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Conocido y conocido

 

                                              Conocido y  conocido

Beaucoup voudraient changer de vie. Puis, ils se figent.

 

Lui, il avait pris les choses en main. Il avait quittĂ© son pays. InterpellĂ© Ă  Paris, sans papiers, inoffensif, il avait Ă©tĂ© relĂąchĂ©. Il n’avait pas dĂ©mĂ©ritĂ©. Il Ă©tait parti retrouver son pĂšre en Allemagne.

DĂ©tectĂ© alors qu’il marchait le long de la voie ferrĂ©e dans le Val d’Oise, il avait Ă©tĂ© emmenĂ© Ă  l’hĂŽpital puis dans le service oĂč je travaillais alors.

 

L’ambassade de son pays avait Ă©tĂ© contactĂ©e. Un de ses reprĂ©sentants s’était dĂ©placĂ©.

 

Au dĂ©but, plusieurs collĂšgues voulaient l’accompagner pour le rapatrier dans son pays, du cĂŽtĂ© de SĂ©ville. Mais, par moments, mĂȘme si assez peu de collĂšgues parlaient sa langue natale, elles comprenaient Ă  sa façon de « cracher Â» les mots qu’il pouvait tenir des propos orduriers. Et qu’il pouvait, aussi, avoir un comportement inĂ©lĂ©gant.

 

J’avais donc pu l’accompagner en prenant l’avion avec lui.  MĂȘme si, au prĂ©alable, Ă  l’aĂ©roport, la fantaisie des rĂ©servations ou de l’administration m’avait rĂ©vĂ©lĂ© qu’il Ă©tait  prĂ©vu de nous sĂ©parer. Moi en premiĂšre classe et lui en seconde. Ou le contraire.

 

AprĂšs quelques explications, on avait bien voulu nous mettre ensemble. En PremiĂšre.

 

Lorsque l’on nous avait proposĂ© du champagne, il avait tentĂ© sa chance en m’interrogeant poliment du regard. J’avais refusĂ©. L’alcool et certains traitements sont antagonistes. Il avait acceptĂ©.

 

Le vol, de deux ou trois heures, s’était bien dĂ©roulĂ©. A notre arrivĂ©e, l’infirmier en soins psychiatriques et lui s’étaient aussitĂŽt reconnus. AuprĂšs de lui, il avait alors arborĂ© la mine de l’animal domestique tout content de retrouver une connaissance familiĂšre.

 

InterrogĂ©, l’infirmier m’avait rĂ©pondu en Espagnol :

 

« Conocido y  conocido Â». Connu comme le loup blanc. A ses cĂŽtĂ©s, le patient avait approuvĂ© par un petit sourire tendre de connivence.

 

J’avais ensuite passĂ© deux ou trois jours dĂ©licieux Ă  SĂ©ville.

 

C’est avec cette histoire en tĂȘte que j’ai Ă©tĂ© volontaire rĂ©cemment  pour accompagner une patiente Ă  l’aĂ©roport afin qu’elle s’en retourne chez elle, en CorĂ©e….

 

Franck Unimon, lundi 7 septembre 2020.

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