
La ferveur de Marmottan
( en cliquant sur ce lien , à droite, une petite vidéo apparaît ) Hommage de M.Hautefeuille aux anc de Marmottan .
Cet article fait suite Ă Les cinquante Temps de Marmottan.
Marmottan, le service d’accueil et d’hospitalisation spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, situĂ© dans le 17 ème arrondissement de Paris, rue ArmaillĂ©, près des Champs ElysĂ©es, a longtemps fait partie, pour moi, de ces services connus pour eux-mĂŞmes. Porteurs d’un nom et d’une identitĂ© qui se suffisent Ă eux-mĂŞmes pour parler d’eux. Un peu comme cela a pu ĂŞtre le cas pour Miles, qui reste mon musicien prĂ©fĂ©rĂ©, mĂŞme plus de trente annĂ©es après sa mort. MĂŞme après avoir, depuis, aimĂ© dĂ©couvrir et Ă©couter d’autres artistes. Tout est fonction de la pĂ©riode de notre vie au cours de laquelle on a effectuĂ© certaines rencontres et du tournant que, pour nous, ces rencontres ont permis.
Je sais que Miles avait été un temps héroïnomane et alcoolique. « Comme » d’autres artistes de son époque, avant ou après lui. Et, pour moi, Miles et Marmottan étaient néanmoins deux bras et deux endroits bien distincts, l’un de l’autre. Puisque Miles, lui, officiellement, s’en était sorti.
Le service Marmottan, placé près du musée Marmottan (qui, a priori, ne lui est pas apparenté), faisait de toute façon partie, pour moi, de ces éclats de la Santé mentale. J’en avais entendu parler, moi le jeune infirmier diplômé d’Etat qui, malgré ma culpabilité dans le fait d’abandonner la souveraineté technique des services de médecine et de chirurgie, avait choisi, finalement, de venir travailler en psychiatrie adulte.
J’avais sûrement entendu parler de Marmottan par des collègues, infirmiers diplômés en soins psychiatriques, plus âgés et plus expérimentés que moi.
Comme j’avais aussi entendu parler, par eux, du CPOA, des quatre UMD (UnitĂ©s pour malades difficiles) qui existaient alors : Cadillac, Sarreguemines, Mont Favet, Carhaix. Mais aussi, sans doute ou peut-ĂŞtre, de la clinique La Borde….
Plus tard, j’entendrais parler d’éthno-psychiatrie de Tobie Nathan et de Devereux, de pédopsychiatrie, d’unités mères-bébé, d’Anzieu et d’autres. Avant de découvrir des lieux et des personnes, ce sont souvent, d’abord, des noms.
Et puis, j’avais d’abord à apprendre à me débourrer de certaines pensées, de certaines croyances et certitudes mais aussi de certaines ignorances. Et, pour cela, le premier service d’hospitalisation en psychiatrie adulte où je commençais à apprendre un peu plus à devenir adulte à Pontoise fut un grand bienfait.
Et un mal.
Car la psychiatrie institutionnelle, selon les époques, les tournants, les orientations et les équipes peut à la fois construire mais aussi enfermer. Et, on peut aussi aimer s’enfermer si cela nous protège et nous rassure. Même si on s’en plaint peu à peu.

D’autant que, plus jeune, même si l’on est supposé avoir la vie devant soi et que l’on aime la littérature de Romain Gary, on est aussi très myope, très étroit d’esprit et on peut manquer de curiosité. Ou on peut être très ou trop inquiet à l’idée de devoir changer de vie, de s’éloigner de ce que l’on connaît. On se laisse donc envelopper et étreindre par les contours des cercles qui nous ressemblent et qui nous permettent d’entrer, ou de stagner, entre amis ou connaissances, dans un monde d’adultes qui nous rassure. Sans prendre trop de risques. Ou seulement ceux qui nous apparaissent connus et mesurés. On peut avoir déjà tellement peur du monde et de la vie adulte que l’on ne va pas en rajouter avec certaines de ces substances dont on avait entendu parler ou commencé à côtoyer, un peu, à partir de l’adolescence :
Le cannabis, principalement, un peu l’héroïne. Le tabac et l’alcool ayant des statuts soit plus acceptables soit plus familiers. Et puis, si l’overdose puis la transmission du VIH pouvaient faire peur pour leur possible immédiateté, entre 12 et 20 ans et encore après, on ne pensait pas nécessairement au cancer ou à la cirrhose du foie tandis que d’autres fumaient devant nous ou se prenaient des cuites, terminant leurs soirées à quatre pattes tels des lévriers en fin de course près d’un évier ou les deux pattes surélevées au dessus d’une cuvette des toilettes pour ne pas sombrer dans ce que l’on y rejetait.
Lorsque l’on entre dans l’âge adulte, on est, alors, dans la force de l’âge. Sexuellement, physiquement, socialement, intellectuellement. Aussi, peut-on, doit-on même, se permettre quelques petits excès. Car ensuite, il sera trop tard. Et puis, si on ne peut pas un peu s’amuser…

Le service Marmottan est sans doute resté longtemps « loin » de moi, physiquement et psychologiquement, parce-que, de cette manière, sans doute, je restais à une distance prudente – et mesurée- de l’aiguille de certaines de mes peurs et inquiétudes. Car géographiquement, toutes les fois où je me suis rendu sur les Champs Elysées, pour aller au cinéma ou au Virgin Mégastore, où même lorsque j’étais allé à la Fnac lorsqu’elle se trouvait avenue de Wagram, je n’étais pas très loin de Marmottan.
Mais, aussi, à aucun moment, je ne fis le rapprochement entre ce Francis Curtet que ma prof principale de 3ème nous avait un jour proposé de rencontrer dans notre collège Evariste Galois de Nanterre, en 1982 ou 1983…et Marmottan.
M.Hautefeuille parle d’anciens de Marmottan ( en cliquant sur ce lien Ă gauche, vidĂ©o).
En décembre dernier, en 2021, j’ai pu faire le rapprochement entre Francis Curtet et Marmottan.
En décembre dernier, Marmottan a fêté ses cinquante ans à la salle de concerts de la Cigale. Entre-temps, des années avaient passé. Et j’avais appris, depuis, où se trouvait Marmottan dans Paris. J’y avais effectué quelques remplacements et j’y avais même postulé afin d’y travailler.

C’était la première fois que je me rendais au cinquantenaire d’un service. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que le choix d’une salle de concert avait été fait aussi pour bien fêter cet événement historique. Car j’appris lors du cinquantenaire que lors de la création et de l’ouverture de Marmottan, en 1971, que Claude Olievenstein, son premier médecin chef -qui fut novateur dans le traitement des addictions – pensait que le service aurait une existence brève.

Lorsque j’écris maintenant qu’en ouvrant Marmottan, Claude Olievenstein et ceux qui furent alors à ses côtés, furent novateurs dans le traitement des addictions, cela peut être abstrait pour beaucoup de personnes. Car, d’abord, qu’est-ce qu’une addiction ?
Il faudrait déjà commencer par le savoir.
Pour ma part, je préfère sourire lorsque je repense au fait que, très sûr de moi, il y a environ trois ou quatre ans maintenant, j’avais répondu à Mario Blaise (déja médecin chef de Marmottan) qui venait de me demander si j’avais des addictions :
« Non ! Je n’ai pas d’addiction ! ».
J’aurais pu répondre « Pas de ça entre nous ! » que cela aurait été pareil.
Mais j’ai un autre exemple de cet esprit novateur de Marmottan. J’aime lire de temps à autre la très bonne revue bimestrielle, assez peu connue finalement, Sport & Vie. Dans le dernier numéro de Sport & Vie, le numéro 194 de Septembre/Octobre 2022 l’article intitulé L’amour chimique nous parle de « Chemsex ». Dans cet article, selon moi très bien rédigé, le rédacteur, Olivier Soichot, précise dans un passage :
« (….) Dans le livre de Jean-Luc Romero-Michel, plusieurs phénomènes se télescopent douloureusement. Notamment la méconnaissance presque totale qui caractérise encore le chemsex en France. Avant le décès de son mari, l’auteur lui-même confesse qu’il en avait vaguement entendu parler mais sans se douter une seconde que son compagnon y avait recours ».

Peut-être qu’un certain nombre des lectrices et lecteurs de Sport & Vie, pour celles et ceux qui connaissent ce bimestriel, ou que plusieurs lectrices et lecteurs de mon article, découvriront en cet automne 2022 ce qu’est le chemsex.
De mon côté, cela fait désormais deux ou trois ans que j’ai découvert l’existence du chemsex. Lors de mes remplacements à Marmottan. A Marmottan, plus que dans un service de psychiatrie ou de pédopsychiatrie, je trouve, les patients informent les soignants de certaines de leurs pratiques. C’est aussi de cette façon que l’on peut apprendre son métier en tant que soignant et en tant qu’accompagnateur. Et, ensuite, mieux aider celles et ceux dont on « s’occupe ». Cet échange de Savoirs contribue à instaurer plus facilement une relation de confiance mais aussi une certaine égalité entre le patient et le soignant.
Dans un service de psychiatrie ou de pédopsychiatrie, une relation de confiance avec le patient ( ou le client ) est aussi nécessaire et recherchée. Mais elle diffère de celle qui peut se développer à Marmottan. Sans pour autant idéaliser la relation patient/soignant, usager/soignant ou client/soignant à Marmottan ( j’ai oublié le vocabulaire exact employé à Marmottan ). Car il existe des ratés à Marmottan. Et, aider à la cure d’une addiction peut être très long.
Mais j’ai l’impression que l’échange des Savoirs entre patients et soignants, en psychiatrie et en pédopsychiatrie, à moins de faire partie d’une association permettant ces échanges, est davantage asymétrique qu’à Marmottan.

Cela peut aussi peut-être s’expliquer par le fait que les personnes addict sont actives lorsqu’elles ont des conduites à risques. Tant pour prendre des substances que pour certains comportements. De ce fait, les personnes addict acquièrent certaines compétences pharmaceutiques ou médicales. Une ancienne collègue infirmière qui avait travaillé plusieurs années à Marmottan m’avait ainsi appris :
« Ce sont les patients qui m’ont appris à faire des prises de sang… ».
Ici, on se doute que les patients en question, à force de se chercher régulièrement une veine pour se piquer en intraveineuse avaient développé une dextérité hors du commun dépassant de loin celle de bien des infirmier ( es).

En comparaison, en psychiatrie adulte ou en pédopsychiatrie, lorsqu’il m’est arrivé de faire des prises de sang, je n’ai aucun souvenir de patient m’indiquant où le piquer ou comment m’y prendre si j’avais du mal à lui faire son prélèvement sanguin.
Mais pour revenir au contexte de l’ouverture de Marmottan, 1971, Le début des années 70, c’est la présidence de Georges Pompidou. Jimi Hendrix, Janis Joplin et Jim Morrisson sont morts d’overdose récemment. Et, Georges Pompidou, qui va bientôt mourir aussi, n’y est pour rien.
Aujourd’hui, seulement, je fais un peu le rapprochement entre l’année d’ouverture de Marmottan et les décès rapprochés de célébrités comme Hendrix, Joplin et Morrisson.
Auparavant, lorsque je pensais à Marmottan les premiers temps, je ne le faisais pas. Puisque, d’ailleurs, j’ignorais la date exacte de création et d’ouverture de Marmottan. Marmottan était déjà « là » lorsque j’ai commencé à travailler en psychiatrie au début des années 90. Et Hendrix, Joplin et Morrisson étaient pour moi des noms et des expériences musicales imprécises.
Cependant, en décembre 2021, je fais un autre rapprochement. C’est une intuition. A Marmottan, tout acte et tout propos raciste et homophobe de la part d’un patient vaut exclusion du service. Mais aussi tout acte de violence.
C’est la première fois, dans un service, que j’ai pu voir afficher aussi explicitement de tels interdits ou de telles limites. Dans tous les autres services où j’ai pu travailler, en psychiatrie adulte, en pédopsychiatrie ou même en soins généraux, ces agissements et ces propos (racistes, homophobes, actes de violence) font plutôt partie du métier. Au point que certaines de ces caractéristiques (risques de violence contre autrui, risques de troubles musculo-squelettiques….) peuvent même être stipulées dans les profils de poste de certaines offres d’emploi.
A Marmottan, le refus de ces comportements et de ces propos renseigne quant au fait que ses services d’hospitalisation et d’accueil s’adressent ou peuvent s’adresser à toutes sortes de publics. Dès lors qu’ils ont des problèmes d’addiction et qu’ils sont estimés suffisamment volontaires, coopérants, et encore assez valides physiquement, pour ne pas nécessiter des soins d’urgence ou de réanimation médicale, sauf exception.
Car il existe des services d’addictologie où des patients sont perfusés par exemple.
Pas Ă Marmottan.
L’un des principes du service d’hospitalisation de Marmottan (là où j’ai fait mes quelques remplacements) est l’hospitalisation libre, mais avec le principe et le contrat moral, que, durant son hospitalisation, de trois semaines en moyenne, le patient ne sortira pas du service et n’aura aucun contact direct avec l’extérieur. Il n’aura donc pas accès à son téléphone portable ou à son ordinateur ou à sa tablette. A la place, il bénéficiera de la disponibilité du personnel, mais aussi de celles d’autres patients, par le biais d’entretiens, de médiations et de moments passés ensemble. Que ce soit lors de la prise des médicaments ou lors des repas, du petit déjeuner au dîner. Ou, en regardant la télé. Ou, en discutant dans la salle « de thé ». Et l’on parle vraiment de thé ou de café et de quelques gâteaux , de goûters ou d’eau.
Et puis, en décembre 2021, « connaissant » un petit peu la culture engagée et militante de Marmottan, je me suis dit que la salle de concert de la Cigale, pour fêter ce cinquantenaire, était sans doute un hommage aux victimes des attentats terroristes de Novembre 2015, Bataclan, inclus.
Je n’ai pas (encore) demandé confirmation. C’est une intuition. Par contre, j’ai observé, à nouveau, ce jour-là , l’engagement des personnels de Marmottan. Passés et présents. Je le répète :
Je n’ai pas, à ce jour, connu d’équivalent en matière de commémoration de l’existence d’un service de santé mentale. Ou, alors, je ne peux comparer cette commémoration qu’avec celle des cinquante ans d’un groupe de musique, donc, dans le domaine artistique :
Pour moi, ce sera le groupe Kassav’. Puisque j’étais présent au concert de leur cinquantenaire à la Défense Arena. Avant le décès de Jacob Desvarieux.
Mais je ne serais pas surpris qu’à Marmottan, musicalement, l’esprit soit plus Rock ou Punk que Zouk. Du reste, le lendemain, et le surlendemain de cette journée à la Cigale, lors d’une des deux journées portes ouvertes de Marmottan, il y aura une exposition de pochettes de disques du médecin chef depuis quelques années de Marmottan, Mario Blaise. Une exposition très bien intitulée « A vos disques et périls » où il sera possible de voir établie une certaine valorisation des addictions avec substances.

Et, si mes souvenirs sont exacts, aucune pochette de disque de Zouk ne figurait sur les murs de la pièce. Au contraire de pochettes de disque ayant plutôt trait au Rock. Même si je me souviens d’une pochette d’un disque de U-Roy, chanteur de Reggae qui venait de décéder récemment.
Il y avait donc, plutôt, à mon sens, une certaine vitalité Rock, ou punk, dans la tenue de ce cinquantenaire. Voire, free Jazz. Car il m’a semblé qu’à Marmottan, que, même si une certaine ligne de conduite était nécessaire, qu’il importait, aussi, de savoir et de pouvoir improviser entre les lignes. Et de tenir sa partition. Avec les autres.
Cinquante ans plus tard, on peut dire que Marmottan a fait bien plus que tenir. J’ai vu dans cette salle de la Cigale des personnels de Marmottan qui y avaient travaillé et qui sont revenus pour l’occasion. Certains à la retraite. Je pense à l’un d’entre eux, en particulier, un infirmier à la retraite depuis les années 2010 qui m’a répondu avoir travaillé à Marmottan pendant une bonne vingtaine d’années. Il était aux côtés d’une ancienne de Marmottan. Celle que j’avais rencontrée dans mon service précédent et qui m’avait dit que les patients lui avaient appris à faire des prises de sang.

J’ai revu des personnels de Marmottan que j’avais croisés lors de mes quelques remplacements: Aurélie Wellenstein, la documentaliste qui m’avait permis d’assister à l’événement, en charge de l’organisation de celui-ci comme des diverses formations proposées à Marmottan. Des infirmiers, médecins, accueillants, psychologues, assistantes sociales. Mais aussi des médecins ou autres intervenants qui avaient connu Olievenstein et travaillé avec lui avant de quitter Marmottan ou lui ayant succédé. Je pense, ici, à Marc Valleur qui avait succédé à Olivenstein avant que Mario Blaise, ensuite, ne lui succède en tant que médecin-chef de Marmottan.


Je pense aussi à ces praticiens partis travailler ailleurs, toujours dans le domaine des addictions, et qui, comme les invités, se sont exprimés.
Mario Blaise et Marc Batard au micro

Tout comme d’anciens patients.
Marmottan m’a aidĂ© Ă avoir une vie
Cela, devant une salle pleine de professionnels venant de la rĂ©gion parisienne ou d’ailleurs ( une psychologue assise Ă cĂ´tĂ© de moi venait de la rĂ©gion de Rennes).

Dans ces tĂ©moignages d’anciens de Marmottan, on entendait et on sentait certains de ces engagements maintenus annĂ©e après annĂ©e, en dĂ©pit d’une certaine adversitĂ©. Mais aussi malgrĂ© ou Ă cause de certains conflits internes. On percevait une observation affutĂ©e du monde et de la sociĂ©tĂ© qui nous entoure et qui, surtout, nous opprime. On recevait une partie de cette mĂ©moire commune de ce qui avait pu ĂŞtre rĂ©ussi envers et contre tout ainsi que, pour moi, une certaine forme de regret de n’avoir pas vĂ©cu cette histoire.

Il y a eu au moins quatre mots en particulier qui m’ont marqué lors de ce cinquantenaire à la Cigale. Des mots qui, pour moi, expliquent Marmottan mais aussi la raison pour laquelle Marmottan a survécu et continue d’inspirer.

La Folie.
Plusieurs des professionnelles et professionnels venus témoigner de leur expérience de Marmottan, sur la scène, ont raconté que lors de leur entretien d’embauche avec Olievenstein, celui-ci, avait pu plus ou moins leur/lui dire :
« Je crois que vous êtes folle. Donc, je vous embauche ».

Par « folie », bien-sûr, il fallait, ici, comprendre que ces professionnelles et professionnels qui postulaient ne se contenteraient pas d’être des petits soldats ou des exécutants de la morale bien-pensante. Et qu’ils seraient impliqués dans leur travail bien plus qu’une personne venant juste pour faire ses heures de travail et pour toucher sa paie à la fin du mois. C’est en tout cas comme ça que je l’ai décrypté.
Car, oui, la folie peut aussi aider Ă vivre. Et Ă travailler.
La folie créatrice de Marmottan
A cette folie s’associe un humour. Il y a donc eu de l’humour lors de ce cinquantenaire comme il en a existé et en existe à Marmottan.
M.Hautefeuille avec sa clé USB à air pulsé
Le mot Plaisir a été employé par Mario Blaise, le médecin chef actuel de Marmottan. Par ce mot, le principe est d’éviter de juger le mode de vie des uns et des autres. Ou ce qu’ils sont. Dès lors qu’ils n’agressent pas leur entourage.
Un autre mot m’a, d’un seul coup, fait comprendre la raison pour laquelle, Marmottan est un service à part. Et que c’est pour cela que j’avais senti, quelques fois, que lorsque je m’exprimais avec mes instruments de mesure psychiatriques, que cela avait fait flop et que quelques uns de mes collègues de Marmottan m’avaient alors regardé comme si j’appartenais à une espèce insolite :
Antipsychiatrie
L’antipsychiatrie a été un courant dont j’ai pu entendre parler. Mais un peu. Comme d’une époque passée depuis longtemps. Bien avant que je ne commence à venir travailler en psychiatrie au début des années 90. Encore, qu’à cette époque, la psychiatrie n’avait rien à voir avec la psychiatrie actuelle en matière de moyens et de culture de pensée mais, aussi, de transmission.
Grossièrement, aujourd’hui, je dirais que la psychiatrie telle qu’elle a pu être argumentée par Frantz Fanon, lors de la guerre d’Algérie, avait à voir avec l’antipsychiatrie. Il s’agissait alors de libérer les individus, ou de contribuer à les aider à se sortir de leur asservissement. A Marmottan, pour commencer, il s’agit d’essayer d’aider des personnes à se sortir de leur asservissement à certaines pratiques lorsque celles-ci sont devenues dangereuses pour leur santé. Cet asservissement a une histoire. La rencontre avec cette pratique s’est faite à un moment particulier de leur histoire.
Le mode relationnel que j’ai pu « voir » à Marmottan entre patients et soignants était différent de celui que j’avais pu connaître ailleurs. On n’était pas, on n’est ni potes, ni amis. Cependant, la distance entre le soignant et le patient est différente comparativement à ce que j’ai pu connaître dans d’autres services de psychiatrie et de pédopsychiatrie. Et, je ne parle pas, ici, de l’absence de la blouse pour le soignant. Car j’avais déjà connu l’expérience de l’absence de blouse en tant qu’infirmier.
Fille ou garçon de joie à Marmottan
Mais la façon de parler du traitement à Marmottan avec le patient, de l’accompagner comme on dit, est différente. Peut-être que cela se faisait aussi un peu de cette façon dans la psychiatrie des années 60 et 70. Lorsque la société était différente ? Et que certains nouveaux neuroleptiques permettaient à certains patients d’aller mieux ?
Mais on ne parle pas des mêmes publics de patients. J’ai croisé assez peu de patients psychotiques lors de mes quelques remplacements dans le service d’hospitalisation de Marmottan. Et, on ne s’adresse pas de la même façon à une personne non-psychotique même si celle-ci répète des comportements extrêmes du fait de ses addictions.
Un autre mot, depuis décembre, revient par intermittences, lorsque je repense à ce cinquantenaire de Marmottan. Et, cela, d’autant plus que je n’ai pas vu le visage ni le corps de son locuteur, apparu soudainement hors-champ, à aucun moment présent sur la scène puis disparu aussi rapidement.
Et pourtant, cet homme était bien conscient de l’histoire de Marmottan comme porteur d’une partie de sa mémoire. Le fait que cet homme, qui devait avoir dans les 70 ans, ait un accent antillais, a certainement eu sur moi un effet particulier. Celui d’un certain réveil de mes origines antillaises. Peut-être, mais je n’en suis pas sûr, que ce mot sur lequel il a insisté m’a autant parlé parce-que, dedans, j’ai entendu du Gro-Ka, cette musique traditionnelle, très lointaine, rattachée à la mémoire de soi, à la permanence d’une certaine vitalité malgré les trajectoires et qui a besoin de ça pour exister :
La Ferveur ( en cliquant sur le lien à gauche, une vidéo apparaît).

Franck Unimon, ce samedi 24 septembre 2022.