expĂ©rimentĂ© ou suffisamment expĂ©rimentĂ© qui peut nous faire des suggestions.

Loctudy, Mai 2025, avec le Subaquaclub de Colombes. Photo©Franck.Unimon

Mais lorsque l’on est « seul Â» face Ă  un patient, et, surtout, face Ă  ses symptĂŽmes et, peut-ĂȘtre aussi face Ă  son comportement et Ă  son « profil Â», il peut nous arriver de passer Ă  cĂŽtĂ© du bon diagnostic :

Parce-que l’on a rencontrĂ© peu de fois ce genre de situations. Parce-que cette situation ou ce profil de patient est dit « atypique». Parce-que l’on voit beaucoup de patients diffĂ©rents, et que l’on reçoit beaucoup d’informations Ă  chaque fois. Et, aussi, parce-que, par moments ou souvent, on fait de l’abattage ou on est Ă  cĂŽtĂ© de la plaque pour diverses raisons.

On travaille peut-ĂȘtre mĂ©caniquement. Par habitude. Sans trop s’interroger. Ou en pensant Ă  autre chose. Surtout si le patient ou la patiente est calme, coopĂ©rante voire se fait oublier. Ou se plaint trop ou souvent. 

Exposition Chiharu Shiota, au Grand Palais, Paris. Photo©Franck.Unimon

Des Médecins devant un tableau

Dans ma situation, ce qui me marque, d’abord, c’est que, plusieurs mĂ©decins sont passĂ©s devant le tableau. Le tableau, c’est moi. Et devant le tableau, tous ne peuvent pas avoir pour explication ou excuse le fait d’avoir Ă©tĂ© dans l’urgence ou d’avoir eu beaucoup de difficultĂ©s pour m’examiner car j’aurais Ă©tĂ© trĂšs agitĂ©, non-coopĂ©rant ou mutique.

A chaque consultation mĂ©dicale, j’avais Ă©tĂ© calme, j’avais parlĂ©, j’avais coopĂ©rĂ© et j’avais dĂ©crit. Sans dĂ©verser des litres de voyelles et de consonnes comme je peux le faire dans cet article. 

Ensuite, mĂȘme lorsque la piste de l’épanchement pleural a Ă©tĂ© trouvĂ©e par une femme mĂ©decin qui se destine Ă  travailler en psychiatrie, il n’y a pas eu d’interrogation derriĂšre. On s’est contentĂ© de regarder « Ă©panchement pleural » sur le tableau et de suivre.

La femme mĂ©decin des urgences, aussi professionnelle, travailleuse et compĂ©tente soit-elle par exemple, ne s’est pas demandĂ©e suffisamment ce qui avait pu provoquer cet Ă©panchement pleural. Si elle m’a Ă©coutĂ©, et je crois vraiment qu’elle a pris le temps de m’écouter, mon « profil » cadrait si peu avec le profil des personnes qui font une embolie pulmonaire qu’elle n’y a pas pensĂ©. Et l’interne de mĂ©decine derriĂšre, le lendemain matin, a continuĂ© de suivre la mĂȘme logique sans trop s’interroger non plus. Peut-ĂȘtre parce-qu’elle n’Ă©tait « que » interne et que ce n’Ă©tait pas Ă   » une petite interne » de remettre en question les conclusions Ă©mises par la collĂšgue mĂ©decin des urgences vraisemblablement plus expĂ©rimentĂ©e qu’elle ne l’Ă©tait. 

Il a nĂ©anmoins fallu que cette mĂȘme interne se trouve devant son incapacitĂ© technique et/ou personnelle Ă  localiser mon Ă©panchement pleural et que l’hĂŽpital oĂč nous nous trouvions dispose d’un scanner ou d’une IRM pour que, enfin, on dĂ©couvre que je faisais une embolie pulmonaire et que celle-ci Ă©tait dĂ©jĂ  magnifique ou «trĂšs caractĂ©risĂ©e ».

Deux tasses Hagi Ware, du Sencha, un shiboridashi, un plateau. Photo©Franck.Unimon

L’impossibilitĂ© de l’action oblige Ă  chercher

Sans scanner ou IRM et sans cette impossibilitĂ© pour cette interne de faire son travail, c’est Ă  dire rĂ©aliser son geste technique, la ponction pleurale, je serais peut-ĂȘtre reparti ensuite chez moi ponctionnĂ© de mon Ă©panchement pleural mais en ayant toujours mon embolie pulmonaire suspendue Ă  mes crochets.

Je suis marquĂ© par cette absence de pensĂ©e ou de rĂ©flexion personnelle qui peut sĂ©vir Ă  hautes doses chez des gens mais aussi chez des soignants :

Dans toutes ces disciplines mĂ©dicales ou autres ou des divisions de soignants, de l’aide-soignant au mĂ©decin, se donnent, et sauvent des gens, sauvent des vies et en soignent par millions depuis des gĂ©nĂ©rations.

Photo©Franck.Unimon

DĂ©serter le monde des non-ĂȘtres et des non-dits

C’est parce-que l’on attendait trop de nous d’ĂȘtre des non-ĂȘtres, d’ĂȘtre des agents aussi dociles et disponibles que des ustensiles, que j’ai bifurquĂ© vers la psychiatrie trois ans aprĂšs l’obtention de mon diplĂŽme d’Etat d’infirmier. C’Ă©tait il y a plus de trente ans.

Il y a des professionnels qui pensent dans les soins gĂ©nĂ©raux, dans les services de mĂ©decine et autres. Malheureusement, durant mes Ă©tudes d’infirmier et lors de mes premiĂšres annĂ©es de pratique dans les hĂŽpitaux et les cliniques, j’ai peu eu accĂšs Ă  eux. Et, vu ma petite histoire vĂ©cue avec mon embolie pulmonaire, il va ĂȘtre difficile de me convaincre que les mĂ©decins que j’ai rencontrĂ©s ont une capacitĂ© de rĂ©flexion personnelle trĂšs poussĂ©e.

De son cĂŽtĂ©, la psychiatrie n’est pas si belle. Elle a mauvaise presse. C’est Ă  la fois lĂ  oĂč partent travailler les personnels infirmiers fainĂ©ants et ratĂ©s, les charlatans, celles et ceux qui ne savent pas rĂ©aliser des gestes techniques et qui passent leur temps Ă  discuter ou Ă  boire du cafĂ©.

Il est vrai que cela fait des annĂ©es que je n’ai pas fait de prise de sang ou eu Ă  poser une perfusion.

Mais la psychiatrie est aussi l’endroit oĂč se trouvent des patients dangereux ou trĂšs bizarres qu’il faudrait dĂ©barrasser de leurs perversions; qu’il faudrait dĂ©capiter, fusiller, castrer ou incarcĂ©rer Ă  vie. C’est aussi en psychiatrie que se trouvent des soignants sadiques et maltraitants qui privent des ĂȘtres humains de leurs libertĂ©s les plus simples et les plus fondamentales. Je relate ici ce que certains comprennent ou prĂ©fĂšrent croire Ă  propos de la psychiatrie qui ne servirait Ă  rien. A part ĂȘtre une sorte d’ambassade qui accorderait une immunitĂ© diplomatique Ă  toutes sortes de dĂ©viants, patients comme professionnels, tandis que, bien Ă©videmment, tous les gens bien, trĂšs frĂ©quentables, respectueux et irrĂ©prochables se trouveraient eux hors des murs et des services de consultation de psychiatrie.

Se faire domestiquer et museler

Et puis, la psychiatrie, dans son ensemble, comme la mĂ©decine et toutes ses spĂ©cialitĂ©s, s’est aussi faite domestiquer par la semence  de l’abattage, de la dĂ©forestation intellectuelle et de la maitrise technologique, comptable et administrative.

Pour ne pas parler de maitrise décorative ou maitrise bling-bling.

En psychiatrie, aujourd’hui, un bon infirmier, c’est d’abord un infirmier qui sait allumer l’ordinateur du service, y entrer ses codes d’accĂšs personnels afin d’y trouver le dossier du patient et les informations confidentielles qu’il comporte et qui sait faire de la bonne saisie informatique pour y entrer des paramĂštres de surveillance, pour bien montrer qu’il a bien pris les constantes, bien distribuĂ© les mĂ©dicaments, qu’il Ă©tait bien prĂ©sent Ă  l’entretien, qu’il a fait telle activitĂ© avec tel patient.

Il faut faire. Et il faut montrer que l’on fait ou que l’on a fait. Cela ressemble un peu Ă  une comĂ©die ou Ă  du fayotage. MĂȘme si je sais que beaucoup d’infirmiers sont sincĂšres et vĂ©ritablement impliquĂ©s dans leur travail. 

La grosse boule blanche

La psychiatrie, comme dans la sĂ©rie Le Prisonnier, s’est aussi faite rattraper par la grosse boule blanche. Et, il faut dĂ©sormais se contorsionner et bien choisir les services de psychiatrie oĂč l’on part travailler, ainsi que nos collĂšgues, si l’on veut pouvoir prĂ©server un peu de notre horizon mental, intellectuel et personnel sans que celui-ci soit constamment zappĂ© par des injonctions institutionnelles diverses qui pratiquent la destruction de pensĂ©e et estiment faire leur travail.

Je me dis aujourd’hui que la destruction de la pensĂ©e a quelque chose Ă  voir aussi avec la destruction totalitaire du passĂ© un peu comme en Chine sous Mao ou dans n’importe quel pays oĂč l’intĂ©grisme s’est installĂ© et oĂč tout ce qui a existĂ© au prĂ©alable est soit pourchassĂ© soit idĂ©alisĂ©. Il n’y a pas de nuance. Il n’existe pas d’entre deux. Pas ou peu de mise en perspective en fonction du contexte. Soit c’Ă©tait parfait avant, soit tout le passĂ© est dĂ©suet. 

Le pneumologue et la boule blanche

Le pneumologue qui me suit peut-ĂȘtre un peu telle la boule blanche dans la sĂ©rie Le Prisonnier n’aborde pas ce genre de sujet avec moi. Mais sans doute que, moi, en tant que patient et « professionnel » de la santĂ©, je pense aussi Ă  ça lorsque je le regarde, l’Ă©coute.  Et lorsque je croise d’autres « confrĂšres » qu’ils soient mĂ©decins ou autres. Ils pensent symptĂŽme, diagnostic et traitement. Je pense aussi Ă  ce qu’il y a autour. Mais peut-ĂȘtre aussi que nos doutes passent par des routes diffĂ©rentes.

Depuis l’Arc de Triomphe, fin 2024. Photo©Franck.Unimon

C’est « bien » de me dire que j’ai fait une (grave) embolie pulmonaire. Et d’ajouter, comme il l’a fait hier, que les mĂ©decins que j’ai consultĂ©s ne sont pour rien dans le fait que j’ai dĂ©veloppĂ© une embolie pulmonaire.  Mais c’est bien, aussi, de (lui) rappeler que durant deux semaines, nos confrĂšres mĂ©decins consultĂ©s sont passĂ©s Ă  cĂŽtĂ© du diagnostic. Et si je me permets devant lui qui est mĂ©decin, alors que je ne suis qu’infirmier, de dire « nos confrĂšres mĂ©decins », c’est par volontĂ© de rester diplomate. Mais aussi parce-que mon expĂ©rience dans le milieu de la santĂ© me fait relativiser cette aura de toute puissance et d’omniscience Ă  laquelle un certain nombre de mĂ©decins, femmes comme hommes, est abonnĂ©e. Ce qui leur permet aussi de passer rapidement sur certains de leurs ratĂ©s professionnels ou personnels.

Je l’ai dit encore rĂ©cemment Ă  Hagi Ware, une de mes collĂšgues mĂ©decins que j’aime bien et celle-ci en a plutĂŽt convenu :

Un certain nombre de personnes deviennent mĂ©decins ou « font mĂ©decine » plutĂŽt pour accĂ©der Ă  un certain prestige. Leurs motivations humanistes sont secondaires ou dĂ©risoires. Ils peuvent ĂȘtre (trĂšs) compĂ©tents en tant que mĂ©decins et, par ailleurs, ĂȘtre humainement dĂ©lĂ©tĂšres. Peut-ĂȘtre que les mĂ©decins que j’ai consultĂ©s Ă©taient-ils tous plutĂŽt humanistes. Hormis peut-ĂȘtre celui qui m’a vu moins de cinq minutes Ă  chaque fois sans jamais m’ausculter. 

J’ai du mal Ă  savoir si le pneumologue que je vois est humaniste. Il s’y essaie en tout cas.  

J’aurais dĂ» le revoir un mois plus tĂŽt.  Au dĂ©but du mois de juin.

Mais la secrĂ©taire m’avait contactĂ© pour dĂ©caler notre rendez-vous Ă  hier. Dans son message par tĂ©lĂ©phone et par mail, la secrĂ©taire m’informait de la nouvelle date de rendez-vous et du nouvel horaire. A moi de m’y faire ou de rappeler pour demander une autre date et un autre horaire. J’ai eu de la chance.

Paris, 13Úme arrondissement. Photo©Franck.Unimon

Mon planning, qui n’est pas fixe, et que je dĂ©couvre entre le milieu et la fin de chaque mois pour le mois suivant, s’accordait bien avec cette nouvelle date de rendez-vous avec le pneumologue.

Pourtant, hier, j’ai failli rater mon rendez-vous avec le pneumologue. Car je m’étais d’abord trompĂ© d’horaire. J’ai failli arriver avec une heure et demie de retard. Si je l’avais ratĂ©, j’aurais peut-ĂȘtre dĂ» prendre un autre rendez-vous. Et continuer de prendre de l’Eliquis.

Humaniste ou alambiquĂ© ?

Depuis le dĂ©but, je trouve que le pneumologue fait des phrases alambiquĂ©es pour me dire les choses. Je le crois compĂ©tent et dĂ©sireux de bien faire comme de bien formuler les choses. Mais c’est alambiquĂ© :

« Je ne peux pas vous dire si vous faites partie des 20% qui peuvent refaire une embolie pulmonaire ou des 80% qui n’en referont pas Â». « Aujourd’hui, tous les rĂ©sultats de vos examens m’indiquent que nous pourrions arrĂȘter l’Eliquis. Les rĂ©sultats de votre derniĂšre Ă©preuve d’effort sont mĂȘme meilleurs que ceux de l’annĂ©e derniĂšre et sont trĂšs bons. Il n’y a plus, aujourd’hui, de sĂ©quelles de votre embolie pulmonaire. Mais c’est une discussion que nous avons Ă  deux. Si vous me dites que vous prĂ©fĂ©rez continuer l’Eliquis pour Ă©viter de refaire une embolie pulmonaire, je le comprendrais. Si vous continuez, je n’aurais pas de raison ensuite pour arrĂȘter de vous en prescrire. Donc, vous aurez de l’Eliquis pour un moment
(note de la rĂ©daction moment = Ă  vie) ».

Ce que je vis avec ce pneumologue me semble trĂšs typique :

Pendant des semaines, j’ai consultĂ© des mĂ©decins qui ne sont pas beaucoup inquiĂ©tĂ©s de mon Ă©tat de santĂ©. Et, dĂ©sormais, parce-que, dans mon fichier mĂ©dical, il est spĂ©cifiĂ© que j’ai fait une embolie pulmonaire, un jour, tout ou beaucoup de ma santĂ© mĂ©dicale mais aussi de mon avenir personnel semblent dĂ©sormais dĂ©pendre de cet Ă©vĂ©nement. Il faudrait presque que je pense en permanence Ă  cette embolie pulmonaire. Voire peut-ĂȘtre que j’expie jusqu’à ma mort pour ma faute qui consiste Ă  avoir fait une embolie pulmonaire.

D’un cĂŽtĂ©, lorsque je l’ai faite et qu’elle a Ă©tĂ© diagnostiquĂ©e, le discours mĂ©dical a consistĂ© Ă  chercher Ă  me convaincre que ce qui m’arrivait Ă©tait bien connu et donc que l’on savait comment s’y prendre avec. Maintenant que mon embolie pulmonaire a disparu et que j’ai bien ou trĂšs bien rĂ©cupĂ©rĂ©, ce qui a Ă©tĂ© attestĂ© par divers instruments de mesure mĂ©dicaux auxquels je me suis appliquĂ© Ă  me conformer, il faudrait presque que je m’inquiĂšte davantage.

Mai ou Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

La science et l’ignorance des avions de chasse

Peut-ĂȘtre parce-que le pneumologue ignore la cause de mon embolie pulmonaire. Celle-ci reste un mystĂšre. S’il avait rapidement Ă©liminĂ© comme cause possible, le fait que j’aie attrapĂ© le Covid deux mois avant de la faire, Ă  aucun moment, il n’a mentionnĂ© le fait que la vaccination anti-Covid pourrait ou pouvait, chez certaines personnes, provoquer, peut-ĂȘtre, dans certaines circonstances, une embolie pulmonaire. Hier, je n’ai mĂȘme pas pensĂ© Ă  lui en parler. Il existe un tel interdit de la pensĂ©e Ă  ce sujet. Aller dans cette direction, c’est comme ĂȘtre le diable qui tenterait un homme de foi scientifique. C’est comme ĂȘtre un homo qui essaierait de dĂ©tourner un hĂ©tĂ©ro du droit chemin. Et ce n’est sĂ»rement pas lui, mĂ©decin de formation et de profession, qui peut prendre l’initiative de ce genre de doute ou de rĂ©flexion personnelle. On frĂŽlerait l’hĂ©rĂ©sie. La dĂ©chĂ©ance Ă©thique. 

Lors de la pandĂ©mie du Covid, il y a eu une diffĂ©rence trĂšs nette entre l’adhĂ©sion des mĂ©decins, quasiment unanime en faveur des vaccins anti-Covid, et la dĂ©fiance des personnels infirmiers par exemple envers les vaccins anti-Covid. J’ai maintenant oubliĂ© les pourcentages et mes sources, mais autant on avait plus de 90 pour cent des mĂ©decins qui Ă©taient favorables aux vaccins anti-Covid, autant, du cĂŽtĂ© des infirmiers, on Ă©tait, je crois, plutĂŽt dans les 50 pour cent d’adhĂ©sion Ă  la lĂ©gitimitĂ© de ces vaccins anti-Covid. 

Pour certains collĂšgues mĂ©decins avec lesquels il m’est arrivĂ© d’en parler un peu « aprĂšs » la pandĂ©mie du Covid, seuls l’obscurantisme, l’ignorance et l’imbĂ©cilitĂ© peuvent expliquer la dĂ©fiance qui a pu exister Ă  l’encontre des vaccins anti-Covid.

Lors de la pandĂ©mie du Covid, j’avais croisĂ© deux mĂ©decins, qui ne se sont pas faits vacciner. Ils exercent en libĂ©ral et j’avais commencĂ© Ă  les consulter avant l’obligation vaccinale.

J’en avais un peu discutĂ© avec eux. Une femme, un homme.

L’ une et l’autre m’avait donnĂ© leurs arguments. Ce sont des mĂ©decins qui exercent toujours dans des quartiers de Paris plutĂŽt bien rĂ©fĂ©rencĂ©s et qui, lorsque je les avais consultĂ©s, m’ont toujours donnĂ© le sentiment de s’y connaĂźtre en mĂ©decine. J’Ă©vite Ă©videmment de donner plus d’indices pour prĂ©server autant que possible leur anonymat. Ils passeront et sont sĂ»rement passĂ©s pour de dangereux irresponsables et pour des professionnels indignes de la profession mĂ©dicale.  

Car il y a, je trouve, chez un bon nombre de nos collĂšgues mĂ©decins vis-Ă -vis de la question des vaccins anti-Covid, un mĂ©lange de conviction sincĂšre et inĂ©branlable dans les bienfaits de la science, et, ici, des bienfaits des vaccins anti-Covid. Mais il y a aussi, chez un certain nombre d’entre eux, ce sentiment fĂ©roce, voire impitoyable, d’appartenir Ă  une Ă©lite qui pense toujours ou souvent beaucoup mieux, beaucoup plus vite et beaucoup plus haut que la masse de pĂ©quenauds ou de dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s qui se cramponne frĂ©nĂ©tiquement ou dĂ©sespĂ©rĂ©ment, pour ne pas dire avidement, et toujours de maniĂšre rĂ©flexe, Ă  des superstitions et Ă  des conneries aussi manifestes que supersoniques.

Il peut y avoir chez les mĂ©decins la mĂȘme certitude que pouvait avoir le colon, religieux ou non,  lorsqu’il apportait la civilisation aux peuples et aux populations forcĂ©ment attardĂ©es et reculĂ©es qui rĂ©sistaient et qui s’accrochaient Ă  leurs gris-gris malgrĂ© leur faible bĂ©nĂ©fice thĂ©rapeutique.  

Les mĂ©decins sont Ă  la pensĂ©e et au Savoir ce que les pilotes de ligne ( ou voire les astronautes) peuvent ĂȘtre Ă  l’aviation. Des avions de chasse. Des explorateurs de l’univers et des couches supĂ©rieures de l’intelligence. Et tous les autres, tout en bas, sont tolĂ©rĂ©s tant qu’ils restent sympas, nous font le cafĂ©, nous obĂ©issent et nous admirent. Ou sont mĂ©prisĂ©s et ignorĂ©s.

Tout scientifique qu’est le pneumologue qui me suit, Ă  ce jour, il n’a aucune explication rationnelle pour « justifier Â» mon embolie pulmonaire. Et cela fait maintenant un an et demi qu’il me suit et m’étudie. Il a donc eu toute latitude, au grĂ© de divers examens et de plusieurs observations pour trouver la cause de cette embolie pulmonaire.

Photo©Franck.Unimon

Sortir de certains standards de pensée

Je ne crois pas qu’à sa place une ou un autre pneumologue puisse faire « mieux Â» ou plus que lui en termes de recherche scientifique ou d’examens. Sauf si cette professionnelle ou ce professionnel est capable de penser par elle-mĂȘme ou par lui-mĂȘme et se permet de sortir de certains standards de la pensĂ©e comme on peut se sortir de certains guĂȘpiers.

A mon avis, d’autres hommes aussi jeunes que moi, et en aussi bonne santĂ© que moi, ont fait ou feront des embolies pulmonaires dans des conditions similaires Ă  la mienne. Ils n’auront pas le profil type. On n’aura ou on a eu aucune explication rationnelle concernant la survenue de leur embolie pulmonaire.

A aucun moment, le pneumologue n’a suggĂ©rĂ© ou envisagĂ© que, peut-ĂȘtre, dans certaines circonstances, on pouvait penser ou qu’il avait Ă©tĂ© Ă©crit dans «  la littĂ©rature scientifique » (mĂ©dicale) que certaines personnes qui avaient Ă©tĂ© vaccinĂ©es contre le Covid avaient pu faire une embolie pulmonaire. Ou que certains lots de vaccins anti-Covid avaient pu avoir cet effet-lĂ  pour des raisons que l’on ne savait pas trop expliquer dĂšs lors qu’une personne attrapait le Covid. Mais que, Ă  choisir entre une assez forte probabilitĂ© que des vaccins anti-Covid favorisent la survenue d’embolies pulmonaires et le fait de dĂ©cĂ©der du Covid, qu’il avait Ă©tĂ© « dĂ©cidé» (par qui ?) de « prendre le risque ».

J’ai reçu trois injections de Moderna contre le Covid. J’ai attrapĂ© le Covid en Ă©tĂ© 2023, alors qu’il faisait particuliĂšrement chaud. Plusieurs mois aprĂšs mes injections de vaccin Moderna contre le Covid qui m’avaient permis d’éviter ma suspension professionnelle. Ce sont les seuls Ă©vĂ©nements notables et objectifs dont je me souvienne qui auraient pu perturber la routine de ma santĂ© avant de faire cette embolie pulmonaire. Avant d’attraper le covid en Ă©tĂ© 2023 et de faire cette embolie pulmonaire deux Ă  trois mois plus tard, j’avais traversĂ© la pandĂ©mie du Covid sans affection mĂ©dicale particuliĂšre.

Cependant, le mois dernier, en se fiant Ă  certains Ă©lĂ©ments de ma vie d’avant mon embolie pulmonaire mais aussi Ă  mon exposition Ă  la psychose, Ă  la souffrance et Ă  la violence, de par mon travail d’infirmier en psychiatrie, un psychologue m’a suggĂ©rĂ© que j’avais peut-ĂȘtre somatisĂ© mon embolie pulmonaire.

Il n’y a, ici, aucune dĂ©monstration scientifique et rien qui puisse se mesurer objectivement au travers d’une prise de sang, une IRM, un ECG ou un autre type d’exploration fonctionnelle. C’est donc Ă©videmment une piste vers laquelle le pneumologue ne s’est Ă  aucun moment dirigĂ©. Et qu’il n’a jamais formulĂ©. Puisque la psychologie n’est pas son domaine. Et qu’il y accorde sans doute peu d’importance en tant que facteur qui pourrait influer sur la santĂ© physique d’une personne. Sait-il en quoi consiste la somatisation ? Y croit-il  ? En est-il convaincu ?

Il y a des mĂ©decins qui sont trĂšs sceptiques quant aux bĂ©nĂ©fices thĂ©rapeutiques de l’hypnose. Ce ne sont pas ces mĂ©decins qui vont prĂȘter une attention particuliĂšre pour Ă©couter parler de somatisation. Vous rigolez.  

Pourtant, la somatisation est plutĂŽt courante.

Il nous arrive de supporter certaines charges personnelles, sans nous plaindre, jusqu’Ă  ce jour oĂč l’on se rompt. Aujourd’hui, on parle assez souvent du burn-out voire de la dĂ©pression qui peuvent survenir aprĂšs que l’on se soit « brĂ»lĂ© intĂ©rieurement » et Ă©motionnellement. Mais le burn-out la dĂ©pression sont la consĂ©quence de cette « brĂ»lure intĂ©rieure et Ă©motionnelle » lente et profonde.

Et, exceptĂ© le fait, peut-ĂȘtre, que l’on voit (lorsqu’on peut le voir)  chez la personne des signes de fatigue, d’irritabilitĂ©, de perte de poids, l’apparition de comportements ou d’idĂ©es plutĂŽt inquiĂ©tantes ou inhabituelles qui ne lui ressemblent pas trop, il n’existe pas de dosage sanguin, de signe sur un ECG ou Ă  l’IRM qui permettent de dĂ©pister un burn-out ou une dĂ©pression en cours de constitution. 

Il existe d’autres Ă©quivalents de la dĂ©pression ou du burn-out. Je pense aux Ă©quivalents physiques ou physiologiques.  

Il y a quelques annĂ©es, je me suis rompu un tendon d’Achille en pratiquant de la boxe française que j’avais dĂ©butĂ© depuis quelques semaines. Il y a l’explication mĂ©canique de la rupture du tendon d’Achille : il est des sports qui prĂ©disposent ( souvent les hommes) Ă  une rupture du tendon d’Achille Ă  partir d’un certain Ăąge lorsqu’ils s’approchent de la quarantaine. Tennis, boxe, basket tous les sports qui sollicitent particuliĂšrement les appuis toniques au sol. J’avais l’Ăąge et j’avais pratiquĂ© un de ces sports. Mais cela m’est aussi arrivĂ© Ă  une Ă©poque de ma vie oĂč, cĂ©libataire, je me trouvais Ă  un certain croisement et oĂč je voulais ĂȘtre partout. 

Il y a encore quelques annĂ©es, aprĂšs l’accouchement difficile de ma compagne et la naissance prĂ©maturĂ©e et difficile de notre fille, j’ai fait une infection urinaire et j’ai traĂźnĂ© aussi une hypotension pendant plusieurs mois. Je n’avais jamais fait d’infection urinaire auparavant, une affection plutĂŽt rĂ©servĂ©e Ă  la gente fĂ©minine. Et c’est la premiĂšre hypotension aussi persistante dont je me souvienne.

J’avais aussi perdu du poids.

Le mĂ©decin que j’avais consultĂ© et qui m’avait diagnostiquĂ© mon infection urinaire ne m’a jamais dit que j’avais probablement somatisĂ©. A mon avis, il l’ignorait ou ne s’Ă©tait mĂȘme pas posĂ© la question. Il avait fait une rĂšgle de quatre:

symptĂŽme, diagnostic, traitement,  addition.

J’ai compris tout seul, rĂ©trospectivement, que j’avais probablement somatisĂ© aprĂšs la naissance de notre fille. Je n’ai pas besoin que cela me soit « objectivé » et confirmĂ© par des examens mĂ©dicaux. Et cela n’a rien Ă  voir avec de la superstition. Certains Ă©vĂ©nements affectent ou Ă©branlent notre psychĂ© plus que d’autres. MĂȘme si voire surtout peut-ĂȘtre si nous avons souhaitĂ© ces Ă©vĂ©nements.

Parce-qu’ils sont une rupture dĂ©cisive avec notre vie d’avant. 

Lorsqu’une personne connue pour ĂȘtre solide ou inĂ©branlable, un beau jour, se suicide, c’est souvent un choc pour son entourage. Mais que croit-on ?! Qu’on peut toujours tout encaisser sans jamais, Ă  un moment ou Ă  un autre, se casser quelque part ? 

Parce-que seuls les coups physiques et les maladies peuvent nous faire flancher ?!

La somatisation, pour mon embolie pulmonaire, me paraĂźt ĂȘtre une bonne piste. Car je me suis dĂ©jĂ  demandĂ© ce que devenait toute cette souffrance et toute cette violence que je recevais en tant qu’infirmier psychiatrique sans avoir pour autant de rĂ©ponse. 

Cette embolie pulmonaire est peut-ĂȘtre aussi un signe de fragilitĂ© et de vieillesse intĂ©rieure. Si extĂ©rieurement, je fais plus jeune que mon Ăąge, peut-ĂȘtre que mon organisme, lui, s’est dĂ©tĂ©riorĂ© plus vite.

Sortir de l’angoisse

Hier, j’ai rĂ©pondu au pneumologue que je prĂ©fĂ©rais arrĂȘter l’Eliquis car je refusais de vivre dans l’angoisse. Le pneumologue m’a rĂ©pondu qu’il comprenait ma dĂ©cision. Je ne suis pas sĂ»r qu’il ait compris que je refusais aussi de continuer de vivre (dans) son angoisse.

Je n’ai pas eu besoin, moi, de lui faire passer un scanner, d’épreuves d’efforts, d’examens sanguins, de lui faire prendre un traitement, pour le trouver, assez rapidement, quelque peu anxieux voire angoissĂ© mĂȘme si, devant moi, il a toujours tenu un discours trĂšs cohĂ©rent et a toujours suivi une logique protocolaire.  MathĂ©matique.

Celle de la prudence, officiellement.

Et moi, de mon cĂŽtĂ©, je ne suis ni un irresponsable si un optimiste bĂ©at. Puisque, j’ai ajoutĂ© que, bien-sĂ»r, j’étais d’accord pour continuer de venir le consulter mais aussi pour effectuer les examens nĂ©cessaires.

Depuis hier soir, je suis donc redevenu libre de l’Eliquis.

Ou en sursis. Je reverrai le pneumologue dans six mois puis, si tout va bien, une fois par an.

Prendre de l’Eliquis deux fois par jour pendant un an et demi n’a pas Ă©tĂ© trĂšs contraignant. Deux petits comprimĂ©s par jour. C’est rien du tout comparativement Ă  des mĂ©dicaments qui ont certains effets secondaires dĂ©sagrĂ©ables.

Mais je pense aussi aux personnes diabĂ©tiques insulino-dĂ©pendantes. RĂ©cemment, dans un service de pĂ©dopsychiatrie oĂč j’ai fait une nuit en heures sup, j’ai croisĂ© une jeune fille de 14 ans, diabĂ©tique, obligĂ©e de contrĂŽler sa glycĂ©mie plusieurs fois par jour, de se faire au minimum quatre injections d’insuline par jour, deux injections d’insuline rapide, deux injections d’insuline lente. A quatre heures du matin, elle a fait une une hypoglycĂ©mie qui l’a rĂ©veillĂ©e alors que deux heures plus tĂŽt, sa glycĂ©mie Ă©tait un peu au dessus de la normale. PrĂšs d’une demie-heure a Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour qu’elle retrouve une glycĂ©mie « normale » en reprenant du sucre Ă  deux reprises ( c’Ă©tait la prescription mĂ©dicale). 

Ces ennuis médicaux se rajoutaient à une situation sociale et personnelle délicate.

J’ai eu de la peine pour cette jeune fille. 

Blade Runner

Le pneumologue n’a pas menti. Dans la salle d’attente, hier, avant qu’il ne me reçoive en consultation, j’ai regardĂ© les patients prĂ©sents. Deux couples en particulier ĂągĂ©s de 70 Ă  80 ans en moyenne.

J’ai vu une femme anxieuse s’adressant pratiquement toutes les 60 secondes Ă  son mari. Pour avoir la bouteille d’eau. Pour lui demander combien il avait achetĂ© les cadres de tableau au magasin Action. Pour connaĂźtre le trajet pour se rendre Ă  tel endroit. Au dĂ©part, l’homme expĂ©diait ses rĂ©ponses et les rĂ©pĂ©tait plusieurs fois tout en regardant son tĂ©lĂ©phone portable. Elle aussi avait son tĂ©lĂ©phone portable Ă  la main mais elle n’en faisait rien. C’était Ă  lui qu’elle parlait.

Par la suite, l’homme s’est vraiment mis Ă  lui parler. Il a mĂȘme fait un peu d’humour. Ils ont rigolĂ© ensemble tous les deux.

L’ autre couple Ă©tait plus discret. Le monsieur se dĂ©plaçait avec un appareil roulant qui lui fournissait manifestement de l’oxygĂšne. La jeune femme mĂ©decin s’est avancĂ©e vers eux en souriant en leur disant « A nous ! ». La femme mĂ©decin leur a demandĂ© si ça allait. Le couple lui a rĂ©pondu par l’affirmative. L’ homme s’est levĂ©. Tandis que sa femme commençait Ă  soulever son sac, lui s’est aperçu qu’une partie du tuyau de sa sonde s’était quelque peu entortillĂ©e autour d’une des deux roues de l’appareil. La jeune femme mĂ©decin et son sourire Ă©taient dĂ©ja hors de vue.

J’ai un moment envisagĂ© de me lever pour aller aider le monsieur mais il est finalement parvenu plutĂŽt facilement Ă  rĂ©soudre son problĂšme. Puis, le couple assez ĂągĂ© est parti Ă  la suite de la jeune femme mĂ©decin.

Je suis plus jeune et a priori en meilleure condition physique que ces personnes. Et mon premier rĂ©flexe serait de penser que je suis de passage et que je n’ai rien Ă  voir avec ces personnages ĂągĂ©es. De refuser de vieillir.

De refuser de me voir vieillir.

Cependant, un jour, je serai comme eux. Et comme d’autres. Car ĂȘtre jeune, se sentir jeune, c’est peut-ĂȘtre d’abord se sentir diffĂ©rent des autres mĂȘme si l’on est souvent comme beaucoup d’autres.

J’ai un peu essayĂ© d’imaginer comment ces couples Ă©taient lorsqu’ils Ă©taient plus jeunes sans pouvoir vraiment le deviner.

Je ne suis pas parvenu Ă  m’imaginer plus vieux, plus affaibli.  Mais hier, avant de rentrer chez moi, j’ai tenu Ă  partir acheter le polar Balanegra de Marto Pariente et je me suis mis Ă  la recherche de 1275 Ăąmes de Jim Thompson. Pour cela, je suis allĂ© Ă  la librairie Delamain, prĂšs de la ComĂ©die Française. J’aime bien y aller de temps en temps ou passer par lĂ  lorsque je sors du cinĂ©ma UGC des Halles.

L’idĂ©e d’aller voir Burning Spear en concert au Kilowatt m’était passĂ©e.

Hier soir, j’ai commencĂ© Ă  lire Balanegra. Et ce matin en me levant, j’ai commencĂ© Ă  Ă©crire cet article. Un article qui sera peut-ĂȘtre lu Ă  20 % ou par 20 % de personnes. Je n’ai pas encore 1275 Ăąmes de Jim Thompson parce qu’il est en rupture de stock. La libraire m’a rĂ©pondu hier qu’il me fallait le chercher en seconde main. Je vais le trouver. 

Franck Unimon, samedi 5 juillet 2025.

 

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