La Cour des Miracles un film de Carine May et Hakim Zouhani
Au travers de certains films, on peut quelques fois voir dans le cinéma comme dans le ciel ou la terre, ce qui pousse tous les jours autour de nous.
J’ai vu trois films au cinéma hier et aujourd’hui. Cela ne m’est pas beaucoup arrivé depuis que je suis devenu père de voir trois films en un jour et demi. Le premier film a été La Cour des Miracles de Carine May et Hakim Zouhani. Je me devais d’aller le voir.
Le premier miracle de Carine May et de Hakim Zouhani, derrière celui de leur premier passage au long métrage après plusieurs courts et moyens métrages, tels que La Rue des Cités, La Virée A Paname et Molii , est d’avoir pu faire une réserve de leur comédie.

La banlieue parisienne, en Seine Saint Denis, l’inégalité des expériences et des chances malgré les atouts dont on dispose et la vitrine de la réussite parisienne géographiquement proche mais historiquement et économiquement éloignée sont quelques uns des thèmes abordés dans les films de Carine May et de Hakim Zouhani. Devant leur film, on peut -aussi- penser au documentaire La Cour de Babel réalisé en 2013 par Julie Bertuccelli.
Quand Kielowski, dans les années 90, avait réalisé sa trilogie Trois couleurs Bleu, Blanc et Rouge, il ne nous parlait ni de banlieue ni d’école publique mais de certaines épreuves morales. Après avoir vécu ces épreuves morales, et en avoir fait le deuil, on pouvait encore rêver. Devant La Cour des Miracles, c’est beaucoup plus difficile. Je me dis que la Man Tine du début du 20ème siècle de Rue Cases Nègres (l’œuvre de Joseph Zobel adaptée en 1983 par Euzhan Palcy) avait plus d’espoir pour son petit José que nous ne pouvons en avoir pour l’avenir des enfants de l’école Prévert de La Cour des Miracles.

A ces sujets, proches de la chanson It noh funny de LKJ dans les années 80, on pourrait préférer regarder un nouveau combat de MMA, une nouvelle dystopie ou écouter un titre de Dua Lipa. Cependant, Carine May et Hakim Zouhani parviennent à nous tirer vers leur optimisme.
« Ce n’est pas contre vous. Vous, vous défendez votre école et, moi, je défends mon enfant ! » dira Mme Nedjar, un des principaux personnages antagonistes du film ( interprété avec délice par l’écrivaine Faïza Guène ) la mère d’un des enfants scolarisés à l’école Prévert à sa directrice, Zahia, interprétée par Rachida Brakni.
Carine May et Hakim Zouhani, eux, défendent leur vision- féministe et égalitaire- du monde comme leur usage du cinéma. Ils nous montrent des visages et un univers que nous voyons encore assez peu sur grand écran. La banlieue qu’ils filment (Paris, pour changer, n’y est jamais montrée) n’est ni une expo de racailles ni une fontaine de crackeux. Leur casting est aussi à l’image de la mixité sociale à laquelle ils aspirent. Puisqu’il est composé de Rachida Brakni et de Gilbert Melki, des acteurs rapidement identifiables, pour leur carrière ou pour certains de leurs rôles « sociétaux » (Brakni dans Neuilly, sa mère) et d’acteurs et de personnalités vus et entendus ailleurs tels que Faïza Guène, donc, mais aussi Disiz, Steve Tientcheu ou Mourad Boudaoud. La photo de l’affiche de leur film ressemble à ces photos de classe d’il y a « longtemps » dans les écoles publiques, d’il y a trente ou quarante ans.

Franck Unimon, ce vendredi 30 septembre 2022