
Extorsion : Trouver la salle dâaudience
( cet article suit l’article Au Palais de Justice).
Ce lundi 8 novembre 2021, il n y a pas de barriĂšres pour bloquer la route qui mĂšne au Palais de justice de l’Ăźle de la CitĂ©. Je suis Ă©tonnĂ©. Je me demande sâil y a des jugements. Alors que je viens pour assister au procĂšs des attentats du 13 novembre 2015.
Dans la cour, un jeune gendarme mâindique aimablement oĂč aller pour me rendre au procĂšs.
On sây perd un peu dans le Palais de justice. Il nây a pas beaucoup de monde. Peut-ĂȘtre parce-que les audiences ont dĂ©jĂ commencĂ©.
Dans les toilettes, je croise un jeune homme noir, Ă©lĂ©gant dans son costume bleu ou violet, qui me dit bonjour. Je me dis quâil est nouveau dans le milieu. A la sortie, il ne peut pas mâindiquer oĂč aller. Puis, jâaperçois le panneau qui indique le procĂšs des attentats du 13 novembre 2015.
Je monte des marches. Prends un escalier vers la salle Victor Hugo. Je tombe sur deux gendarmes qui renseignent. A travers la vitre dâune porte, jâaperçois des gens de la Cour, debout en train de parler.
Lâun des deux gendarmes mâapprend que ce nâest pas ici. Il mâexplique comment mây rendre.
Il me rĂ©pond que ce procĂšs, tout prĂšs dâeux, est « complet ». Impossible dây entrer. Je demande quand mĂȘme de quel procĂšs il sâagit :
Celui du meurtre de Mireille Knoll.
Câest Ă lâ « accueil directionnel » oĂč se trouvent deux hommes, que jâapprends vraiment, quâaujourdâhui, le procĂšs des attentats du 13 novembre 2015 nâa pas lieu. Sous le regard dâapprenti dâun jeune dâune vingtaine dâannĂ©es, câest le plus ancien, la cinquantaine, qui me rĂ©pond et mâexplique ça. Il me dit que « demain » (ce mardi 9 novembre), mercredi et vendredi, le procĂšs des attentats du 13 novembre 2015 aura lieu. Puis que la semaine prochaine, si jâai bien retenu, le procĂšs aura lieu du mardi, je crois, jusquâau vendredi. Mais que je ne pourrai pas entrer dans la salle. Ce que je savais dĂ©jĂ . Je lui demande :
« Yâa tâil quand mĂȘme un procĂšs oĂč je peux aller ? ». Il me rĂ©pond « oui, oui » et mâindique oĂč aller derriĂšre moi dans la salle Georges quelque chose dont jâai du mal Ă comprendre le nom. Mais jâai bon espoir de trouver. Car jâignore alors comme le Palais est grand.
Non loin de lĂ , je vois un attroupement de personnes joyeuses. On applaudit. On sort son tĂ©lĂ©phone portable pour prendre des photos. Quelques oiseaux blancs filent sous le plafond. Depuis que je suis entrĂ©, je ne sais pas ce que jâai le droit de photographier. LĂ , je me sens autorisĂ© Ă le faire alors que je me rapproche de cette foule qui acclame celles et ceux qui viennent de prĂȘter serment.

PrĂȘter serment :
PrĂȘter serment est un trĂšs grand engagement. Je suis surpris du dĂ©calage entre cette joyeuse humeur et la lourde tĂąche du travail futur de ces personnes qui sortent de la salle avec leur robe noire, le sourire aux lĂšvres.
Puis, je reprends mon chemin. Un long couloir. Un sol clair. Immaculé. Je ne crois pas faire affront en prenant quelques photos.

Je ne brise aucune instruction, aucun secret. Je ne prends en photo aucune personne reconnaissable ou a priori recherchĂ©e. Le fait dâavancer dans des longs couloirs plutĂŽt vides me donne lâimpression de me faufiler. Ces grands espaces, cette hauteur sous plafond, le lustre et lâHistoire de lâendroit imposent le respect.

Je tombe sur un homme Ă©garĂ©. Comme moi. Il vient Ă ma rencontre et me sollicite afin que je le guide. Sa convocation Ă la main, il ne sait oĂč aller. Il me montre le plan quâon lui a remis Ă lâentrĂ©e et me dit « On est là ». Mais je ne sais pas lire les plans. Jâai du mal avec lâespace reproduit sur des plans. Un employĂ© passe. Je le questionne. Il rĂ©flĂ©chit. La salle dâaudience oĂč je veux aller ne lui dit rien. Lâendroit oĂč doit se rendre cet homme, Ă peine plus. Pourquoi, comment ? Nous descendons de larges escaliers prĂšs de nous. En bas de ces escaliers, en passant devant des toilettes, nous trouvons son lieu dâaudience. Mais il ne sait pas ce quâil doit faire. Il ne sait pas oĂč est son avocat. Jâouvre la porte. Une femme dâautoritĂ© mâintime aussitĂŽt de la refermer :
« On viendra vous chercher ! ».
Sur la porte, parmi dâautres, jâai lu le mot Mineurs et aussi Affaires sociales. Mais mon « homme » nâa pas une tĂȘte de mineur. Celui-ci mâapprend avoir rendez-vous Ă 10h. Il est 9h45. Je lui dis :
« ça va ! Vous ĂȘtes mĂȘme en avance ». Il ne sourit pas. Ne semble pas plus rassurĂ© que cela. Il me remercie nĂ©anmoins. Avant de le quitter, je lui souhaite bonne chance et lui demande de quel pays vient-il : Le Mali.
Peu aprĂšs, je trouve la salle dâaudience que je cherche : La salle dâaudience Georges Vedel. Je ne sais pas ce quâa fait cet homme. Je ne crois avoir jamais entendu parler de lui. Un gendarme sort. Je lui demande si je peux assister Ă lâaudience. Bien-sĂ»r ! Lui et son collĂšgue, la vingtaine prolongĂ©e, mâaccueillent avec dĂ©contraction et sympathie. Ils me demandent de vider mes poches de tout objet mĂ©tallique type clĂ© etcâŠavant de passer au dĂ©tecteur. Puis, je rĂ©cupĂšre mes affaires une fois passĂ©es aux rayons X.
On mâinforme que je nâaurai pas le droit de filmer ou de prendre des photos dans la salle.
Avant dâentrer, je demande de quoi parle le procĂšs en question, dans cette cour dâassises.
Une histoire dâextorsion mâapprend-tâon. Pour 87 500 euros. Les gendarmes mâinforment que je peux sortir de la salle dâaudience quand je le souhaite.
Lorsque jâentre, un gendarme me montre lâendroit oĂč mâasseoir : sur les bancs, en bois, de gauche. Les bancs de droite sont rĂ©servĂ©s Ă des tĂ©moins ou Ă des proches si jâai bien compris. Devant moi, sur le cĂŽtĂ©, une jeune femme tape sur son ordinateur portable. Elle semble retranscrire ce quâelle observe. Ce quâelle entend.
Je vois trois prĂ©venus derriĂšre un box. DerriĂšre eux, deux ou trois gendarmes. Deux ou trois autres gendarmes sont dans la salle et se dĂ©placent. Je verrai les gendarmes dans le box permuter avec dâautres gendarmes venus les relayer. Plus tard, derriĂšre le juge, je verrai deux portes sâentrouvrir et deux ou trois autres gendarmes entrer. En moyenne, ces gendarmes ont la trentaine, des physiques de sportifs, et sont habillĂ©s et parĂ©s pour lâaction. Rien Ă voir avec le gendarme de St Tropez avec Louis de FunĂšs ou Benoit Poelvoorde qui pourrait se promener en bermuda, marcel, jambes maigres, ventre Ă raclettes et claquettes.
Pourquoi des gendarmes assurent-ils la sĂ©curitĂ© dans un palais de Justice ? Parce-que, mâa depuis appris un collĂšgue, les gendarmes sont formĂ©s au maintien de lâordre. Ils sont les Ă©quivalents des CRS voire sont des CRS. Le policier ou le gardien de la paix nâest pas formĂ© au maintien de lâordre comme ils le sont. Le maintien de lâordre ne se rĂ©sume pas Ă sortir son arme et Ă tirer. Câest aussi appliquer des stratĂ©gies de retrait, de dĂ©sencerclement ou dâencerclement.
Cependant, Ă la cour dâassises, lâatmosphĂšre est plutĂŽt sereine. Sereine et concentrĂ©e. Les avocats de la DĂ©fense, cinq ou six ou plus (dont trois ou quatre femmes), sont assis derriĂšre leur table sur laquelle, pour certains, se trouve un ordinateur portable en Ă©tant de marche. A cĂŽtĂ©, un dossier constituĂ© dâune pile de documents.
Sur un Ă©cran, je vois et entends le plaignant qui rĂ©pond aux questions du juge. Le plaignant est assis devant une table. A ses cĂŽtĂ©s, en robe noire, son avocat ou lâun de ses avocats. Un stylo ou un crayon ainsi quâune feuille sont devant le plaignant.
Un autre Ă©cran est situĂ© face Ă la dĂ©fense. Lâimage est nette. Le son est bon.
Dans la rangĂ©e oĂč je suis assis, dans le public, nous sommes alors Ă peine cinq personnes. Dans la rangĂ©e de bancs de droite, pareil.
Je comprendrai plus tard que les trois hommes assis lâun derriĂšre lâautre de profil devant les avocats de la DĂ©fense, face Ă la cour, font aussi partie des accusĂ©s. DerriĂšre la cour, manifestement, rĂ©partis sur la largeur de la cour, les jurĂ©s. A droite de la cour, lâavocat gĂ©nĂ©ral. Et une autre personne dont je ne connais pas la fonction.
Il est alors Ă peu prĂšs dix heures du matin. Je pense alors rester jusquâĂ 13h. Jusquâau moment de la pause dĂ©jeuner. Je sortirai finalement de lĂ Ă 14h30 Ă peu prĂšs.

(Ă suivre)
Franck Unimon, ce mardi 9 novembre 2021.