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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Ip Man 4

 

 

                                        Ip Man 4- Le Dernier Combat

«  C’est naze ! Â». Une grimace.

 

Il y a plein de films Ă  voir au cinĂ©ma depuis que certaines salles ont rouvert le 22 juin. Des films que j’aimerais voir et Ă  propos desquels j’ai un trĂšs bon a priori. Je vais en citer quelques uns :

 

Voir le jour  de Marion Laine ; The Crossing de Bai Xue ; L’infirmiĂšre de KĂŽji Fukada ; Le DĂ©fi du champion  de Leonardo D’agostini ; The Perfect Candidate de Haifaa Al-Mansour ; Lil’ Buck, Real Swan de Louis Wallecan et d’autres dĂ©jĂ  sortis ou qui vont sortir en salles.

 

Mais je ne pourrai pas voir la plupart de ces films comme d’autres rĂ©alisations avant eux. D’abord parce-que j’écris pour le plaisir. Et ce plaisir ne me paie pas financiĂšrement. C’est mon mĂ©tier d’infirmier en pĂ©dopsychiatrie (de nuit depuis quelques annĂ©es) qui continue de me faire vivre. Je ne me plains pas : bien des personnes sont au chĂŽmage ou ont perdu leur emploi rĂ©cemment du fait du Covid-19 ou vont bientĂŽt le perdre.

 

Ecrire un article

 

Ensuite, Ă©crire un article me prend du temps. Au minimum entre 3 Ă  5 heures en moyenne.  Et c’est comme ça depuis longtemps.

 

Avant la naissance de ma fille, j’arrivais Ă  concilier mon mĂ©tier d’infirmier, mes sĂ©ances de cinĂ©ma et l’écriture d’articles Ă  propos des films que je voyais ou des acteurs et rĂ©alisateurs que je rencontrais. Ma fille est nĂ©e. J’en suis content. Et, comme chaque parent, aussi, dĂ©sormais, je fais l’expĂ©rience qu’avoir un enfant ou plusieurs divise mon temps par deux ou par trois.

 

Evidemment, entre choisir de passer du temps avec ma fille et passer du temps au cinéma et à écrire, je choisis encore ma fille.

 

 

Dans sa biographie Ma Vie en rĂ©alitĂ© que j’ai fini de lire, et dont je compte bien reparler bientĂŽt dans un article, Magali Berdah, qui « s’occupe Â» des influenceurs tels Nabilla et Julien Tanti mais fait aussi de la tĂ©lĂ©,  dit travailler 16 heures par jour et fait comprendre qu’aprĂšs ses journĂ©es de travail, elle enchaine avec sa vie de mĂšre ( elle a trois filles) et de femme au « foyer Â». Aujourd’hui, elle gagne trĂšs bien sa vie. Mais il y a encore quatre ou cinq ans, elle Ă©tait surendettĂ©e.

 

 

Je n’ai pas 16 heures par jour Ă  consacrer Ă  l’écriture et Ă  mon blog en plus de mon mĂ©tier d’infirmier et de ma fille par exemple. C’est sĂ»rement pour cela que je suis encore « loin Â» d’une certaine rĂ©ussite avec mes articles et mon blog. D’autant que je constate « bien Â» que, souvent, derriĂšre la rĂ©ussite ( quelle que soit la rĂ©ussite) se niche une certaine quantitĂ© d’heures de travail en plus d’un Savoir faire et d’un « ruisseau Â» ( un rĂ©seau) de connaissances et de sympathies dans le milieu oĂč l’on veut Ă©voluer.

Mon engagement dans mes articles et mon blog est sincĂšre. Mais cet engagement est sans doute encore trop discontinu, trop limitĂ© et trop confidentiel pour rencontrer un public plus large. J’utilise aussi sans aucun doute des moyens de communication encore trop inappropriĂ©s.  J’aime prendre le temps d’écrire. Mes articles sont assez longs alors que l’on est beaucoup dans une Ă©poque d’images, de buzz et de « punchlines Â». Une photo ou une vidĂ©o bien choisie, bien montĂ©e, a une vitesse de propagation bien plus forte, peut-ĂȘtre Ă©quivalente Ă  celle d’une balle, qu’une centaine de phrases.  

 

Et puis, je suis attachĂ© Ă  la polyvalence. Il y a des thĂ©matiques qui « marchent Â» bien sur le net pour peu qu’on en parle « bien Â» :

 

Mode et people, cosmétique, cuisine, tourisme, bricolage, certaines musiques, fitness, sport, un certain cinéma
..

 

Je ne rejette pas ces thĂ©matiques. Je peux aussi les accoster si ce n’est dĂ©jĂ  fait. Mais j’aime aussi aller vers d’autres sujets que je crois moins porteurs. Ou peut-ĂȘtre aussi que je les « vends Â» trĂšs mal. Il est vrai que je ne me vois pas passer toutes mes journĂ©es sur mon blog, sur mes articles et sur les rĂ©seaux sociaux. Mais dĂšs que j’ai un peu plus de disponibilitĂ©, j’en profite pour publier plusieurs articles de maniĂšre rapprochĂ©e.

 

 

A cĂŽtĂ© de ça, lire aussi prend du temps. Que ce soit des livres ou des articles. Ainsi qu’avoir une compagne (la mĂšre de ma fille).

MĂȘme si ma compagne me laisse plus de latitude pour Ă©crire, lire et faire du sport que certaines compagnes ou certains compagnons. Et, chez nous, je peux Ă©crire jusqu’à trĂšs tard la nuit. Je peux aussi Ă©crire aprĂšs une nuit de travail sans me reposer et dĂ©jeuner. Puis, manger un bout de pain et de fromage et partir chercher ma fille au centre de loisirs parce-que c’est l’heure. C’est ce qui s’est passĂ© il y a quelques jours en Ă©crivant GĂ©missements. ( GĂ©missements).

 

 

On pense peut-ĂȘtre que ce que je raconte n’a rien Ă  voir avec le film Ip man 4 ? Que je ferais mieux de parler du film au lieu de raconter ma vie ? Pourtant, dĂšs le dĂ©but de cet article, Ă  ma façon, j’ai commencĂ© Ă  raconter le film et Ă  donner mon avis Ă  son sujet. 

 

C’est naze !

 

 

«  C’est naze ! Â». C’est une remarque faite par un de mes anciens collĂšgues dans un des prĂ©cĂ©dents hĂŽpitaux oĂč j’ai travaillĂ©. Spock (c’est le surnom que je lui avais donnĂ©) allait beaucoup moins souvent moi au cinĂ©ma. Mais il trouvait « nazes Â» tous ces films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux et de sports de combat oĂč tout Ă©tait prĂ©texte pour se bastonner.

 

C’était il y a plus de vingt ans.

 

Spock est aujourd’hui Ă  la retraite depuis plusieurs annĂ©es. Il a fait partie de mes modĂšles :

 

Que ce soit au travail ou dans la vie, il semblait toujours maitre de lui-mĂȘme et serein. Il semblait toujours savoir comment agir et penser. Et je l’avais vĂ©rifiĂ© plusieurs fois en pratique devant des situations oĂč j’estimais que j’aurais fait « moins bien Â» que lui. OĂč j’aurais plus que pataugĂ©.

 

Spock avait aussi pour lui la facultĂ© de l’humour et de la dĂ©rision.

 

Lors de cette remarque «  c’est naze ! Â», Spock, mon aĂźnĂ© de plusieurs annĂ©es, Ă©tait dĂ©ja un homme Ă©tabli avec femme, maison, petit chien, grosse voiture ( une BMW) et enfant. Plus tard, la quarantaine passĂ©e, il allait passer son permis moto et nous allions le voir arriver au travail sur sa grosse moto. A ce jour, je n’ai jamais rĂ©ussi Ă  briser l’interdit maternel me commandant de ne jamais faire de la moto. Pourtant, mes yeux brillent assez souvent en voyant passer une moto.

Aide-soignante pendant des annĂ©es en rĂ©animation, ma mĂšre avait eu Ă  s’occuper de plusieurs jeunes motards qui, une fois sortis du coma lui avaient dit :

 

« E
.tu as un fils ? Ne lui achĂšte jamais de moto ! Â». A l’ñge de l’adolescence, lorsque, comme d’autres jeunes garçons je m’étais avancĂ© vers ma mĂšre en faveur d’une mobylette, celle-ci s’était trĂšs vite montrĂ©e catĂ©gorique. Et je n’ai mĂȘme pas essayĂ© d’insister. Ma mĂšre m’avait prĂ©parĂ© depuis tellement d’annĂ©es Ă  ce refus.

 

 

Lorsque j’ai commencĂ© Ă  connaĂźtre Spock, aprĂšs mon service militaire, je venais d’emmĂ©nager dans un studio de fonction fourni alors par l’hĂŽpital. J’étais encore cĂ©libataire et je collectais plutĂŽt les histoires sentimentales Ă  la mords-moi-le-nƓud. Professionnellement, j’étais au dĂ©but de ma croissance mĂȘme si j’avais dĂ©ja commencĂ© Ă  me constituer quelques expĂ©riences. Spock, lui, il Ă©tait bien-sĂ»r dĂ©jĂ  un professionnel reconnu plutĂŽt unanimement. Une sorte « d’ancien Â» Ă  qui je m’adressais lorsque j’avais besoin de  rĂ©ponses diverses sur certains sujets personnels et professionnels sensibles et qui m’a accordĂ© plusieurs fois son attention et sa bienveillance. Il Ă©tait d’autres personnes dans le service, parmi mes collĂšgues plus ĂągĂ©s, principalement des hommes, que je voyais comme des modĂšles. Spock en faisait partie. Scapin et D
.aussi. Ainsi que P, un autre infirmier dont j’admirais la dĂ©contraction en toute circonstance, le fait qu’il soit musicien ainsi que son humour. Tous ces collĂšgues qui faisaient partie de mes modĂšles avaient le sens de l’humour. Y compris de l’humour trĂšs noir. Ce qui me convenait bien.

 

Et puis, Ă  force d’apprendre, on « grandit Â». D
.s’est suicidĂ©. Il a Ă©tĂ© retrouvĂ© pendu au bout d’une corde chez lui par son fils adolescent. P est devenu la « chose Â» de notre cadre que j’avais un peu connue infirmiĂšre alors que j’étais encore Ă©tudiant ( on disait « l’élĂšve Â» pour « Ă©lĂšve infirmier) et qui, l’accĂšs au Pouvoir « aidant Â», s’est Ă©rigĂ©e de plus en plus en autoritĂ© dynastique – et supra anxieuse. Et, ceci, avec le consentement mutuel du mĂ©decin chef, parfait dans le rĂŽle hypocrite et politique du descendant direct de Ponce Pilate qui s’en lavait les mains pourvu que « sa Â» maison (le service et le pĂŽle de psychiatrie adulte de l’hĂŽpital) lui appartienne.

Scapin, lui, avait eu besoin de partir travailler dans un autre service de l’hîpital.

De mon cĂŽtĂ©, j’ai fait quelques conneries dont, selon moi, les principales, ont surtout Ă©tĂ© de nĂ©gliger l’image (entre autre, parce-que je m’auto-dĂ©valorisais beaucoup) que je donnais de moi. D’ĂȘtre trop gentil et de m’en remettre un peu trop Ă  la bonne comprĂ©hension et au bon vouloir des autres. Et d’ĂȘtre restĂ© trop longtemps collĂ© Ă  ce service et Ă  cet hĂŽpital devenus une sorte de seconde membrane ( nĂ©vrotique) Ă  laquelle j’avais fini par avoir peur de m’arracher. Alors que je savais qu’il fallait le faire. Comme je savais avoir dĂ©jĂ  travaillĂ© ailleurs avant ce service et cet hĂŽpital et donc ĂȘtre capable de le refaire. Mais il y avait une dissociation entre ce que je comprenais intellectuellement : ce que la raison me soufflait de faire. Et mes Ă©motions ( la peur, l’attachement nĂ©vrotique) et mon corps.

 

Mais quand arrive le dĂ©clic, enfin, on part. On part par nĂ©cessitĂ©. Pour soi.  

 

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, la soixantaine, apprend qu’il est porteur d’un cancer malin. Or, son fils adolescent cumule les conneries Ă  l’école. Il se bat tout le temps pour un oui et pour un non. Son fils est  (aussi) en colĂšre contre lui depuis la mort de sa mĂšre. Ip Man (l’acteur Donnie Yen) envisage donc d’envoyer son fils poursuivre ses Ă©tudes aux Etats-Unis puisque l’établissement oĂč est scolarisĂ© son fils ne veut plus lui donner de nouvelle chance. Les Etats-Unis sont l’équivalent d’un pays de la Seconde chance. LĂ  oĂč l’on peut repartir du bon pied. Comme une bonne pension. Mais ce voyage est quand mĂȘme une aventure. Changer de pays. De langue. De culture. De mƓurs. De monnaie. Ip Man, qui a rĂ©ellement existĂ©, dans la vraie vie, n’a pas fait ce voyage. Mais il aurait pu. D’ailleurs, quand j’y pense maintenant, mon grand-pĂšre paternel avait environ la soixantaine, l’ñge du personnage d’Ip Man dans le film, la premiĂšre fois qu’il a quittĂ© sa Guadeloupe natale pour venir en France oĂč plusieurs de ses fils ( dont mon propre pĂšre) Ă©taient partis travailler Ă  l’ñge adulte.

 

 En quittant mon service de psychiatrie adulte oĂč j’avais connu Spock, Scapin, D, P et d’autres,  j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre qu’aucun de mes collĂšgues, dans une certaine unanimitĂ©, ne se seraient risquĂ©s Ă  tenter l’expĂ©rience professionnelle et personnelle que je m’apprĂȘtais Ă  vivre : aller travailler en pĂ©dopsychiatrie. A faire le « voyage Â» en pĂ©dopsychiatrie.

 

C’était il y a vingt ans.

 

Entretemps, j’avais aussi appris que les super-hĂ©ros n’existent pas. Certains modĂšles que j’avais pu idĂ©aliser Ă  une Ă©poque de ma vie m’étaient apparus, avec le temps, plus vulnĂ©rables qu’ils ne le semblaient. Plus faillibles. Voire pas toujours si honorables que cela.

J’avais Ă©galement appris que mĂȘme celles et ceux qui roulent des mĂ©caniques et qui semblent increvables et trĂšs sĂ»rs d’eux ont tous leurs moments indiscutables de faiblesse ou de dĂ©bĂącle. Et, moi aussi, j’avais dĂ» apprendre Ă  faire connaissance avec mes propres limites :

On peut jouer un rĂŽle devant les autres Ă  condition de savoir rester sincĂšre au moins avec soi-mĂȘme et de bien se connaĂźtre. Ça nous Ă©vitera de trop en faire. De trop nous la jouer. Ça nous aidera, aussi, Ă  avoir des relations plus sincĂšres avec les autres. On peut truquer les apparences et tricher avec elles. Et on peut obtenir plein de « choses Â» comme ça. En truquant. Mais cela impliquera de passer sa vie en restant sur le qui-vive en permanence. Je ne veux pas d’une vie telle qu’on la voit dans Le Talentueux Mr Ripley.

 

 

Quand dĂ©bute Ip Man 4, Ip Man est un homme simple. Il n’est plus ce jeune combattant d’un milieu social aisĂ© aimant relever les dĂ©fis comme nous le montre Wong Kar-Wai au dĂ©but de son film The Grandmaster ( rĂ©alisĂ© en 2013) avec l’acteur Tony Leung Chiu-Wai dans le rĂŽle d’Ip Man.

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, pourtant rĂ©putĂ©, subsiste en donnant des cours de Wing Chun dans son Ă©cole Ă  des Ă©lĂšves qui l’idolĂątrent mais qui sont aussi trĂšs bornĂ©s et assez peu douĂ©s. Ils rappellent ces Ă©lĂšves dont Kacem Zoughari parle dans l’interview qu’il donne au magazine Yashima dit ( je cite ce passage dans l’article GĂ©missements) :

 

 

«  Certains Ă©lĂšves copient le maitre jusque dans ses dĂ©formations de dos, de genou, etc. Au-delĂ  de l’aspect caricatural, c’est mĂȘme dĂ©lĂ©tĂšre pour leur santĂ© ! Ce type de pratiquants intĂ©gristes refusent souvent aussi souvent de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maĂźtre. C’est une grave erreur Â».

 

Ces Ă©lĂšves (comme ceux d’Ip Man dans Ip Man 4) sont incapables de penser par eux-mĂȘmes. Ils se fondent dans le groupe.  A mon avis, ces Ă©lĂšves n’ont pas de conscience. Pas de capacitĂ©- bienveillante- d’autocritique. Ils sont soit sur la dĂ©fensive soit dans l’attaque. Il y a trĂšs peu de nuance entre ces deux actions. On peut  aussi retrouver ça chez  certains intĂ©gristes (religieux, administratifs,  technocratiques, conjugaux ou autres) qui s’évertuent Ă  appliquer des rĂšgles et des protocoles Ă  la microseconde et au millimĂštre prĂšs par automatisme sans prendre le temps, Ă  un moment ou Ă  un autre, de se demander si la procĂ©dure ou l’action engagĂ©e Ă©tait vĂ©ritablement, rĂ©trospectivement, la plus appropriĂ©e. On attaque et on frappe d’abord. On rĂ©flĂ©chit aprĂšs. Si on y pense. Si on estime utile de se demander aprĂšs coup si c’était bien utile d’attaquer d’abord. Dans une scĂšne du film, face Ă  une situation totalement nouvelle – quoique pacifique- on voit donc les Ă©lĂšves d’Ip Man trĂšs combattifs, excitĂ©s et trĂšs bavards. Mais aussi trĂšs bornĂ©s et trĂšs sourds. Ils provoquent eux-mĂȘmes la bagarre qu’ils entendent Ă©viter en espĂ©rant sincĂšrement protĂ©ger leur Maitre qui, Ă  aucun moment, n’est menacĂ© : Ip Man.

 

 

J’ai choisi de travailler en psychiatrie (puis en pĂ©dopsychiatrie) au lieu de rester dans un service de soins somatiques car j’ai refusĂ© d’ĂȘtre un automate. Je crois que la santĂ© mentale est un milieu qui m’a permis de penser, de mieux penser, par moi-mĂȘme.  Mais on peut travailler en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie et se comporter comme un automate. On peut aussi combattre comme un automate. 

 

On peut mĂȘme faire sa vie comme un automate tout en cumulant les honneurs et les signes extĂ©rieurs de « rĂ©ussite Â» et d’épanouissement personnel.

 

On peut aussi trĂšs bien penser et croire que l’on peut tout rĂ©soudre dans sa vie juste par l’adresse de la pensĂ©e. En psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, on peut aussi ĂȘtre trĂšs « fort Â» (on est surtout trĂšs nĂ©vrosĂ©) dans ce domaine :

Pour croire Ă  ce que j’appelle la pensĂ©e « souveraine Â». Qu’il suffit de penser pour aller bien et mieux.

Dans certains compartiments de ma vie et Ă  certains moments de ma vie, mon « entraĂźnement Â» en psychiatrie m’a aidĂ© et m’aide. Mais dans d’autres situations, je suis aussi complĂštement Ă  cĂŽtĂ© de la plaque ou je peux ĂȘtre complĂštement Ă  cĂŽtĂ© de la plaque.

 

 

J’ai appris que, peu aprĂšs son dĂ©part Ă  la retraite, Spock avait quittĂ© femme et enfants pour partir vivre avec un ancien amour. Spock, l’inĂ©branlable, s’est rĂ©vĂ©lĂ©, finalement, plus vulnĂ©rable. Il a Ă©tĂ© jugĂ© moralement, par certaines connaissances communes, pour cela. Il l’est sĂ»rement encore. Spock, homme trĂšs droit, en partant vivre avec cet ancien amour a pu alors donner l’impression d’ĂȘtre un fuyard, un menteur, un calculateur et un homme Ă©goĂŻste qui battait pavillon aprĂšs avoir claironnĂ© pendant des annĂ©es que tout dans sa vie lui allait. Au point qu’il avait pu lui arriver de citer son mariage en exemple, avec un peu de provocation, devant des jeunes collĂšgues ( des femmes) sĂ©parĂ©es ou divorcĂ©es de leur compagnon ou de leur conjoint.

 

 

Plus qu’un vantard et un fuyard, je vois en Spock un homme qui, devant la mort, s’est dit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour le perdre dans les options du mensonge. Et pour lequel, vivre selon ses dĂ©sirs plutĂŽt que selon ses devoirs et les apparences sociales, est devenu alors la prioritĂ©. Il y a des femmes et des hommes qui font le mĂȘme choix que Spock bien plus tĂŽt. Il en est d’autres qui aimeraient pouvoir faire ce genre de choix.

 

Les arts martiaux sont aussi un art de vivre et donnent aussi des rĂ©ponses Ă  ce qui nous prĂ©occupe. Pour d’autres, la religion joue ce rĂŽle. 

 

Dans Ip Man 4, on pourrait penser qu’Ip Man, expert en arts martiaux, saurait comment s’y prendre avec son fils. On comprend trĂšs vite que c’est le contraire. Le grand expert Ip Man est dĂ©passĂ© par les agissements de son fils adolescent qui lui manque de respect de façon rĂ©pĂ©tĂ©e. C’est un des points du film que j’ai le plus aimĂ©s d’autant qu’il me parle beaucoup en tant que pĂšre :

 

Avant d’ĂȘtre pĂšre, lorsque je lisais des interviews de cĂ©lĂ©britĂ©s diverses, j’étais obsĂ©dĂ© par une question qui revenait assez souvent et qui Ă©tait :

 

Quelles sont ses relations avec ses parents ?

 

Aujourd’hui,  rĂ©guliĂšrement, lorsque je vois une cĂ©lĂ©britĂ© quelconque, je me dis assez souvent :

 

«  Dans ce domaine, il (ou elle) est extraordinaire. C’est un champion (ou, c’est une championne). Mais je me demande comment il/elle s’en sort avec son enfant lorsqu’il se rĂ©veille la nuit ? Son enfant fait-il ses nuits ? Â».

 

RĂ©cemment, sur un rĂ©seau social, un ami trĂšs sportif a postĂ© une nouvelle vidĂ©o d’un coach fitness faisant une dĂ©monstration. Je n’ai rien Ă  dire sur sa dĂ©monstration et je n’ai rien contre ce coach fitness. Mais, ça a Ă©tĂ© plus fort que moi : nous voyons en permanence des vidĂ©os de vedettes (ou autres) dont la vie semble rĂ©glĂ©e comme du papier Ă  musique, progĂ©niture comprise. Alors, j’ai laissĂ© un commentaire dans lequel je disais que j’aimerais bien voir ce coach fitness lorsque sa compagne lui rappelle qu’il y a la vaisselle et le mĂ©nage Ă  faire, la couche du bĂ©bĂ© Ă  changer etc
.

 

Je crois que ça n’a pas plu Ă  un internaute. Et je le comprends : ce coach fitness n’est pas lĂ  pour nous parler de sa vie personnelle. Mais ma rĂ©action a Ă©tĂ© provoquĂ©e par cette lassitude de voir rĂ©guliĂšrement des images de « personnes Â» quelque peu immaculĂ©es tandis que, nous, au quotidien, hĂ© bien, il nous arrive de ramer sans maquilleuse et sans monteur pour raccommoder le tout et nous restituer une image trĂšs flatteuse de nous-mĂȘmes.

 

MĂȘme si Ip Man, dans Ip Man 4 reste Ă©videmment trĂšs digne, il m’a beaucoup plu de voir ce sujet d’une relation conflictuelle entre un pĂšre (illustre qui plus est) et son fils adolescent dans un film « d’arts martiaux Â». Parce-que l’univers des Arts Martiaux et des sports de combat et de Self-DĂ©fense est quand mĂȘme un univers, oĂč, malgrĂ© toutes les paroles officielles de « humilitĂ© Â», « respect de l’autre Â» etc
on va aussi trĂšs loin dans le narcissisme, la suffisance et l’autosatisfaction. Ce que l’on retrouve (ce narcissisme et cette suffisance)  dans Ip Man 4 lorsqu’Ip Man, arrivĂ© depuis peu aux Etats-Unis, va rendre visite au prĂ©sident de l’association culturelle chinoise. Lequel prĂ©sident de l’association culturelle chinoise est le seul habilitĂ© Ă  lui faire la lettre de recommandation pouvant lui permettre d’inscrire son fils ans un Ă©tablissement amĂ©ricain.

 

 

On peut le dire, je crois : si Ip Man croit naĂŻvement et humblement que cette rencontre va se dĂ©rouler facilement, il est reçu comme de la merde par ce prĂ©sident d’association culturelle chinoise. Ainsi que par la majoritĂ© des personnes qui constituent l’assemblĂ©e qui entoure ce prĂ©sident d’association culturelle, Ă©quivalent dans cette situation d’un haut dignitaire chinois alors que pour les AmĂ©ricains (blancs) il est n’est qu’un « petit Â» chinois de rien du tout.

 

Jet Li dans le film  » The One ». Photo achetĂ©e lors d’un festival de Cannes au dĂ©but des annĂ©es 2010.

 

La Grimace

 

La grimace mentionnĂ©e au dĂ©but de cet article est peut-ĂȘtre celle du lecteur ou de la lectrice devant la longueur de cet article. Mais elle est sĂ»rement celle de Christophe, c’est son vrai prĂ©nom, il y a une dizaine d’annĂ©es, lorsqu’au festival de Cannes, tout content, je venais de lui montrer une photo de Jet Li que je venais d’acheter avec d’autres photos d’autres actrices et acteurs dans des films qui n’ont rien Ă  voir avec jet Li :

 

Karin Viard, Salma Hayek, Antonio Banderas, BĂ©atrice Dalle, Jean-Hugues Anglade et Daniel Auteuil, Forest Whitaker, Sami Bouajila, Wesley Snipes, John Malkovich, Guillaume et GĂ©rard Depardieu, Marie Meideros, Jeanne Balibar
.

 

C’était alors l’époque du mensuel de cinĂ©ma papier, Brazil, dont Christophe Ă©tait le rĂ©dacteur en chef. Brazil ou Le cinĂ©ma sans concessions dont j’étais un des rĂ©dacteurs.

 

Brazil Ă©tait un journal plutĂŽt tournĂ© vers le cinĂ©ma d’auteur de tous horizons ainsi que vers le cinĂ©ma bis. Et assez peu sur le cinĂ©ma commercial et les grosses productions. Donc, pas tout Ă  fait sur les films de Jet Li.

 

 

La continuité de Bruce Lee

 

 

Mais, pour moi, Jet Li, c’était la continuitĂ© de Bruce Lee. J’avais Ă©tĂ© Ă©patĂ© par la prestation de Jet Li plusieurs annĂ©es plus tĂŽt dans L’Arme fatale 4 (rĂ©alisĂ© en 1998 par Richard Donner) face Ă  Danny Glover et Mel Gibson. Et c’est drĂŽle de mentionner L’Arme Fatale 4  dans un article oĂč je parle de Ip Man 4.

 

Les pitreries de Jackie Chan (dans certains de ses films) aprĂšs la mort de Bruce Lee m’avaient d’abord beaucoup contrariĂ©. Il m’avait fallu des annĂ©es pour comprendre la valeur d’un Jackie Chan. SĂ»rement parce-que je n’avais pas vu les « bons Â» films pour le dĂ©couvrir.

Mais avec Jet Li, dans L’Arme Fatale 4, ça avait Ă©tĂ© instantanĂ© et, ensuite, j’avais essayĂ© d’en savoir plus sur lui.

 

La mauvaise image des films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux, de Wu Xi Pian et autres, provient du fait qu’en occident, on a enfermĂ© ces films dans une boite. Celle d’un spectacle. Celle d’une addition de performances. Celle d’une caricature de l’homme infatigable, capable de cascades martiales innombrables comme dans un cirque. On a gardĂ© ce qui tape Ă  l’oeil dans les arts martiaux. On en a fait une sorte de pop-corn ou de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© avec un scĂ©nario stĂ©rĂ©otypĂ© et simplet que l’on a dĂ©clinĂ© Ă  la chaine un peu comme cela se fait dans beaucoup de films pornos. Parce-qu’il y avait un marchĂ© et du fric Ă  se faire. Les gens voulaient voir des films de Kung Fu ? Ils voulaient un peu d’exotisme ?  On allait leur donner des films de Kung Fu.

 

RĂ©sultat : l’Histoire et l’esprit des arts martiaux ont disparu puisque tout ce que l’on a cherchĂ© Ă  rĂ©pliquer, c’est une recette pour faire venir des consommateurs plutĂŽt que des adeptes ou des disciples Ă©ventuels. Un peu comme on l’a fait avec Lourdes ou tout autre lieu de recueil religieux devenu l’équivalent d’un centre commercial.

 

 

C’est quand mĂȘme Spock, je crois, qui m’avait recommandĂ© la lecture de La Pierre et le sabre  que j’avais lu ! ( et beaucoup aimĂ©). Ce livre d’Eiji Yoshikawa, classique pour certains adeptes des Arts Martiaux, a pourtant bien des points communs ( et vitaux) avec des personnalitĂ©s comme Bruce Lee, Jet Li ou d’autres qui se sont fait connaĂźtre dans des films considĂ©rĂ©s comme « nazes Â» par Spock et d’autres !

 

 

Bruce Lee et MichaĂ«l Jackson :

 

Et puis, Ă  l’inverse, lorsque certains intellectuels, peut-ĂȘtre pour se donner un cĂŽtĂ© « rebelle Â» ou « rock and roll Â», parlaient de Bruce Lee, ça a pu faire flop. Je repense Ă  ce livre Ă©crit par un journaliste des Cahiers du cinĂ©ma. Son intention Ă©tait louable. Mais en commençant Ă  lire son livre ( j’ai vite interrompu sa lecture) dans lequel il nous parlait de son attachement Ă  Bruce Lee, j’avais eu cette impression que la musicienne et chanteuse Me’shell a pu dĂ©crire en Ă©coutant certains morceaux de musique de MichaĂ«l Jackson produits post-mortem :

 

Celle d’une musique sans corps.

 

Me’Shell NdĂ©gĂ©ocello avait appris que MichaĂ«l Jackson avait besoin de danser quand il enregistrait en studio. Et que cela ne ressortait pas dans certains des titres produits –et commercialisĂ©s- plusieurs annĂ©es aprĂšs sa mort.

 

En commençant Ă  lire le livre de ce journaliste des Cahiers du cinĂ©ma, j’avais peut-ĂȘtre eu la mĂȘme impression :

Trop d’intellect. Pas assez de corps. Pour un livre censĂ© nous parler de Bruce Lee !

Ça fait penser Ă  ces musiciens trĂšs calĂ©s techniquement mais dont la musique nous ennuie. Ou Ă  ces profs trĂšs cultivĂ©s mais dont les cours sont atones.

 

A travers mes articles, j’essaie autant que possible d’éviter de ressembler Ă  ces exemples.

 

 

 

Ip Man 4 – Le dernier combat de Wilson Yip, donc.

 

 

Le magazine Taichichuan ( le numĂ©ro 2 paru il y a plusieurs semaines) montre l’acteur Donnie Yen, interprĂšte de Ip Man, en couverture. Le magazine, par son rĂ©dacteur en chef, encense le film.

 

 

 

J’ai envoyĂ© un mail au rĂ©dacteur en chef de Taichichuan  (et Ă©galement rĂ©dacteur en chef d’autres magazines tels que Self & Dragon mais aussi Survivre) pour demander Ă  l’interviewer. C’était il y a plus d’un mois. Je n’ai pas eu de rĂ©ponse. Sans doute ce rĂ©dacteur en chef Ă©tait-il trop occupĂ©. Peut-ĂȘtre aussi considĂšre-t’il que ce sont plutĂŽt les Maitres et experts qui interviennent dans les magazines dont il est le rĂ©dacteur en chef qu’il faudrait plutĂŽt chercher Ă  rencontrer et Ă  interviewer ?

Et puis, mĂȘme si je suis devenu un lecteur des magazines dont il est le rĂ©dacteur en chef, je suis un inconnu pour lui. Et il avait sĂ»rement d’autres prioritĂ©s. Ou, peut-ĂȘtre faut-il que, d’une certaine façon, je persiste et fasse mes preuves ? Comme Ip Man, lorsqu’il dĂ©barque aux Etats-Unis dans Ip Man 4, doit faire ses preuves. Lui, avec son attitude et les Arts martiaux. Moi, avec mes articles.

 

 

Ce n’est nĂ©anmoins pas pour faire mes « preuves Â» ou pour apporter des preuves Ă©ventuelles que j’ai choisi hier matin, aprĂšs ma nuit de travail, d’aller voir Ip Man 4. Et de poursuivre la rĂ©daction de cet article aujourd’hui aprĂšs ma deuxiĂšme nuit de travail et avant ma sieste de rĂ©cupĂ©ration.

 

Hier, je suis allĂ© voir ce film par plaisir. Comme on peut dĂ©jĂ  l’avoir compris avec mon anecdote, Ă  Cannes, Ă  propos de la photo de Jet Li.

 

 

 

L’acteur Donnie Yen

 

J’ai dĂ©couvert Donnie Yen au cinĂ©ma il y a environ vingt ans. Je vĂ©rifie tout de suite :

 

Au moins depuis le film Hero rĂ©alisĂ© en 2002 par Zhang Yimou. Je ne me rappelle pas particuliĂšrement de lui dans Blade 2  rĂ©alisĂ© par Guillermo Del Toro la mĂȘme annĂ©e.

 

Et, spontanĂ©ment, dans L’Auberge du Dragon rĂ©alisĂ© en 1992 par Raymond Lee et Tsui Hark, je me souviens surtout de Maggie Cheung que l’on ne voit plus aujourd’hui au cinĂ©ma et qui semble avoir « disparu Â» du cinĂ©ma peu aprĂšs sa palme d’or d’interprĂ©tation pour son rĂŽle dans Clean, rĂ©alisĂ© en 2004 par Olivier Assayas et qui, pour moi, n’était pas du tout son meilleur rĂŽle.

 

Une fois, j’ai aperçu Maggie Cheung se rendant dans la salle de cinĂ©ma dont je venais peut-ĂȘtre de sortir. C’était avant son rĂŽle dans In the mood for love de Wong Kar Wai (rĂ©alisĂ© en 2000), je crois. Personne n’avait fait attention Ă  elle m’a-t’il semblĂ©. Par contre, mon regard sur elle avait sans doute Ă©tĂ© trop appuyĂ© car j’avais eu l’impression qu’elle avait senti mon attention particuliĂšre.

 

Dans les annĂ©es 90 et 2000, lorsque je pense au cinĂ©ma asiatique, je pense d’abord Ă  des acteurs comme Tony Leung Chiu-Wai (un de mes acteurs prĂ©fĂ©rĂ©s qui rejoue avec Maggie Cheung dans In The Mood for love et qui, lui, obtiendra la palme d’or d’interprĂ©tation Ă  Cannes, l’annĂ©e oĂč Björk obtiendra la palme d’or d’interprĂ©tation pour son rĂŽle dans Dancer in the dark  de Lars Von Trier).

 

Dans les annĂ©es 90 et 2000, lorsque je pense au cinĂ©ma asiatique, je pense aussi Ă  Chow Yun-Fat, aux rĂ©alisateurs John Woo, Kirk Wong et Johnnie To. Bien-sĂ»r, j’ai entendu parler de Tsui Hark et je lis et achĂšte le magazine HK vidĂ©o dont je dois avoir conservĂ© tous les numĂ©ros.

Mais je pense aussi beaucoup, au Japon (pays oĂč je me rendrai en 1999, l’annĂ©e de la sortie du film Matrix des « frĂšres Â» Wachowski) et Ă  Takeshi Kitano dont je vais voir la plupart des films.

 

Le premier film que je vois de Takeshi Kitano est Sonatine (réalisé en 1993). Et mon film préféré de John Woo avant son exil pour les Etats-Unis est A toute épreuve (ou Hard-boiled) réalisé en 1992.

 

Evidemment, j’irai voir Tigre et Dragon d’Ang Lee (rĂ©alisĂ© en 2000) dont j’ai vu les premiers films comme Garçon d’honneur (rĂ©alisĂ© en 1993).

 

J’irai aussi voir Le Secret des Poignards volants rĂ©alisĂ© en 2004 par Zhang Yimou par exemple.

 

Mais il me faut encore plusieurs annĂ©es avant que je n’apprĂ©cie vraiment des acteurs comme Leslie Cheung (un des rĂŽles principaux dans Adieu ma concubine, de Chen Kaige, palme d’or Ă  Cannes en 1993 ex-aequo avec La Leçon de Piano de Jane Campion que j’ai Ă©galement vu et aimĂ©) Andy Lau
ou Donnie Yen.

 

Leslie Cheung s’est malheureusement suicidĂ© il y a plusieurs annĂ©es maintenant.

Andy Lau m’a marquĂ© par son rĂŽle dans Infernal Affairs  dont le premier volet a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Andrew Lau et Alan Mak en 2002.

 

Et, je crois que j’ai commencĂ© Ă  vĂ©ritablement aimer le jeu de Donnie Yen en prenant de l’ñge et avec les Ip Man. C’est assez rĂ©cent. Un ou deux ans peut-ĂȘtre. J’ai dĂ©jĂ  oubliĂ©.

 

Ces quelques acteurs asiatiques citĂ©s ( Andy Lau, Leslie Cheung, Chow Yun Fat, Tony Leung Chiu Wai, Donnie Yen
.) s’ils sont majoritairement chinois ou de Hong-Kong, Ă  l’exception de Takeshi Kitano, qui est japonais, ont pour eux d’avoir interprĂ©tĂ© des rĂŽles dont des valeurs se retrouvent dans le personnage de Ip Man. A commencer peut-ĂȘtre par une certaine intĂ©gritĂ© morale.

 

 Une certaine intĂ©gritĂ© morale

 

 

 

Avoir une trĂšs grande intĂ©gritĂ© morale ne suffit pas Ă  voir Ip Man dans Ip Man 4. Aux Etats-Unis, Ip Man tombe surtout de haut lorsqu’il rencontre avec humilitĂ© ses compatriotes chinois. Ceux-ci le mĂ©prisent. Le problĂšme, c’est qu’en tant qu’experts d’arts martiaux,  et en tant que chinois, leur attitude aurait dĂ» ĂȘtre le contraire. Mais ils s’estiment en droit d’avoir une telle attitude et, ce, en tant que personnes hautement civilisĂ©es et raffinĂ©es. L’intĂ©gritĂ© morale d’Ip Man se confronte
. Ă  l’intĂ©grisme de ses pairs. Et, ce qui est malin dans le scĂ©nario, c’est que ces pairs reprochent Ă  Ip Man les agissements de Bruce Lee aux Etats-Unis, un de ses anciens Ă©lĂšves, mais, aussi, d’une certaine façon, son fils spirituel. On peut dire qu’Ip Man collectionne les problĂšmes avec ses fils. L’un, Ă  Hong-Kong, passe son temps Ă  se battre et se fait exclure de l’école. L’autre ( Bruce Lee), rĂ©ussit Ă  s’intĂ©grer aux Etats-Unis et Ă  susciter l’admiration publique mais inspire jalousies et suspicion. On pourrait voir un comique de rĂ©pĂ©tition mais on a plutĂŽt tendance Ă  avoir de la compassion pour Ip man. Alors que reste-il Ă  Ip Man comme atouts ? La persĂ©vĂ©rance, la confiance en soi et le sens de la diplomatie comme le refus d’offenser qui que ce soit mais aussi le refus de se rabaisser.

 

Bruce Lee dans Ip Man 4

Je m’en remets totalement Ă  la compĂ©tence du chorĂ©graphe, des acteurs et artistes martiaux dans ce film. Ce n’est quand mĂȘme pas moi qui vais espĂ©rer apprendre Ă  Scott Adkins ( le Marine Barton Geddes dans le film), Ă  Danny Kwok-Kwan ( Bruce Lee dans le film) Ă  Donnie Yen et aux autres comment on doit donner un coup de pied.

 

Mais Bruce Lee fait partie du panthĂ©on de notre mĂ©moire. Et cela pouvait ĂȘtre trĂšs risquĂ© de le faire «revivre Â» dans Ip Man 4. HĂ© bien, l’acteur Danny Kwok-Kwan, qui l’interprĂšte dans Ip Man 4 , m’a bien plu. Mieux :

Aux Etats-Unis, on peut considĂ©rer que les AmĂ©ricains qui dĂ©fient Bruce Lee ( KaratĂ© contre Wing Chun pour simplifier) sont des enfants qui ont mal tournĂ©. On me pardonnera mon obsession dans cet article pour la filiation mais cette image me plait. Dans Ip Man 4, je vois tous ces AmĂ©ricains qui, forts de leur KaratĂ©, veulent affronter Bruce Lee, puis Ip Man, comme des enfants qui auraient reçu un enseignement martial  mais avec de mauvais tuteurs et qui souhaitent ensuite ardemment se mesurer ( ou se frotter) Ă  des adultes : des Maitres. 

Il y a d’ailleurs peut-ĂȘtre un sous-entendu dans le film : celui d’opposer la culture chinoise, millĂ©naire, Ă  la culture amĂ©ricaine, une culture jeune voire adolescente, donc immature, faite d’imports en tout genres, et qui croit pouvoir tout surmonter et tout maitriser par les seuls effets de sa volontĂ©, de ses relations et de sa vitalitĂ©. D’ailleurs, tous les opposants amĂ©ricains que l’on voit dans le film sont des caricatures du cow-boy bourrin qui sont tout en force. 

 

Kacem Zoughari (encore lui) dans le magazine Yashima, explique que bien des Maitres d’arts martiaux, dĂ©libĂ©rĂ©ment, transmettaient partiellement une partie de leur Savoir Ă  leurs Ă©lĂšves lorsque ceux-ci arrivaient Ă  un certain niveau de pratique donc de conscience. Et que pour confondre parmi ses Ă©lĂšves, le « traĂźtre Â» Ă©ventuel, celui qui, ensuite allait « donner Â» ou vendre Ă  une autre Ă©cole une partie de son Savoir, il arrivait aussi que des Maitres changent des mouvements. A tel Ă©lĂšve, ils montraient tels mouvements ou telle variation. A tel autre, d’autres mouvements. Le but Ă©tait donc de prĂ©venir les trahisons mais aussi de prendre le temps d’évaluer si l’élĂšve Ă©tait fiable.

 

Dans Ip Man 4, on peut voir les AmĂ©ricains comme des combattants arrogants, trĂšs fiers d’exhiber leur trĂ©sor de guerre, le KaratĂ©, qu’ils ont arrachĂ© aux fiers japonais qu’ils ont aussi humiliĂ©s avec leurs deux bombes atomiques. Mais je crois qu’il faut aussi voir ces combattants amĂ©ricains comme les reflets enlaidis par l’ego, donc comme les rejetons, de ces Maitres qui les ont « enfantĂ©s Â». Car ces combattants amĂ©ricains ont appris leur KaratĂ© avec des Maitres et peu importe qu’ils soient japonais alors qu’Ip man et Bruce Lee, eux, sont chinois :

 

Les Maitres ( et pĂšres spirituels) de ces combattants amĂ©ricains auraient dĂ» s’assurer qu’ils auraient – ensuite- Ă©tĂ© dignes de l’enseignement reçu.  Cela me rappelle un souvenir :

Enfant, j’ai pratiquĂ© un peu le karatĂ©. Je n’étais pas trĂšs douĂ©. Mais je me souviens de Boussade, dont le frĂšre aĂźnĂ© pratiquait aussi le karatĂ©. Un autre de ses frĂšres, que j’allais croiser des annĂ©es plus tard sur un tatamis, pratiquait, lui, le Judo. Et il avait dĂ» ĂȘtre un trĂšs trĂšs bon judoka. Je me rappelle encore de certaines des « balayettes » ( ou sasaĂ©) qu’il m’a passĂ©es en me narguant des annĂ©es plus tard, alors, que, trĂšs fier de mon judo pubescent, j’attaquais. 

 

Mais notre professeur de karatĂ©, Danco ( ou Danko), avait un jour fait passer les ceintures. Boussade connaissait son kata pour changer de ceinture. J’aimais bien Boussade. C’était un camarade d’école. Mais, ce jour-lĂ , Danco avait refusĂ© de lui donner sa ceinture supĂ©rieure (la bleue ou la marron). Parce-que, lors de son kata, Boussade avait mis trop de hargne. Trop de violence. J’avais 12 ans tout au plus ce jour-lĂ . Et j’avais Ă©tĂ© plutĂŽt triste pour Boussade. Mais  je me rappelle encore de cette leçon aujourd’hui quarante ans plus tard. Comme on le voit, ce genre d’expĂ©rience marque.

 

 

Dans Ip Man 4, il est difficile de croire que les combattants amĂ©ricains qui dĂ©fient Ip Man et Bruce Lee aient Ă©tĂ© remis Ă  leur place par leur Maitre et pĂšre spirituel comme Boussade l’avait Ă©tĂ© ce jour par Danco ( ou Danko).

 

Un Maitre, un professeur ou mĂȘme un Ă©ducateur peut ĂȘtre un pĂšre spirituel ou symbolique. Certains de ces Maitres sont fascinĂ©s par la violence et l’encensent. D’autres ne s’en laissent pas conter par la violence. La violence ne les sĂ©duit pas. Et j’ai tendance Ă  penser qu’un Maitre qui sait s’en tenir Ă  une certaine abstinence en matiĂšre de violence pourra plus facilement inciter ses Ă©lĂšves au pacifisme. Alors que le « Maitre Â» qui, lui, kiffe la violence et le fait de soumettre les autres encouragera plus facilement ses Ă©lĂšves Ă  aller vers la violence voire et vers
.le terrorisme. Surtout si ses Ă©lĂšves l’admirent et boivent ses paroles. Pour certains terroristes, pratiquer le jihad avec force violence et explosions revient sans doute Ă  avoir  » l’esprit du sabre » tel que peut le concevoir un pratiquant d’arts martiaux. Dans le film OpĂ©ration Dragonle dernier film rĂ©alisĂ© du vivant de Bruce Lee, Han, est plus proche du meneur de secte et du terroriste que du pratiquant d’arts martiaux qu’il a pourtant Ă©tĂ©. L’histoire se dĂ©roule sur une Ăźle. Mais on aurait pu imaginer que si ce film se tournait aujourd’hui, qu’on y verrait aussi des attentats dans certaines parties du monde comme on peut le voir dans bien des films de James Bond vers lequel OpĂ©ration Dragon lorgne. 

 

Pour revenir Ă  Bruce Lee dans Ip Man 4, on nous le montre plutĂŽt pragmatique et responsable (bien qu’un peu provocateur tout de mĂȘme). Il accepte le combat. Car il sait que le combat fait partie du Voyage qu’il a initiĂ© en se rendant aux Etats-Unis.  C’est, du reste, un des sens du film et de tous les films de ce genre :

Le combat est un voyage mais aussi un tremblement. S’opposer Ă  l’autre pousse Ă  faire un voyage vers soi-mĂȘme. Un voyage intĂ©rieur dont les tremblements nous rĂ©vĂšlent Ă  nous-mĂȘmes. Ulysse a accompli l’odyssĂ©e. Bruce Lee, lui, fait de mĂȘme au travers des arts martiaux qu’il amĂšne aux Etats-Unis. A moins que ce ne soient les arts martiaux qui, par leur existence propre, ne le poussent Ă  se rendre aux Etats-Unis. Puisque au travers de ces Maitres chinois qu’Ip Man rencontre aux Etats-Unis, on comprend qu’ils sont les gardiens exclusifs et fĂ©roces d’un art martial qui a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© trĂšs vivant en eux auparavant mais qu’ils ont laissĂ© mourir en quelque sorte pour mieux laisser pousser le souvenir qu’ils en ont. 

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 Il me semble que lors du  second combat de rue de Bruce Lee (face Ă  un adversaire qui se servira finalement d’un nunchaku), on accĂšde Ă  une dimension mystique des arts martiaux. C’est une chose de voir que Bruce Lee devine les mouvements – prĂ©visibles pour  lui- car mal appris finalement, mal incorporĂ©s, ou trop vite ingurgitĂ©s, de son adversaire qui a suffisamment de pratique pour intimider le citoyen lambda Ă©tranger au combat. Pratique qui se rĂ©vĂšle grossiĂšre devant un Maitre comme Bruce Lee qui « est Â» le combat. Un peu comme si, dans l’ocĂ©an, on voulait battre Ă  la nage un dauphin ou un requin avec une paire de palmes en carbone.

 

C’en est une autre de « voir Â», lorsque l’adversaire de Bruce Lee, dominĂ©, sort son nunchaku comme une baguette magique,  que c’était comme s’il touchait en fait Ă  une divinitĂ© ou Ă  un objet sacrĂ© qu’il souillait. Et que, pour cela, Bruce Lee, alors quasiment en transe, le corrigeait.

 

 

Conclusion

 

 

Dans cette opposition entre diffĂ©rents pratiquants d’arts martiaux dans Ip Man 4- Le dernier combat, on perçoit que pour certains adeptes, les arts martiaux servent surtout Ă  dĂ©truire ou Ă  assurer un sentiment personnel de suffisance et de supĂ©rioritĂ©.  Pour Ip Man, les Arts martiaux doivent servir Ă  « vaincre les prĂ©jugĂ©s Â». Si en prime abord, la position de Ip Man est « jolie Â» moralement et que ses relations avec son fils ainsi qu’avec la fille d’un de ses rivaux font partie des gros atouts du film, le message final gĂąche beaucoup. Parce-que le message final, concernant l’opposition entre le Wing Chun et le karatĂ©, c’est qu’en raison de son efficacitĂ© finalement dĂ©montrĂ©e, le Wing Chun va ĂȘtre enseigné aux Marines qui sont formĂ©s pour dĂ©truire et tuer de par le monde pour assurer la domination amĂ©ricaine. Donc, c’est quand mĂȘme dommage d’avoir rĂ©alisĂ© un film qui prĂŽne la tolĂ©rance, l’antiracisme, qui montre Ă  des pĂšres qu’ils font erreur lorsqu’ils s’obstinent Ă  vouloir  Ă  tout prix imposer leurs propres rĂȘves Ă  leurs enfants pour, au final, nous dire :

 

GrĂące Ă  Ip Man et au Wing Chun, l’armĂ©e amĂ©ricaine sera dĂ©sormais encore plus forte. Merci la Chine ! Quant aux Marines fortes tĂȘtes tels que Barton Geddes ( interprĂ©tĂ© par Scott Adkins) et son bras droit, Collins, qui se font « ratatiner Â», on ne sait pas ce qu’ils auront appris de leur dĂ©faite. Qu’ils ont eu tort ? Ou qu’ils doivent s’entraĂźner plus dur au karatĂ© pour revenir plus fort et aller dĂ©fier Ip Man dans sa tombe ?

 

 

Pareil pour la jeune lycĂ©enne amĂ©ricaine, blonde aux yeux bleus, qui, faute d’avoir Ă©chouĂ© Ă  museler la jeune chinoise Yonah a eu recours au harcĂšlement et Ă  la violence physique : on ignore ce qu’elle devient Ă  la fin du film. La maitresse de Bruce Lee ?

 

 

Cet article est une construction. Quelle que soit l’énergie consacrĂ©e pour l’écrire et le temps passĂ© dessus, il est loin d’ĂȘtre une vĂ©ritĂ© absolue. Chaque nouvel article est sans doute un ancien article que l’on a dĂ©jĂ  Ă©crit et que l’on essaie de mieux Ă©crire afin qu’il soit au plus prĂšs de nos Ă©motions et de nos rĂ©flexions du moment.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 14 aout 2020.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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