Jeux de pouvoir un livre de Mathieu Gallet
C’est un livre à relire.
Pour qui a entendu parler des Présidents de la République François Hollande, Emmanuel Macron ( et sa femme Brigitte Macron), des Ministres Fleur Pellerin, Aurélie Filippeti, Frédéric Mitterrand, Manuel Valls, François Bayrou. De l’ancien maire de Marseille (et sénateur) Jean-Claude Gaudin. D’autres personnalités politiques et médiatiques françaises. Des notes de taxi G7 de l’affaire « Saal ». Du journal Le Canard Enchainé. De Médiapart.
Pour qui veut ou voudrait « réussir ».
Mathieu Gallet nous était devenu très familier lorsqu’il était alors le jeune dirigeant (même pas 40 ans) de Radio France de 2014 à 2018. Laquelle Radio France connaissait une grave crise sociale sans précédent dont Mathieu Gallet avait été tenu pour le principal responsable.
Gallet avait le « profil » de ces jeunes ambitieux arrivés vite à de très hautes fonctions et dont le principe actif est de promouvoir leur carrière avant tous et malgré tout.
Dans son Jeux de pouvoir, Mathieu Gallet nous parle de tout « ça » et de ces à côtés que nous ne connaissons pas. « Nous », c’est officiellement le grand public. Et aussi, un « peu », certaines personnes qui ont été directement concernées par ces sujets abordés par lui dans son ouvrage. Des personnes qu’il cite par leur nom et leur prénom. Ce qui nous permet rapidement d’identifier la plupart d’entre eux en 2022 en lisant son ouvrage considéré comme un document par les éditions Bouquins.
Jeux de pouvoir est paru en Mai 2022. J’avais été étonné d’apprendre que la librairie de ma ville de banlieue pourtant proche de Paris (Argenteuil) était dans l’impossibilité de m’en commander un exemplaire. Je me suis alors imaginé que son livre dérangeait encore certaines « personnes » quelques années plus tard. Et qu’il y avait donc, dedans, un Savoir peu courant. Puisqu’aujourd’hui, Mathieu Gallet fait beaucoup moins parler de lui que lorsqu’il était jeune dirigeant de Radio France sous la présidence de François Hollande puis au début de la présidence d’Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, Mathieu Gallet n’évoque plus grand chose pour le grand public comme entre 2014 et 2018.
A « l’époque », entre 2014 et 2018, pour moi, Mathieu Gallet aurait tout aussi bien pu être… Martin Hirsch. Dans son Jeux de pouvoir, Gallet ne mentionne pas, je crois, ( il me reste 90 pages à lire pour le terminer) Martin Hirsch. Puisque lui, Gallet, exerce alors dans la Culture tandis que Hirsch (à partir de fin 2013 jusqu’en juin 2022) exerce dans « la » Santé.
Mais le portrait de Gallet dans Le Canard Enchainé (dont je lis des articles depuis des années) me le rendait proche de ces énièmes dirigeants de l’AP-HP ( ce qu’était alors Martin Hirsch) quittant leurs fonctions paisiblement en laissant plein de gravats après leurs entreprises de démolition ainsi que beaucoup de merde dans les chiottes sans tirer la chasse.
L’ouvrage de Gallet est-il une entreprise de démolition délivrant plein de merde, aussi, sur la tête de certaines des personnalités qu’il nomme ?
Je peux comprendre que certaines de ces personnalités (au sens où ce sont des personnes « connues », « réputées », médiatisées et dont l’image que l’on se fait d’elles peut assurer ou détruire la suite de leur carrière) voient Jeux de pouvoir de cette manière. Gallet donne ses explications et celles-ci sont lisibles et plutôt bien argumentées. Il lui a été ou sera reproché de « donner » certains noms de ces personnalités qu’il critique. Mais, pour moi, c’est aussi parce qu’il donne ces noms et prend donc le risque d’être attaqué en justice en cas de diffamation que son livre acquiert d’autant plus de valeur et de légitimité.
Son Jeux de pouvoir est donc un livre à relire. Car ce qu’il écrit est selon moi une photographie de ce qui peut exister dans tout milieu policé, instruit et privilégié où se déroulent….des jeux de pouvoir qui échappent complètement à l’entendement du citoyen lambda.
Des jeux de pouvoir, pourtant, qui se répliquent ou peuvent se répliquer à l’infini, dans toutes les institutions d’une société.
A mon avis, ce que Mathieu Gallet raconte, existe aussi dans d’autres milieux dont on parle beaucoup moins ou peu. Quotidiennement. Là où évoluent tous les gens lambda, très éloignés et très oubliés de celles et ceux que l’on n’oublie pas.
Gallet parle de son homosexualitĂ© assumĂ©e ( il revendique seulement le droit Ă l’indiffĂ©rence). Et du tort qu’a pu lui causer la rumeur de sa liaison avec Emmanuel Macron, alors candidat aux PrĂ©sidentielles avant sa première Ă©lection (nous sommes dĂ©sormais sous le deuxième mandat prĂ©sidentiel d’Emmanuel Macron). En le lisant, on remarque Ă nouveau Ă quel point certaines Ă©preuves très difficiles ne durent pas. Aujourd’hui, je me demande qui pense encore Ă cette rumeur. Et, pour ma part, j’avais assez peu fait attention Ă cette rumeur lorsqu’elle Ă©tait mĂ©diatisĂ©e. Mais je comprends que pour Gallet, alors très mĂ©diatisĂ©, dont la vie privĂ©e et professionnelle Ă©tait très exposĂ©e, cette rumeur se soit muĂ©e en supplice supplĂ©mentaire. Et du supplice, on arrive assez vite au prĂ©cipice.
Son livre m’a t’il rendu Mathieu Gallet plus sympathique et plus humain ?
Plus humain et plus proche, oui. Sympathique ? Je ne rencontrerai probablement jamais Mathieu Gallet pour savoir s’il m’est sympathique.
Car lui et moi, nous ne sommes pas du même monde. Moi, je me suis coupé du monde, d’un certain monde de la « réussite », là où lui a décidé, puis su et pu s’y propulser. C’est aussi ça que je lis dans son livre et que je me suis pris, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, en pleine figure. Même si Gallet (comme beaucoup d’autres) n’y est pour rien.
Dans Jeux de pouvoir, Gallet dit, aussi, avoir dû surmonter le fait d’avoir des origines sociales moyennes et de venir de province. Mais aussi que son homosexualité a pu être un obstacle à sa réussite. Mais je constate, que même en province, à Bordeaux, il a fait « les » bonnes voire les «très bonnes » études :
Hypôkhagne. Sciences Po…
Bordeaux, ce n’est pas Paris, c’est vrai. Surtout que Gallet a Ă©tudiĂ© dans le Bordeaux d’avant le TGV qui emmène Ă Paris en deux heures. Et qu’il existe Ă Paris une concentration d’élites dans des univers fermĂ©s oĂą beaucoup se dĂ©cide et se choisit. Des univers concentrĂ©s, exclusifs et fermĂ©s dont, moi, le banlieusard parisien de naissance et d’extraction, de classe moyenne, noir et d’origine antillaise, je n’ai aucune idĂ©e. Donc, les principes de LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©, pour moi et beaucoup d’autres, se sont sans doute souvent, dès mon enfance, rĂ©sumĂ©s Ă l’équivalent de ces annonces publicitaires ou de ces bandes annonces que l’on regarde dans les salles de cinĂ©ma avant la projection du film. Il n’est pas nĂ©cessaire de venir de province pour vivre ça.
Mais, pour moi, Gallet ( qui ne s’en rend peut-être pas toujours compte ) a d’autres atouts qui lui ont permis de « réussir ». Même s’il vit- encore- mal le fait d’avoir dû quitter la direction de Radio France et les divers avantages qui vont avec :
Je ne perçois pas dans son livre le fait qu’il ait dĂ» se battre contre sa famille pour faire ses hautes Ă©tudes, peu courantes dans sa famille. Et, il fait bien, aussi, de nous apprendre « qu’un » Emmanuel Macron ( « Notre » PrĂ©sident de la RĂ©publique pour la deuxième fois de suite) a grandi dans une famille de catĂ©gories sociales professionnelles supĂ©rieures. Emmanuel Macron Ă qui Gallet a pu ĂŞtre comparĂ© : Des jeunes ambitieux qui font de très bonnes carrières. Comme Gallet fait bien de souligner qu’il a fait de moins bonnes Ă©tudes que Macron.
Mais je n’ai pas l’impression que Gallet ait eu Ă travailler Ă cĂ´tĂ© dans un mĂ©tier Ă©reintant pendant qu’il Ă©tudiait. J’ai plutĂ´t l’impression, aussi, qu’il a toujours Ă©tĂ© aimĂ© chez lui et eu une enfance et une adolescence plutĂ´t « libre » y compris d’un point de vue amoureux. Ses histoires d’Amour ne me font pas penser Ă celle que j’ai pu apercevoir, un jour, d’une jeune fille et d’un jeune garçon, obligĂ©s de se cacher, dans ma ville, Ă Argenteuil, ville situĂ©e Ă une dizaine de kilomètres de paris, en haut d’un toboggan, alors qu’il faisait nuit, pour se parler en cachette.
Enfin, Gallet, pour moi, c’est aussi un homme qui sait sĂ©duire. Si Gallet Ă©voque son lĂ©ger strabisme ( perceptible sur la couverture de son livre) qui lui a sans doute valu des quolibets et des humiliations, dans l’enfance et plus tard, Gallet sait indĂ©niablement sĂ©duire.
Et, la sĂ©duction, qui plus est si elle est adossĂ©e Ă l’ambition mais aussi Ă une certaine combattivitĂ©, pour moi, c’est un atout supplĂ©mentaire pour « rĂ©ussir », Ă©tudes ou non. HomosexualitĂ© ou pas.
Car, mise au service de l’ambition et escortĂ©e par une certaine combativitĂ© ( voire par une colère enfouie peut-ĂŞtre pour avoir vĂ©cu, plus jeune, certaines humiliations) la capacitĂ© de sĂ©duire, le fait de sĂ©duire, de plaire, la sĂ©duction, n’a ni âge, ni sexe, ni genre, ni frontière, ni parti politique, ni date, ni règle, ni principe, ni limite.
Si l’on sait sĂ©duire, et que l’on est ambitieux et combattif, on peut arriver Ă des endroits ou Ă des postes qui, « en principe », auraient dĂ» ou auraient pu Ă©choir Ă d’autres.
Et, je crois que Gallet est une très bonne illustration de ce que la capacité de séduction sociale, dans ces conditions, peut permettre d’obtenir.
Je ne remets pas en question l’étudiant ou le gros travailleur qu’est Mathieu Gallet. Je souligne simplement que ses « compĂ©tences » personnelles pour sĂ©duire lui ont aussi permis d’aller au delĂ de ce qu’il avait sans doute pu imaginer lui-mĂŞme au dĂ©part de son existence et de sa conscience.
Comme Emmanuel Macron. Comme beaucoup d’autres. En politique ou ailleurs.
Jusqu’au moment où l’on plait moins à d’autres et que ceux-ci disposent, aussi, de suffisamment de pouvoir pour nous faire descendre de notre piédestal. Ce n’est pas une question de compétences. Ni de droiture morale. Et surtout pas de Justice. Mais d’avoir su plaire à qui il fallait au bon moment, de la bonne façon et au bon endroit.
Dans son livre, Gallet nous parle aussi de toutes ces personnes importantes Ă qui il a su plaire. Dont il s’est fait des amis. Cela fait du « monde ». Il est difficile de faire moins mondain que Gallet lorsqu’il nomme certaines personnalitĂ©s qu’il compte parmi ses proches. Mais, aussi, lorsqu’il narre certains de ses voyages et visites. Au passage, il nous fait bien comprendre, aussi, qu’en matière de Culture, il s’y connaĂ®t. Contrairement Ă une Fleur Pellerin, ancienne Ministre- peu probante- de la Culture, avec laquelle il a Ă©tĂ© en conflit alors qu’il Ă©tait dirigeant de Radio France.
Même si je n’ai pas encore terminé Jeux de pouvoir, sa lecture me plait. Mais je doute que mon plaisir de lecture n’apporte quoique ce soit de plus à un Mathieu Gallet ainsi qu’à celles et ceux qui lui ressemblent étant donné ce qu’ils savent déjà et ont appris bien avant moi.
Aussi, j’espère que ce livre m’apportera quelque chose et qu’il apportera aussi à d’autres.
Franck Unimon, ce dimanche 21 aout 2022.