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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Ip Man 4

 

 

                                        Ip Man 4- Le Dernier Combat

«  C’est naze ! Â». Une grimace.

 

Il y a plein de films Ă  voir au cinĂ©ma depuis que certaines salles ont rouvert le 22 juin. Des films que j’aimerais voir et Ă  propos desquels j’ai un très bon a priori. Je vais en citer quelques uns :

 

Voir le jour  de Marion Laine ; The Crossing de Bai Xue ; L’infirmière de KĂ´ji Fukada ; Le DĂ©fi du champion  de Leonardo D’agostini ; The Perfect Candidate de Haifaa Al-Mansour ; Lil’ Buck, Real Swan de Louis Wallecan et d’autres dĂ©jĂ  sortis ou qui vont sortir en salles.

 

Mais je ne pourrai pas voir la plupart de ces films comme d’autres rĂ©alisations avant eux. D’abord parce-que j’écris pour le plaisir. Et ce plaisir ne me paie pas financièrement. C’est mon mĂ©tier d’infirmier en pĂ©dopsychiatrie (de nuit depuis quelques annĂ©es) qui continue de me faire vivre. Je ne me plains pas : bien des personnes sont au chĂ´mage ou ont perdu leur emploi rĂ©cemment du fait du Covid-19 ou vont bientĂ´t le perdre.

 

Ecrire un article

 

Ensuite, Ă©crire un article me prend du temps. Au minimum entre 3 Ă  5 heures en moyenne.  Et c’est comme ça depuis longtemps.

 

Avant la naissance de ma fille, j’arrivais à concilier mon métier d’infirmier, mes séances de cinéma et l’écriture d’articles à propos des films que je voyais ou des acteurs et réalisateurs que je rencontrais. Ma fille est née. J’en suis content. Et, comme chaque parent, aussi, désormais, je fais l’expérience qu’avoir un enfant ou plusieurs divise mon temps par deux ou par trois.

 

Evidemment, entre choisir de passer du temps avec ma fille et passer du temps au cinéma et à écrire, je choisis encore ma fille.

 

 

Dans sa biographie Ma Vie en rĂ©alitĂ© que j’ai fini de lire, et dont je compte bien reparler bientĂ´t dans un article, Magali Berdah, qui « s’occupe Â» des influenceurs tels Nabilla et Julien Tanti mais fait aussi de la tĂ©lĂ©,  dit travailler 16 heures par jour et fait comprendre qu’après ses journĂ©es de travail, elle enchaine avec sa vie de mère ( elle a trois filles) et de femme au « foyer Â». Aujourd’hui, elle gagne très bien sa vie. Mais il y a encore quatre ou cinq ans, elle Ă©tait surendettĂ©e.

 

 

Je n’ai pas 16 heures par jour Ă  consacrer Ă  l’écriture et Ă  mon blog en plus de mon mĂ©tier d’infirmier et de ma fille par exemple. C’est sĂ»rement pour cela que je suis encore « loin Â» d’une certaine rĂ©ussite avec mes articles et mon blog. D’autant que je constate « bien Â» que, souvent, derrière la rĂ©ussite ( quelle que soit la rĂ©ussite) se niche une certaine quantitĂ© d’heures de travail en plus d’un Savoir faire et d’un « ruisseau Â» ( un rĂ©seau) de connaissances et de sympathies dans le milieu oĂą l’on veut Ă©voluer.

Mon engagement dans mes articles et mon blog est sincère. Mais cet engagement est sans doute encore trop discontinu, trop limitĂ© et trop confidentiel pour rencontrer un public plus large. J’utilise aussi sans aucun doute des moyens de communication encore trop inappropriĂ©s.  J’aime prendre le temps d’écrire. Mes articles sont assez longs alors que l’on est beaucoup dans une Ă©poque d’images, de buzz et de « punchlines Â». Une photo ou une vidĂ©o bien choisie, bien montĂ©e, a une vitesse de propagation bien plus forte, peut-ĂŞtre Ă©quivalente Ă  celle d’une balle, qu’une centaine de phrases.  

 

Et puis, je suis attachĂ© Ă  la polyvalence. Il y a des thĂ©matiques qui « marchent Â» bien sur le net pour peu qu’on en parle « bien Â» :

 

Mode et people, cosmétique, cuisine, tourisme, bricolage, certaines musiques, fitness, sport, un certain cinéma…..

 

Je ne rejette pas ces thĂ©matiques. Je peux aussi les accoster si ce n’est dĂ©jĂ  fait. Mais j’aime aussi aller vers d’autres sujets que je crois moins porteurs. Ou peut-ĂŞtre aussi que je les « vends Â» très mal. Il est vrai que je ne me vois pas passer toutes mes journĂ©es sur mon blog, sur mes articles et sur les rĂ©seaux sociaux. Mais dès que j’ai un peu plus de disponibilitĂ©, j’en profite pour publier plusieurs articles de manière rapprochĂ©e.

 

 

A côté de ça, lire aussi prend du temps. Que ce soit des livres ou des articles. Ainsi qu’avoir une compagne (la mère de ma fille).

MĂŞme si ma compagne me laisse plus de latitude pour Ă©crire, lire et faire du sport que certaines compagnes ou certains compagnons. Et, chez nous, je peux Ă©crire jusqu’à très tard la nuit. Je peux aussi Ă©crire après une nuit de travail sans me reposer et dĂ©jeuner. Puis, manger un bout de pain et de fromage et partir chercher ma fille au centre de loisirs parce-que c’est l’heure. C’est ce qui s’est passĂ© il y a quelques jours en Ă©crivant GĂ©missements. ( GĂ©missements).

 

 

On pense peut-ĂŞtre que ce que je raconte n’a rien Ă  voir avec le film Ip man 4 ? Que je ferais mieux de parler du film au lieu de raconter ma vie ? Pourtant, dès le dĂ©but de cet article, Ă  ma façon, j’ai commencĂ© Ă  raconter le film et Ă  donner mon avis Ă  son sujet. 

 

C’est naze !

 

 

«  C’est naze ! Â». C’est une remarque faite par un de mes anciens collègues dans un des prĂ©cĂ©dents hĂ´pitaux oĂą j’ai travaillĂ©. Spock (c’est le surnom que je lui avais donnĂ©) allait beaucoup moins souvent moi au cinĂ©ma. Mais il trouvait « nazes Â» tous ces films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux et de sports de combat oĂą tout Ă©tait prĂ©texte pour se bastonner.

 

C’était il y a plus de vingt ans.

 

Spock est aujourd’hui Ă  la retraite depuis plusieurs annĂ©es. Il a fait partie de mes modèles :

 

Que ce soit au travail ou dans la vie, il semblait toujours maitre de lui-mĂŞme et serein. Il semblait toujours savoir comment agir et penser. Et je l’avais vĂ©rifiĂ© plusieurs fois en pratique devant des situations oĂą j’estimais que j’aurais fait « moins bien Â» que lui. OĂą j’aurais plus que pataugĂ©.

 

Spock avait aussi pour lui la faculté de l’humour et de la dérision.

 

Lors de cette remarque «  c’est naze ! Â», Spock, mon aĂ®nĂ© de plusieurs annĂ©es, Ă©tait dĂ©ja un homme Ă©tabli avec femme, maison, petit chien, grosse voiture ( une BMW) et enfant. Plus tard, la quarantaine passĂ©e, il allait passer son permis moto et nous allions le voir arriver au travail sur sa grosse moto. A ce jour, je n’ai jamais rĂ©ussi Ă  briser l’interdit maternel me commandant de ne jamais faire de la moto. Pourtant, mes yeux brillent assez souvent en voyant passer une moto.

Aide-soignante pendant des annĂ©es en rĂ©animation, ma mère avait eu Ă  s’occuper de plusieurs jeunes motards qui, une fois sortis du coma lui avaient dit :

 

« E….tu as un fils ? Ne lui achète jamais de moto ! Â». A l’âge de l’adolescence, lorsque, comme d’autres jeunes garçons je m’étais avancĂ© vers ma mère en faveur d’une mobylette, celle-ci s’était très vite montrĂ©e catĂ©gorique. Et je n’ai mĂŞme pas essayĂ© d’insister. Ma mère m’avait prĂ©parĂ© depuis tellement d’annĂ©es Ă  ce refus.

 

 

Lorsque j’ai commencĂ© Ă  connaĂ®tre Spock, après mon service militaire, je venais d’emmĂ©nager dans un studio de fonction fourni alors par l’hĂ´pital. J’étais encore cĂ©libataire et je collectais plutĂ´t les histoires sentimentales Ă  la mords-moi-le-nĹ“ud. Professionnellement, j’étais au dĂ©but de ma croissance mĂŞme si j’avais dĂ©ja commencĂ© Ă  me constituer quelques expĂ©riences. Spock, lui, il Ă©tait bien-sĂ»r dĂ©jĂ  un professionnel reconnu plutĂ´t unanimement. Une sorte « d’ancien Â» Ă  qui je m’adressais lorsque j’avais besoin de  rĂ©ponses diverses sur certains sujets personnels et professionnels sensibles et qui m’a accordĂ© plusieurs fois son attention et sa bienveillance. Il Ă©tait d’autres personnes dans le service, parmi mes collègues plus âgĂ©s, principalement des hommes, que je voyais comme des modèles. Spock en faisait partie. Scapin et D….aussi. Ainsi que P, un autre infirmier dont j’admirais la dĂ©contraction en toute circonstance, le fait qu’il soit musicien ainsi que son humour. Tous ces collègues qui faisaient partie de mes modèles avaient le sens de l’humour. Y compris de l’humour très noir. Ce qui me convenait bien.

 

Et puis, Ă  force d’apprendre, on « grandit Â». D….s’est suicidĂ©. Il a Ă©tĂ© retrouvĂ© pendu au bout d’une corde chez lui par son fils adolescent. P est devenu la « chose Â» de notre cadre que j’avais un peu connue infirmière alors que j’étais encore Ă©tudiant ( on disait « l’élève Â» pour « Ă©lève infirmier) et qui, l’accès au Pouvoir « aidant Â», s’est Ă©rigĂ©e de plus en plus en autoritĂ© dynastique – et supra anxieuse. Et, ceci, avec le consentement mutuel du mĂ©decin chef, parfait dans le rĂ´le hypocrite et politique du descendant direct de Ponce Pilate qui s’en lavait les mains pourvu que « sa Â» maison (le service et le pĂ´le de psychiatrie adulte de l’hĂ´pital) lui appartienne.

Scapin, lui, avait eu besoin de partir travailler dans un autre service de l’hôpital.

De mon cĂ´tĂ©, j’ai fait quelques conneries dont, selon moi, les principales, ont surtout Ă©tĂ© de nĂ©gliger l’image (entre autre, parce-que je m’auto-dĂ©valorisais beaucoup) que je donnais de moi. D’être trop gentil et de m’en remettre un peu trop Ă  la bonne comprĂ©hension et au bon vouloir des autres. Et d’être restĂ© trop longtemps collĂ© Ă  ce service et Ă  cet hĂ´pital devenus une sorte de seconde membrane ( nĂ©vrotique) Ă  laquelle j’avais fini par avoir peur de m’arracher. Alors que je savais qu’il fallait le faire. Comme je savais avoir dĂ©jĂ  travaillĂ© ailleurs avant ce service et cet hĂ´pital et donc ĂŞtre capable de le refaire. Mais il y avait une dissociation entre ce que je comprenais intellectuellement : ce que la raison me soufflait de faire. Et mes Ă©motions ( la peur, l’attachement nĂ©vrotique) et mon corps.

 

Mais quand arrive le dĂ©clic, enfin, on part. On part par nĂ©cessitĂ©. Pour soi.  

 

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, la soixantaine, apprend qu’il est porteur d’un cancer malin. Or, son fils adolescent cumule les conneries Ă  l’école. Il se bat tout le temps pour un oui et pour un non. Son fils est  (aussi) en colère contre lui depuis la mort de sa mère. Ip Man (l’acteur Donnie Yen) envisage donc d’envoyer son fils poursuivre ses Ă©tudes aux Etats-Unis puisque l’établissement oĂą est scolarisĂ© son fils ne veut plus lui donner de nouvelle chance. Les Etats-Unis sont l’équivalent d’un pays de la Seconde chance. LĂ  oĂą l’on peut repartir du bon pied. Comme une bonne pension. Mais ce voyage est quand mĂŞme une aventure. Changer de pays. De langue. De culture. De mĹ“urs. De monnaie. Ip Man, qui a rĂ©ellement existĂ©, dans la vraie vie, n’a pas fait ce voyage. Mais il aurait pu. D’ailleurs, quand j’y pense maintenant, mon grand-père paternel avait environ la soixantaine, l’âge du personnage d’Ip Man dans le film, la première fois qu’il a quittĂ© sa Guadeloupe natale pour venir en France oĂą plusieurs de ses fils ( dont mon propre père) Ă©taient partis travailler Ă  l’âge adulte.

 

 En quittant mon service de psychiatrie adulte oĂą j’avais connu Spock, Scapin, D, P et d’autres,  j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre qu’aucun de mes collègues, dans une certaine unanimitĂ©, ne se seraient risquĂ©s Ă  tenter l’expĂ©rience professionnelle et personnelle que je m’apprĂŞtais Ă  vivre : aller travailler en pĂ©dopsychiatrie. A faire le « voyage Â» en pĂ©dopsychiatrie.

 

C’était il y a vingt ans.

 

Entretemps, j’avais aussi appris que les super-héros n’existent pas. Certains modèles que j’avais pu idéaliser à une époque de ma vie m’étaient apparus, avec le temps, plus vulnérables qu’ils ne le semblaient. Plus faillibles. Voire pas toujours si honorables que cela.

J’avais Ă©galement appris que mĂŞme celles et ceux qui roulent des mĂ©caniques et qui semblent increvables et très sĂ»rs d’eux ont tous leurs moments indiscutables de faiblesse ou de dĂ©bâcle. Et, moi aussi, j’avais dĂ» apprendre Ă  faire connaissance avec mes propres limites :

On peut jouer un rĂ´le devant les autres Ă  condition de savoir rester sincère au moins avec soi-mĂŞme et de bien se connaĂ®tre. Ça nous Ă©vitera de trop en faire. De trop nous la jouer. Ça nous aidera, aussi, Ă  avoir des relations plus sincères avec les autres. On peut truquer les apparences et tricher avec elles. Et on peut obtenir plein de « choses Â» comme ça. En truquant. Mais cela impliquera de passer sa vie en restant sur le qui-vive en permanence. Je ne veux pas d’une vie telle qu’on la voit dans Le Talentueux Mr Ripley.

 

 

Quand débute Ip Man 4, Ip Man est un homme simple. Il n’est plus ce jeune combattant d’un milieu social aisé aimant relever les défis comme nous le montre Wong Kar-Wai au début de son film The Grandmaster ( réalisé en 2013) avec l’acteur Tony Leung Chiu-Wai dans le rôle d’Ip Man.

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, pourtant réputé, subsiste en donnant des cours de Wing Chun dans son école à des élèves qui l’idolâtrent mais qui sont aussi très bornés et assez peu doués. Ils rappellent ces élèves dont Kacem Zoughari parle dans l’interview qu’il donne au magazine Yashima dit ( je cite ce passage dans l’article Gémissements) :

 

 

«  Certains Ă©lèves copient le maitre jusque dans ses dĂ©formations de dos, de genou, etc. Au-delĂ  de l’aspect caricatural, c’est mĂŞme dĂ©lĂ©tère pour leur santĂ© ! Ce type de pratiquants intĂ©gristes refusent souvent aussi souvent de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maĂ®tre. C’est une grave erreur Â».

 

Ces Ă©lèves (comme ceux d’Ip Man dans Ip Man 4) sont incapables de penser par eux-mĂŞmes. Ils se fondent dans le groupe.  A mon avis, ces Ă©lèves n’ont pas de conscience. Pas de capacitĂ©- bienveillante- d’autocritique. Ils sont soit sur la dĂ©fensive soit dans l’attaque. Il y a très peu de nuance entre ces deux actions. On peut  aussi retrouver ça chez  certains intĂ©gristes (religieux, administratifs,  technocratiques, conjugaux ou autres) qui s’évertuent Ă  appliquer des règles et des protocoles Ă  la microseconde et au millimètre près par automatisme sans prendre le temps, Ă  un moment ou Ă  un autre, de se demander si la procĂ©dure ou l’action engagĂ©e Ă©tait vĂ©ritablement, rĂ©trospectivement, la plus appropriĂ©e. On attaque et on frappe d’abord. On rĂ©flĂ©chit après. Si on y pense. Si on estime utile de se demander après coup si c’était bien utile d’attaquer d’abord. Dans une scène du film, face Ă  une situation totalement nouvelle – quoique pacifique- on voit donc les Ă©lèves d’Ip Man très combattifs, excitĂ©s et très bavards. Mais aussi très bornĂ©s et très sourds. Ils provoquent eux-mĂŞmes la bagarre qu’ils entendent Ă©viter en espĂ©rant sincèrement protĂ©ger leur Maitre qui, Ă  aucun moment, n’est menacĂ© : Ip Man.

 

 

J’ai choisi de travailler en psychiatrie (puis en pĂ©dopsychiatrie) au lieu de rester dans un service de soins somatiques car j’ai refusĂ© d’être un automate. Je crois que la santĂ© mentale est un milieu qui m’a permis de penser, de mieux penser, par moi-mĂŞme.  Mais on peut travailler en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie et se comporter comme un automate. On peut aussi combattre comme un automate. 

 

On peut mĂŞme faire sa vie comme un automate tout en cumulant les honneurs et les signes extĂ©rieurs de « rĂ©ussite Â» et d’épanouissement personnel.

 

On peut aussi très bien penser et croire que l’on peut tout rĂ©soudre dans sa vie juste par l’adresse de la pensĂ©e. En psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, on peut aussi ĂŞtre très « fort Â» (on est surtout très nĂ©vrosĂ©) dans ce domaine :

Pour croire Ă  ce que j’appelle la pensĂ©e « souveraine Â». Qu’il suffit de penser pour aller bien et mieux.

Dans certains compartiments de ma vie et Ă  certains moments de ma vie, mon « entraĂ®nement Â» en psychiatrie m’a aidĂ© et m’aide. Mais dans d’autres situations, je suis aussi complètement Ă  cĂ´tĂ© de la plaque ou je peux ĂŞtre complètement Ă  cĂ´tĂ© de la plaque.

 

 

J’ai appris que, peu après son départ à la retraite, Spock avait quitté femme et enfants pour partir vivre avec un ancien amour. Spock, l’inébranlable, s’est révélé, finalement, plus vulnérable. Il a été jugé moralement, par certaines connaissances communes, pour cela. Il l’est sûrement encore. Spock, homme très droit, en partant vivre avec cet ancien amour a pu alors donner l’impression d’être un fuyard, un menteur, un calculateur et un homme égoïste qui battait pavillon après avoir claironné pendant des années que tout dans sa vie lui allait. Au point qu’il avait pu lui arriver de citer son mariage en exemple, avec un peu de provocation, devant des jeunes collègues ( des femmes) séparées ou divorcées de leur compagnon ou de leur conjoint.

 

 

Plus qu’un vantard et un fuyard, je vois en Spock un homme qui, devant la mort, s’est dit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour le perdre dans les options du mensonge. Et pour lequel, vivre selon ses désirs plutôt que selon ses devoirs et les apparences sociales, est devenu alors la priorité. Il y a des femmes et des hommes qui font le même choix que Spock bien plus tôt. Il en est d’autres qui aimeraient pouvoir faire ce genre de choix.

 

Les arts martiaux sont aussi un art de vivre et donnent aussi des rĂ©ponses Ă  ce qui nous prĂ©occupe. Pour d’autres, la religion joue ce rĂ´le. 

 

Dans Ip Man 4, on pourrait penser qu’Ip Man, expert en arts martiaux, saurait comment s’y prendre avec son fils. On comprend très vite que c’est le contraire. Le grand expert Ip Man est dĂ©passĂ© par les agissements de son fils adolescent qui lui manque de respect de façon rĂ©pĂ©tĂ©e. C’est un des points du film que j’ai le plus aimĂ©s d’autant qu’il me parle beaucoup en tant que père :

 

Avant d’être père, lorsque je lisais des interviews de cĂ©lĂ©britĂ©s diverses, j’étais obsĂ©dĂ© par une question qui revenait assez souvent et qui Ă©tait :

 

Quelles sont ses relations avec ses parents ?

 

Aujourd’hui,  rĂ©gulièrement, lorsque je vois une cĂ©lĂ©britĂ© quelconque, je me dis assez souvent :

 

«  Dans ce domaine, il (ou elle) est extraordinaire. C’est un champion (ou, c’est une championne). Mais je me demande comment il/elle s’en sort avec son enfant lorsqu’il se rĂ©veille la nuit ? Son enfant fait-il ses nuits ? Â».

 

RĂ©cemment, sur un rĂ©seau social, un ami très sportif a postĂ© une nouvelle vidĂ©o d’un coach fitness faisant une dĂ©monstration. Je n’ai rien Ă  dire sur sa dĂ©monstration et je n’ai rien contre ce coach fitness. Mais, ça a Ă©tĂ© plus fort que moi : nous voyons en permanence des vidĂ©os de vedettes (ou autres) dont la vie semble rĂ©glĂ©e comme du papier Ă  musique, progĂ©niture comprise. Alors, j’ai laissĂ© un commentaire dans lequel je disais que j’aimerais bien voir ce coach fitness lorsque sa compagne lui rappelle qu’il y a la vaisselle et le mĂ©nage Ă  faire, la couche du bĂ©bĂ© Ă  changer etc….

 

Je crois que ça n’a pas plu Ă  un internaute. Et je le comprends : ce coach fitness n’est pas lĂ  pour nous parler de sa vie personnelle. Mais ma rĂ©action a Ă©tĂ© provoquĂ©e par cette lassitude de voir rĂ©gulièrement des images de « personnes Â» quelque peu immaculĂ©es tandis que, nous, au quotidien, hĂ© bien, il nous arrive de ramer sans maquilleuse et sans monteur pour raccommoder le tout et nous restituer une image très flatteuse de nous-mĂŞmes.

 

MĂŞme si Ip Man, dans Ip Man 4 reste Ă©videmment très digne, il m’a beaucoup plu de voir ce sujet d’une relation conflictuelle entre un père (illustre qui plus est) et son fils adolescent dans un film « d’arts martiaux Â». Parce-que l’univers des Arts Martiaux et des sports de combat et de Self-DĂ©fense est quand mĂŞme un univers, oĂą, malgrĂ© toutes les paroles officielles de « humilitĂ© Â», « respect de l’autre Â» etc…on va aussi très loin dans le narcissisme, la suffisance et l’autosatisfaction. Ce que l’on retrouve (ce narcissisme et cette suffisance)  dans Ip Man 4 lorsqu’Ip Man, arrivĂ© depuis peu aux Etats-Unis, va rendre visite au prĂ©sident de l’association culturelle chinoise. Lequel prĂ©sident de l’association culturelle chinoise est le seul habilitĂ© Ă  lui faire la lettre de recommandation pouvant lui permettre d’inscrire son fils ans un Ă©tablissement amĂ©ricain.

 

 

On peut le dire, je crois : si Ip Man croit naĂŻvement et humblement que cette rencontre va se dĂ©rouler facilement, il est reçu comme de la merde par ce prĂ©sident d’association culturelle chinoise. Ainsi que par la majoritĂ© des personnes qui constituent l’assemblĂ©e qui entoure ce prĂ©sident d’association culturelle, Ă©quivalent dans cette situation d’un haut dignitaire chinois alors que pour les AmĂ©ricains (blancs) il est n’est qu’un « petit Â» chinois de rien du tout.

 

Jet Li dans le film  » The One ». Photo achetĂ©e lors d’un festival de Cannes au dĂ©but des annĂ©es 2010.

 

La Grimace

 

La grimace mentionnĂ©e au dĂ©but de cet article est peut-ĂŞtre celle du lecteur ou de la lectrice devant la longueur de cet article. Mais elle est sĂ»rement celle de Christophe, c’est son vrai prĂ©nom, il y a une dizaine d’annĂ©es, lorsqu’au festival de Cannes, tout content, je venais de lui montrer une photo de Jet Li que je venais d’acheter avec d’autres photos d’autres actrices et acteurs dans des films qui n’ont rien Ă  voir avec jet Li :

 

Karin Viard, Salma Hayek, Antonio Banderas, Béatrice Dalle, Jean-Hugues Anglade et Daniel Auteuil, Forest Whitaker, Sami Bouajila, Wesley Snipes, John Malkovich, Guillaume et Gérard Depardieu, Marie Meideros, Jeanne Balibar….

 

C’était alors l’époque du mensuel de cinéma papier, Brazil, dont Christophe était le rédacteur en chef. Brazil ou Le cinéma sans concessions dont j’étais un des rédacteurs.

 

Brazil était un journal plutôt tourné vers le cinéma d’auteur de tous horizons ainsi que vers le cinéma bis. Et assez peu sur le cinéma commercial et les grosses productions. Donc, pas tout à fait sur les films de Jet Li.

 

 

La continuité de Bruce Lee

 

 

Mais, pour moi, Jet Li, c’était la continuitĂ© de Bruce Lee. J’avais Ă©tĂ© Ă©patĂ© par la prestation de Jet Li plusieurs annĂ©es plus tĂ´t dans L’Arme fatale 4 (rĂ©alisĂ© en 1998 par Richard Donner) face Ă  Danny Glover et Mel Gibson. Et c’est drĂ´le de mentionner L’Arme Fatale 4  dans un article oĂą je parle de Ip Man 4.

 

Les pitreries de Jackie Chan (dans certains de ses films) après la mort de Bruce Lee m’avaient d’abord beaucoup contrariĂ©. Il m’avait fallu des annĂ©es pour comprendre la valeur d’un Jackie Chan. SĂ»rement parce-que je n’avais pas vu les « bons Â» films pour le dĂ©couvrir.

Mais avec Jet Li, dans L’Arme Fatale 4, ça avait été instantané et, ensuite, j’avais essayé d’en savoir plus sur lui.

 

La mauvaise image des films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux, de Wu Xi Pian et autres, provient du fait qu’en occident, on a enfermĂ© ces films dans une boite. Celle d’un spectacle. Celle d’une addition de performances. Celle d’une caricature de l’homme infatigable, capable de cascades martiales innombrables comme dans un cirque. On a gardĂ© ce qui tape Ă  l’oeil dans les arts martiaux. On en a fait une sorte de pop-corn ou de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© avec un scĂ©nario stĂ©rĂ©otypĂ© et simplet que l’on a dĂ©clinĂ© Ă  la chaine un peu comme cela se fait dans beaucoup de films pornos. Parce-qu’il y avait un marchĂ© et du fric Ă  se faire. Les gens voulaient voir des films de Kung Fu ? Ils voulaient un peu d’exotisme ?  On allait leur donner des films de Kung Fu.

 

RĂ©sultat : l’Histoire et l’esprit des arts martiaux ont disparu puisque tout ce que l’on a cherchĂ© Ă  rĂ©pliquer, c’est une recette pour faire venir des consommateurs plutĂ´t que des adeptes ou des disciples Ă©ventuels. Un peu comme on l’a fait avec Lourdes ou tout autre lieu de recueil religieux devenu l’équivalent d’un centre commercial.

 

 

C’est quand mĂŞme Spock, je crois, qui m’avait recommandĂ© la lecture de La Pierre et le sabre  que j’avais lu ! ( et beaucoup aimĂ©). Ce livre d’Eiji Yoshikawa, classique pour certains adeptes des Arts Martiaux, a pourtant bien des points communs ( et vitaux) avec des personnalitĂ©s comme Bruce Lee, Jet Li ou d’autres qui se sont fait connaĂ®tre dans des films considĂ©rĂ©s comme « nazes Â» par Spock et d’autres !

 

 

Bruce Lee et MichaĂ«l Jackson :

 

Et puis, Ă  l’inverse, lorsque certains intellectuels, peut-ĂŞtre pour se donner un cĂ´tĂ© « rebelle Â» ou « rock and roll Â», parlaient de Bruce Lee, ça a pu faire flop. Je repense Ă  ce livre Ă©crit par un journaliste des Cahiers du cinĂ©ma. Son intention Ă©tait louable. Mais en commençant Ă  lire son livre ( j’ai vite interrompu sa lecture) dans lequel il nous parlait de son attachement Ă  Bruce Lee, j’avais eu cette impression que la musicienne et chanteuse Me’shell a pu dĂ©crire en Ă©coutant certains morceaux de musique de MichaĂ«l Jackson produits post-mortem :

 

Celle d’une musique sans corps.

 

Me’Shell Ndégéocello avait appris que Michaël Jackson avait besoin de danser quand il enregistrait en studio. Et que cela ne ressortait pas dans certains des titres produits –et commercialisés- plusieurs années après sa mort.

 

En commençant Ă  lire le livre de ce journaliste des Cahiers du cinĂ©ma, j’avais peut-ĂŞtre eu la mĂŞme impression :

Trop d’intellect. Pas assez de corps. Pour un livre censĂ© nous parler de Bruce Lee !

Ça fait penser à ces musiciens très calés techniquement mais dont la musique nous ennuie. Ou à ces profs très cultivés mais dont les cours sont atones.

 

A travers mes articles, j’essaie autant que possible d’éviter de ressembler à ces exemples.

 

 

 

Ip Man 4 – Le dernier combat de Wilson Yip, donc.

 

 

Le magazine Taichichuan ( le numéro 2 paru il y a plusieurs semaines) montre l’acteur Donnie Yen, interprète de Ip Man, en couverture. Le magazine, par son rédacteur en chef, encense le film.

 

 

 

J’ai envoyĂ© un mail au rĂ©dacteur en chef de Taichichuan  (et Ă©galement rĂ©dacteur en chef d’autres magazines tels que Self & Dragon mais aussi Survivre) pour demander Ă  l’interviewer. C’était il y a plus d’un mois. Je n’ai pas eu de rĂ©ponse. Sans doute ce rĂ©dacteur en chef Ă©tait-il trop occupĂ©. Peut-ĂŞtre aussi considère-t’il que ce sont plutĂ´t les Maitres et experts qui interviennent dans les magazines dont il est le rĂ©dacteur en chef qu’il faudrait plutĂ´t chercher Ă  rencontrer et Ă  interviewer ?

Et puis, mĂŞme si je suis devenu un lecteur des magazines dont il est le rĂ©dacteur en chef, je suis un inconnu pour lui. Et il avait sĂ»rement d’autres prioritĂ©s. Ou, peut-ĂŞtre faut-il que, d’une certaine façon, je persiste et fasse mes preuves ? Comme Ip Man, lorsqu’il dĂ©barque aux Etats-Unis dans Ip Man 4, doit faire ses preuves. Lui, avec son attitude et les Arts martiaux. Moi, avec mes articles.

 

 

Ce n’est nĂ©anmoins pas pour faire mes « preuves Â» ou pour apporter des preuves Ă©ventuelles que j’ai choisi hier matin, après ma nuit de travail, d’aller voir Ip Man 4. Et de poursuivre la rĂ©daction de cet article aujourd’hui après ma deuxième nuit de travail et avant ma sieste de rĂ©cupĂ©ration.

 

Hier, je suis allé voir ce film par plaisir. Comme on peut déjà l’avoir compris avec mon anecdote, à Cannes, à propos de la photo de Jet Li.

 

 

 

L’acteur Donnie Yen

 

J’ai dĂ©couvert Donnie Yen au cinĂ©ma il y a environ vingt ans. Je vĂ©rifie tout de suite :

 

Au moins depuis le film Hero rĂ©alisĂ© en 2002 par Zhang Yimou. Je ne me rappelle pas particulièrement de lui dans Blade 2  rĂ©alisĂ© par Guillermo Del Toro la mĂŞme annĂ©e.

 

Et, spontanĂ©ment, dans L’Auberge du Dragon rĂ©alisĂ© en 1992 par Raymond Lee et Tsui Hark, je me souviens surtout de Maggie Cheung que l’on ne voit plus aujourd’hui au cinĂ©ma et qui semble avoir « disparu Â» du cinĂ©ma peu après sa palme d’or d’interprĂ©tation pour son rĂ´le dans Clean, rĂ©alisĂ© en 2004 par Olivier Assayas et qui, pour moi, n’était pas du tout son meilleur rĂ´le.

 

Une fois, j’ai aperçu Maggie Cheung se rendant dans la salle de cinéma dont je venais peut-être de sortir. C’était avant son rôle dans In the mood for love de Wong Kar Wai (réalisé en 2000), je crois. Personne n’avait fait attention à elle m’a-t’il semblé. Par contre, mon regard sur elle avait sans doute été trop appuyé car j’avais eu l’impression qu’elle avait senti mon attention particulière.

 

Dans les annĂ©es 90 et 2000, lorsque je pense au cinĂ©ma asiatique, je pense d’abord Ă  des acteurs comme Tony Leung Chiu-Wai (un de mes acteurs prĂ©fĂ©rĂ©s qui rejoue avec Maggie Cheung dans In The Mood for love et qui, lui, obtiendra la palme d’or d’interprĂ©tation Ă  Cannes, l’annĂ©e oĂą Björk obtiendra la palme d’or d’interprĂ©tation pour son rĂ´le dans Dancer in the dark  de Lars Von Trier).

 

Dans les années 90 et 2000, lorsque je pense au cinéma asiatique, je pense aussi à Chow Yun-Fat, aux réalisateurs John Woo, Kirk Wong et Johnnie To. Bien-sûr, j’ai entendu parler de Tsui Hark et je lis et achète le magazine HK vidéo dont je dois avoir conservé tous les numéros.

Mais je pense aussi beaucoup, au Japon (pays oĂą je me rendrai en 1999, l’annĂ©e de la sortie du film Matrix des « frères Â» Wachowski) et Ă  Takeshi Kitano dont je vais voir la plupart des films.

 

Le premier film que je vois de Takeshi Kitano est Sonatine (réalisé en 1993). Et mon film préféré de John Woo avant son exil pour les Etats-Unis est A toute épreuve (ou Hard-boiled) réalisé en 1992.

 

Evidemment, j’irai voir Tigre et Dragon d’Ang Lee (réalisé en 2000) dont j’ai vu les premiers films comme Garçon d’honneur (réalisé en 1993).

 

J’irai aussi voir Le Secret des Poignards volants réalisé en 2004 par Zhang Yimou par exemple.

 

Mais il me faut encore plusieurs années avant que je n’apprécie vraiment des acteurs comme Leslie Cheung (un des rôles principaux dans Adieu ma concubine, de Chen Kaige, palme d’or à Cannes en 1993 ex-aequo avec La Leçon de Piano de Jane Campion que j’ai également vu et aimé) Andy Lau…ou Donnie Yen.

 

Leslie Cheung s’est malheureusement suicidé il y a plusieurs années maintenant.

Andy Lau m’a marquĂ© par son rĂ´le dans Infernal Affairs  dont le premier volet a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Andrew Lau et Alan Mak en 2002.

 

Et, je crois que j’ai commencé à véritablement aimer le jeu de Donnie Yen en prenant de l’âge et avec les Ip Man. C’est assez récent. Un ou deux ans peut-être. J’ai déjà oublié.

 

Ces quelques acteurs asiatiques cités ( Andy Lau, Leslie Cheung, Chow Yun Fat, Tony Leung Chiu Wai, Donnie Yen….) s’ils sont majoritairement chinois ou de Hong-Kong, à l’exception de Takeshi Kitano, qui est japonais, ont pour eux d’avoir interprété des rôles dont des valeurs se retrouvent dans le personnage de Ip Man. A commencer peut-être par une certaine intégrité morale.

 

 Une certaine intĂ©gritĂ© morale

 

 

 

Avoir une très grande intĂ©gritĂ© morale ne suffit pas Ă  voir Ip Man dans Ip Man 4. Aux Etats-Unis, Ip Man tombe surtout de haut lorsqu’il rencontre avec humilitĂ© ses compatriotes chinois. Ceux-ci le mĂ©prisent. Le problème, c’est qu’en tant qu’experts d’arts martiaux,  et en tant que chinois, leur attitude aurait dĂ» ĂŞtre le contraire. Mais ils s’estiment en droit d’avoir une telle attitude et, ce, en tant que personnes hautement civilisĂ©es et raffinĂ©es. L’intĂ©gritĂ© morale d’Ip Man se confronte…. Ă  l’intĂ©grisme de ses pairs. Et, ce qui est malin dans le scĂ©nario, c’est que ces pairs reprochent Ă  Ip Man les agissements de Bruce Lee aux Etats-Unis, un de ses anciens Ă©lèves, mais, aussi, d’une certaine façon, son fils spirituel. On peut dire qu’Ip Man collectionne les problèmes avec ses fils. L’un, Ă  Hong-Kong, passe son temps Ă  se battre et se fait exclure de l’école. L’autre ( Bruce Lee), rĂ©ussit Ă  s’intĂ©grer aux Etats-Unis et Ă  susciter l’admiration publique mais inspire jalousies et suspicion. On pourrait voir un comique de rĂ©pĂ©tition mais on a plutĂ´t tendance Ă  avoir de la compassion pour Ip man. Alors que reste-il Ă  Ip Man comme atouts ? La persĂ©vĂ©rance, la confiance en soi et le sens de la diplomatie comme le refus d’offenser qui que ce soit mais aussi le refus de se rabaisser.

 

Bruce Lee dans Ip Man 4

Je m’en remets totalement Ă  la compĂ©tence du chorĂ©graphe, des acteurs et artistes martiaux dans ce film. Ce n’est quand mĂŞme pas moi qui vais espĂ©rer apprendre Ă  Scott Adkins ( le Marine Barton Geddes dans le film), Ă  Danny Kwok-Kwan ( Bruce Lee dans le film) Ă  Donnie Yen et aux autres comment on doit donner un coup de pied.

 

Mais Bruce Lee fait partie du panthĂ©on de notre mĂ©moire. Et cela pouvait ĂŞtre très risquĂ© de le faire «revivre Â» dans Ip Man 4. HĂ© bien, l’acteur Danny Kwok-Kwan, qui l’interprète dans Ip Man 4 , m’a bien plu. Mieux :

Aux Etats-Unis, on peut considĂ©rer que les AmĂ©ricains qui dĂ©fient Bruce Lee ( KaratĂ© contre Wing Chun pour simplifier) sont des enfants qui ont mal tournĂ©. On me pardonnera mon obsession dans cet article pour la filiation mais cette image me plait. Dans Ip Man 4, je vois tous ces AmĂ©ricains qui, forts de leur KaratĂ©, veulent affronter Bruce Lee, puis Ip Man, comme des enfants qui auraient reçu un enseignement martial  mais avec de mauvais tuteurs et qui souhaitent ensuite ardemment se mesurer ( ou se frotter) Ă  des adultes : des Maitres. 

Il y a d’ailleurs peut-ĂŞtre un sous-entendu dans le film : celui d’opposer la culture chinoise, millĂ©naire, Ă  la culture amĂ©ricaine, une culture jeune voire adolescente, donc immature, faite d’imports en tout genres, et qui croit pouvoir tout surmonter et tout maitriser par les seuls effets de sa volontĂ©, de ses relations et de sa vitalitĂ©. D’ailleurs, tous les opposants amĂ©ricains que l’on voit dans le film sont des caricatures du cow-boy bourrin qui sont tout en force. 

 

Kacem Zoughari (encore lui) dans le magazine Yashima, explique que bien des Maitres d’arts martiaux, dĂ©libĂ©rĂ©ment, transmettaient partiellement une partie de leur Savoir Ă  leurs Ă©lèves lorsque ceux-ci arrivaient Ă  un certain niveau de pratique donc de conscience. Et que pour confondre parmi ses Ă©lèves, le « traĂ®tre Â» Ă©ventuel, celui qui, ensuite allait « donner Â» ou vendre Ă  une autre Ă©cole une partie de son Savoir, il arrivait aussi que des Maitres changent des mouvements. A tel Ă©lève, ils montraient tels mouvements ou telle variation. A tel autre, d’autres mouvements. Le but Ă©tait donc de prĂ©venir les trahisons mais aussi de prendre le temps d’évaluer si l’élève Ă©tait fiable.

 

Dans Ip Man 4, on peut voir les AmĂ©ricains comme des combattants arrogants, très fiers d’exhiber leur trĂ©sor de guerre, le KaratĂ©, qu’ils ont arrachĂ© aux fiers japonais qu’ils ont aussi humiliĂ©s avec leurs deux bombes atomiques. Mais je crois qu’il faut aussi voir ces combattants amĂ©ricains comme les reflets enlaidis par l’ego, donc comme les rejetons, de ces Maitres qui les ont « enfantĂ©s Â». Car ces combattants amĂ©ricains ont appris leur KaratĂ© avec des Maitres et peu importe qu’ils soient japonais alors qu’Ip man et Bruce Lee, eux, sont chinois :

 

Les Maitres ( et pères spirituels) de ces combattants amĂ©ricains auraient dĂ» s’assurer qu’ils auraient – ensuite- Ă©tĂ© dignes de l’enseignement reçu.  Cela me rappelle un souvenir :

Enfant, j’ai pratiquĂ© un peu le karatĂ©. Je n’étais pas très douĂ©. Mais je me souviens de Boussade, dont le frère aĂ®nĂ© pratiquait aussi le karatĂ©. Un autre de ses frères, que j’allais croiser des annĂ©es plus tard sur un tatamis, pratiquait, lui, le Judo. Et il avait dĂ» ĂŞtre un très très bon judoka. Je me rappelle encore de certaines des « balayettes » ( ou sasaĂ©) qu’il m’a passĂ©es en me narguant des annĂ©es plus tard, alors, que, très fier de mon judo pubescent, j’attaquais. 

 

Mais notre professeur de karatĂ©, Danco ( ou Danko), avait un jour fait passer les ceintures. Boussade connaissait son kata pour changer de ceinture. J’aimais bien Boussade. C’était un camarade d’école. Mais, ce jour-lĂ , Danco avait refusĂ© de lui donner sa ceinture supĂ©rieure (la bleue ou la marron). Parce-que, lors de son kata, Boussade avait mis trop de hargne. Trop de violence. J’avais 12 ans tout au plus ce jour-lĂ . Et j’avais Ă©tĂ© plutĂ´t triste pour Boussade. Mais  je me rappelle encore de cette leçon aujourd’hui quarante ans plus tard. Comme on le voit, ce genre d’expĂ©rience marque.

 

 

Dans Ip Man 4, il est difficile de croire que les combattants américains qui défient Ip Man et Bruce Lee aient été remis à leur place par leur Maitre et père spirituel comme Boussade l’avait été ce jour par Danco ( ou Danko).

 

Un Maitre, un professeur ou mĂŞme un Ă©ducateur peut ĂŞtre un père spirituel ou symbolique. Certains de ces Maitres sont fascinĂ©s par la violence et l’encensent. D’autres ne s’en laissent pas conter par la violence. La violence ne les sĂ©duit pas. Et j’ai tendance Ă  penser qu’un Maitre qui sait s’en tenir Ă  une certaine abstinence en matière de violence pourra plus facilement inciter ses Ă©lèves au pacifisme. Alors que le « Maitre Â» qui, lui, kiffe la violence et le fait de soumettre les autres encouragera plus facilement ses Ă©lèves Ă  aller vers la violence voire et vers….le terrorisme. Surtout si ses Ă©lèves l’admirent et boivent ses paroles. Pour certains terroristes, pratiquer le jihad avec force violence et explosions revient sans doute Ă  avoir  » l’esprit du sabre » tel que peut le concevoir un pratiquant d’arts martiaux. Dans le film OpĂ©ration Dragonle dernier film rĂ©alisĂ© du vivant de Bruce Lee, Han, est plus proche du meneur de secte et du terroriste que du pratiquant d’arts martiaux qu’il a pourtant Ă©tĂ©. L’histoire se dĂ©roule sur une Ă®le. Mais on aurait pu imaginer que si ce film se tournait aujourd’hui, qu’on y verrait aussi des attentats dans certaines parties du monde comme on peut le voir dans bien des films de James Bond vers lequel OpĂ©ration Dragon lorgne. 

 

Pour revenir Ă  Bruce Lee dans Ip Man 4, on nous le montre plutĂ´t pragmatique et responsable (bien qu’un peu provocateur tout de mĂŞme). Il accepte le combat. Car il sait que le combat fait partie du Voyage qu’il a initiĂ© en se rendant aux Etats-Unis.  C’est, du reste, un des sens du film et de tous les films de ce genre :

Le combat est un voyage mais aussi un tremblement. S’opposer Ă  l’autre pousse Ă  faire un voyage vers soi-mĂŞme. Un voyage intĂ©rieur dont les tremblements nous rĂ©vèlent Ă  nous-mĂŞmes. Ulysse a accompli l’odyssĂ©e. Bruce Lee, lui, fait de mĂŞme au travers des arts martiaux qu’il amène aux Etats-Unis. A moins que ce ne soient les arts martiaux qui, par leur existence propre, ne le poussent Ă  se rendre aux Etats-Unis. Puisque au travers de ces Maitres chinois qu’Ip Man rencontre aux Etats-Unis, on comprend qu’ils sont les gardiens exclusifs et fĂ©roces d’un art martial qui a peut-ĂŞtre Ă©tĂ© très vivant en eux auparavant mais qu’ils ont laissĂ© mourir en quelque sorte pour mieux laisser pousser le souvenir qu’ils en ont. 

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 Il me semble que lors du  second combat de rue de Bruce Lee (face Ă  un adversaire qui se servira finalement d’un nunchaku), on accède Ă  une dimension mystique des arts martiaux. C’est une chose de voir que Bruce Lee devine les mouvements – prĂ©visibles pour  lui- car mal appris finalement, mal incorporĂ©s, ou trop vite ingurgitĂ©s, de son adversaire qui a suffisamment de pratique pour intimider le citoyen lambda Ă©tranger au combat. Pratique qui se rĂ©vèle grossière devant un Maitre comme Bruce Lee qui « est Â» le combat. Un peu comme si, dans l’ocĂ©an, on voulait battre Ă  la nage un dauphin ou un requin avec une paire de palmes en carbone.

 

C’en est une autre de « voir Â», lorsque l’adversaire de Bruce Lee, dominĂ©, sort son nunchaku comme une baguette magique,  que c’était comme s’il touchait en fait Ă  une divinitĂ© ou Ă  un objet sacrĂ© qu’il souillait. Et que, pour cela, Bruce Lee, alors quasiment en transe, le corrigeait.

 

 

Conclusion

 

 

Dans cette opposition entre diffĂ©rents pratiquants d’arts martiaux dans Ip Man 4- Le dernier combat, on perçoit que pour certains adeptes, les arts martiaux servent surtout Ă  dĂ©truire ou Ă  assurer un sentiment personnel de suffisance et de supĂ©rioritĂ©.  Pour Ip Man, les Arts martiaux doivent servir Ă  « vaincre les prĂ©jugĂ©s Â». Si en prime abord, la position de Ip Man est « jolie Â» moralement et que ses relations avec son fils ainsi qu’avec la fille d’un de ses rivaux font partie des gros atouts du film, le message final gâche beaucoup. Parce-que le message final, concernant l’opposition entre le Wing Chun et le karatĂ©, c’est qu’en raison de son efficacitĂ© finalement dĂ©montrĂ©e, le Wing Chun va ĂŞtre enseigné…aux Marines qui sont formĂ©s pour dĂ©truire et tuer de par le monde pour assurer la domination amĂ©ricaine. Donc, c’est quand mĂŞme dommage d’avoir rĂ©alisĂ© un film qui prĂ´ne la tolĂ©rance, l’antiracisme, qui montre Ă  des pères qu’ils font erreur lorsqu’ils s’obstinent Ă  vouloir  Ă  tout prix imposer leurs propres rĂŞves Ă  leurs enfants pour, au final, nous dire :

 

Grâce Ă  Ip Man et au Wing Chun, l’armĂ©e amĂ©ricaine sera dĂ©sormais encore plus forte. Merci la Chine ! Quant aux Marines fortes tĂŞtes tels que Barton Geddes ( interprĂ©tĂ© par Scott Adkins) et son bras droit, Collins, qui se font « ratatiner Â», on ne sait pas ce qu’ils auront appris de leur dĂ©faite. Qu’ils ont eu tort ? Ou qu’ils doivent s’entraĂ®ner plus dur au karatĂ© pour revenir plus fort et aller dĂ©fier Ip Man dans sa tombe ?

 

 

Pareil pour la jeune lycĂ©enne amĂ©ricaine, blonde aux yeux bleus, qui, faute d’avoir Ă©chouĂ© Ă  museler la jeune chinoise Yonah a eu recours au harcèlement et Ă  la violence physique : on ignore ce qu’elle devient Ă  la fin du film. La maitresse de Bruce Lee ?

 

 

Cet article est une construction. Quelle que soit l’énergie consacrée pour l’écrire et le temps passé dessus, il est loin d’être une vérité absolue. Chaque nouvel article est sans doute un ancien article que l’on a déjà écrit et que l’on essaie de mieux écrire afin qu’il soit au plus près de nos émotions et de nos réflexions du moment.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 14 aout 2020.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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