En allant à la médiathèque ce samedi 14 aout 2021
La peur d’un complot
En allant à la médiathèque ce samedi 14 aout 2021, je savais que je ne pourrais y entrer désormais. Désormais, un passe sanitaire est obligatoire à l’entrée. « Ou un résultat négatif à un test PCR ou antigénique » a ajouté la bibliothécaire qui a ajouté avoir reconnu ma voix lorsque je l’ai appelée par son prénom.
14 ans que je me rends à cette médiathèque. Cette fois, je faisais le trajet pour y accompagner ma fille qui, fort heureusement, maintenant, connaît l’endroit et la plupart des gens qui y travaillent. Cette situation où je la « dépose » à l’entrée de la médiathèque et reviens ensuite la chercher est bien-sûr un bon moyen d’autonomisation pour elle. « D’autres parents font comme ça, aussi » m’avait également dit la même bibliothécaire au téléphone.
Au préalable, j’avais expliqué le « topo » à ma fille. En quelques mots. Elle avait pris ça calmement et était plutôt contente de découvrir qu’elle pourrait utiliser la carte de prêt, toute seule. Pour le dvd du dessin animé Trolls 2, ce serait à elle qu’il reviendrait d’aller solliciter la bibliothécaire afin de lui demander si elle pourrait le réemprunter. Car elle n’avait pas eu le temps de le regarder.
En nous rapprochant de la médiathèque, je suis tombé sur ce panneau de la Licra contre l’antisémitisme. Je comprends la campagne contre l’antisémitisme. Mais j’ai été surpris par la période d’apparition de ce panneau. Pourquoi maintenant, un 14 aout ? Alors qu’une bonne partie des gens sont, en principe, en vacances. Et puis, je ne saisissais pas cette phrase qui était apparemment un témoignage :
« En m’associant à la peur d’un complot, on donne un visage à l’antisémitisme ».
Signé David.
Aujourd’hui, le mot « complot » est directement associé à celles et ceux qui sont contre les vaccins anti-Covid ou qui expriment des doutes à leur sujet.
Et, puis, cet homme sur la photo donne l’impression que c’est lui, l’antisémite. Puisque c’est son visage qui apparaît. Or, il est supposé être juif. Qu’est-ce que c’est que ce message contradictoire ?! Cette phrase sûrement sincère et pourtant si alambiquée que j’avais du mal à la décrypter ?!
Passer de ce « Je » implicite ( « En ») à « On ». Quel flou ! Comment la Licra avait t’elle pu lancer une campagne avec des propos aussi ambigus ? Ou bien, avais-je mal vu ?
Je ne savais plus. Je ne sais plus.
Rester dans la même histoire
J’ai pris le temps de prendre cette affiche en photo. Puis, j’ai rejoint ma fille. Avant de traverser la route, je me suis dit :
« Peu importe que l’on ait (la) raison ou qu’on l’ait perdue : la folie, c’est rester dans la même histoire en se blottissant contre l’impossibilité ou la difficulté d’en sortir. En la voyant comme le réservoir de l’Humanité et l’intégralité de nos vies ».
A partir de ce 12 juillet 2021, avec un gros pic début aout, j’ai beaucoup parlé du Covid et des vaccins dans mes derniers articles. C’est « normal », ce sujet nous occupe tous. Et il va continuer de le faire. Mais ne parler que de « lui » et des vaccins, c’est s’immerger soi-même la tête dans une marmite et l’y laisser cuire.
Je parlerai donc à nouveau du Covid dans mes articles. Mais, autant que possible, moins. Parce-que je ne crois pas qu’en plein conflit armé, en prison ou en d’autres circonstances de vie difficiles que les gens qui survivent et s’en sortent le mieux ne passent leur temps qu’à parler de ce qui se trouve ou de ce qui peut bien encore se trouver au fond de la marmite. Et de sa fabrication, de son volume réel mais aussi de sa couleur. Ce genre d’informations, même en nous concentrant, nous dépasse : le volume réel de la marmite, sa profondeur exacte….tout cela, nous ne l’apprendrons, si nous sommes encore présents à cette date, que lorsque notre histoire avec cette marmite sera réellement terminée. Or, pour l’instant, cette histoire est encore en cours.
Combattre, résister, s’évader
Quant à la façon de combattre, de résister, ou de s’évader, il en existe plusieurs. Rarement une seule à ce que j’ai compris. Et, il convient de réussir à trouver celle qui nous correspond le mieux.
A quelques mètres devant l’entrée de la médiathèque, une table dehors. Derrière elle, une bibliothécaire que je connaissais bien-sûr. J’ai fait mes dernières recommandations à ma fille et lui ai dit l’heure à laquelle j’allais revenir la chercher. La bibliothécaire, pédagogue, lui a traduit :
« Donc, ça te fait trois quarts d’heure ». Je ne pouvais pas faire plus pour cette fois.
Je suis allé faire quelques courses chez le marchand de primeurs. Je suis passé à la bonne heure. J’étais le seul client.
A mon retour, j’ai essayé de voir avec la bibliothécaire comment me faire à ces nouvelles règles. Elle m’a confirmé que je pouvais faire des réservations sur le site de la médiathèque. Mais m’a expliqué qu’ils n’étaient pas assez nombreux en personnels pour organiser un « Drive ». Il faudrait donc que quelqu’un qui dispose d’un passe sanitaire, ou ma fille, aille chercher les documents réservés à ma place. Ce genre de solution n’a rien d’exceptionnel. A l’extrême, je « sais » que dans certains conflits armés, des parents ont pu cacher des armes dans les cartables de leurs enfants afin que ceux-ci passent les contrôles. Là, il s’agirait juste de me porter quelques livres ou cds. Cela pourrait être assez gratifiant pour ma fille. Mais cela m’emballe modérément. Et, de la solliciter pour ça. Mais, aussi, de solliciter qui que ce soit d’autre.
Si j’étais gravement malade, très occupé ou un grand criminel recherché dans toute la France, je pourrais à la limite recourir à cette « méthode ». Mais, là, je suis parfaitement en état pour effectuer mes démarches moi-même. Mon casier judiciaire est vierge.
Sauf que les règles ont changé depuis le 9 aout. Je peux entrer dans n’importe quelle Fnac de France avec mon masque anti-Covid. J’ai vu il y a quelques jours que j’aurais pu entrer dans une bibliothèque en plein Paris sans passe sanitaire. Dans le 1er arrondissement. Si je cherche bien, il doit donc y avoir encore d’autres bibliothèques où il est toujours possible d’entrer sans passe sanitaire, en portant un masque anti Covid.
Certaines mairies par contre, comme celle de ma ville, font peut-être du zèle en matière de mesures sanitaires. Je n’ai pas les moyens de m’y opposer. Pour l’instant, je n’ai donc plus le droit d’entrer dans la médiathèque de ma ville et, un peu, de ma vie.
A partager
Ma fille et moi sommes ensuite repartis. Elle, insouciante, et c’est normal, moi, plus partagé mais aussi discret que possible pour ne pas la concerner par cette situation particulière.
Partagé parce-que je ne sais pas combien de temps il sera autorisé qu’elle puisse accéder à la médiathèque sans passe sanitaire ou autre restriction qui ne finit de s’ajouter à notre quotidien. Partagé parce-que, d’une certaine façon, je fais peser sur ma fille les conséquences d’une décision qui ne devrait regarder que les adultes entre eux. Or, cette pandémie n’est pas seulement sanitaire. Elle est aussi sociétale et imprègne tous les rayons et toutes les étagères sur lesquels reposent toutes les cultures que nous empruntons, dénigrons ou ignorons.
Franck Unimon, ce dimanche 15 aout 2021.
Une réponse sur « En allant à la médiathèque ce samedi 14 aout 2021 »
[…] autres services….alors, je paie pour ça mais je n’y ai plus le droit depuis quelques jours ( En allant à la médiathèque ce samedi 14 aout 2021). Sauf pour les urgences à […]