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Au Palais de Justice

Au Palais de Justice

Paris, ce lundi 8 novembre 2021, vers 10h.

                                              Au palais de Justice

 

Mardi 9 novembre 2021, 7h15

Cette nouvelle catĂ©gorie de mon blog balistiqueduquotidien est particuliĂšre. Je viens de me lever pour l’écrire. Ce n’est pas tĂŽt. Je peux me lever encore bien plus tĂŽt ou me coucher bien plus tard dans la nuit pour Ă©crire. Lorsque c’est comme ça, l’action de boire et de manger attend ou attendra.

 

Enfant, naĂŻvement, j’ai voulu ĂȘtre avocat. J’avais moins de dix ans. Je me rappelle avoir dĂ©fendu la « cause Â» de quelqu’un. J’étais tellement touchĂ© par l’injustice Ă  laquelle j’assistais que je m’étais mis Ă  pleurer.

 

 Ma plaidoirie n’avait pas Ă©tĂ© prise en compte. Le copain ou le camarade que j’avais essayĂ© de sauver avait Ă©tĂ© condamnĂ©. Cependant, il avait eu la vie sauve.

 

Enfant, j’ai voulu faire plusieurs mĂ©tiers. Policier, pompier et footballeur le plus souvent et, une fois, avocat.

 

Une seule fois, chez des amis de mes parents, je me souviens avoir ouvert une sorte de guide de droit qui se trouvait lĂ . Je m’ennuyais sans doute parmi ces adultes et j’aimais lire. Je suis tombĂ© sur un article qui concernait le droit familial. Et, vu que je me rappelais avoir portĂ© le nom de jeune fille de ma mĂšre jusqu’à mes six ans, j’avais appris que mes parents avaient ensuite dĂ» aller faire une dĂ©claration devant le juge afin de pouvoir m’attribuer le nom de mon pĂšre. J’avais alors interrogĂ© mes parents chez ces amis. Je me souviens de ma mĂšre qui avait alors confirmĂ© que, oui, c’était vrai.

 

Enfant, on sait se satisfaire de rĂ©ponses et d’actions simples pour des sujets complexes. DĂšs l’instant oĂč l’on se sent aimĂ©- et en confiance- par celles et ceux qui nous entourent et nous rĂ©pondent. Plus tard, cela peut devenir plus difficile Ă  faire. Soit nous devenons plus critiques et plus exigeants. Soit, aussi, celles et ceux qui nous ont entourĂ© et aimĂ© plus jeunes disparaissent. Et celles et ceux qui les remplacent ou que nous choisissons ensuite, Ă  nos yeux, ne font pas l’affaire. Ou, sans  celles et ceux qui nous Ă©levĂ©s ou que nous avons connus plus jeunes, prĂšs de nous, nous avons du mal Ă  nous tenir « droits Â». D’autres fois, aussi, nos modĂšles de dĂ©part, nos parents, notre famille mais aussi notre entourage, bien qu’aimants et disponibles, nous ont donnĂ© des exemples de vie qui, au regard de certaines lois, ne sont pas durables.

 

PremiĂšre expĂ©rience d’audience dans un tribunal

 

J’étais soit au collĂšge ou au lycĂ©e la premiĂšre fois qu’avec un de nos professeurs, avec ma classe, Ă  Nanterre, nous sommes allĂ©s au tribunal. Dans ce trĂšs haut bĂątiment de la PrĂ©fecture de Nanterre. Un bĂątiment trĂšs familier situĂ© Ă  une vingtaine de minutes Ă  pied Ă  peu prĂšs de lĂ  oĂč nous habitions, alors. Au delĂ  du grand parc de Nanterre qu’ado, j’ai beaucoup plus connu pour mes sĂ©ances d’entraĂźnement d’athlĂ©tisme que pour aller m’y promener. J’étais dĂ©jĂ , aussi, passĂ© quantitĂ© de fois devant ce bĂątiment de la prĂ©fecture dans le bus 304 pour aller aux PĂąquerettes chez une de mes tantes maternelles. OĂč j’aimais aller jouer avec un de mes cousins.

Mais j’avais aussi pris le 304 bien des fois pour aller rejoindre ma mĂšre qui travaillait alors Ă  l’hĂŽpital de Nanterre, pas trĂšs loin des PĂąquerettes, des Glycines, des Canibouts… il Ă©tait frĂ©quent de voir des SDF ( on disait « clochards ») alcoolisĂ©s et allongĂ©s en face de l’hĂŽpital. 

L’hĂŽpital de Nanterre ou hĂŽpital Max Fourastier, aujourd’hui, s’appelait La Maison de Nanterre et dĂ©pendait alors de la PrĂ©fecture de Paris. C’était plusieurs annĂ©es avant la construction de la Maison d’arrĂȘt de Nanterre.

 

Ce  jour oĂč nous Ă©tions au tribunal avec ma classe, je me souviens du jugement d’un grand adulte. Il avait une vingtaine d’annĂ©es. Il Ă©tait jugĂ© pour rĂ©cidive. A nouveau, il avait exhibĂ© ses parties intimes devant une petite fille. Il triturait nerveusement quelque chose qu’il avait dans ses mains. Il Ă©tait terrorisĂ©. A l’entendre, on comprenait que cet homme, adulte pourtant, avait un retard mental. Il parlait comme un petit garçon. Sauf qu’il avait un corps, la tĂȘte et la force d’un homme. Si j’avais croisĂ© cet homme dans la rue, moi, qui, comme beaucoup de garçons, a Ă©tĂ© Ă©duquĂ© dans l’admiration de la grandeur et de la force physique, j’aurais Ă©tĂ© intimidĂ© en cas de conflit. Alors, qu’aurait pu faire une petite fille si cet homme avait entrepris de la saisir et de lui faire connaĂźtre pire ? Cette question, je ne me l’étais pas posĂ© ce jour-lĂ . Je l’ajoute aujourd’hui.

 

L’homme avait Ă©tĂ© sermonnĂ© comme un enfant. La Loi lui avait parlĂ©. Et, il avait dĂ» ĂȘtre condamnĂ© Ă  du sursis. A cette Ă©poque, les bracelets Ă©lectroniques n’existaient pas. Je ne crois pas que l’on ait parlĂ© de suivi psychologique pour lui et cela n’aurait d’ailleurs servi Ă  rien.

 

AprĂšs le jugement, nous avions dĂ©battu avec notre professeur. C’était peut-ĂȘtre en troisiĂšme, au collĂšge public Evariste Galois. Avec notre prof principale, notre prof de Français, Mme Epstein, qui nous avait emmenĂ© voir E.T au cinĂ©ma Ă  la DĂ©fense. Ainsi qu’une piĂšce de thĂ©Ăątre au ThĂ©Ăątre des Amandiers : Combat de NĂšgres et de chiens par Bernard Marie KoltĂšs

 

Cela collerait bien avec la personnalité de Mme Epstein de nous avoir fait vivre cette expérience. Elle, qui nous avait proposé, un jour, de faire venir le Dr Francis Curtet, spécialiste des addictions.

 

 Mais je ne suis pas sĂ»r que ce soit elle qui nous ait emmenĂ© au tribunal assister Ă  une audience. A ma premiĂšre audience. Car je ne me souviens pas du visage de celle ou celui qui nous y avait accompagnĂ©.

 

Seconde expĂ©rience d’audience dans un Tribunal

 

J’ai connu ma seconde audience dans le public au Palais de Justice de l’üle de la CitĂ©. PrĂšs de St Michel, Ă  Paris. J’avais vingt ans de plus. En grandissant, j’avais ensuite voulu devenir champion du monde d’athlĂ©tisme en sprint, kinĂ©sithĂ©rapeute dans le sport, journaliste, Ă©crivain, poĂšte, acteur. J’étais devenu infirmier diplĂŽmĂ© d’Etat.

 

A la Fac de Nanterre, oĂč j’avais passĂ© trois ans aprĂšs mon diplĂŽme d’infirmier – ce qui avait Ă©tonnĂ© quelques unes de mes camarades puisque j’avais dĂ©jĂ  un diplĂŽme et un travail !- j’avais trĂšs bien identifiĂ© le bĂątiment oĂč se tenaient les cours de Droit. Je n’y suis jamais entrĂ©. Pour moi, les cours de Droit, cela rimait avec les partis politiques de droite et d’extrĂȘme droite. Mais aussi avec des personnes issues de classes sociales bien plus favorisĂ©es que la mienne. Sans oublier toutes ces plĂątrĂ©es de lois et de textes aux tournures de phrases alambiquĂ©es qu’il fallait s’enfoncer dans la tĂȘte et ingurgiter.

Et, Ă  aucun moment, il ne m’était apparu que pendant mes trois annĂ©es d’études d’infirmier, j’avais aussi dĂ» m’enfoncer «  dans la tĂȘte et ingurgiter Â» des « plĂątrĂ©es Â» de connaissances. Car, ces « connaissances Â» infirmiĂšres acquises avaient pour moi un effet et un pouvoir concret immĂ©diat afin de me permettre rapidement d’avoir un travail et de gagner ma vie. Alors que l’issue concrĂšte d’études de Droit m’apparaissait sĂ»rement Ă  la fois trop Ă©trangĂšre, trop floue et trop lointaine. Soit l’opposition classique et magistrale entre ce qui pousse certaines et certains Ă  « choisir Â» – et aussi Ă  s’y tenir- des Ă©tudes courtes plutĂŽt que des Ă©tudes longues.

 

Sans surprise, aujourd’hui, je ne pouvais pas me satisfaire de mes Ă©tudes d’infirmier en soins gĂ©nĂ©raux. AprĂšs quelques annĂ©es de diplĂŽme, aprĂšs le DEUG d’Anglais, aprĂšs le service militaire, aprĂšs avoir commencĂ© Ă  passer un brevet d’Etat d’éducateur sportif, j’avais d’abord choisi d’aller travailler en psychiatrie gĂ©nĂ©rale avec un public adulte Ă  Pontoise.

 

Lors de cette seconde audience dans un tribunal, j’étais infirmier dans un nouveau service, en pĂ©dopsychiatrie, Ă  Montesson. La pĂ©dopsychiatrie Ă©tait une spĂ©cialitĂ© que je dĂ©couvrais dans ce service depuis un ou deux ans lorsqu’un de nos collĂšgues avait Ă©tĂ© trĂšs content de nous proposer de venir voir son grand frĂšre plaider au tribunal, Ă  Paris.

 

Son grand frĂšre, nĂ© Ă  Nanterre comme ce collĂšgue et moi, avait rĂ©ussi. Il Ă©tait maintenant un avocat reconnu et pas n’importe oĂč.

 

Ce grand frĂšre avocat nous avait accueilli avec amabilitĂ©. Nous Ă©tions plusieurs soignants du service Ă  ĂȘtre prĂ©sents. Il nous avait mĂȘme payĂ© le repas dans le self ou le restaurant du tribunal.

 

J’ai oubliĂ© le motif du jugement. Je me rappelle d’une femme procureur, noire, plus caricature de procureur, et assez brouillonne. Et de l’éloquence du grand frĂšre de ce collĂšgue commençant par raconter, comment, plus jeune, il passait du temps Ă  assister aux audiences au tribunal de Nanterre
 jusqu’à ce que son pĂšre finisse par venir le chercher.

 

Avant de plaider, le grand frĂšre de ce collĂšgue nous avait dit que la procureur avait tellement mal travaillĂ© qu’elle lui avait « ouvert des boulevards Â». En effet, lorsqu’il avait commencĂ© Ă  plaider, par contraste, sa dĂ©monstration avait Ă©tĂ© magistrale. Sauf qu’il avait fini par ĂȘtre un peu trop long Ă  mon sens.

 

J’avais Ă©tĂ© nĂ©anmoins content de cette nouvelle expĂ©rience. Et j’avais bien vu, aussi, la grande fiertĂ© de ce collĂšgue d’ĂȘtre le petit frĂšre de cet homme qui avait rĂ©ussi. Je m’étais aussi dit que je retournerais dans un tribunal pour assister Ă  des audiences.

 

En Guadeloupe, sans doute aprĂšs cet Ă©pisode, une fois, en passant devant un tribunal, alors que nous y Ă©tions en vacances mon jeune frĂšre et moi, j’avais un moment envisagĂ© d’y entrer. AprĂšs avoir aperçu un magistrat ou un avocat dans sa parure sur les marches blanches. Mais mon frĂšre m’avait fait comprendre comme il trouvait mon idĂ©e, une fois de plus, incongrue. Je n’avais pas insistĂ© et avais continuĂ© de conduire vers notre destination, peut-ĂȘtre vers Basse-Terre.

 

Les Attentats du 13 novembre 2015

 

Hier, c’est le procĂšs des attentats du 13 novembre 2015 qui m’a ramenĂ© dans un tribunal. Une volontĂ© que j’ai eue assez vite lorsque j’ai su que ce procĂšs allait commencer
le 8 septembre 2021. Jusqu’à fin Mai 2022.

 

 Cependant, auparavant, je m’étais rendu Ă  une des audiences du procĂšs ( Du 2 septembre au 10 novembre 2020) des attentats « de Â» Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’hypercacher de Vincennes. Dans le nouveau Tribunal de Paris, situĂ© Ă  la Porte de Clichy, ce « plus grand centre judiciaire d’Europe Â» ouvert en 2018.

 

J’avais pris des notes lorsque j’étais allĂ© Ă  cette audience du procĂšs des attentats « de Â» Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’hypercacher. J’avais commencĂ© Ă  Ă©crire un article. Puis, j’ai laissĂ© s’endormir cette volontĂ©. Peut-ĂȘtre que le sujet Ă©tait-il trop consĂ©quent pour moi. Que j’avais trop traĂźnĂ© pour venir assister Ă  ce procĂšs. Et/ou que je me suis dit, en lisant les comptes rendus de Charlie Hebdo de ce procĂšs, que je n’apporterais rien de diffĂ©rent ou de plus.

 

NĂ©anmoins, le fait d’aller dans un tribunal m’avait Ă  nouveau « plu Â». Tant pour le dĂ©roulement de l’audience que, d’abord, pour tout le dĂ©corum et les protocoles d’accĂšs au tribunal. Les personnes lambda comme moi se rappellent de l’existence des tribunaux et des procĂšs lorsqu’il y a des « affaires Â» marquĂ©es mĂ©diatiquement. Ou lorsqu’elles doivent venir s’y justifier, ce qui est plutĂŽt exceptionnel pour la majoritĂ© des personnes lambda. Autrement, nous passons Ă  cĂŽtĂ© de ce qui se dĂ©roule quotidiennement dans des tribunaux qui sont des mondes Ă  la fois clos (on n’y entre pas comme dans un commerce qui nous accueille presque Ă  cartes de crĂ©dit et Ă  caddies ouverts) mais pourtant suffisamment accessibles pour celle ou celui qui souhaite prendre le temps de venir les dĂ©couvrir. Comme de s’y rendre rĂ©guliĂšrement. Afin d’assister Ă  des audiences. Ou d’y circuler lĂ  oĂč c’est autorisĂ©.

 

 

Une institution publique prestigieuse

Un tribunal, pour moi, c’est en principe une institution publique prestigieuse. Que ce soit par les murs ou par les personnes qui y exercent de hautes fonctions (magistrats, procureurs, avocats
.). Pourtant, cette institution publique prestigieuse, comme d’autres institutions publiques prestigieuses, est souvent mĂ©connue de la majoritĂ© des gens lambda comme moi. MĂȘme si « nul n’est censĂ© ignorer la Loi Â».

 

 Combien de fois suis-je passĂ© devant un tribunal ou une autre institution publique prestigieuse  (l’assemblĂ©e nationale ou une Grande BibliothĂšque) sans mĂȘme envisager, de temps en temps, d’y entrer afin d’apprendre ?

 

Je ne compte plus.

 

Nous vivons dans un monde et dans une société inégalitaire. Mais lorsque nous pouvons bénéficier de certains apprentissages et vivre certaines expériences qui sont à notre portée, nous préférons rester dans ce que nous connaissons et savons faire. Par confort, conformisme, et sûrement, aussi, pour rester avec les autres. Les autres que nous choisissons ou que nous avons choisi.

 

Hier, je suis allĂ© assister Ă  une audience parce-que j’ai acceptĂ© d’ y aller seul. Une fois de plus. Certaines dĂ©cisions, bonnes ou mauvaises, se prennent et se vivent seul. Avant de pouvoir retourner ensuite, si c’est possible, avec les autres. Celles et ceux que l’on a choisi, qui nous ont acceptĂ© ou qui semblent le faire.

 

 

Aujourd’hui, je n’écrirai pas plus car ce serait un article trop long. Mais je crois que c’était important de prĂ©parer cette nouvelle rubrique ou catĂ©gorie de mon blog par ce prĂ©ambule. MĂȘme si, ensuite, si cette rubrique ou cette catĂ©gorie dure, celles et ceux qui la dĂ©couvriront en cours de route ignoreront tout de ce prĂ©ambule.

Paris, ce lundi 8 novembre 2021, vers 15h, aprĂšs ĂȘtre sorti du Palais de justice.

Franck Unimon, ce mardi 9 novembre 2021. 9h45

 

 

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