
Lorient visite guidée juillet 2025- première partie
Au mieux, la mémoire de l’être humain est une vie en soi. Au pire, la mémoire est une folie.
Car si elle peut nous être un renfort elle n’obéit pas pour autant strictement aux lois et aux frontières de la volonté humaine. Dire que la mémoire, notre mémoire d’humains, retombe toujours sur ses pattes ou qu’elle recouvre invariablement son équilibre est une interprétation ainsi qu’une aspiration humaine.
Nous portons en nous une certaine mémoire. Mais nous n’en savons pas grand-chose.

Je peux néanmoins encore me rappeler, pour l’instant, que ma fille et moi sommes revenus de notre semaine de vacances dans le Morbihan il y a bientôt un mois. Nos premières vacances en duo depuis sa naissance il y a bientôt douze ans. Depuis notre retour, je n’ai pas pu prendre le temps de commencer à écrire cet article dans des conditions qui me convenaient :
J’ai repris le travail. J’ai emmené ma fille à la gare Montparnasse pour qu’elle parte à sa première colonie de vacances. J’ai fait plus de cent kilomètres en voiture aller et retour pour me rendre à Rogny les Sept écluses afin d’aller chercher un chaton que j’avais seulement vu en photo afin de l’adopter. Un chaton donné par la sœur d’une collègue.
C’est la première fois que j’adopte un animal domestique. Je l’ai fait après une conversation avec ma compagne dont certains des arguments m’ont convaincu :
Nous connaissions une deuxième vague de souris depuis le mois de Mai après une première fin 2023.
Pour notre fille.
Pour le fait que la présence d’un animal « domestique » dans un domicile permet certaines transitions.
L’écriture, tout comme le songe, est une transition.
Mais il faut du temps pour écrire. Il me faut aussi voir se rapprocher ce moment où je « sais » que je pourrai donner le meilleur dont je dispose pour lancer l’écriture.
Il y a des articles que j’ai perdus et d’autres qui sont en sursis. Il y en a d’autres aussi que j’ai ratés mais qui m’ont peut-être permis d’en réussir d’autres. Il m’est difficile de savoir à quelle catégorie appartiendra celui-ci en dépit de ma bonne volonté de départ.
J’ai véritablement entendu parler de la Bretagne pour la première fois pendant mes études d’infirmier à Nanterre à la fin des années 80. Dans ma promotion et dans mon école d’infirmières de la Maison de Nanterre (l’ancien nom de l’hôpital de Nanterre qui, aujourd’hui, s’appelle, je crois l’hôpital Max Fourastier) il se trouvait quelques Bretonnes.
J’étais issu d’un baccalaurĂ©at B option sciences Ă©conomiques et du lycĂ©e. Comme aurait pu le prĂ©tendre l’humoriste Fabrice EbouĂ©, qui Ă©tait alors très loin d’ĂŞtre connu voire Ă l’Ă©cole primaire, je n’avais alors « rien vĂ©cu ».
J’étais un petit noir à lunettes né en France, dans une ville communiste de banlieue parisienne, à Nanterre, ancien sprinter de niveau régional qui avait pourtant voulu devenir le nouveau Carl Lewis.
Mes parents, deux Antillais de naissance, avaient quitté à la fin des années 60 leur Guadeloupe natale, et plutôt rurale, ainsi que leur commune, Petit-Bourg. Afin d’essayer d’améliorer leur condition sociale et personnelle.
Et, Ă l’école d’infirmières, ces Bretonnes que je rencontrais, parmi d’autres, avaient, elles, quittĂ© leur Bretagne natale pour venir effectuer leurs Ă©tudes en rĂ©gion parisienne. Leur souhait Ă©tant, pour plusieurs d’entre elles, de repartir vivre dans leur rĂ©gion d’origine dès qu’elles le pourraient. Pour se marier, acheter une maison, faire des enfants. Des projets dont j’Ă©tais incapable de m’emparer et par lesquels je me sentais assez peu concernĂ©.
Après l’obtention de leur diplôme d’infirmière, certaines sont retournées en Bretagne. D’autres, moins. Moi, je suis resté vivre en banlieue parisienne. Malgré le fait que, pendant un temps, mon père m’ait répété que la France était le pays « des Blancs » et que je n’avais rien à faire en France. Si je l’avais écouté ou suivi à la lettre, après mon diplôme, je serais parti vivre en Guadeloupe et ce serait un article différent que j’écrirais aujourd’hui puisque j’écrivais déjà et qu’après avoir voulu être le nouveau Carl Lewis, à défaut de pouvoir devenir le nouveau Miles Davis, j’espérais vraisemblablement être le nouveau Aimé Césaire, le nouveau Richard Wright ou un de ces intellectuels ou penseurs qui « comptent ».
En attendant, j’ai ensuite réentendu parler de la Bretagne par…la Grande-Bretagne. L’ Ecosse a fait partie de mes premiers voyages en dehors de la Guadeloupe. Avec la Yougoslavie en 1989. Puis, il y a une vingtaine d’années, j’ai été amoureux d’une Bretonne, Highlander, originaire du Finistère. Car il faut bien une histoire d’Amour, de désamour, de violence ou d’injustice quelque part pour fixer notre mémoire ou l’inspirer. Celles et ceux qui ont aspiré ou qui aspirent à devenir de grands artistes ou de grands penseurs qui changent le Monde et la Création le savent.
Au dĂ©but de ma rencontre avec Highlander (j’avais une trentaine d’annĂ©es), je m’étais dit : « ça y’est, j’ai rencontrĂ© la femme de ma vie ». Highlander avait trois chats lorsque je l’ai connue.
Ajoutons à cela qu’à la même époque, j’avais aussi rencontré Georgette France, notre cadre infirmière, qui avait invité plusieurs d’entre nous à venir passer un week-end chez elle en Ile-et-Vilaine après son départ à la retraite.
Bien que Georgette France n’ait pas de chats, j’ai continuĂ© par la suite Ă venir passer des week-end chez elle et son mari. Mais peut-ĂŞtre Ă©tais-je devenu, sans m’en apercevoir, un de ces nombreux chats qui reviennent dans ces maisons oĂą ils mangent très bien et oĂą ils se sentent en sĂ©curitĂ© avant de s’en aller jusqu’Ă la fois suivante.
Entre l’Ile-et-Vilaine et le Finistère, il est difficile de se croire en Poitou-Charente ou dans les Bouches du Rhône. Nous sommes bien en Bretagne.
La Guadeloupe, les Antilles, font rĂŞver beaucoup de personnes :
Les touristes, celles et ceux qui s’y sentent délestés de toutes leurs contraintes et histoires personnelles, sociales et familiales ; toutes et celles et tous ceux qui, lorsqu’ils y passent des vacances en famille s’y sentent libres ou chez eux.
Malheureusement, je n’ai jamais été libre ou suffisamment chez moi durant mes vacances estivales de deux mois lors de mon enfance et mon adolescence en Guadeloupe. J’y ai même été plus enfermé que dans la cité HLM où nous habitions encore à Nanterre, allée Fernand Léger, en face de l’école Robespierre.
Toute forme d’oubli ou d’abandon m’était difficilement possible en Guadeloupe. Je me retrouvais régulièrement sur le tarmac du temps qui ne passe pas ou alors très très lentement.
Et de la mémoire qui vous happe.
La mĂ©moire de la peur. De la mĂ©fiance. De la rĂ©putation. Une mĂ©moire pas très cool. Pas très sereine. Pas beaucoup portĂ©e sur le soleil ou l’optimisme. Pas très Francky Vincent. PlutĂ´t Ă©trangère Ă la mĂ©ditation comme Ă la contemplation.
Il existait toujours une bonne raison à cela. Une crainte ou une inquiétude. Un événement passé. Un devoir. Une exigence. Une croyance. Ou une absence de moyens.
En rĂ©gion parisienne, cette mĂ©moire pouvait se diluer dans l’Hexagone au grĂ© des horizons et des personnes diffĂ©rentes que j’y rencontrais. Mais au pays, cette mĂ©moire pouvait vous reprendre Ă n’importe quel moment tel le dealer qui, d’une main, vous sourit et vous dĂ©livre la substance agrĂ©able et qui, de l’autre, vous sĂ©questre soudainement, vous avertit d’un danger possible ou imminent ou vous saisit votre âme ou votre paie.
Sauf que le dealer Ă©tait un membre de la famille, un « proche », un ami, qui connaissait mieux que vous le pays et le territoire lorsqu’il n’Ă©tait pas plus âgĂ©, donc plus expĂ©rimentĂ© que vous. Il avait donc toujours et systĂ©matiquement plus de Savoir que vous d’une façon ou d’une autre. Et ce qu’il vous administrait, c’Ă©tait toujours une vĂ©ritĂ© que cela vous plaise ou non. Il fallait donc l’Ă©couter.
Il y avait aussi des moments agrĂ©ables ou très agrĂ©ables mais c’Ă©tait alĂ©atoire. Je n’avais pas la main dessus. Je vivais ou restais lĂ -bas, deux mois durant, dĂ©possĂ©dĂ© de la possibilitĂ© d’entreprendre une action quelconque pouvant m’assurer de faire d’un moment de plaisir, une certitude.
La présence d’une médiathèque ou d’une activité culturelle voire sportive régulière avec des jeunes de mon âge ou voire des éducateurs officiels ou non aurait pu sauver mes expériences d’enfant et d’ado métropolitain ou négropolitain en vacances en Guadeloupe.
Pour moi, il n’y en n’a pas vraiment eu. Ou par intermittences. Car cela demande de la patience ne serait-ce qu’Ă©ducative mais aussi d’avoir certaines ambitions ou certaines visions pour lesquelles nous n’Ă©tions ni entraĂ®nĂ©s ni prĂ©parĂ©s. Or la patience ne fait pas partie de la palette des vertus les plus recherchĂ©es ou les plus pratiquĂ©es parmi les adultes. Et la Man Tine ambitieuse et clairvoyante de Rue Cases Nègres ne figure pas dans le casting des personnalitĂ©s qui m’ont marquĂ© en Guadeloupe ou en France.
J’ai donc dĂ» composer avec ce qui m’a Ă©tĂ© transmis et aujourd’hui, je continue de composer. Afin de tenter de produire et non seulement reproduire, ce qui me fait prendre quelques risques :
M’Ă©loigner de la NormalitĂ©, m’exposer, crĂ©er, affirmer et faire reconnaĂ®tre ma normalitĂ©, me tromper, douter, devoir penser par moi-mĂŞme et prendre certaines initiatives.
En principe, on pourrait retrouver cela dans une histoire d’Amour.
Je n’ai jamais connu la moindre histoire d’Amour en Guadeloupe. Soit presque l’exact opposé de ce que j’ai pu connaître en Bretagne à l’âge adulte ou ailleurs plus jeune en France.
Récemment, Nonrien une amie (qui se trouve avoir des origines bretonnes) m’a demandé la raison de ma « passion » pour la Bretagne. C’est peut-être la meilleure réponse que je puisse (lui) apporter aujourd’hui. Et c’est peut-être aussi ce qui m’a donné envie, pour mes premières vacances avec ma fille, de nous rendre en Bretagne cet été.
Bien-sûr, en Bretagne, il y a la mer ou celle-ci n’est pas très loin. Cela a son importance.

Pour venir en France, mes parents ont bien dû passer par la mer. Pour débarquer en Guadeloupe, on sait aussi que nos ancêtres africains ont dû passer sous la contrainte par la mer.
C’est en Guadeloupe, à Ste Rose, là où mes parents sont retournés vivre après avoir fait construire leur maison pour leur retraite que, au début des années 2000, j’ai passé mes deux premiers niveaux de plongée bouteille au club Alavama créé et tenu par Stephan, originaire de Corse. Alavama semble avoir fermé depuis. Mais c’est dans ce club de plongée que j’ai vraisemblablement poussé un peu plus loin mon processus de libération et d’ouverture personnelle. Un processus d’abord et généralement assez solitaire.
Ma décision de pratiquer l’apnée quelques années plus tard fait sûrement partie du processus.
Les deux responsables de la section apnée du club de Colombes dont je fais partie depuis quelques années sont… bretons. De ce fait, chaque année, nous faisons un stage d’apnée et de chasse sous-marine…en Bretagne. Cette année, c’était à Loctudy.
Même si je suis d’origine antillaise et que j’aime évidemment me baigner dans la mer chaude, je n’ai pas d’appréhension particulière dans le fait d’entrer dans une mer plus froide. Il m’est arrivé et il peut m’arriver d’avoir envie de faire l’expérience d’une plongée sous glace avec bouteille ou en apnée.
Et puis, à l’image de mes séjours en Yougoslavie et en Ecosse, je préfère autant que possible éviter certaines destinations surchargées ou convenues.
Habituellement, en été, la majorité des vacanciers est obsédée par les plages du sud de la France. En hiver, l’obsession se dirige tel un revolver vers les sports d’hiver.
Je ne supporte pas les embouteillages. Je trouve que lorsque nous sommes insérés dans nos véhicules comme des saucisses sur des milliers de kilomètres sur la route, que nous sommes à l’apogée de l’absurdité de notre officielle modernité.
Je ne supporte pas de me retrouver allongé sur une serviette dans le sable parmi une foule de vacanciers au bord d’une plage. Et si j’ai pu aller deux ou trois fois « faire » du ski, ce qui m’a plu, je ne cours pas après cette frénésie des sports d’hiver.
Lorsque je parle de mes moments désagréables et décisifs en Guadeloupe, je n’omets pas les expériences privilégiées que j’y ai aussi faites :
Quand on a pu connaître dès l’enfance les plages de la Guadeloupe où l’on a pu se baigner sans encombrement, ensuite, on ne peut pas s’émerveiller devant « l’événement » de l’ouverture de l’Aquaboulevard dans Paris ; contrairement à Gavroche, l’amie parisienne qui m’y avait alors entraîné il y a plusieurs années. Pas plus que je ne peux accepter de faire près de 800 kilomètres afin de me retrouver dans le sud de la France sur une plage bondée dans une ville bâclée par des commerces touristiques grossiers.
D’ailleurs, l’une des seules fois oĂą je suis allĂ© passer quelques jours sur une plage en Ă©tĂ© dans le sud de la France, c’était aussi avec cette mĂŞme amie parisienne, celui qui allait devenir son mari et mon meilleur ami.
Malgré mon amertume et l’ambivalence de mes sentiments envers mon histoire avec la Guadeloupe, moi, le Moon France ou le Bounty, je lui suis non seulement attaché- ou enchainé- et je l’ai suffisamment « vue », « vécue » et approchée pour connaître un certain nombre de ses atouts.
« Le Breton », la femme comme l’homme, est pareil. « Le » Breton est semblable à beaucoup de personnes qui sont attachées à leur région. « Le » Breton est généralement fier de sa ville ou de sa région.

Pourtant, les deux ou trois fois où j’ai prononcé le nom de la ville de Lorient devant un Breton ou une Bretonne, j’ai à chaque fois été étonné de devenir le témoin de ce silence un peu particulier suivi de l’impossibilité pour elle ou lui de me parler de cette ville. Car il ou elle ne la connaissait pas ou n’y était jamais allé(e). Le contraste entre la façon dont le nom de cette ville stimulait mon imaginaire, Lorient, et cette absence d’enthousiasme ou ce simili mouvement de recul poli que je saisissais chez mon interlocutrice ou mon interlocuteur m’a toujours interpellé. Pour moi, Lorient, c’était au minimum la mer, la Bretagne et, chaque année, en été, le festival interceltique de Lorient, donc de la musique, donc, de la vie. Mais en face de moi, on s’effaçait devant tout « ça ».
Pendant des années, au début du vingtième siècle, la Bretagne a été, je crois, la région la plus pauvre de France. Encore récemment, en juillet avant notre séjour, Batman, un ami (Breton), m’avait appris que le terme « plouc » était autrefois utilisé pour désigner les paysans Bretons. C’est dire à quel point les Bretons, et la Bretagne, dans l’imaginaire collectif français, reviennent de très très loin.
Nos collègues, voisins ou amis bretons nous parlent rarement de cette époque mais il est probable qu’il leur en reste quelque chose. Et que cela peut expliquer cette fierté bretonne dont je parlais quelques lignes plus tôt. Car la Bretagne a de sacrés atouts tant touristiques, que culturels…ou immobiliers.
Même si l’on rappelle les dégâts des élevages porcins, des nitrates et des algues toxiques et mortelles sur certaines plages. Même si l’on parle de Bolloré. Ou de la dynastie Le Pen. Et, récemment, je n’ai pas entendu parler de Lorient lorsque des mauvaises nouvelles émanent de la Bretagne.
D’un point de vue culturel, pour évoquer la Bretagne, spontanément, je pense d’abord à Per Jakez Hélias. Je n’ai toujours pas lu son ouvrage Le Cheval d’orgueil paru en 1975 ( j’avais 7ans et cela correspond à l’année de mon premier voyage en Guadeloupe avec mes parents) mais j’ai écouté- et aimé- certains de ses contes.
Je pense aussi à la compositrice, harpiste et chanteuse Kristen Nogues voire à son compagnon Jacques Pellen, guitariste et compositeur. Même s’ils sont aujourd’hui décédés, je ne crois pas discréditer la culture bretonne en les citant.
Je pourrais peut-être aussi mentionner le livre Mémoires du large « de » Eric Tabarly ou un ouvrage de Olivier de Kersauson que j’ai lus. Mais même si Tabarly et Kersauson sont Bretons, en tant que marins et compétiteurs, ils font aussi partie de ces personnes que je qualifierais de « sportifs » de l’extrême mais, surtout, de femmes et hommes libres ou résistants à l’image, pour moi, de personnalités telles que Ellen Mac Arthur, Florence Arthaud, Elizabeth Revol, Hélie de St Marc, Maitre Jean-Pierre Vignau, Madeleine Riffaud, Daniel Cordier. Et, comme eux ou avant eux :
Angela Davis, Nelson Mandela, Martin Luther King, Malcom X, Miles Davis, James Baldwin, Richard Wright, Chester Himes, Aimé Césaire, Frantz Fanon, les Black Panthers, Bob Marley, Muhamad Ali ( même si, aujourd’hui, j’ai plus de mal avec certains de ses travers envers Malcolm X ou Joe Frazier ) James Brown, Kassav’… ainsi, sans doute, que tous les artistes et écrivains qui, contrairement à moi, ont explicitement préservé le Créole ou s’expriment à travers lui que ce soit par écrit, oralement, à travers la musique, le cinéma, un autre art ou une pratique que je n’ai pas mentionné, que je suis incapable de formuler ou à laquelle je n’arrive pas à penser.
Je peux néanmoins citer au moins les musiciens et compositeurs réunionnais Ann O’aro, René Lacaille, Maya Kamaty ou les films Kouté Vwa du Guyanais Maxime Jean-Baptiste (sorti dans quelques salles récemment) Zion du Guadeloupéen Nelson Foix ou Sac la mort d’Emmanuel Parraud. Sans oublier évidemment des références littéraires comme Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau ou Maryse Condé, René Depestre, Frankétienne et d’autres qui ont plutôt tendance à être aimantés par l’envers du décor, par le dessous des serviettes de plage, des crèmes solaires et des cartes sociales ou raciales.
Un film comme L’épreuve de feu d’Aurélien Peyre découvert au cinéma ce 15 Aout avant d’aller voir Kouté Vwa (mais aussi Bahd de Guillaume de Fontenay !) peut aussi me faire le même effet même si je peux prendre grand plaisir à aller voir un film axé sur le spectacle ou l’humour.
Cependant, avec la ville de Lorient, sans le savoir, je retournais avec ma fille vers une partie de l’Histoire qui nous éloigne de la vision de carte postale de la Bretagne. Je m’éloignais des villes et des lumières attractives telle la ville Pont-Aven pourtant proche et dont « tout le monde » m’avait dit beaucoup de bien. Car c’était une ville à voir etc….
Je reste marqué par ces paroles du rappeur Mc Solaar à l’époque où il était, pour moi, une forme d’absolu, alors que je reste un amateur vraiment limité en Rap :
« Il était vraisemblable que tous les faux semblants de la farce humanitaire aboutiraient au néant. C’est une boule à facettes comme dans les discothèques. Ça reflète à la lumière et sans elle…pfou…du vent. J’aime les images fortes car je suis comme toi. Le poids des mots et le choc des photos… ». ( extrait de son duo avec le rappeur Guru pour le titre Le bien, le mal).
Finalement, c’est peut-être en raison de mon rayonnement profondément dépressif que ma fille et moi ne sommes pas allés à Pont-Aven durant notre semaine dans le Morbihan.
J’ai hésité. C’est un choix que j’ai fait sans en discuter avec ma fille.
En l’entraĂ®nant peut-ĂŞtre davantage dans les sillons de ma dĂ©pression. Car Lorient, mĂŞme si elle connait un certain renouveau depuis plusieurs annĂ©es, a hĂ©ritĂ© d’une histoire triste du fait de la Seconde Guerre Mondiale.

Je sais qu’en faisant ce « choix » d’éviter Pont-Aven que je prenais le risque de passer pour un gogo. Mais je sais aussi que l’on voyage et que l’on vit différemment selon que l’on se trouve avec son enfant mineur ou selon le fait que l’on circule seul ou avec d’autres adultes.
Selon ce que l’on peut partager et/ou transmettre.
Visiter une ville avec une enfant de bientĂ´t douze ans, cela peut lui plaire. Mais cela peut aussi l’ennuyer si ce que l’on trouve sur place, c’est de belles vitrines de magasins et des jolies maisons. A l’inverse, « L’ Histoire » de Lorient, elle, grâce Ă l’apport des visites guidĂ©es Ă la CitĂ© de la voile, lors de la visite du Bunker K3 et du sous-marin Flore, peut parler Ă une enfant ainsi qu’aux adultes qui l’accompagnent. Cela peut permettre aussi certaines conversations. Et j’ai tenu, avant tout, Ă ce que ma fille passe de bonnes vacances. Qu’elle ne doive pas se contenter de me suivre partout oĂą je l’emmenais.
Aujourd’hui, je peux dire que nos vacances lui ont plu. Mais c’est seulement maintenant que je peux l’affirmer. Car, Ă l’origine, je n’avais rien prĂ©vu.
Lorsque nous sommes arrivés à Quéven en juillet, ma fille et moi, là où j’avais réservé une maisonnette pour une semaine, je n’avais pas de programme établi. Mais Peut—être que ma mémoire, elle, avait déjà certains projets pour nous.
Franck Unimon, ce dimanche 17 aout 2025.