Argenteuil a mauvaise rĂ©putation. J’en discutais encore il y’a quelques jours avec un commerçant arrivĂ© trois ans avant moi ( en 2007) dans cette ville. Nous en Ă©tions arrivĂ©s au mĂŞme constat. MalgrĂ© ses atouts, Argenteuil continue de pâtir de son image Ă perdre haleine. L’Ă©volution du prix de l’immobilier est un des critères qui permet de s’en rendre compte. LĂ oĂą des villes environnantes telles que Colombes ou Asnières, situĂ©es de l’autre cĂ´tĂ© du pont et de la Seine dans le sacro-saint dĂ©partement du 92, ont vu leur prix au mètre carrĂ© augmenter ces dix dernières annĂ©es. A Argenteuil, ce serait plutĂ´t Ă©tĂ© l’inverse. Tandis que le prix du mètre carrĂ© Ă Paris et des villes proches, qui « stagne » ou baisserait continue de se transformer en torche Ă mĂŞme de brĂ»ler des budgets qui, il y’a environ vingt ans, auraient pu permettre, dans l’ancien, l’acquisition d’un logement  dĂ©cent. Moyennant bien-sĂ»r un emprunt bancaire rĂ©parti sur plusieurs annĂ©es.
Les raisons de cette mauvaise cote argenteuillaise reposent évidemment sur quelques faits bien concrets. Un quart de la population argenteuillaise est déclarée pauvre. Argenteuil est mal notée sur le thème de la sécurité : en dessous de la moyenne.
Ville Ă©tendue, Ă©galement pourvue de quartiers pavillonnaires, calmes et agrĂ©ables, Argenteuil est une ville de contrastes et de paradoxes. Au contraire par exemple d’une ville comme Cergy-Pontoise, ancienne ville nouvelle oĂą j’avais vĂ©cu une vingtaine d’annĂ©es auparavant, Argenteuil compte au sein de sa population, un certain nombre des personnes qui y vit depuis deux ou trois gĂ©nĂ©rations. Pour dire cela autrement :
Argenteuil me donne beaucoup moins l’impression d’ĂŞtre une ville dortoir comme cela avait pu ou peut-ĂŞtre le cas certaines fois Ă Cergy-Pontoise. Ce qui donne Ă Argenteuil une certaine personnalitĂ© dont une ville comme Cergy-Pontoise avait pu quelque peu ĂŞtre dĂ©pourvue me semble-t’il. MalgrĂ© ses rĂ©ussites architecturales et culturelles diverses. Je ne prĂ©tends pas Ă l’exactitude en Ă©crivant ça :
Car si Cergy-Pontoise avait pour moi Ă©tĂ© une certaine  expĂ©rience de l’exil (j’avais 17 ans lorsque nous avions quittĂ© Nanterre, ma ville natale, pour Cergy-Pontoise), Argenteuil a Ă©tĂ© ma ville de choix en 2007.
Cette dernière information- le choix- a peut-ĂŞtre son importance pour mieux comprendre la persistance de certains journalistes Ă livrer toujours le mĂŞme portrait – pĂ©joratif- d’Argenteuil.  Ce n’est peut-ĂŞtre pas leur choix de vĂ©ritablement s’intĂ©resser Ă cette ville lorsqu’ils s’y rendent. Ce qui pourrait expliquer le contenu de leur article qui serait peut-ĂŞtre, finalement, malgrĂ© leur bonne volontĂ©, une sorte de commande comme on le fait d’une commande sur un site oĂą l’on a ses habitudes. Et, je l’Ă©cris ici avec, on le devine, une certaine perplexitĂ© douĂ©e d’amertume, car l’absence de nuance et de perspective de certains articles sur Argenteuil m’a plus d’une fois Ă©tonnĂ©. Tant, je le rĂ©pète, Argenteuil, en dĂ©pit de ses travers, a des atouts Ă©vidents et ceux-ci sont loin d’ĂŞtre occultes ou confidentiels.
Certaines personnes se souviendront sans doute du courrier que j’avais adressĂ© Ă Â TĂ©lĂ©rama il y’a bientĂ´t deux ans suite Ă l’article d’une de ses journalistes. A l’Ă©poque, je n’avais pas de blog. j’ai créé mon blog, balistiqueduquotidien.com en octobre de l’annĂ©e dernière pour bien d’autres buts que de parler de cet article de TĂ©lĂ©rama : pour parler cinĂ©ma, culture et de divers sujets. Par extension, il  me semblait donc que je me devais un peu de crĂ©er une rubrique consacrĂ©e Ă Argenteuil.  PlutĂ´t que de continuer de subir ce qui peut ĂŞtre prĂ©fĂ©rentiellement Ă©crit ou dit sur Argenteuil.  C’est aujourd’hui. Et cette rubrique dĂ©butera symboliquement par ce courrier que j’avais adressĂ© Ă Â TĂ©lĂ©rama en 2017. Un courrier restĂ© sans rĂ©ponse hormis la rĂ©ponse de bonne rĂ©ception protocolaire.
Cette rubrique Argenteuil n’est pas une rubrique Clash versus TĂ©lĂ©rama comme bon nombre de contemporains aiment s’en dĂ©lecter entre un passage aux toilettes et la pause dĂ©jeuner afin de pimenter leur vie. Je n’ai rien de particulier contre TĂ©lĂ©rama. Il se trouve seulement que je suis abonnĂ© Ă cet hebdomadaire depuis plus de vingt ans et continue de m’instruire en lisant un certain nombre de ses articles avec plaisir. D’autres de ses articles, comme celui sur Argenteuil, sont selon moi insuffisamment qualifiĂ©s pour avoir valeur de lĂ©gitimitĂ© complète. C’est tout. Et ce sera tout me concernant une fois cet article publiĂ© sur mon Blog.
Voici donc mon courrier adressĂ© Ă Â TĂ©lĂ©rama en 2017. J’Ă©crirai ensuite d’autres articles, Ă un rythme indĂ©terminĂ©, dans lesquels je donnerai ma vision d’Argenteuil. Mais je le rappelle  :
J’admets les travers d’Argenteuil y compris ceux que je ne vois pas et ne connais pas ou oublie du fait de l’accoutumance quotidienne. Seulement, Ă voir exclusivement les travers d’une ville, on finit par croire que celle-ci ressemble exclusivement Ă ses travers. Ce qui dĂ©note d’une certaine absence de nuance et aussi d’un grand manque de perspective et d’optimisme. Se souvient-on aujourd’hui qu’il y’a trente ou quarante ans, le quartier de la Bastille,  à Paris, Ă©tait un quartier mal frĂ©quentĂ© ? Comment l’ai-je su ? Par une ancienne partenaire de jeu au théâtre qui habite dans ce quartier et que j’ai eu l’occasion de rencontrer il y’a une vingtaine d’annĂ©es.  Et, en Ă©tant un peu mĂ©galo, aurait-on imaginĂ© il y’a vingt ans que la ville de Bordeaux serait aussi cotĂ©e qu’elle l’est aujourd’hui ?!
J’aurais donc aimĂ© que les journalistes, lorsqu’ils font le portrait d’une ville, Argenteuil ou une autre, soient capables de se rappeler de ce genre de fait historique et sociologique. Le monde Ă©volue aussi. Je crois.
« Votre article être une fille à Argenteuil (Télérama 3504 du 08/03/17 p32 à 35.
Ce lundi 20 mars 2017 Ă Argenteuil,
Madame, Mademoiselle, Monsieur,
Depuis une bonne vingtaine d’années, chaque semaine, je lis Télérama. Bien qu’attaché à Télérama, il m’arrive d’être en désaccord avec certains de vos articles. En lisant par exemple certaines de vos critiques cinéma. Il me semble par moments que certains de vos journalistes ne savent pas parler d’un film, ou sont embarrassés à le faire même s’ils l’apprécient, lorsque celui-ci leur révèle une réalité ou un monde qui reste étranger à leur univers comme à leur panthéon personnel. Je repense par exemple de temps à autre au ton employé- qui se voulait sans doute drôle et « cool »- par un de vos journalistes pour sa critique du film L’Esquive, de Kechiche. Soit, déjà , un film qui expose une certaine réalité dans une cité et dans une banlieue plutôt proche de Paris et, j’ai l’impression, très étrangère au monde dans lequel vit ce journaliste qui avait critiqué L’Esquive pour Télérama. D’où son ton maladroit (bien que bienveillant et encourageant).
Mais il faut accepter, aussi, le regard des autres sur une œuvre. Car cela nous permet d’entrevoir d’autres perspectives. Et puis, personne n’est parfait.
Mais votre article intitulé être une fille à Argenteuil, paru le 8 mars 2017, m’a mis en colère. Et, selon moi, pour des raisons plus pragmatiques et démontrables que pour de simples raisons esthétiques ou une banale histoire de points de vue divergents ou d’expériences et de formations de vies différentes.
J’habite à Argenteuil depuis dix ans et, évidemment, il m’est impossible de connaître Argenteuil et tous ses habitants comme ma lampe de poche. Cependant, votre article a tout de même des faiblesses ou des lacunes aussi flagrantes que contrariantes. Parce qu’il me semble qu’un travail journalistique un peu plus consciencieux aurait facilement permis d’éviter ces lacunes :
Le titre et l’angle de vue ( ou d’attaque) de l’article être une fille à Argenteuil au départ est original et coïncide très bien avec la journée de la femme, le 8 mars. Très bien. Je n’ai pas beaucoup de critique à faire quant au portrait qui est fait de cette jeune femme, Agnès, et de ses copines et de son quotidien à Argenteuil et dans son lycée.
La journaliste s’étrangle quant au fait qu’un garçon puisse dire à une fille « Je veux te gérer… » ? Je peux comprendre son embarras. Ce genre de phraséologie m’aurait aussi intrigué. Mais je suis bien plus inquiet pour une certaine jeunesse « en résidence » dans une certaine consommation- de plus en plus précoce- d’alcool ou de cannabis. Et, ce fléau touche aussi des jeunes de milieux plus aisés dans d’autres villes. Je suis aussi bien plus inquiet devant ces jeunes qui semblent trouver bien plus d’attrait à chasser des Pokémon go qu’à s’engager politiquement (ne serait-ce qu’en votant) ou dans une association culturelle ou sportive. Mais, bon, tout cela est affaire de sensibilité et, ici, je veux bien admettre que je me laisse aller facilement à la critique. Peut-être parce-que je suis un lecteur régulier de Télérama et que je me modèle sur l’exemple de certains de vos articles….
Mais résumer Argenteuil « la plus grosse ville d’ïle-de-France » à la dalle d’Argenteuil et au Val D’Argenteuil ? C’est déjà une première erreur de cet article. Néanmoins, parlons de la dalle d’Argenteuil et du Val d’Argenteuil.
Oui, Argenteuil « subit une paupérisation grandissante ». Mais pas partout. Récemment (le 10 mars 2017 pour être précis), un agent immobilier d’Argenteuil m’apprenait que des personnes viennent y acheter des maisons pour venir s’y installer. Car le prix des maisons y est plus abordable qu’à d’autres endroits. Croyez-vous que ces personnes soient en état de paupérisation ? Croyez-vous que ces personnes aient beaucoup à voir, d’un point de vue salarial et professionnel, avec les Argenteuillais aux revenus et aux situations sociales plus modestes ? Par ailleurs, certaines villes proches de Paris peu courues dans le passé sont aujourd’hui particulièrement recherchées:
rappelez-vous Montreuil, Pantin, voire de plus en plus Aubervilliers ou encore St Denis et même la Courneuve….est-il donc difficile à ce point de concevoir que dans un avenir plus ou moins proche, Argenteuil, ou certains quartiers d’Argenteuil, puisse être touchée par un regain d’attractivité à peu près similaire ?
Très proche de la dalle d’Argenteuil se trouvent les Côteaux d’Argenteuil :
Il s’agit en fait d’un des quartiers les plus aisés d’Argenteuil. Je puis vous garantir que lorsque l’on se trouve devant certains pavillons des Côteaux avec vue dégagée sur Paris et la Défense, que l’on est très très loin, alors, de la « paupérisation grandissante » mentionnée dans votre article. Je veux bien croire que la jeune Agnès ignore cet univers pavillonnaire des Côteaux car il est étranger à sa perception du monde au moins à Argenteuil. Mais est-ce une raison pour que la journaliste en charge de cet article soit aussi ignorante à ce sujet ?
Page 34, sur une photo, la jeune Agnès se rend sans doute à son lycée situé non loin de là . Pourtant, dans son dos, à deux ou trois minutes de là , à pied, se trouve une médiathèque. Pour m’y être rendu plusieurs fois, je puis vous assurer que le personnel qui s’y trouve entreprend des actions citoyennes souvent en partenariat avec la médiathèque du centre-ville. Et que cette médiathèque du Val d’Argenteuil (la médiathèque Robert Desnos) se trouve bien près de la dalle karcherisée médiatiquement ( gratuitement ?) par le précédent président de la République et ,malheureusement, à nouveau karchérisée par votre article. Car votre article manque de nuance mais aussi d’informations pourtant faciles à obtenir.
Non loin de là où se trouve la jeune Agnès sur la photo page 34, toujours près de la dalle, se trouve une annexe du conservatoire d’Argenteuil. Savez-vous que des personnes habitant à Enghien, Courbevoie (donc des villes plutôt « riches » et a priori dispensées d’une « paupérisation grandissante ») et même Paris viennent jusqu’à Argenteuil pour bénéficier des enseignements qui sont dispensés au conservatoire d’Argenteuil ? Comment expliquer que ce genre d’information soit absent de votre article ? Faire le portrait de la jeune Agnès et de son quotidien justifie-t’il que l’on puisse passer sous silence ou ignorer ce genre d’information et que l’on puisse se satisfaire d’une vision aussi parcellaire- toujours la même- d’Argenteuil dans un article de trois pages ?
Je poursuis. Toujours à propos de la dalle d’Argenteuil, puisque votre article a eu visiblement pour destinée de camper uniquement à la dalle d’Argenteuil pour parler d’Argenteuil :
A environ dix à quinze minutes à pied de là où se trouve la jeune Agnès sur la photo, toujours page 34, se trouve l’hôpital d’Argenteuil. Un hôpital, en soi, cela est plutôt un horizon déprimant. Mieux vaut se rendre dans une salle de cinéma ou à un concert qu’à l’hôpital. C’est vrai. Mais un hôpital est une offre de soins et ça, personne, riche ou pauvre, jeune ou vieux, femme ou homme, peu malade ou très malade, ne peut s’en passer.
Sans doute à l’image de la ville, l’hôpital d’Argenteuil a ses insuffisances et ses paradoxes. Mais il a aussi ses atouts : il dispose par exemple d’une maternité de niveau 3. Ce qui signifie qu’il peut accueillir et s’occuper dès la naissance d’enfants prématurés. Bien des hôpitaux et bien des cliniques (y compris dans des villes plus riches qu’Argenteuil) n’ont pas cette compétence. Est-il vraiment facultatif de souligner cette information lorsque l’on fait un portrait d’Argenteuil qui plus est alors que la jeune Agnès envisage de devenir infirmière ? Est-ce une information si difficile que ça à obtenir ? Ou est-ce une information futile ? Cocher la bonne réponse.
Mais d’un point de vue cinématographique, l’hôpital d’Argenteuil est aussi un lieu de tournage :
Par exemple, certaines scènes de la série policière et judiciaire Engrenages y ont été tournées. Si je ne me trompe, même Télérama a beaucoup d’estime pour cette série. Rien n’est mentionné à ce sujet dans votre article. Et, je m’en tiens là . Car Argenteuil a encore d’autres atouts ( Le Figuier Blanc, la Cave Dimière, la librairie Presse Papier, son grand marché Bd Héloïse ainsi que ses autres marchés, Les cinglés du cinéma, ses associations culturelles et sportives etc….).
Lesquels atouts, étonnamment, je me répète, sont ignorés ou occultés par votre article. Comme celui-ci :
Par train direct, Argenteuil centre ville (cela est suggéré dans votre article dans la phrase « Elle s’est trouvé un eldorado un peu plus loin avec la galerie marchande Côté Seine » ) est à 11 minutes de Paris St-Lazare.
Comme vous le savez, la gare de Paris St-Lazare est la plus importante d’île-de-France (300 000 voyageurs par jour) devant la gare du nord, la gare de lyon etc…
Depuis la gare du Val d’Argenteuil (où se trouve la dalle car Argenteuil a deux gares : une à Argenteuil centre-ville et une au Val D’Argenteuil. Et, il semblerait que le tramway pourrait arriver à Argenteuil d’ici une dizaine d’années….) Argenteuil est à 17 minutes de la gare de Paris St-Lazare.
Ce sont des atouts. Ils sont pourtant invisibles dans votre article. Ou peut-être sont-ils mentionnés en minuscule si bien que l’usage d’un microscope est impératif afin de les débusquer ?
Votre article de trois pages se voulait sans doute bienveillant, critique mais aussi impartial (c’est ce que j’ai encore envie de croire) mais après sa lecture, Argenteuil, une nouvelle fois, reste Ă quai avec pour seul horizon…un karcher.
On saute de joie ».
Franck Unimon