
Au Salon du livre d’Argenteuil les 4 et 5 février 2023
Ailleurs, ces ilots réfléchis dans la prose et dans des bulles, ont été avalés par le goulot du passé.
Depuis des années, telle une fin du monde pronostiquée et ingérée cul sec une nouvelle fois, puis une autre fois, et encore une fois, jusqu’à ne plus savoir compter, leur disparition est annoncée voire souhaitée avec une certaine ferveur.
« Ils » seraient devenus périmés, auraient perdu pied. Ils n’auraient plus rien à dire. Toute musique et toute vitalité, en eux, auraient définitivement abdiqué. Ils se seraient taris et auraient abandonné l’Humanité.

Ils ne feraient plus le poids face à la vitesse et aux pulsations volatiles- et versatiles- des images et des émotions que celles-ci nous administrent à hautes doses, face aux croyances technologiques de pointe, aux rumeurs acérées, cutanées et instantanées, aux publicités, au pavot, au feu, à la médiocrité. Face aux tombeaux, au pessimisme et à la dépression. Face aux destructions de toutes sortes y compris celles des arbres.


Ils seraient des ronces et des gadgets dont il faudrait se débarrasser. Arrivés à un certain âge, Ils prendraient beaucoup trop de place comme des jeux d’enfants sans lendemains. A peine solvables en bourse, ce sont des combustibles beaucoup moins performants qu’une bûche de bois. Si peu savoureux en bouche, à peine vecteurs de protéines, de glucides ou de lipides, et même pas conducteurs d’électricité, ils ne produisent pas de pétrole, ni de gaz ou de vent. Ils ne se rechargent pas en plein soleil. En plus, ils sont fragiles et ils ne donnent pas l’heure.

A cela, il faut ajouter que fabriquer un livre, le lire, le conseiller, le proposer, le commander, le vendre, c’est du boulot.




Parce qu’il faut prendre son temps pour bien s’occuper d’un livre et pour lui accorder autant d’importance. Par saccades. En hésitant. En se demandant où l’on se rend et à quoi l’on joue.

Parfois, il faut même relire ou regarder plusieurs fois les mêmes passages, tourner des pages attentivement pour bien comprendre. Porter l’objet de lecture. Alors que ce que l’on voudrait, désormais, lorsque l’on est bien dans le coup, ce serait des objets de plus en plus légers, des contenus simplifiés, ainsi que des interactions beaucoup plus faciles d’usage, à profusion. Et aussi plus de goudron pour avoir devant soi des grands boulevards qui nous emmènent partout et tout de suite là où on le désire.
Tout le temps. Sans interruption. Sans avoir besoin de respirer. Sans digestion.
Sans imagination, aussi. Mais, cela, ce « n’est pas » une priorité semble-t’il.

La priorité, ce serait de prévoir l’avenir avec exactitude et le temps qu’il nous faudra pour effectuer les bonnes opérations. Pour tout planifier avant « leurre ». Puisqu’il n’y a que cela de vrai. Et de concret. Alors que lire, c’est d’abord accepter de se faire surprendre. D’oublier le temps que l’on prend. D’accepter d’en perdre. C’est un peu, une folie.

Le salon du livre d’Argenteuil organisé par la librairie d’Argenteuil, Presse Papier, les bénévoles de l’association Sous les couvertures et d’autres partenaires, l’a pourtant rappelé ces 4 et 5 février dernier, dans le lycée Georges Braque d’Argenteuil, également partenaire de l’événement :
En 2023, au 21 ème siècle, il reste encore beaucoup d’otages volontaires qui se laissent prendre et surprendre par des livres afin de devenir plus libres.

Tant qu’il y aura des personnes qui voudront faire des pauses et reprendre leur souffle, il y aura des livres. Et tant qu’il y aura des livres, il y aura des personnes qui viendront les ouvrir et puiser dedans divers remèdes et intermèdes.
Car on lit peut-être comme on se soigne. Chacun empoigne son remède en adoptant la posologie qui lui est propre. La lecture étant cette bougie allumée avec laquelle chacune et chacun s’avance et s’éclaire dans cette pénombre qui lui est personnelle.

Il y avait beaucoup à parcourir ce 4 et 5 février 2023 dans ce salon du livre d’Argenteuil dont l’un des thèmes était En quête d’Algérie.
Plusieurs heures étaient nécessaires pour bien arpenter ce salon préparé aussi avec le Collège Paul Vaillant Couturier d’Argenteuil, Les Amis de Georges Braque et la Société Historique et Archéologique d’Argenteuil et du Parisis.

Plusieurs animations, en plus des interviews d’auteurs et de traducteurs, ont été proposées telles qu’un Escape Game et Le Grand Jeu « En Quête de Braque ».

Lors de ce salon, beaucoup de vies étaient dans ces livres, autour d’eux, sur leurs couvertures, parmi les auteurs et artistes invités (Pierre et François Place, Xavier Leclerc…) ainsi que dans ce public venu en très grand nombre (près de 3000 visiteurs) les rencontrer.
En quittant ce salon, beaucoup sont repartis à la ligne en emportant ailleurs avec eux des parties de vies traduites dans des livres et dans des rencontres.
Franck Unimon, ce lundi 13 mars 2023