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Coming Out : « Ce n’est pas un choix ».

 

Je viens de parler du film Le Daim de Quentin Dupieux sorti ce 19 juin 2019 au cinĂ©ma. En faisant ça, j’ai respectĂ© l’ordre chronologique dans lequel j’ai d’abord vu Le Daim puis Coming Out cette semaine. Mais j’aurais peut-ĂȘtre dĂ» commencer par Coming Out. MalgrĂ© le bien que je pense de Le Daim de Quentin Dupieux (voir mon article ) Coming Out est une Ɠuvre prioritaire. Cet article est donc, aussi, un article de rattrapage.

Avant d’aller voir Coming Out de Denis Parrot, sorti en salles le 1er Mai 2019, j’avais hĂ©sitĂ© avec d’autres rĂ©alisations telles que Dirty God de Sacha Polak ou Permaculture, la voie de l’autonomie de Carinne Coisman et Julien Lenoir. J’ai pour l’instant ratĂ© les sĂ©ances de Un Havre de paix de Yona Rozenkier et de Le Chant de la ForĂȘt de Joao Salaviza et RenĂ©e Nader Messora. J’avais pour moi d’avoir parlĂ© rĂ©cemment du film ConsĂ©quences de Darko Stante dans un de mes articles.

ConsĂ©quences est sorti ce mercredi 26 juin ( avant hier) et, Ă  ce que je lis « par dessus l’épaule » ( sur sa page Facebook) d’une des attachĂ©es de presse que je connais, Jamila Ouzahir, le film bĂ©nĂ©ficie de bonnes critiques dans les mĂ©dia Ă  droite Ă  gauche. Si l’homosexualitĂ© est abordĂ©e dans ConsĂ©quences, l’inspiration masochiste du hĂ©ros, Andrej, m’a dĂ©rangĂ©. Et, je vois celui qu’il « aime », Zeljko, plus comme un jeune homme qui prend son plaisir de maniĂšre opportuniste par toutes ses pores, sexualitĂ©s, drogues et actes de violences confondus que comme un homo. Si la personnalitĂ© d’Andrej en tant qu’homo se dĂ©finit Ă  mesure du film, Zeljko, pour moi, est sans limites : S’il s’avĂ©rait que devenir prĂȘtre, proxĂ©nĂšte, croque-mort, combattant MMA ou sniper pouvait lui permettre de prendre son pied, je pense qu’il se dirigerait vers une de ces voies-lĂ  ou vers plusieurs d’entre-elles en mĂȘme temps.

On peut Ă©videmment m’opposer un avis diffĂ©rent. Et je m’abstiendrai de toute façon de m’affirmer en spĂ©cialiste du sujet de l’homosexualitĂ© devant nos voisins, collĂšgues, copains, amis homme-eau, lesbiennes, transgenres, sociologues, psychologues et autres.

Par contre, Ă  parler d’homosexualitĂ© et de transgenre, je prĂ©fĂšre nettement Coming Out qui est fait de vidĂ©os postĂ©es sur le net entre 2012 et 2018 par des personnes qui ont fait leur coming out.

Denis Parrot, le rĂ©alisateur le souligne au dĂ©but : Ă  son Ă©poque, internet n’existait pas.

 

Il y’a trente ou quarante ans, internet comme nous le connaissons aujourd’hui, n’existait pas non plus. Et cela avait pu faire rire de voir les humoristes Coluche et Thierry Le Luron se marier. Cela avait pu dĂ©ranger aussi. Mais ceci pour dire que les homos pouvaient ĂȘtre « tolĂ©rĂ©s » dans la mesure oĂč ils faisaient marrer. C’est ce qui peut expliquer-peut-ĂȘtre- le succĂšs du premier volet de La Cage aux folles rĂ©alisĂ© en 1978 par Edouard Molinaro avec Ugo Tognazzi et Michel Serrault d’aprĂšs la piĂšce de thĂ©Ăątre au titre Ă©ponyme. J’ai nĂ©anmoins rencontrĂ© au moins un homo qui voit dans ce film des clichĂ©s et un mĂ©pris affichĂ© envers les homosexuels. J’imagine que d’autres homos pensent comme lui.

En dĂ©couvrant La Cage aux folles– il y’a moins de dix ans- il m’a pourtant semblĂ© que le pire personnage Ă©tait celui qui jouait le fils, hĂ©tĂ©ro. La reprĂ©sentation de l’homo a un peu changĂ© dans le cinĂ©ma. Dans un des derniers James Bond, Skyfall, je crois (rĂ©alisĂ© en 2012), alors qu’il est torturĂ©, « James » suggĂšre d’un air entendu et dĂ©tendu avoir dĂ©jĂ  couchĂ© avec un homme.

Aujourd’hui, trĂšs superficiellement sans doute, et malgrĂ© une rĂ©elle volontĂ© de sincĂ©ritĂ© et d’ouverture, j’ai l’impression que « ça fait bien » lorsque l’on est hĂ©tĂ©ro, de dire que l’on « a des amis homos » ou que l’on fraie dans les milieux gay et lesbiens. Et transgenres. Nous sommes Ă  une Ă©poque oĂč les gens sont tellement « ouverts », « cool » et « tolĂ©rants ». Et on peut remplacer le mot « homo » par le mot « Arabe », « Noir », « Blanc », « Asiatique », « Musulman », « Juif », « Femme », « Homme », « Riche », « Pauvre », « Manuel », « Intellectuel », « Sportif », pour s’apercevoir que selon les environnements, les interlocuteurs et les Ă©chĂ©ances, on se retrouvera tour Ă  tour devant la porte d’un club privĂ© dont l’accĂšs nous sera refusĂ© ou, au contraire, accordĂ©.

Nous sommes dans un monde de cases et de castes.

On peut toujours regarder les autres cultures et les autres pays et se « moquer » de leur cĂŽtĂ© arriĂ©rĂ© ou supposĂ© comme tel. MĂȘme en France, et au XXIĂšme siĂšcle, on peut ĂȘtre particuliĂšrement arriĂ©rĂ©.

Je peux ĂȘtre particuliĂšrement arriĂ©rĂ©. D’ailleurs, Coming Out nous en apprend davantage au travers de ses divers tĂ©moignages qui, pour la plupart, se font face camĂ©ra, sur les formes principales de l’intolĂ©rance.

L’intolĂ©rance, selon Coming out, est bien un plat fait de certains mĂ©langes. On y trouve cĂŽte Ă  cĂŽte de l’ignorance, du dĂ©ni, de la psychorigiditĂ©, du conditionnement, de l’aliĂ©nation, de la peur (du Freak, de l’Alien, du violeur), de la complaisance, de l’absence de conscience partielle ou totale de soi et des autres.

Dans l’intolĂ©rance, on trouve aussi cette conviction quasi dĂ©lirante voire paranoĂŻaque que la Norme de pensĂ©e Ă  laquelle on adhĂšre ou qui nous tient en laisse ou en haleine nous assurera la vie Ă©ternelle. Le bonheur Ă©ternel. Le pardon perpĂ©tuel. Et, cela, quelles que soient les erreurs et les horreurs que l’on peut commettre, seul ou avec le concours d’autres personnes, en tuant ou en blessant d’autres personnes dĂ©sarmĂ©es, pacifiques et en situation d’infĂ©rioritĂ©.

Dans Coming Out, fait d’une bonne dizaine de tĂ©moignages, on assiste Ă  quelques rĂ©actions des proches : Du dĂ©ni au rejet en passant par l’acceptation ou l’encouragement. Certaines de ses personnes ont la chance d’avoir des proches qui comprennent ou, mieux, qui le « savaient dĂ©jĂ  » et acceptent.

D’autres n’ont pas cette chance.

La phrase maladroite de quelques parents qui croient bien faire et qui revient plusieurs fois est : « C’est ton choix
. ». Ce Ă  quoi, plusieurs de ces jeunes qui font leur coming out rĂ©pondent aussitĂŽt : « Ce n’est pas un choix ! ».

Si, pour certains, la dĂ©couverte de leur homosexualitĂ© a Ă©tĂ© plus ou moins Ă©vidente assez tĂŽt, pour d’autres, il a fallu certaines circonstances : une attirance amoureuse, plusieurs tentatives de suicides et plusieurs dĂ©pressions.

En regardant Coming Out, on s’aperçoit bien que ces personnes qui portent sur elles (ce en quoi elles sont, finalement, si on gratte bien, davantage les enfants de Dieu que ces « tenants » d’une certaine vĂ©ritĂ© religieuse ) tout le poids de la dĂ©sapprobation morale de la communautĂ© majoritaire aimeraient tellement ĂȘtre dans la « Norme » et acceptĂ©s du plus grand nombre.

On s’aperçoit aussi qu’elles se prĂ©occupent plus du bien-ĂȘtre ĂȘtre de leurs parents que du leur. Une des jeunes femmes dit ainsi Ă  sa mĂšre au tĂ©lĂ©phone :

« J’essayais de vous rendre heureux ».

Une autre, devenue garçon, demande en quelque sorte à sa mÚre de le rebaptiser en lui donnant un autre prénom.

Certains passages pourraient ĂȘtre drĂŽles si l’on excluait la souffrance dont ils sont remplis :

« Je suis censĂ©e m’intĂ©resser Ă  des garçons
. ».

Si la plupart des témoignages se font face caméra ou en présence des parents, il est aussi un photomontage particuliÚrement réussi ou une jeune fille, de 12 ans, fait des commentaires en voix off.

A nouveau, Ă  voir ces personnes en pleine « mutation », il est dĂ©tonant de voir comme les films de super-hĂ©ros manquent gĂ©nĂ©ralement de rĂ©alisme en nous montrant des modĂšles exclusivement Ă©talonnĂ©s sur les normes sexuelles, sociales et amoureuses hĂ©tĂ©ros. Il est vrai que les films de super-hĂ©ros, pour des raisons Ă©conomiques, se doivent d’ĂȘtre grand public et donc montrer le moins de scĂšnes « osĂ©es » ou choquantes possible. Mais voir les mĂȘmes histoires « d’amour » dans les films de super-hĂ©ros revient Ă  raconter aux enfants, aux ados et aux adultes que les bĂ©bĂ©s sont apportĂ©s au travers de la couche d’ozone par des cigognes ou transportĂ©s via Amazon Prime dans des Ă©prouvettes par le PĂšre NoĂ«l.

Coming Out rĂ©vĂšle ou rappelle que derriĂšre certains signes d’ouverture, mal ĂȘtre et solitude complĂštent encore la vie de beaucoup d’homos, de lesbiennes et de transgenres et que, comme le dit trĂšs bien un des jeunes hommes qui tĂ©moigne :

« Nous crions pour que les personnes comme nous sachent qu’elles ne sont pas seules : nous sommes des ĂȘtres humains ».

Franck Unimon, ce vendredi 28 juin 2019.

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