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Les Chinois
A vue dâĆil, il y a peu de Chinois dans ma ville. Mais, souvent, lorsque jâen vois, ils tiennent un commerce ou y sont employĂ©s :
Traiteur alimentaire, poissonnerie (mauvaise), salon dâesthĂ©tique, buraliste PMU, produits (alimentaires) exotiques, marchand de vĂȘtements ou de maroquinerie.
Ils font partie des commerçants de la ville parmi les Kebab, opĂ©rateurs et rĂ©parateurs de tĂ©lĂ©phonie, autres restaurants et magasins de vĂȘtements, boulangeries, pharmacies, supermarchĂ©s, marchĂ©s, boucheries, marchand de primeurs, enseigne Babou, opticiens, agences immobiliĂšres, banques physiques, quelques hĂŽtels, cafĂ©s, Quicket Mac Do qui donnent sur la rue.
Pour parler des quelques commerces que lâon peut dĂ©couvrir lorsque, depuis la gare dâArgenteuil, on se dirige vers le centre-ville.
Les Chinois vivent plutĂŽt en retrait. On nâentend pas parler dâeux. Aucun terroriste islamiste dâorigine chinoise, recensĂ© Ă ce jour. Pas de lien connu ou mĂ©diatisĂ© avec le trafic de cannabis. Aucun dâentre eux non plus parmi les figures connues des gilets jaunes. Oui, la blague est facile, presque factice et limite raciste. Mais je vais rapidement me sortir de cette ambiguĂŻtĂ© :
RĂ©cemment, une de mes collĂšgues mâa appris quâun de ses amis, dâorigine chinoise, sâen prend plein la tĂȘte. Celui-ci travaille en Seine et Marne- câest en banlieue parisienne- dans un supermarchĂ© en tant quâemployĂ©. Il sâoccupe des rayons. Il se fait insulter.
Il lui est reproché la pandémie du Covid ! Ni plus, ni moins.
Rebattre les cartes de la vie ordinaire
En France, la pandĂ©mie du Covid a rebattu les cartes de notre vie ordinaire et de notre mĂ©moire depuis la mi-Mars 2020. Nous connaissons notre deuxiĂšme reconfinement, aprĂšs quelques jours de couvre-feu, pour cause de deuxiĂšme vague depuis le dĂ©but de ce mois de novembre. Aujourdâhui, nous sommes le dimanche 8 novembre 2020. Et une troisiĂšme et quatriĂšme vague sont dĂ©jĂ annoncĂ©es.
Conclusion : en France au moins, certains Chinois nâont pas fini dâentendre parler du Covid. On nous parle bien dâun vaccin qui nous protĂ©gerait. Mais cela prendra du temps et puis, les vaccins et la santĂ© publique sont un business comme un autre. On en trouvera peut-ĂȘtre un jour en vente libre sur les marchĂ©s et dans les supermarchĂ©s. Lorsque nous serons morts, pour celles et ceux qui peuvent lire cet article aujourdâhui, ou condamnĂ©s.
Nous vivons donc sous certaines contraintes qui Ă©taient inimaginables il y a encore quelques mois. Jâai tendance Ă croire que nous pouvons connaĂźtre pire mĂȘme si, je lâespĂšre, ce ne sera pas pour tout de suite. Aux Etats-Unis, ce week-end, nous avons Ă©chappĂ© Ă la rĂ©Ă©lection de Donald Trump. Ce qui est a priori, pour moi, un certain soulagement. Mais si Donald Trump fait peur, on a peur pour Joe Biden.
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Et puis :
Imaginons un Etat constitué comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui déciderait de passer des contrats avec des terroristes, comme on peut le faire avec une boite privée :
Le but serait de commander les gens par la peur. De leur dicter ce quâils doivent manger, lire, boire, penser et consommer. A qui et quand. De quelle heure Ă quelle heure. Dans quelles proportions. Mais aussi, quand ils peuvent se reproduire. Et, tout cela, pour le « bien » de lâĂ©conomie et des actionnaires. Vous avez-encore- le droit de vous dire que je vais trop loin ou que jâai mangĂ© beaucoup trop de foin ce matin. AprĂšs, ce sera peut-ĂȘtre trop tard.
En attendant, comme celles et ceux qui le peuvent encore, les Chinois bossent. Comme lâhumoriste Bun Hay Mean- dont jâaime beaucoup lâhumour- qui peut nous dire :
« Nous, les Chinois, avec notre petite bite, on vous a bien ni-quĂ©s ! Vous nâavez rien senti ! ».
L’extrait ci-dessous n’est pas celui auquel je pensais mais il donne une idĂ©e de l’humour de Bun Hay Mean dans un de ses spectacles rĂ©cents ( 2020 ou 2019, visiblement).
Spike Lee, aussi, nous parle des Asiatiques qui bossent. Dans son film, rĂ©alisĂ© en 1989 : Do The Right Thing. MĂȘme si, dans cet extrait, il est question d’un commerçant corĂ©en et non d’un commerçant chinois.
Mais les Chinois ne sont pas les seuls Ă bosser. Avant le film de Spike Lee, il y avait eu, en France, le trĂšs bon Pierre Desproges avec son sketch Rachid.
Dans son sketch, Rachid, Desproges nous parle du racisme qui, en France, touche les Arabes. Le Front National dirigĂ© alors par Jean-Marie Le Pen obtenait alors de plus en plus de voix dans la France socialiste du PrĂ©sident François Mitterrand ( 1981-1995). Et certaines personnes considĂ©raient les Arabes comme des fainĂ©ants. Alors, dans son sketch, Desproges « sâĂ©tonne » comme, pour des fainĂ©ants, bien des Arabes travaillent dur. Son sketch date des annĂ©es 80, probablement en 1985 ou en 1986 ( Desproges est mort le 18 avril 1988) Ă lâĂ©poque oĂč les mĂ©diathĂšques nâĂ©taient pas remplacĂ©es par internet. Je vous propose de le retrouverâŠsur internet. Et de lâĂ©couter et de le regarder. Rire, rĂ©flexion et Ă©motion sont garantis. MĂȘme si la façon de bouger et d’occuper la scĂšne est trĂšs diffĂ©rente de celle de Bun Hay Mean. Trente ans sĂ©parent les deux humoristes.
Vers lâoasis :
Hier matin, samedi, je suis allĂ© Ă la mĂ©diathĂšque de ma ville. En raison de la pandĂ©mie, il Ă©tait possible de sây rendre de 11h30 Ă 12H30 ou de 16h30 Ă 17h30 pour venir y chercher un ouvrage que lâon avait commandĂ©. En temps habituel, les samedis, la mĂ©diathĂšque est ouverte de 10h Ă 18h.
AprĂšs avoir discutĂ© un peu avec un des bibliothĂ©caires, comme jâavais quelques courses Ă faire, je me suis offert un petit pĂ©riple. Jâavais sur moi toutes les feuilles dâattestation de dĂ©placement provisoire. Je nâen nâai pas rempli une seule. Jâavais besoin de prendre lâair. Jâen avais assez de devoir prendre le temps dâĂ©crire sur une feuille ce que je vais faire. Et quand. Et oĂč. Et pourquoi. Et avec qui. Et dans quelle position. Et pendant combien de temps. Ce que jâĂ©cris est trĂšs grave car je donne un mauvais exemple de comportement civique en pleine pĂ©riode de pandĂ©mie. Mais câest la premiĂšre fois que je le fais. Et, surtout, il sâagissait de marcher un peu dans ma ville Ă lâheure de midi.
Mon masque sur le visage- oui, je porte toujours mon masque sur mon nez et ma bouche lorsque je sors !- jâai un peu improvisĂ© dans les rues. JusquâĂ arriver devant ce magasin de produits exotiques tenus par des Chinois oĂč je nâĂ©tais pas allĂ© depuis une bonne annĂ©e. Ou plus.
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Il Ă©tait ouvert. Cela se voyait dâassez loin avec lâenseigne lumineuse, au dessus du magasin, qui clignotait. Dans notre monde de plus en plus fermĂ© par la peur, voir un magasin ou un lieu ouvert peut donner lâimpression de se retrouver devant une oasis. Ce que bien des commerces, bien des pubs, certains programmes politiques, Ă©conomiques ou religieux nous promettent.
Sur la droite de « lâoasis », un chien agenouillĂ© et enchaĂźnĂ©. Etait-ce lâun des chiens de lâenfer ? Il avait lâair plutĂŽt gentil. Sauf quâil nâĂ©tait pas lĂ , les derniĂšres fois.
AprĂšs avoir dit bonjour Ă la dame, jâai Ă peine eu le temps dâaller dans les rayons que celle-ci mâa demandĂ© avec une certaine inquiĂ©tudeâŠde mettre du gel hydro-alcoolique sur mes mains. Jâai alors vu le flacon devant elle ainsi que le mot nous invitant Ă lâutiliser.
Mais il y avait plus. Lors de mes prĂ©cĂ©dentes venues, il suffisait de faire son tour et de choisir ses articles. LĂ , il a presque fallu que jâannonce mes intentions dâachat dĂšs le dĂ©part. Cela mâa fait penser Ă de la rapine rĂ©pĂ©tĂ©e dont le magasin a pu avoir Ă se plaindre.
Jâai apparemment su rassurer car, ensuite, la dame mâa laissĂ© fureter entre les Ă©talages.
JâĂ©tais devant le rayon des surgelĂ©s lorsque je lâai entendue dire Ă voix haute :
« Il faut mettre votre masque ! ». Peu aprĂšs, jâai vu dĂ©bouler un homme peut-ĂȘtre dâorigine pakistanaise ou bangladaise en tenue traditionnelle longue et sandales. Il est restĂ© peu de temps.
La date de pĂ©remption du produit surgelĂ© que je regardais Ă©tait dĂ©passĂ©e de quelques jours : Octobre 2020. Jâen ai parlĂ© Ă la vendeuse. Elle sâen est Ă©tonnĂ©e. Un peu plus tĂŽt, elle mâavait expliquĂ© quâen ce moment, ils avaient de moindres approvisionnements.
Elle mâa proposĂ© de me faire un prix. Cinq euros au lieu de six euros quatre vingts.
Jâai acceptĂ©.
Franck Unimon, ce dimanche 8 novembre 2020.