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FantÎme de Goût

Paris Tea Festival 15 Juin 2025

Au Paris Tea Festival, Cité Universitaire, ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Paris Festival Tea 15 Juin 2025

FantÎme de nos goûts, le thé est une apparition.

A moins qu’il ne soit un peu tout ce que l’on croit, une forme de superstition, une force en apesanteur, selon les tempĂ©ratures oĂč il nous libĂšre.

Quelques heures avant de me rendre au Paris Festival Tea Ă  la CitĂ© Universitaire, j’étais pourtant bien plus terre Ă  terre :

Je n’avais plus envie d’y aller.

Ma journée fournie en déplacements de la veille. Le trajet depuis Argenteuil, ma ville de banlieue.

Un lieu de plus oĂč j’irais gesticuler. Et oĂč j’allais bien-sĂ»r dĂ©penser de l’argent aprĂšs m’ĂȘtre acquittĂ© du droit d’entrĂ©e. Vingt euros pour moi, quinze pour les Ă©tudiants.

Je prévoyais une arnaque. Une manifestation faite pour attirer les gogos.

Au Paris Tea Festival, Cité Universitaire, 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Le thĂ© fait vendre de plus en plus. J’ai lu quelque part sur un site qui lui est consacrĂ© qu’il serait la deuxiĂšme boisson la plus bue dans le Monde aprĂšs l’eau. Cela Ă©tait dĂ©clarĂ© fiĂšrement sans rappeler que sans eau le thĂ© perd beaucoup et aussi que les ressources mondiales en eau s’amenuisent avec la pollution due Ă  la croissance industrielle de nombreux pays, la dĂ©forestation, le gaspillage, le rĂ©chauffement climatique. Et qu’il existe dĂ©jĂ  certaines tensions entre certains pays pour s’accaparer certaines rĂ©serves d’eau telles celles entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie.

Mais ce festival, le premier festival de thĂ© auquel je me rendais, Ă©tait d’abord une fenĂȘtre. Et pour puiser mes conclusions, il me fallait aller sur place, passer de l’autre cĂŽtĂ© de mes filtres.

Le thĂ© a commencĂ© pour moi en sachets Lipton Ă  l’adolescence. Pour le petit dĂ©jeuner avec plusieurs morceaux de sucre blanc. Mais aussi avec du miel. Comme alternative aux boissons chocolatĂ©es de mon enfance dont je m’étais lassĂ©.

C’était le chocolat en poudre ou en granulĂ©s avec du lait de vache, dĂ©ja avec des morceaux (jusqu’à quatre) de sucre blanc. Il y a eu l’Ovomaltine, le Nesquik, le Banania, le Benco, le Poulain, rarement le Van Houten. Il y a eu le morceau de beurre qui se foudroie dans le coin du bol de chocolat chaud et que l’on boit. Il y a eu le lait sucrĂ© concentrĂ© auquel on ajoutait  du chocolat en poudre et de l’eau chaude.

Il y a aussi eu un peu de chicorĂ©e, un peu de cafĂ© au lait bien sucrĂ©. Et lors de sĂ©jours en Grande-Bretagne, le thĂ© au lait qui me donnait un peu l’impression de devenir un aristocrate.

Puis, un jour, il y a Ă   peu prĂšs quinze ans, est arrivĂ© le thĂ© en vrac.

Comment ? Pourquoi ?  OĂč ? Qui ? 

Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens pas non plus quand j’ai arrĂȘtĂ© de plonger du sucre dans mon thĂ©.

 Mais je me rappelle du premier magasin oĂč je suis devenu assidu afin d’y acheter du thĂ© en vrac :

La Route du ThĂ© au 5, rue de la Montagne Sainte Genevieve dans le 5Ăšme arrondissement. J’ai dĂ» y entrer par curiositĂ© un jour oĂč j’étais seul dans les environs. J’y retourne encore mĂȘme si, depuis, en parallĂšle, je vais aussi voir ailleurs :

L’ Autre ThĂ©, Le Palais des ThĂ©s ,  Le Conservatoire des HĂ©misphĂšres, Lupicia ainsi que quelques sites. Cette polygamie du thĂ© ne suscite aucun conflit particulier dans ma vie personnelle tant que le thĂ© m’amĂ©liore.  

Je suis aussi passĂ© Ă  Mariage FrĂšres et chez Damman FrĂšres  puisque l’on en parlait beaucoup. J’ai trouvĂ© Mariage FrĂšres cher voire trĂšs cher, plutĂŽt prĂ©tentieux. Une sorte de yacht statique de l’aisance sociale et matĂ©rielle qui ne garantit pas pour autant l’excellence annoncĂ©e. A moins d’ĂȘtre prĂȘt Ă  payer le prix fort pour certains de leurs thĂ©s. Il y a finalement tellement d’histoires comme celle-lĂ  oĂč la suffisance convainc bien des privilĂ©giĂ©s qu’ils ont toujours le meilleur Ă  portĂ©e de main. 

AprĂšs plusieurs annĂ©es de frĂ©quentation de La Route du ThĂ©, j’ai connu chez Mariage FrĂšres pourtant si rĂ©putĂ© une dĂ©sillusion en matiĂšre de Sencha. Il y avait mieux mais il fallait vraiment mettre le prix. Je crois que l’on Ă©tait dans les 90 ou 100 euros ou plus pour cent grammes de thĂ©.

Je n’ai pas peur de payer entre 25 et 40 euros les 50 ou les 100 grammes de thĂ©. Je peux mĂȘme payer encore un peu plus si je suis sĂ»r de l’endroit et de ce que j’ y achĂšte.

Je reste pour l’instant rĂ©servĂ© concernant Damman FrĂšres car j’y suis allĂ© une seule fois de mĂ©moire.

Pour choisir notre thĂ© en vrac, notre nez et notre mĂ©moire gustative comptent autant voire plus que les commentaires et l’assurance de certains vendeurs qui sont Ă  mon avis beaucoup plus des agents commerciaux que de rĂ©els conseillers. Pour peu que l’endroit soit assez luxueux et prĂ©sente bien, on peut avoir l’impression d’entrer dans une bijouterie oĂč l’on est reçu par des orfĂšvres du goĂ»t et d’un vocabulaire millĂ©simĂ© alors qu’il peut s’agir de simples Ă©lĂ©ments de langage et du protocole.

Le vendeur et le gĂ©rant de La Route du ThĂ© oĂč je retourne est originaire d’Afghanistan. Il m’a racontĂ© un peu son histoire et son arrivĂ©e en France Ă  la suite de son frĂšre il y a quelques semaines lorsque je suis allĂ© le rejoindre dans le restaurant vietnamien oĂč il avait l’habitude de dĂ©jeuner. Il m’a offert le repas. J’étais un peu fatiguĂ© et j’avais dĂ©jĂ  un peu dĂ©jeunĂ© mais je n’ai pas refusĂ©. A ce jour, je n’ai pas connu d’expĂ©rience similaire dans les autres maisons de thĂ© que j’ai connues plus rĂ©cemment.

La premiĂšre fois que je suis entrĂ© Ă  La Route du thĂ©, je commençais sans doute dĂ©ja Ă  m’éloigner de plus en plus des grandes surfaces et des magasins bondĂ©s et bruyants oĂč nous sommes des prisonniers en libertĂ© conditionnelle. Nos cellules et nos matricules sont nos cartes bancaires ainsi que nos tĂ©lĂ©phones portables. Nous sommes supposĂ©s choisir et nous faire plaisir alors que nous ne faisons que nous assujettir et nous enfermer un peu plus.

A La Route du thĂ©, il n’y avait pas de queue Ă  la caisse. Pas de foule. Je pouvais prendre le temps de sentir le thĂ© que j’allais acheter. Discuter, me faire conseiller.

J’ai commencĂ© par des thĂ©s aromatisĂ©s. Des thĂ©s noirs. Dont certains ont beaucoup plu Ă  mes collĂšgues tels Les fleurs de feu, Les Cavaliers afghans, Ispahan
.

Et puis, un beau jour, ces thĂ©s se sont tus dans ma bouche. J’ai d’abord cru que c’était une mauvaise production. Le vendeur m’a dĂ©trompĂ©. Quelqu’un m’avait recommandĂ© de boire du thĂ© vert. A moi qui buvais encore du thĂ© noir aromatisĂ© avec du sucre.

Je me suis rappelĂ© d’un collĂšgue qui avait louĂ© le GemmaĂŻcha.

J’ai essayĂ© le GemmaĂŻcha alors que je buvais trĂšs peu de thĂ© vert japonais lors de mon premier sĂ©jour au Japon en 1999 mĂȘme si j’en Ă©tais revenu avec de la cĂ©ramique- que j’ai toujours- mais sans thé .

Aujourd’hui, cela doit faire une dizaine d’annĂ©es que je bois du thĂ© vert japonais. Du Sencha ou du Gyokuro. Je n’arrive pas Ă  me dĂ©loger de ces thĂ©s-lĂ . Je me vois comme un intĂ©griste voire un raciste gustatif en matiĂšre de thĂ©. Car souvent lorsque  j’essaie un autre genre de thĂ© affirmĂ©, je le quitte.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Au Paris Tea Festival, on nous a remis Ă  l’entrĂ©e une petite tasse nous permettant de goĂ»ter Ă  peu prĂšs tous les thĂ©s prĂ©sentĂ©s. J’ai dĂ» approcher entre vingt Ă  quarante thĂ©s. Des thĂ©s noirs, des thĂ©s verts, des thĂ©s d’Afrique, des thĂ©s de Chine, de CorĂ©e du Sud, du Japon, d’Iran.

J’ai croisĂ© un vendeur espagnol qui vivait en Chine depuis une dizaine d’annĂ©es. Un autre d’origine polonaise qui avait vĂ©cu Ă  TaĂŻwan et qui vendait sa cĂ©ramique. Un autre vendeur de cĂ©ramique Ă©tait d’origine tchĂšque. J’ai croisĂ© un Instagrammeur qui publiait rĂ©guliĂšrement Ă  propos des Ă©vĂ©nements liĂ©s au thĂ©. Un spĂ©cialiste du Japon et du thĂ© qui m’a appris que je pouvais le solliciter si je cherchais un article Ă  me faire ramener du Japon.

J’ai discutĂ© pendant un moment avec une des vendeuses, Ă©galement formatrice en thĂ©, des Jardins de GaĂŻa qui a pris le temps de me servir plusieurs thĂ©s ainsi qu’à un autre visiteur comme moi qui « travaille dans la mode Â». C’est avec elle que j’ai dĂ©couvert le shiboridashi.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Plus loin, un revendeur m’a appris que la Bretagne se prĂȘtait bien Ă  la culture du thĂ© vert japonais en raison de son climat et de ses terres acides. Il m’a aussi parlĂ© du dĂ©calage entre la maison de thĂ© qu’il reprĂ©sentait au Paris Festival Tea et certains de leurs agriculteurs partenaires qui privilĂ©giaient la quantitĂ© au lieu de la qualitĂ©. D’autres personnes Ă©taient lĂ  pour prospecter et nouer des contacts en vue de dĂ©velopper leur business. J’ai aussi relevĂ© la place stratĂ©gique occupĂ©e par la marque Brita connue depuis des annĂ©es pour ses carafes filtrantes.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Le stand Brita était bien-sûr mieux rangé. Photo©Franck.Unimon

Le Paris Festival Tea a été une opportunité pour présenter la derniÚre nouveauté de la marque Brita.

Venu principalement pour le thĂ©, je n’avais pas envisagĂ© la prĂ©sence de cĂ©ramique. Si j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de trouver des artisans ou des revendeurs europĂ©ens qui « proposaient Â» des piĂšces de cĂ©ramique plutĂŽt sĂ©duisantes et rĂ©ussies, deux stands m’ont particuliĂšrement plu dont celui reprĂ©sentant les poteries Hagi Ware d’un Japonais rĂ©sidant aux Pays-Bas depuis 2024 :

Shujiro Tanaka pour le site Tanaka-NL. J’ai appris que la technique Hagi Ware dĂ©coulait du savoir faire de potiers corĂ©ens.

J’ai aussi aimĂ© le travail de Inge Nielsen qui s’inspire de la poterie chinoise et de JĂ©rĂ©my Keala qui s’inspire, lui, de la poterie japonaise.

MĂȘme si l’univers du thĂ© est un marchĂ© Ă©conomique ( on m’a rappelĂ© la spĂ©culation actuelle Ă  propos du matcha)  qui repose sur la concurrence et des conditions de travail Ă©prouvantes, je trouve rĂ©confortant que dans notre monde de console Nintendo Switch seconde gĂ©nĂ©ration, de jeux en ligne, de vidĂ©os snapchat, de rĂ©seaux sociaux et de tĂ©lĂ©phones portables toujours disponibles et toujours en activitĂ© qu’il y ait des personnes qui prennent le temps de se faire du thĂ© et de se rencontrer Ă  travers lui.

Initialement disposĂ© Ă  rester deux heures au Paris Tea Festival, j’y suis finalement restĂ© plus de quatre heures ! Sans assister Ă  une seule des confĂ©rences ainsi qu’à aucun des ateliers.

Le reste, c’est mon diaporama qui le racontera.

 

Franck Unimon/ Balistique du quotidien, ce mercredi 18 juin 2025.

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