Catégories
Cinéma

Kabullywood ( sortie en salles le 6 février 2019).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après sept années, j’ai recomposé le trajet des projections de presse. Pour aller voir le film Kabullywood réalisé par Louis Meunier en Afghanistan où il a vécu…dix années.

Je suis parti avec un peu d’avance. Le film sortira en salles le 6 février 2019.

Alors, je me suis attardé. J’avais du temps. A la gare, je me suis laissé descendre par l’escalator. A mesure que je déclinais, j’ai commencé à regarder cette publicité qui passe et repasse depuis des journées, peut-être depuis plusieurs semaines, peut-être depuis des années, à l’intérieur de ce magasin de vêtements pour jeunes beautés. Ordinairement, cette publicité et tant d’autres réclames de toutes sortes s’accumulent sur mes trajets depuis mon réveil. Et je les passe comme s’il s’agit de simples tentacules, de simples tables de calculs et de conjugaisons, que j’écarte en croyant qu’elles ne me laissent aucune trace.

Ce matin-là, j’ai regardé cette publicité jusqu’au bout, planté devant la vitrine du magasin alors que d’autres personnes continuaient plus loin.

Quatre ou cinq jeunes femmes, on dirait des adolescentes, aussi jolies que des mannequins, sont ensemble dans une pièce. Elles ont l’ennui et l’oisiveté pour seuls projets. Elles souffrent beaucoup de leur inactivité. Elles finiraient presque par se haïr. Elles ne se parlent pas. Elles se regardent du coin de l’œil d’une manière pesante en attendant que l’une d’entre elles trouve ce qu’elles pourraient bien faire.

Puis, le déclic arrive je ne sais comment. Le groupe de filles s’anime. On casse le sapin de Noël. Car on est des rebelles. On se retrouve toutes belles à une station de ski, sur la neige et dans un téléphérique où l’on rigole comme des folles en buvant du champagne à volonté. L’argent n’est pas un problème. Et la vie non plus dès lors que l’on s’amuse et que l’on peut dépenser un argent qui nous vient d’on ne sait où.

Cette pub doit durer à peine une minute. Elle passe en boucle là où je l’ai vue et sur d’autres écrans. Un certain nombre d’adolescents, de pré-adolescents et d’enfants, étrangers et du pays gobent cette pub – et d’autres- de façon illimitée, seuls ou tandis que les adultes qui sont avec eux regardent ailleurs. En repartant, je me suis demandé le montant du budget alloué à la réalisation de cette pub. Il est sûrement facile à connaître.

De manière arbitraire, je me suis très vite convaincu que le budget obtenu pour la réalisation de cette pub est sûrement plus élevé que celui dont a bénéficié Louis Meunier pour « faire » Kabullywood mais aussi pour le distribuer.

Cette pub, et quelques autres, compteront bien plus de spectateurs et de visiteurs que le film de Louis Meunier. Pour une question de moyens financiers et aussi parce-que le rêve proposé par cette pub est plus facilement accessible, davantage grand public, que celui défendu par ce film qui sortira dans bien moins de salles que cette pub ne compte d’écrans dans toute la France.

 

 

 

 

A Kaboul, en Afghanistan, Sikandar, Shab et leurs amis décident de restaurer le cinéma Aryub pour en faire un centre culturel. C’est leur façon de résister à la refonte de l’intégrisme religieux après le départ des armées occidentales. L’Afghanistan fait partie de ces pays davantage connus en occident pour la guerre et ses « fous » de Dieu. Louis Meunier s’attache aussi à nous montrer ce qu’il peut de la culture et de l’histoire de ce pays avant cette folie. Il le fait selon moi avec respect. Même si la caméra est un regard et que chaque culture peut vivre différemment le fait d’être vue ou emportée par l’œil d’un étranger.

«  La liberté n’est jamais acquise », constate Sikandar (l’acteur Omid Rawendah) vers la fin du film. Pour si éloignée de la nôtre que puisse nous paraître la vie en Afghanistan, nous pouvons peut-être trouver ici le conte un peu prémonitoire de ce qui pourrait nous advenir en occident. Si la liberté n’est jamais acquise et que la religion, l’argent et une certaine publicité devenaient l’unique vérité.

Le dossier de presse nous le rappelle :

« (….) Dans les années 70, le pays faisait figure de havre de liberté et se trouvait dans une ébullition culturelle faite de concerts, de défilés de mode, de projections de films ! ».

Kabullywood a des maladresses pour certaines de ses interprétations et pour ce qui est du déroulement de l’histoire. On pourra lui trouver des vertus comiques involontaires à voir la présentation caricaturale de certains protagonistes (mention spéciale au frère de Shab). Evidemment, le principal est ailleurs. Car au travers de ce film, la vie nous arrête à plusieurs reprises. Nettement. Sans artifices. Ce peut-être par une certaine lumière du pays. Un visage ou un regard (ceux par exemple du projectionniste Naser Nahimi qui joue son propre rôle).

Certains moments de musique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous couvert de fiction, Kabullywood a des qualités documentaires. Et biographiques.

Le tournage du film a connu plusieurs attentats et menaces.

Si plusieurs des comédiens se sont depuis exilés et ont intégré le Théâtre du Soleil, l’actrice principale, Roya Heydari (Shab) a choisi de rester en Afghanistan pour continuer de s’engager.

 

Franck, ce mercredi 12 décembre 2018.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.