La Chair est triste, hélas ! un livre d’Ovidie
Nous sommes faits de défaites.
De défaites relationnelles, émotionnelles, affectives, cognitives et charnelles.
Certaines de ces défaites nous servent d’amphéts et nous galvanisent pour le meilleur par la suite.
Mais nous n’échappons pas aux règles du casting. Nous sommes quelques fois retenus pour des rôles dont beaucoup d’autres seront privés. Et d’autres fois, c’est nous qui choisirons le mauvais rôle ou qui interprèteront mal celui qui nous est apporté ou réservé.
Ce soir, j’irai voir avec une copine, plutôt sur ma proposition, l’adaptation théâtrale du livre La Chair est triste, hélas !d’Ovidie par Ovidie avec l’actrice Anna Mouglalis.
Un livre dont j’avais oublié la commande. Et que j’ai récupéré il y a quelques jours par hasard avec d’autres livres à la librairie qui me « connaît » bien dans la ville où j’habite.
Un livre que j’ai lu rapidement. Je m’attendais à un livre plus long et plus difficile à lire et à comprendre.
Deux hommes ou deux personnes au moins en moi rédigent cet article. J’espère qu’il sortira le meilleur de ces personnes qui me composent à parler de ce dernier livre d’Ovidie.
Il m’a été très facile de comprendre en le lisant que je suis l’ennemi d’Ovidie et de beaucoup de femmes. Puisque je suis un homme standardisé qui, depuis l’enfance, a été entraîné à détraquer la météo des femmes qui l’environnent.
Un homme hétéro de plus qui va raconter qu’il aime les livres, qu’il sait qu’Ovidie a pu être actrice porno il y a longtemps mais qu’il n’a jamais vraiment regardé un seul des films concernés. Qu’il n’accorde pas ou plus beaucoup d’importance à ce qui a trait à la pornographie, cette anthropophagie des chairs qui s’exerce au moins sur écran. Et que, de temps à autre, il suit/je suis ce qu’elle et d’autres figures féministes peuvent dire, faire ou écrire.
Cependant, je ne suis pas féministe. Je tiens régulièrement à le rappeler.
Je n’aspire pas à passer pour un homme attentif, particulièrement ouvert, évolué ou émotionnellement très intelligent.
Je ne suis pas plus intelligent qu’une autre ou une autre. Je suis plutôt psychorigide à plus d’un titre. Je crois que les personnalités féministes comme Ovidie décryptent des faits, assurent des témoignages qui m’obligent à voir et à apprendre, peut-être à comprendre, ce qui ne va pas dans les relations inter-humaines entre les femmes et les hommes et entre divers genres de personnes et de personnalités.
Mais je crois aussi qu’il ne faut pas toujours suivre à la lettre tout ce que peuvent dire les féministes aussi rigoureuses et brillantes soient-elles dans leurs recherches, leurs observations et autres.
J’ai bien sûr eu ou ai certains des travers masculins décrits pas Ovidie et d’autres. Il serait vain d’essayer de le nier. Car les seuls moyens que je peux imaginer pour échapper à ces travers « masculins hétéros » est d’être mort, d’avoir été éduqué depuis ma naissance et de vivre peut-être dans une autre société, une autre époque et une autre culture que les nôtres ( j’ai deux cultures, une française et une antillaise) , d’être une femme ou de faire partie des minorités trans ou homosexuelles. Ces moyens ne font pas encore partie de mes projets conscients.
Et, je ne crois pas que si je m’adonnais à une espèce de catéchisme féministe consistant à réciter des propos, des actions et des pensées apprises par cœur, même avec la sincérité d’un enfant de chœur, que cela suffirait à faire de moi un homme beaucoup plus fréquentable et plus bienveillant envers les femmes. Je ne crois pas que cela ferait de moi un homme plus désirable ou plus admirable que je ne le suis. Cela m’enfermerait ou m’immobiliserait tout simplement dans un autre carcan ou dans la caricature d’une certaine normativité en « échange » du carcan et de la caricature de normativité dans lesquels je suis sans aucun doute installé depuis des années mais dont j’apprends peut-être à mieux percevoir les trompe-l’œil et les impasses à mesure que je « m’informe » et fais certaines rencontres.
Je crois que comparativement à mes grands-mères ou même à ma mère, que les femmes éduquées comme Ovidie et d’autres féministes nées après Simone de Beauvoir, après la loi Simone Veil pour l’avortement, sont à la fois plus autonomes, peut-être plus « indépendantes », et aspirent à d’autres idéaux relationnels et d’autres formes d’engagement personnel avec les hommes qu’elles aiment et désirent ou sont capables de désirer.
Je peux écrire ça autrement : Récemment ou peut-être en ce moment, on peut apercevoir une vidéo de quelques secondes de l’actrice Salma Hayek, presque 60 ans, en maillot de bain deux pièces. Salma Hayek a toujours été une très belle femme dès son rôle dans le film Desperado réalisé en 1995 par Robert Rodriguez il y a…30 ans !
Il est évident ou a sûrement toujours été évident que Salma Hayek, jeune femme issue d’un milieu social plutôt bourgeois qui a pu être scolarisée dans des très bonnes écoles au Mexique, pays dont elle est originaire, n’allait pas se contenter pour mari d’un ébéniste qui vit dans la Nièvre ou d’un éboueur qui travaille dans la ville d’Argenteuil aussi sensibles et féministes soient-ils tous les deux.
Et, je constate, coït et coïncidence, que François Pinault, milliardaire et homme d’affaires français, un des hommes les plus riches du monde, son mari, n’est ni ébéniste ni éboueur si j’ai été bien renseigné. Mais il est sûrement obstinément très féministe.
Beaucoup d’hommes hétéros se révèleraient, du reste, très féministes avec Salma Hayek, tout au moins au début….
Je crois que bien des idéaux des femmes féministes se heurtent à des défaites diverses. Mais aussi que le fait d’être des personnes et des femmes brillantes ne les dispensent pas de faire des erreurs comme celle, je trouve, de régulièrement oublier que dans une relation, l’autre ne peut pas toujours nous suivre, être au diapason de nos sensations, deviner et prévoir avant nous ce qui nous transfigurera.
Une autre erreur, à mon avis, consiste à croire en l’égalité. Je sais qu’en France, on est supposé vivre dans le pays de la Liberté, Egalité, Fraternité.
L’ égalité.
Ovidie souhaiterait qu’il y ait davantage d’égalité entre les femmes et les hommes. Je comprends qu’elle – et d’autres- en parlent au vu d’un certain nombre d’inégalités dans le monde.
Toutefois, après quelques années d’expériences tant personnelles que professionnelles, et je ne me focalise pas ici sur les relations femmes/hommes, je me dis qu’il existe et peut exister des moments d’égalité. Mais je ne crois pas à une égalité constante et permanente entre les êtres humains. D’abord, s’il existe des règles et des lois pour cela, c’est que l’être humain a besoin d’être encadré régulièrement pour qu’il y ait une forme d’égalité ou d’attention à ce qui l’environne. Ensuite, ces lois et ces règles ne sont pas toujours respectées pas toutes et tous. Que ce soit dans l’intimité, dans la vie sociale et familiale mais aussi dans notre vie professionnelle et amicale.
Je crois donc plus à une complémentarité entre les personnes avec des moments d’égalité dans les mesures de la légalité, lorsque cela est possible, qu’à une égalité effective et irréversible entre les femmes et les hommes. D’autant que j’ai plutôt l’impression que chez l’être humain, l’extrême est la norme. L’être humain, spontanément, me paraît très modestement inspiré par la modération.
Je n’en suis pas encore à affirmer, comme je l’ai lu, dans le journal Libération je crois, que le livre d’Ovidie ou son adaptation théâtrale est « un plaidoyer peu nuancé ». Par contre, le contenu de son livre est plutôt extrême. Aussi argumenté et documenté soit-il.
Nous restons des êtres limités quelles que soient nos volontés et notre potentiel supposé. Et, cela, nous avons tous, à un moment ou à un autre à l’accepter. Et les femmes féministes, Ovidie l’admet elle-même pour elle à un moment dans son ouvrage, ne sont pas du tout dispensées de certains travers qui, s’ils étaient le fait des hommes passeraient au minimum pour de l’indélicatesse, de l’égoïsme, de l’inhumanité ou de l’inélégance. Et, je repense maintenant à l’ouvrage autobiographique de l’écrivaine Maryse Condé, une femme plutôt pionnière, indépendante, admirable et combattive. Dans La vie sans fards Maryse Condé raconte aussi ne pas avoir toujours été une femme très exemplaire d’un point de vue relationnel et moral vis-à-vis d’un de ses maris.
Mais comme beaucoup d’hommes, on aura remarqué que je suis surtout très autocentré. Car j’ai déjà beaucoup plus parlé de moi que du livre d’Ovidie.
L’ouvrage d’Ovidie parle aussi évidemment de ce carcan et de cette caricature de la femme dans lesquelles, elle, ne supporte plus d’avoir été cloisonnée, engourdie, « brûlée » et maltraitée avec son consentement pendant des années pour plaire aux hommes.
Aux hommes hétéros.
On peut donc dire que son livre est un coming out. Celui d’une femme qui n’en peut plus de s’astreindre à certains critères de la féminité désirable pour les hommes hétéros. Celui d’une femme qui a refusé de continuer de participer aux sprints et aux castings de la séduction selon les critères normatifs et violents de la gente masculine hétéro.
. Sur le livre acheté, j’avais lu le commentaire suivant :
« Eléctrisant ».
Ce livre convie peut-être en effet beaucoup d’hommes à se rendre d’eux-mêmes à la chaise électrique. Il existe peut-être un pays ou une région qui s’appelle « Chaise électrique réservée aux hommes » où il convient de se rendre par le premier vol en classe affaires en tant qu’homme hétéro.
Je le comprends seulement maintenant. Sauf que Ovidie ne nous donne pas d’indications précises concernant le lieu exact où se trouve le pays ou la région de la « Chaise électrique – émasculatrice- réservées aux hommes ».
« Avant », quand Ovidie était encore gentille, avant la rédaction de ce livre, peut-être nous l’aurait-elle dit. Mais, là, elle ne nous dit rien à ce sujet. Elle est peut-être en train d’y réfléchir sérieusement et nous en parlera, je l’espère, dans son prochain livre.
De mon côté, je comprends seulement maintenant cette invitation à la chaise électrique sans doute parce qu’on me l’a « soufflée ». Ou parce-que je me la suis auto-suggérée.
Peut-être parce-que cette nuit, j’ai fini de regarder la série La Flamme co-créée par l’acteur Jonathan Cohen et qu’à la suite, presque subitement, j’ai eu besoin de lire les trois quarts du livre L’ Affaire Alexia Daval ( La vraie histoire). Un livre que j’avais emprunté depuis plusieurs semaines et dont j’avais repoussé la lecture, intrigué par la persistance de mon « attrait » pour ce qui a trait à la criminologie dans son ensemble. Au lieu de lire des ouvrages fictionnels, légers. Ou féministes.
Mais la série La Flamme et ce livre sur l’affaire Alexia Daval donnent des portraits des hommes qui confirment le principal du livre d’Ovidie.
D’un côté, on a un homme crétin, irresponsable, mégalomane, borné, intolérant, violent et dangereux. De l’autre, un homme selon moi plus proche du profil d’un « Mr Ripley » qui a fait tout son possible pour coller à l’image du gendre et de l’homme idéal en s’en révélant « incapable » dans l’intimité.
Peut-être aussi parce qu’il ( Jonathan Daval) ignorait que cela était tout simplement impossible. Car, dans la vraie vie, on ne peut pas coller très longtemps avec l’image de l’homme parfait, original ou idéal comme dans les films ou…les contes de fée.
Alors que j’écris cet article avec deux hommes ou deux parties en moi, et malgré mes limites, j’espère ne pas être un mix de ces deux hommes, le personnage interprété par l’acteur Jonathan Cohen dans La Flamme et…Jonathan Daval, l’homme qui a assassiné sa femme Alexia fin octobre 2017.
L’autre homme en moi :
L’autre homme en moi ( peut-être l’homme-eau après l’homme-terre et l’homme-air) ne voit pas dans le livre d’Ovidie un scalpel ou un tesson de bouteille. Mais plutôt un appel à l’aide ou un message glissé dans une bouteille de lettres.
D’une façon ou d’une autre, je crois que Ovidie ne pouvait être que « triste » car elle entretient, à mon avis, une certaine attitude d’absolu et de perfection qui la rend captive.
Il y a dans son titre La chair est triste, hélas ! un « regard » métaphysique.
Elle a dépassé ou semble avoir dépassé les illusions des promesses de la chair. Celle-ci a échoué à lui convoyer l’extase mystique ou spirituelle à laquelle elle aspire.
Ou, en tout cas, les hommes qu’elle a aimés ne l’ont pas convaincue que son épanouissement personnel pouvait véritablement passer par le corps. Un corps, son corps, qui est un vaisseau dont elle entend en quelque sorte moins dépendre selon les critères qui conviennent et plaisent aux hommes. Puisque tous les efforts- les sacrifices- et les souffrances auxquelles elle a pu consentir afin de permettre aux vaisseaux de son corps d’être conformes aux goûts et aux exigences de ses hommes hétéros ne lui ont pas autorisé le voyage existentiel qu’elle espérait ou qu’elle attend.
Sa quête d’absolu, dans son livre, s’exprime quand elle évoque à deux ou trois reprises sa tentation ou son envie de vivre comme les religieuses. Ou son attirance pour le suicide.
Une expérience de vie qu’elle fera peut-être. Une envie que je peux comprendre. Et je pense alors à des films comme La Bonzesse réalisé par François Jouffa en 1974 pour partir de l’érotisme. Ensuite, je pense à plusieurs films du réalisateur Bruno Dumont qui parle du rapport à la foi tels Hadewijch, Hors Satan ou même L’Empire.
Néanmoins, je crois que Ovidie idéalise – il me semble que c’est le propre de beaucoup de féministes d’être aussi plus ou moins idéalistes/irréalistes- les religieuses et leur vie en communauté.
En effet, le monde des sœurs religieuses est aussi un monde violent. Les sœurs religieuses ne sont pas que des bonnes sœurs entre elles même débarrassées en principe de l’acte de la pénétration phallique et du viol masculin.
Je me rappelle encore du témoignage d’une des personnalités féminines interrogées par la journaliste Léa Salamé dans son livre Femmes puissantes. Cette personnalité relatait son amertume à propos du sadisme de certaines sœurs religieuses qu’elle avait pu connaître plus jeune.
Et puis, affirmer que les religieuses sont toutes bienveillantes entre elles reviendrait à croire que toutes les femmes mais aussi toutes les féministes sont bienveillantes et solidaires entre elles.
Si je suis bien obligé de reconnaitre que l’homme est généralement le plus grand prédateur et profanateur de la femme, je n’oublie pas que les dictateurs ont des épouses et qu’elles s’en portent généralement très bien. Je n’aimerais pas être sous les ordres de ces femmes ou être à leur merci d’une façon ou d’une autre.
Je n’oublie pas non plus qu’une Monique Olivier a fidèlement et « brillamment » servi de rabatteuse mais aussi d’assistante à son mari ou compagnon Olivier Fourniret violeur et tueur en série de jeunes mineures.
Je n’oublie pas non plus qu’ailleurs certaines femmes adultes ont assez peu de scrupules à attirer des jeunes femmes naïves et vulnérables dans des réseaux de prostitution.
Suicide et décès
Epuisée et découragée dans sa quête d’Amour et d’égalité avec les hommes hétéros, Ovidie suggère aussi son suicide.
On « sait » qu’il arrive qu’un certain nombre de personnes en arrivent un jour à cette conclusion sans que les proches ou l’entourage ne puissent l’empêcher. J’espère donc qu’Ovidie trouvera néanmoins l’apaisement sans avoir « besoin » de se tourner vers le suicide ou la destruction physique de sa personne.
Et le fait qu’elle « pose » la question du suicide, de son suicide, sur la table, cela me rappelle d’autres suicides et morts de personnalités publiques qui m’ont marquées et dont j’avais très peu parlé jusqu’alors tant par écrit qu’oralement. Car je ne voyais pas avec qui je pouvais le faire. Qui, dans mon entourage tant professionnel que personnel aurait pu comprendre ma « peine » pour ces suicides et ces morts de personnalités publiques que je n’ai jamais rencontrées mais dont ce que j’avais aperçu d’eux, sur des écrans ou dans des lignes m’a concerné particulièrement d’une manière ou d’une autre.
Je pense d’abord au suicide en 2005 à 32 ans de l’ex actrice porno Karen Lancaume, un des premiers rôles du film Baise-moi sorti en 2000 et adapté du livre de Virginie Despentes par elle-même et Coralie Trinh Thi. Le seul livre que j’ai lu à ce jour de Virginie Despentes. J’avais vu le film au cinéma à sa sortie et l’avais bien aimé. J’avais aimé qu’il nous montre autre chose que ce à quoi on était habitué dans bien des réalisations françaises.
J’avais trouvé que Karen Lancaume jouait très bien dans le film. J’avais été ensuite touché d’apprendre des bouts de sa vie personnelle et affective sur le net.
J’ai été touché par le décès à 42 ans de l’actrice Katrin Cartlidge en 2002 dont le rôle de call-girl dans le film Claire Dolan réalisé en 1998 par Lodge Kerrigan m’avait marqué.
Touché aussi par le décès par suicide en 2003 de l’acteur Leslie Cheung à 46 ans. Si ses rôles dans les films de John Woo et Wong-Kar Wai comptent, sa prestation dans Adieu ma concubine réalisé par Chen Kaige en 1993 est inoubliable.
Touché par la mort de Sotigui Kouyaté en 2010 à 73 ans et dont le rôle de père à la recherche de son fils tué dans un attentat terroriste dans le film London River réalisé par Rachid Bouchareb en 2009 ne m’a pas déserté.
Touché par la mort de l’acteur Marcelo Mastroianni en 1996 à 72 ans.
J’ai été très très touché par la mort de l’humoriste Bun Hay Mean ce 10 juillet 2025 à l’âge de 43 ans.
Il n’y a pas que des suicides dans ces fins mais il s’agit de morts « publiques » dans lesquelles on peut piocher ou trouver un peu de soi pour des raisons diverses. Il est d’autres morts privées ou publiques qui m’ont bien sûr affecté. On ne peut pas toutes les lister. Mais certaines morts peuvent aussi servir de boucliers pour divertir et détourner certains élans qui nous poussent, par moments, davantage vers l’abattement que la vie. Et, je souhaite à Ovidie, comme à d’autres, qu’elle trouve ou retrouve l’inspiration à même de la sortir de ce genre d’élans dépressifs ou mortifères.
Plaie et gouffre
Car, par ailleurs, je trouve qu’elle a encore du mal à cicatriser de son « passé » ou de son « vécu » d’actrice porno. Si elle ne le regrette pas comme elle l’écrit, je constate néanmoins que ce passé exerce sur elle l’attrait du gouffre ou de la plaie qu’elle ne peut s’empêcher fréquemment de regarder ou de gratter alors, qu’à mon avis, mais je ne suis pas dans sa peau bien-sûr, elle s’attarde plus et trop sur ce passé que ne le font véritablement celles et ceux qui se réfèrent à cela.
Parler de la « peau » de Ovidie me rappelle aussi le film Dans ma peau de et avec Marina De Van réalisé en 2002….
Néanmoins, bien-sûr, comme Ovidie le dit dans son livre, il se « trouve » des hommes ( ou peut-être des femmes) contents de pouvoir se vanter ensuite de l’avoir ajoutée sexuellement sur leur tableau de chasse.
Je plains ces hommes qui mettent leur vie ou leur « valeur » dans cet acte. Comme je peux plaindre d’une façon générale les personnes qui se contentent uniquement de tirer des coups. Mais peut-être, qu’ici, je deviens ici de plus en plus moralisateur.
Mais la Morale, ou une certaine morale, est une toile d’araignée qui souvent nous entoure ou nous sert d’écharpe autour du cou même lorsqu’on l’oublie ou qu’on ne la voit plus. Car on s’y habitue à force d’y être exposé.
Par ailleurs, il faut se rappeler qu’à une époque et dans certains pays, on jugeait d’ailleurs moralement très durement ou l’on condamnait moralement une femme parce-qu’elle n’était plus vierge. Parce-qu’elle avait déjà couché ou parce-qu’elle avait déjà des enfants. C’est quand même moins vrai maintenant en France et dans d’autres pays. Mais ça dépend pour qui. Et quand.
Mais je suis sûr qu’il existe des hommes qui ne se bornent pas et ne bornent pas Ovidie à son court passé d’actrice porno/travailleuse du sexe d’il y a plus de vingt ans.
J’avais cru comprendre il y a quelques années que l’ancienne actrice américaine de porno Traci Lords, mineure au début de sa carrière, avait par la suite fait un mariage heureux. Celle-ci ne m’a pas donné de ses nouvelles récemment mais si « Traci » a pu faire un mariage heureux, je ne vois pas pour quelle raison cela serait impossible pour une Ovidie. A condition, bien-sûr, qu’elle parvienne à surmonter certaines contradictions que je trouve assez courantes chez les femmes féministes. Comme s’attacher à des « machos hyper-virils » comme le reconnait Ovidie elle-même dans son livre.
Il y a peu, en scrollant, je crois, je suis tombé sur quelques secondes d’une émission où se trouvaient la chanteuse Theodora ( 22 ans), très en vogue en ce moment, et l’actrice Ludivine Sagnier (46 ans) qui a été durant un certain temps ( il y a environ vingt ans maintenant ou un peu plus) la petite préférée du cinéma d’auteur français chez François Ozon par exemple.
Je ne sais pas si Theodora est déjà mère. Par contre, je « sais » que Ludivine Sagnier a eu au moins une fille lorsqu’elle était en couple avec l’acteur Nicolas Duvauchelle.
Dans l’émission, l’animatrice ou la journaliste a demandé à Theodora quel était son homme idéal. Grand sourire de Theodora très jolie, bien maquillée, bien coiffée ( tous ces efforts qu’Ovidie, 45 ans, mère d’une fille, ne peut plus voir en peinture depuis quatre ans maintenant) avant de répondre.
Voici ce dont je me souviens de la réponse de Theodora :
« Un homme aux p’tits soins, mystérieux, qui est passionné lorsqu’il parle de ce qu’il aime et un peu macho ( ou viril, j’ai oublié) ».
A côté d’elle, tout sourire, Ludivine Sagnier a alors dit :
« On dirait qu’elle parle de mon mec… ». Theodora, se tournant alors vers Ludivine Sagnier lui a alors répondu en souriant/riant :
« Oui, mais je vais me le garder pour moi ! ».
Je crois que je n’avais pas encore lu le livre d’Ovidie, La chair est triste, hélas ! avant de tomber sur ces images et ces propos. Mais en voyant et en écoutant Theodora et Ludivine Sagnier, je me suis dit qu’il n’y avait pas que les hommes qui devaient « changer », ou « évoluer ».
Je vais ici prendre le « risque » modéré d’écrire, qu’à mon avis, jamais une femme qui a le profil d’une Theodora, une Ludivine Sagnier, une Salma Hayek, Une Maryse Condé, ou une Ovidie, lorsqu’elle a entre 20 et 40 ans, soit cette période de la vie où, comme l’avait dit Jeanne Moreau une femme peut avoir « la beauté du diable » n’aurait pris pour amant ou compagnon un mec comme moi lorsque j’avais leur âge ou cet âge-là.
Car même si je crois être un peu plus attractif que les personnages joués par Philippe Harel et José Garcia dans l’adaptation cinématographique du livre Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq, même si je crois avoir toujours été sans doute moins terne et moins soumis qu’un Jonathan Daval à une certaine orthodoxie de la « normalité » sociale, je n’ai jamais fait partie et je ne ferai jamais partie du cercle, du périmètre et du carcan où une Theodora, Ludivine Sagnier, une Ovidie et d’autres féministes posent leur regard lorsqu’elles sont en état de désirer un homme. Ou une femme.
Et je ne crois pas être plus responsable ou avoir été plus responsable de ce cloisonnement relationnel et affectif que toutes ces femmes. A moins de considérer que j’aurais dû bousculer les hiérarchies, les codes, les usages, les règles, faire tomber les cloisons, m’imposer d’une manière ou d’une autre. Et, dans ce cas, on ne peut pas vraiment parler d’égalité.
Car s’il faut faire cela pour se faire remarquer et que cela marche ou a marché, pourquoi ensuite s’arrêter à plaire à une Theodora, une Ludivine Sagnier, une Ovidie, une Maryse Condé, une Salma Hayek, une Mona Chollet, une Victoire Tuaillon ou d’autres ?
Mais ce soir au théâtre, pas plus que d’autres fois, je ne ferai tomber de cloisons ou ne chercherai à m’imposer en particulier. Je resterai sans doute à ma place comme d’autres fois tel un poisson rouge dans son bocal et sans doute comme beaucoup trop de fois. Parce-que, malgré mes travers, je suis surtout un garçon poli, patient, obéissant, finalement très scolaire et plutôt gentil malgré certaines de mes bizarreries.
Ce soir au théâtre
Ce soir, au théâtre ou nous nous rendrons physiquement, avec la copine dont j’ai appris tout à l’heure que c’est l’anniversaire aujourd’hui, nous serons dans les premiers rangs.
C’était les places les plus pratiques qui restaient. Je prends peut-être le risque, à un moment donné, d’être un peu pris « pour exemple masculin » lorsque l’actrice Anna Mouglalis sera sur scène.
Je me demande aussi s’il y aura beaucoup d’hommes dans la salle et où ils seront placés. A mon avis, ils éviteront d’être aux premiers rangs.
Mais je m’avise aussi que l’on peut « jouer » ce livre sur scène en France alors que dans d’autres pays, ce serait impossible. C’est peut-être bon signe.
Concernant l’actrice Anna Mouglalis, je me souviens surtout d’elle dans les films Romanze Criminale et J’ai toujours rêvé d’être un gangster. C’était en 2007-2008 pour ce dernier film.
Depuis, la voix de Mouglalis est entrée dans l’empire des graves. Je me demande ce que cela me fera de l’entendre dire le texte d’Ovidie sur scène.
Je crois avoir utilisé le meilleur préservatif mental possible en lisant le livre d’Ovidie auparavant.
Il me sera impossible ensuite de discuter telle quelle de cette pièce avec ma fille, encore trop jeune. Et, je ne vois pas non plus ce que je pourrais raconter de cette pièce à ma compagne et mère de ma fille au vu de ses convictions et de sa pratique religieuse catholique survenue sur le tard que je vois comme plutôt bigote.
Je suis donc plutôt content d’aller « voir » ça avec une copine. Autrement, j’y serais allé seul. Bien-sûr.
Franck Unimon, mercredi 17 Septembre 2025.