
Lille J + 4
Notre sĂ©jour Ă Lille sâest terminĂ© dimanche. Lille Ă©tait nouvelle pour nous, en couple avec enfant. Nous nâattendions rien de particulier de Lille. Nous avions eu de diffĂ©rents bons Ă©chos depuis des annĂ©es. Mais elle Ă©tait restĂ©e cette ville secondaire dans nos pensĂ©es : Trop proche. A une heure de Paris en TGV. Trop au Nord. Et aussi trop loin de la mer et de la montagne. MĂȘme si « Lille, câest pratique pour aller ensuite Ă Amsterdam, en Belgique ou Ă Londres ». Et puis, « La Grande braderie de Lille⊠».
Six nuits sur place ont Ă©tĂ© insuffisantes pour Ă©chapper Ă cet effet secondaire de Lille : Cette ville nous a beaucoup plu. Devant Bordeaux et Rennes. Câen est mĂȘme suspect. TrĂšs suspect. Quâest-ce quâon nous a cachĂ© ?
Cette ville nous a sûrement caché quelque chose.

Essayons donc dâĂȘtre mĂ©thodiques : durant cette petite semaine Ă Lille oĂč nous avons effectuĂ© tous nos dĂ©placements en transports en commun ou en marchant, il a fait beau la plupart du temps. Nous sommes bien-sĂ»r allĂ©s dans les « vannes » Ă touristes. Dans les « bons » coins. En semaine Ă partir du lundi et aux heures creuses. Et de jour. Nous nâavions pas de raison particuliĂšre dâaller effectuer des selfies nocturnes en famille dans certaines sphĂšres sensibles a priori situĂ©es-concentrĂ©es au « sud » de Lille.
NĂ©anmoins, mes perceptions sur cette ville ont assez peu variĂ© depuis notre retour. On sent Ă Lille un hĂ©ritage historique particulier. Je le dis parce-que je lâai lu :
Cette ville a morflĂ© Ă chaque fois durant les deux Guerres Mondiales du 20 Ăšme siĂšcle. Son patrimoine picard et flamand ainsi que les diverses immigrations ont aidĂ© Ă sa reconstruction et Ă son impulsion actuelle. La naissance sur son sol de Charles de Gaulle a fait de cette ville une terre Gaulliste. Et il mâa fallu ce sĂ©jour pour mieux comprendre Ă travers une ou deux plaques de commĂ©moration comme, pour Pierre Mauroy, Maire de Lille en 1981, cela avait dĂ» ĂȘtre une trĂšs forte victoire politique, personnelle et symbolique dâĂȘtre le premier Premier Ministre du prĂ©sident socialiste François Mitterrand, un demi-siĂšcle aprĂšs LĂ©on Blum.
MĂȘme si, ensuite, Pierre Mauroy avait dĂ» laisser sa place de Premier Ministre et que peu Ă peu, le parti socialiste de François Mitterrand sâĂ©tait rĂ©vĂ©lĂ© moins « beau » que ce quâil avait promis dâĂȘtre.
En se dĂ©plaçant dans le centre de Lille et ses quartiers les plus emblĂ©matiques, on perçoit la volontĂ©- socialiste ?- depuis des annĂ©es, de faire de cette ville un essaim dâhorizons. Par ses deux gares Ă TGV, bien-sĂ»r, Lille-Europe et Lille-Flandre (une station de mĂ©tro ou dix minutes de marche Ă pied les sĂ©parent). Par son mĂ©tro qui, sâil est moins dense que le mĂ©tro parisien, est bien pratique couplĂ© Ă ses autres moyens de transports en commun. Et par ses infrastructures, Ă©tudiantes, commerçantesâŠ
Le sens de lâaccueil lillois sâest confirmĂ© Ă plusieurs reprises. Mais il faut aussi savoir se rappeler lorsquâon sâattĂšle Ă critiquer le mĂ©pris parisien que Lille et sa rĂ©gion sont nettement moins peuplĂ©es que Paris et ses villes de banlieue. Par ailleurs, ce samedi vers 18h, jâai briĂšvement fait lâexpĂ©rience de remonter la rue Esquermoise Ă une heure de grande affluence. Jây ai Ă©tĂ© bousculĂ©- Ă lâĂ©paule- sans mĂ©nagement et sans un regard par une femme dâun certain Ăąge qui mâa semblĂ© faire partie de ce grand troupeau qui allait se vider vers le « Vieux-Lille ».

A dĂ©faut de pouvoir nous rendre sur le marchĂ© de Wazemmes (un des plus grands de France) quelques heures plus tĂŽt, nous nous Ă©tions rabattus sur ses Halles le samedi midi au mĂȘme endroit.


Les Halles de Wazemmes est/sont un lieu trĂšs agrĂ©able, entourĂ© de bĂątiments qui, dĂ©jĂ , montraient une ville de Lille moins Ă©panouie mĂȘme si ce quartier, en raison de sa mobilisation artistique et culturelle, ferait partie des quartiers qui « montent » Ă Lille.
En sortant du mĂ©tro, des affiches annonçaient la manifestation du 20 juillet â Ă Paris- en mĂ©moire dâAdama TraorĂ©.
Cependant, dans ce quartier de Wazemmes, il yâavait de la vie et une ambiance paisible.
Ensuite, notre passage Ă Roubaix avait Ă©tĂ© assez dĂ©primant. Une ou deux semaines avant nos vacances Ă Lille, jâavais croisĂ© deux jeunes de Roubaix prĂšs de la rue Montorgueil, Ă Paris. Lorsque je leur avais demandĂ© ce quâil yâavait Ă voir ou Ă faire Ă Roubaix, les deux jeunes, dâune vingtaine dâannĂ©es, mâavaient rĂ©pondu stoĂŻquement :
« Il nâyâa rien Ă Roubaix⊠».
Jâavais alors tentĂ© : « Et la piscine de Roubaix ? ». AssurĂ©ment, ils savaient de quoi je parlais mais ça les concernait trĂšs peu. Le musĂ©e de la Piscine de Roubaix a une trĂšs bonne cĂŽte y compris Ă Paris.
Je voulais absolument y aller pour lâexposition consacrĂ©e Ă lâAlgĂ©rie. Jâavais simplement oubliĂ© que cette exposition sâĂ©tait terminĂ©e le 2 juin de cette annĂ©e. Nous y sommes nĂ©anmoins allĂ©s car câĂ©tait un endroit « oĂč aller » lorsque lâon est Ă Lille. Et les photos aperçues de la piscine de Roubaix mâavaient donnĂ© envie. Ainsi que lâexposition de lâartiste ISE.
ça mâa fait tout drĂŽle, en sortant du mĂ©tro, non loin de la gare de Roubaix, de voir ces rues dĂ©sertes et ces commerces fermĂ©s un samedi, vers quatorze heures. Jâai pensĂ© Ă ce que jâavais pu entendre dire de Detroit ( aux Etats-Unis), ville coulĂ©e Ă©conomiquement et socialement par la crise et la fermeture des usines automobiles. MĂȘme si certains projets en particulier Ă©cologiques sây dĂ©velopperaient. En nous rapprochant de la piscine de Roubaix, un peu plus bas, une statue commĂ©morait celles et ceux de Roubaix qui sâĂ©taient, de par le passĂ©, sacrifiĂ©s.

Je me suis dit que cela devait ĂȘtre ça : Ă un moment de son histoire, Roubaix, qui est Ă 16 stations de mĂ©tro de Lille soit Ă une vingtaine de minutes, et sa population avaient Ă©tĂ© sacrifiĂ©s et beaucoup de monde, ici, avait dĂ©cidĂ©ment beaucoup de mal Ă sâen remettre.
Le musĂ©e de La piscine de Roubaix a Ă©tĂ© une espĂšce dâoasis. Nous y avons aussi sans doute croisĂ© autant de personnes que dans les rues de Roubaix.

En sortant de la piscine de Roubaix, nous nous dirigions vers un « commerce » oĂč lâon pouvait ĂȘtre susceptible dâacheter du linge de maison de bonne qualitĂ©. AprĂšs avoir dĂ©passĂ© un terrain de basket oĂč quelques jeunes jouaient. Le terrain de basket Ă©tait derriĂšre le musĂ©e de la piscine.
Je mâĂ©tais demandĂ© si ces jeunes qui jouaient au basket en plein soleil Ă©taient allĂ©s une seule fois se mettre Ă lâombre au musĂ©e de la Piscine. Par expĂ©rience, je sais que lâon peut multiplier pendant des annĂ©es nos regards sur un lieu « prestigieux » et vecteur dâavenir et sâen soustraire car on le trouve trop abstrait. MĂȘme sâil est ouvert au plus grand nombre et Ă lâaddition des chances.
Nous nous Ă©tions Ă©loignĂ©s dâune bonne centaine de mĂštres de ce terrain de basket quand jâai entendu plusieurs coups de klaxon suivis de : « HĂ©, NĂ©gro ! ». Un angle de mur et plusieurs mĂštres me sĂ©paraient de celui qui appelait. Estimant que cette personne devait sĂ»rement sâadresser Ă quelquâun dâautre, aprĂšs une ou deux secondes, sans mĂȘme me retourner, jâai donc repris ma marche. Ăa ne pouvait pas ĂȘtre moi. Et puis, jâai entendu deux hommes qui se parlaient, contents de se revoir.
Il nous a fallu plus de temps pour aller jusquâau magasin de linge de maison que pour en repartir.
Une ouvriĂšre trĂšs aimable mâa ouvert la porte puis est retournĂ©e Ă son atelier. Je la voyais comme elle me voyait Ă travers deux fenĂȘtres ouvertes. Jâai regardĂ© les serviettes. Et dâune, toutes ces serviettes Ă©taient laides avec cette inscription « La piscine ». Et de deux, cela me mettait trĂšs mal Ă lâaise de dĂ©ranger cette ouvriĂšre qui, si elle bĂ©nĂ©ficiait sans doute de meilleures conditions de travail quâailleurs, me donnait lâimpression de remplir ainsi deux fonctions. Nous sommes trĂšs vite repartis. Bien-sĂ»r, Roubaix nâest pas Lille. Et le Maroilles nâest pas le camembert. Et, Bien-sĂ»r, Ă Roubaix comme Ă Lille, il yâa des personnes pleines dâĂ©nergie et qui sâen sortent. A notre arrivĂ©e Ă Roubaix, il sâĂ©tait mis Ă pleuvoir et il faisait assez gris. Lorsque nous sommes sortis de la piscine de Roubaix, il avait arrĂȘtĂ© de pleuvoir. Et il yâavait un trĂšs beau ciel bleu. A la gare, un homme nous a dit quâil nâyâavait pas de train aujourdâhui. Alors, nous sommes repartis comme nous Ă©tions arrivĂ©s. Par le mĂ©tro.
Je suis descendu Ă la station Rihour oĂč jâai vĂ©cu un peu le centre de Lille un samedi en fin dâaprĂšs-midi, Ă une heure dâaffluence. Avant notre dĂ©part le lendemain, je voulais faire quelques derniers achats de pĂątisseries. Jâai eu de la chance : jâai obtenu la derniĂšre brioche sucrĂ©e et le dernier pot de glace Ă la vanille de 500 ml chez MĂ©ert oĂč des gens faisaient dĂ©sormais la queue tandis que dans la rue des passants lorgnaient sur la vitrine.
Juste derriĂšre moi, une femme arrivait trop tard pour acheter sa brioche sucrĂ©e. LâemployĂ© a fait un peu dâhumour : « Faites monter les enchĂšres⊠».
Devant moi, un couple de jeunes (re)faisait lâexpĂ©rience de se sentir des personnalitĂ©s importantes en commandant des pĂątisseries pour eux et leurs amis. Chez le pĂątissier Alex Croquet, jâai eu la chance dâacheter la derniĂšre ensaimada.
Puis, je me suis fait un peu secouer par une femme-bovidĂ© en retournant au mĂ©tro. Jâai nĂ©anmoins rĂ©ussi Ă retourner Ă notre appartement sans me faire encorner.
A Lille et dans ses environs, nous nâavons pas pu prendre le temps dâaller dĂ©couvrir la gare St Sauveur, le marchĂ© de Wazemmes, les PrĂ©s de Hem, le MusĂ©e de lâAir ainsi que sa vie nocturne. Sa cĂ©lĂšbre grande braderie a lieu « le premier week-end du mois de septembre ». La ville de Lille possĂšde sans aucun doute encore bien dâautres attraits.
Cet article clÎture mes portraits de Lille démarrés dans mes articles précédents Lille-Jour 1, PremiÚres impressions lilloises, Lille. TroisiÚme portrait et Lille, vendredi 19 juillet 2019.
Franck Unimon, ce jeudi 25 juillet 2019.