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La ferveur de Marmottan

A la Cigale, le vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Le poing levĂ©, Alain, un des accueillants de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

La ferveur de Marmottan

 

( en cliquant sur ce lien , Ă  droite, une petite vidĂ©o apparaĂźt ) Hommage de M.Hautefeuille aux anc de Marmottan .   

Cet article fait suite Ă  Les cinquante Temps de Marmottan. 

 

Marmottan, le service d’accueil et d’hospitalisation spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, situĂ© dans le 17 Ăšme arrondissement de Paris, rue ArmaillĂ©, prĂšs des Champs ElysĂ©es, a longtemps fait partie, pour moi, de ces services connus pour eux-mĂȘmes. Porteurs d’un nom et d’une identitĂ© qui se suffisent Ă  eux-mĂȘmes pour parler d’eux. Un peu comme cela a pu ĂȘtre le cas pour Miles, qui reste mon musicien prĂ©fĂ©rĂ©, mĂȘme plus de trente annĂ©es aprĂšs sa mort. MĂȘme aprĂšs avoir, depuis, aimĂ© dĂ©couvrir et Ă©couter d’autres artistes. Tout est fonction de la pĂ©riode de notre vie au cours de laquelle on a effectuĂ© certaines rencontres et du tournant que, pour nous, ces rencontres ont permis.

 

Je sais que Miles avait Ă©tĂ© un temps hĂ©roĂŻnomane et alcoolique. « Comme Â» d’autres artistes de son Ă©poque, avant ou aprĂšs lui. Et, pour moi, Miles et Marmottan Ă©taient nĂ©anmoins deux bras et deux endroits bien distincts, l’un de l’autre. Puisque Miles, lui, officiellement, s’en Ă©tait sorti.

 

 

Le service Marmottan, placĂ© prĂšs du musĂ©e Marmottan  (qui, a priori, ne lui est pas apparentĂ©), faisait de toute façon partie, pour moi, de ces Ă©clats de la SantĂ© mentale. J’en avais entendu parler, moi le jeune infirmier diplĂŽmĂ© d’Etat qui, malgrĂ© ma culpabilitĂ© dans le fait d’abandonner la souverainetĂ© technique des services de mĂ©decine et de chirurgie, avait choisi, finalement, de venir travailler en psychiatrie adulte.

 

J’avais sĂ»rement entendu parler de Marmottan par des collĂšgues, infirmiers diplĂŽmĂ©s en soins psychiatriques, plus ĂągĂ©s et plus expĂ©rimentĂ©s que moi.

 

Comme j’avais aussi entendu parler, par eux, du CPOA, des quatre UMD (UnitĂ©s pour malades difficiles) qui existaient alors : Cadillac, Sarreguemines, Mont Favet, Carhaix. Mais aussi, sans doute ou peut-ĂȘtre, de la clinique La Borde….

 

Plus tard, j’entendrais parler d’éthno-psychiatrie de Tobie Nathan et de Devereux, de pĂ©dopsychiatrie, d’unitĂ©s mĂšres-bĂ©bĂ©, d’Anzieu et d’autres.  Avant de dĂ©couvrir des lieux et des personnes, ce sont souvent, d’abord,  des noms.

 

Et puis, j’avais d’abord Ă  apprendre Ă  me dĂ©bourrer de certaines pensĂ©es, de certaines croyances et certitudes mais aussi de certaines ignorances. Et, pour cela, le premier service d’hospitalisation en psychiatrie adulte oĂč je commençais Ă  apprendre un peu plus Ă  devenir adulte Ă  Pontoise fut un grand bienfait.

 

Et un mal.

 

Car la psychiatrie institutionnelle, selon les Ă©poques, les tournants, les orientations et les Ă©quipes peut Ă  la fois construire mais aussi enfermer. Et, on peut aussi aimer s’enfermer si cela nous protĂšge et nous rassure. MĂȘme si on s’en plaint peu Ă  peu.

Photo prise Ă  Marmottan le samedi 4 DĂ©cembre 2021, lors du week-end portes ouvertes de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

 

D’autant que, plus jeune, mĂȘme si l’on est supposĂ© avoir la vie devant soi et que l’on aime la littĂ©rature de Romain Gary, on est aussi trĂšs myope, trĂšs Ă©troit d’esprit et on peut manquer de curiositĂ©. Ou on peut ĂȘtre trĂšs ou trop inquiet Ă  l’idĂ©e de devoir changer de vie, de s’éloigner de ce que l’on connaĂźt. On se laisse donc envelopper et Ă©treindre par les contours des cercles qui nous ressemblent et qui nous permettent d’entrer, ou  de stagner, entre amis ou connaissances, dans un monde d’adultes qui nous rassure. Sans prendre trop de risques. Ou seulement ceux qui nous apparaissent connus et mesurĂ©s. On peut avoir dĂ©jĂ  tellement peur du monde et de la vie adulte que l’on ne va pas en rajouter avec certaines de ces substances dont on avait entendu parler ou commencĂ© Ă  cĂŽtoyer, un peu, Ă  partir de l’adolescence :

 

Le cannabis, principalement, un peu l’hĂ©roĂŻne. Le tabac et l’alcool ayant des statuts soit plus acceptables soit plus familiers. Et puis, si l’overdose puis la transmission du VIH pouvaient faire peur pour leur possible immĂ©diatetĂ©, entre 12 et 20 ans et encore aprĂšs, on ne pensait pas nĂ©cessairement au cancer ou Ă  la cirrhose du foie tandis que d’autres fumaient devant nous ou se prenaient des cuites, terminant leurs soirĂ©es Ă  quatre pattes tels des lĂ©vriers en fin de course prĂšs d’un Ă©vier ou les deux pattes surĂ©levĂ©es au dessus d’une cuvette des toilettes pour ne pas sombrer dans ce que l’on y rejetait.

 

Lorsque l’on entre dans l’ñge adulte, on est, alors, dans la force de l’ñge. Sexuellement, physiquement, socialement, intellectuellement. Aussi, peut-on, doit-on mĂȘme, se permettre quelques petits excĂšs. Car ensuite, il sera trop tard. Et puis, si on ne peut pas un peu s’amuser


 

A Marmottan, lors du week-end portes ouvertes le 3 et 4 décembre 2021.

 

 

Le service Marmottan est sans doute restĂ© longtemps « loin Â» de moi, physiquement et psychologiquement, parce-que, de cette maniĂšre, sans doute, je restais Ă  une distance prudente – et mesurĂ©e- de l’aiguille de certaines de mes peurs et inquiĂ©tudes. Car gĂ©ographiquement, toutes les fois oĂč je me suis rendu sur les Champs ElysĂ©es, pour aller au cinĂ©ma ou au Virgin MĂ©gastore, oĂč mĂȘme lorsque j’étais allĂ© Ă  la Fnac lorsqu’elle se trouvait avenue de Wagram, je n’étais pas trĂšs loin de Marmottan.

Mais, aussi, à aucun moment, je ne fis le rapprochement entre ce Francis Curtet que ma prof principale de 3Úme nous avait un jour proposé de rencontrer dans notre collÚge Evariste Galois de Nanterre, en 1982 ou 1983
et Marmottan.

 

M.Hautefeuille parle d’anciens de Marmottan ( en cliquant sur ce lien Ă  gauche, vidĂ©o). 

 

En dĂ©cembre dernier, en 2021, j’ai pu faire le rapprochement entre Francis Curtet et Marmottan.

 

En dĂ©cembre dernier, Marmottan a fĂȘtĂ© ses cinquante ans Ă  la salle de concerts de la Cigale. Entre-temps, des annĂ©es avaient passĂ©. Et j’avais appris, depuis, oĂč se trouvait Marmottan dans Paris. J’y avais effectuĂ© quelques remplacements et j’y avais mĂȘme postulĂ© afin d’y travailler.

 

La salle de la Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2021 avant que ne dĂ©bute le cinquantenaire de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

 

C’était la premiĂšre fois que je me rendais au cinquantenaire d’un service. Je n’ai pas pu m’empĂȘcher de penser que le choix d’une salle de concert avait Ă©tĂ© fait aussi pour bien fĂȘter cet Ă©vĂ©nement historique. Car j’appris lors du cinquantenaire que lors de la crĂ©ation et de l’ouverture de Marmottan, en 1971, que Claude Olievenstein, son premier mĂ©decin chef -qui fut novateur dans le traitement des addictions – pensait que le service aurait une existence brĂšve.

 

Photo©Franck.Unimon

 

Marmottan n’est pas mort

 

Lorsque j’écris maintenant qu’en ouvrant Marmottan, Claude Olievenstein et ceux qui furent alors Ă  ses cĂŽtĂ©s, furent novateurs dans le traitement des addictions, cela peut ĂȘtre abstrait pour beaucoup de personnes. Car, d’abord, qu’est-ce qu’une addiction ?

 

Il faudrait déjà commencer par le savoir.

 

Pour ma part, je prĂ©fĂšre sourire lorsque je repense au fait que, trĂšs sĂ»r de moi, il y a environ trois ou quatre ans maintenant, j’avais rĂ©pondu Ă  Mario Blaise (dĂ©ja mĂ©decin chef  de Marmottan) qui venait de me demander si j’avais des addictions :

 

« Non ! Je n’ai pas d’addiction ! Â».

 

J’aurais pu rĂ©pondre «  Pas de ça entre nous ! Â» que cela aurait Ă©tĂ© pareil.

 

 

Mais j’ai un autre exemple de cet esprit novateur de Marmottan. J’aime lire de temps Ă  autre la trĂšs bonne revue bimestrielle, assez peu connue finalement, Sport & Vie. Dans le dernier numĂ©ro de Sport & Vie, le numĂ©ro 194 de Septembre/Octobre 2022 l’article intitulĂ© L’amour chimique nous parle de « Chemsex Â». Dans cet article, selon moi trĂšs bien rĂ©digĂ©, le rĂ©dacteur, Olivier Soichot, prĂ©cise dans un passage :

 

« (
.) Dans le livre de Jean-Luc Romero-Michel, plusieurs phĂ©nomĂšnes se tĂ©lescopent douloureusement. Notamment la mĂ©connaissance presque totale qui caractĂ©rise encore le chemsex en France. Avant le dĂ©cĂšs de son mari, l’auteur lui-mĂȘme confesse qu’il en avait vaguement entendu parler mais sans se douter une seconde que son compagnon y avait recours Â».

 

L’article de la revue Sport & Vie consacrĂ© au chemsex.

 

Peut-ĂȘtre qu’un certain nombre des lectrices et lecteurs de Sport & Vie, pour celles et ceux qui connaissent ce bimestriel,  ou que plusieurs lectrices et lecteurs de mon article, dĂ©couvriront en cet automne 2022 ce qu’est le chemsex.

 

De mon cĂŽtĂ©, cela fait dĂ©sormais deux ou trois ans que  j’ai dĂ©couvert l’existence du chemsex. Lors de mes remplacements Ă  Marmottan. A Marmottan, plus que dans un service de psychiatrie ou de pĂ©dopsychiatrie, je trouve, les patients informent les soignants de certaines de leurs pratiques. C’est aussi de cette façon que l’on peut apprendre son mĂ©tier en tant que soignant et en tant qu’accompagnateur. Et, ensuite, mieux aider celles et ceux dont on « s’occupe Â». Cet Ă©change de Savoirs contribue Ă  instaurer plus facilement une relation de confiance mais aussi une certaine Ă©galitĂ© entre le patient et le soignant.

 

Dans un service de psychiatrie ou de pĂ©dopsychiatrie, une relation de confiance avec le patient ( ou le client ) est aussi nĂ©cessaire et recherchĂ©e. Mais elle diffĂšre de celle qui peut se dĂ©velopper Ă  Marmottan.  Sans pour autant idĂ©aliser la relation patient/soignant,  usager/soignant ou client/soignant Ă  Marmottan ( j’ai oubliĂ© le vocabulaire exact employĂ© Ă  Marmottan ). Car il existe des ratĂ©s Ă  Marmottan. Et, aider Ă  la cure d’une addiction peut ĂȘtre trĂšs long.

Patient:client

 

Mais j’ai l’impression que l’échange des Savoirs entre patients et soignants, en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, Ă  moins de faire partie d’une association permettant ces Ă©changes, est davantage asymĂ©trique qu’à Marmottan.

 

A Marmottan, lors du week-end portes ouvertes, le samedi 4 décembre 2021.

 

Cela peut aussi peut-ĂȘtre s’expliquer par le fait que les personnes addict sont actives lorsqu’elles ont des conduites Ă  risques. Tant pour prendre des substances que pour certains comportements. De ce fait, les personnes addict acquiĂšrent certaines compĂ©tences pharmaceutiques ou mĂ©dicales. Une ancienne collĂšgue infirmiĂšre qui avait travaillĂ© plusieurs annĂ©es Ă  Marmottan m’avait ainsi appris :

 

« Ce sont les patients qui m’ont appris Ă  faire des prises de sang
 Â».

 

Ici, on se doute que les patients en question, à force de se chercher réguliÚrement une veine pour se piquer en intraveineuse avaient développé une dextérité hors du commun dépassant de loin celle de bien des infirmier ( es).

 

A Marmottan, ce samedi 4 dĂ©cembre 2021, lors du week-end portes ouvertes. Installation faite pour la circonstance. Photo©Franck.Unimon

 

 En comparaison, en psychiatrie adulte ou en pĂ©dopsychiatrie, lorsqu’il m’est arrivĂ© de faire des prises de sang, je n’ai aucun souvenir de patient m’indiquant oĂč le piquer ou comment m’y prendre si j’avais du mal Ă  lui faire son prĂ©lĂšvement sanguin.

 

 

Mais pour revenir au contexte de l’ouverture de Marmottan, 1971, Le dĂ©but des annĂ©es 70, c’est la prĂ©sidence de Georges Pompidou. Jimi Hendrix, Janis Joplin et Jim Morrisson sont morts d’overdose rĂ©cemment. Et, Georges Pompidou, qui va bientĂŽt mourir aussi, n’y est pour rien.

 

Aujourd’hui, seulement, je fais un peu le rapprochement entre l’annĂ©e d’ouverture de Marmottan et les dĂ©cĂšs rapprochĂ©s de cĂ©lĂ©britĂ©s comme Hendrix, Joplin et Morrisson.

 

Auparavant, lorsque je pensais Ă  Marmottan les premiers temps, je ne le faisais pas. Puisque, d’ailleurs, j’ignorais la date exacte de crĂ©ation et d’ouverture de Marmottan. Marmottan Ă©tait dĂ©jĂ  « lĂ  Â» lorsque j’ai commencĂ© Ă  travailler en psychiatrie au dĂ©but des annĂ©es 90. Et Hendrix, Joplin et Morrisson Ă©taient pour moi des noms et des expĂ©riences musicales imprĂ©cises.

 

Cependant, en dĂ©cembre 2021, je fais un autre rapprochement. C’est une intuition. A Marmottan, tout acte et tout propos raciste et homophobe de la part d’un patient vaut exclusion du service. Mais aussi tout acte de violence.

 

Maison de tolérance

 

C’est la premiĂšre fois, dans un service, que j’ai pu voir afficher aussi explicitement de tels  interdits ou de telles limites. Dans tous les autres services oĂč j’ai pu travailler, en psychiatrie adulte, en pĂ©dopsychiatrie ou mĂȘme en soins gĂ©nĂ©raux, ces agissements et ces propos (racistes, homophobes, actes de violence) font plutĂŽt partie du mĂ©tier. Au point que certaines de ces caractĂ©ristiques (risques de violence contre autrui, risques de troubles musculo-squelettiques
.) peuvent mĂȘme ĂȘtre stipulĂ©es dans les profils de poste de certaines offres d’emploi.

 

 

A Marmottan, le refus de ces comportements et de ces propos renseigne quant au fait que ses services d’hospitalisation et d’accueil s’adressent ou peuvent s’adresser Ă  toutes sortes de publics. DĂšs lors qu’ils ont  des problĂšmes d’addiction et qu’ils sont estimĂ©s suffisamment volontaires, coopĂ©rants, et encore assez valides physiquement, pour ne pas nĂ©cessiter des soins d’urgence ou de rĂ©animation mĂ©dicale, sauf exception.

Car il existe des services d’addictologie oĂč des patients sont perfusĂ©s par exemple.

 

Pas Ă  Marmottan.

 

L’un des principes du service d’hospitalisation de Marmottan (lĂ  oĂč j’ai fait mes quelques remplacements) est l’hospitalisation libre, mais avec le principe et le contrat moral, que, durant son hospitalisation, de trois semaines en moyenne, le patient ne sortira pas du service et n’aura aucun contact direct avec l’extĂ©rieur. Il n’aura donc pas accĂšs Ă  son tĂ©lĂ©phone portable ou Ă  son ordinateur ou Ă  sa tablette.  A la place, il bĂ©nĂ©ficiera de la disponibilitĂ© du personnel, mais aussi de celles d’autres patients, par le biais d’entretiens, de mĂ©diations et de moments passĂ©s ensemble. Que ce soit lors de la prise des mĂ©dicaments ou lors des repas, du petit dĂ©jeuner au dĂźner. Ou, en regardant la tĂ©lĂ©. Ou, en discutant dans la salle « de thĂ© Â». Et l’on parle vraiment de thĂ© ou de cafĂ© et de quelques gĂąteaux , de goĂ»ters ou d’eau.  

 

 

Et puis, en dĂ©cembre 2021, « connaissant Â» un petit peu la culture engagĂ©e et militante de Marmottan, je me suis dit que la salle de concert de la Cigale, pour fĂȘter ce cinquantenaire, Ă©tait sans doute un hommage aux victimes des attentats terroristes de Novembre 2015, Bataclan, inclus.

 

 

Je n’ai pas (encore) demandĂ© confirmation. C’est une intuition.  Par contre, j’ai observĂ©, Ă  nouveau, ce jour-lĂ , l’engagement des personnels de Marmottan. PassĂ©s et prĂ©sents. Je le rĂ©pĂšte :

 

Je n’ai pas, Ă  ce jour, connu d’équivalent en matiĂšre de commĂ©moration de l’existence d’un service de santĂ© mentale. Ou, alors, je ne peux comparer cette commĂ©moration qu’avec celle des cinquante ans d’un groupe de musique, donc, dans le domaine artistique :

 

Pour moi, ce sera le groupe Kassav’. Puisque j’étais prĂ©sent au concert de leur cinquantenaire Ă  la DĂ©fense Arena. Avant le dĂ©cĂšs de Jacob Desvarieux.  

 

Mais je ne serais pas surpris qu’à Marmottan, musicalement, l’esprit soit plus Rock ou Punk que Zouk. Du reste, le lendemain, et le surlendemain de cette journĂ©e Ă  la Cigale, lors d’une des deux journĂ©es portes ouvertes de Marmottan, il y aura une exposition de pochettes de disques du mĂ©decin chef depuis quelques annĂ©es de Marmottan, Mario Blaise. Une exposition trĂšs bien intitulĂ©e « A vos disques et pĂ©rils Â» oĂč il sera possible de voir Ă©tablie une certaine valorisation des addictions avec substances.

A Marmottan, lors du week-end portes ouvertes du 4 et 5 décembre 2021.

 

 

Et,  si mes souvenirs sont exacts, aucune pochette de disque de Zouk ne figurait sur les murs de la piĂšce. Au contraire de pochettes de disque ayant plutĂŽt trait au Rock. MĂȘme si je me souviens d’une pochette d’un disque de U-Roy, chanteur de Reggae qui venait de dĂ©cĂ©der rĂ©cemment.

 

 

 

Il y avait donc, plutĂŽt, Ă  mon sens, une certaine vitalitĂ© Rock, ou punk, dans la tenue de ce cinquantenaire. Voire, free Jazz. Car il m’a semblĂ© qu’à Marmottan, que, mĂȘme si une certaine ligne de conduite Ă©tait nĂ©cessaire, qu’il importait, aussi, de savoir et de pouvoir improviser entre les lignes. Et de tenir sa partition. Avec les autres.

 

 

 

Cinquante ans plus tard, on peut dire que Marmottan a fait bien plus que tenir. J’ai vu dans cette salle de la Cigale des personnels de Marmottan qui y avaient travaillĂ© et qui sont revenus pour l’occasion. Certains Ă  la retraite. Je pense Ă  l’un d’entre eux, en particulier, un infirmier Ă  la retraite depuis les annĂ©es 2010 qui m’a rĂ©pondu avoir travaillĂ© Ă  Marmottan pendant une bonne vingtaine d’annĂ©es. Il Ă©tait aux cĂŽtĂ©s d’une ancienne de Marmottan. Celle que j’avais rencontrĂ©e dans mon service prĂ©cĂ©dent et qui m’avait dit que les patients lui avaient appris Ă  faire des prises de sang.

Sur la droite, portant un masque blanc, si je ne me trompe, il s’agit d’AurĂ©lie Wellenstein, la documentaliste de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

 

J’ai revu des personnels de Marmottan que j’avais croisĂ©s lors de mes quelques remplacements: AurĂ©lie Wellenstein, la documentaliste qui m’avait permis d’assister Ă  l’évĂ©nement, en charge de l’organisation de celui-ci comme des diverses formations proposĂ©es Ă  Marmottan. Des infirmiers, mĂ©decins, accueillants, psychologues, assistantes sociales. Mais aussi des mĂ©decins ou autres intervenants qui avaient connu Olievenstein et travaillĂ© avec lui avant de quitter Marmottan ou lui ayant succĂ©dĂ©. Je pense, ici, Ă  Marc Valleur qui avait succĂ©dĂ© Ă  Olivenstein avant que Mario Blaise, ensuite, ne lui succĂšde en tant que mĂ©decin-chef de Marmottan.

De gauche Ă  droite, Mario Blaise, mĂ©decin chef de Marmottan, Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan, Jan Kounen, rĂ©alisateur, Marc Batard, alpiniste. A la Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Marc Valleur au micro

Marc Valleur, prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan avec Jan Kounen, rĂ©alisateur. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je pense aussi à ces praticiens partis travailler ailleurs, toujours dans le domaine des addictions, et qui, comme les invités, se sont exprimés.

 

Mario Blaise et Marc Batard au micro

 

De gauche Ă  Droite, Mario Blaise, Marc Valleur, Jan Kounen et Marc Batard. La Cigale, vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Tout comme d’anciens patients.

 

Marmottan m’a aidĂ© Ă  avoir une vie

 

Cela, devant une salle pleine de professionnels venant de la rĂ©gion parisienne ou d’ailleurs ( une psychologue assise Ă  cĂŽtĂ© de moi venait de la rĂ©gion de Rennes).

La Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Dans ces tĂ©moignages d’anciens de Marmottan, on entendait et on sentait certains de ces engagements maintenus annĂ©e aprĂšs annĂ©e, en dĂ©pit d’une certaine adversitĂ©. Mais aussi malgrĂ© ou Ă  cause de certains conflits internes. On percevait une observation affutĂ©e du monde et de la sociĂ©tĂ© qui nous entoure et qui, surtout, nous opprime. On recevait une partie de cette mĂ©moire commune de ce qui avait pu ĂȘtre rĂ©ussi envers et contre tout ainsi que, pour moi, une certaine forme de regret de n’avoir pas vĂ©cu cette histoire.

 

La Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Maison de fous. Pas

 

Il y a eu au moins quatre mots en particulier qui m’ont marquĂ© lors de ce cinquantenaire Ă  la Cigale. Des mots qui, pour moi, expliquent Marmottan mais aussi la raison pour laquelle Marmottan a survĂ©cu et continue d’inspirer.

 

Photo©Franck.Unimon

 

 

La Folie.

 

Plusieurs des professionnelles et professionnels venus tĂ©moigner de leur expĂ©rience de Marmottan, sur la scĂšne, ont racontĂ© que lors de leur entretien d’embauche avec Olievenstein, celui-ci, avait pu plus ou moins leur/lui dire :

 

« Je crois que vous ĂȘtes folle. Donc, je vous embauche Â».

Photo©Franck.Unimon

 

 

Par « folie Â», bien-sĂ»r, il fallait, ici, comprendre que ces professionnelles et professionnels qui postulaient ne se contenteraient pas d’ĂȘtre des petits soldats ou des exĂ©cutants de la morale bien-pensante. Et qu’ils seraient impliquĂ©s dans leur travail bien plus qu’une personne venant juste pour faire ses heures de travail et pour toucher sa paie Ă  la fin du mois. C’est en tout cas comme ça que je l’ai dĂ©cryptĂ©.

 

Car, oui, la folie peut aussi aider Ă  vivre. Et Ă  travailler. 

 

La folie créatrice de Marmottan

 

A cette folie s’associe un humour. Il y a donc eu de l’humour lors de ce cinquantenaire comme il en a existĂ© et en existe Ă  Marmottan.

 

M.Hautefeuille avec sa clé USB à air pulsé

 

Le mot Plaisir a Ă©tĂ© employĂ© par Mario Blaise, le mĂ©decin chef actuel de Marmottan. Par ce mot, le principe est d’éviter de juger le mode de vie des uns et des autres. Ou ce qu’ils sont. DĂšs lors qu’ils n’agressent pas leur entourage.

 

Un autre mot m’a, d’un seul coup, fait comprendre la raison pour laquelle, Marmottan est un service Ă  part. Et que c’est pour cela que j’avais senti, quelques fois, que lorsque je m’exprimais avec mes instruments de mesure psychiatriques, que cela avait fait flop et que quelques uns de mes collĂšgues de Marmottan m’avaient alors regardĂ© comme si j’appartenais Ă  une espĂšce insolite :

 

Antipsychiatrie

 

 L’antipsychiatrie a Ă©tĂ© un courant dont j’ai pu entendre parler. Mais un peu. Comme d’une Ă©poque passĂ©e depuis longtemps. Bien avant que je ne commence Ă  venir travailler en psychiatrie au dĂ©but des annĂ©es 90. Encore, qu’à cette Ă©poque, la psychiatrie n’avait rien Ă  voir avec la psychiatrie actuelle en matiĂšre de moyens et de culture de pensĂ©e mais, aussi, de transmission.

 

GrossiĂšrement, aujourd’hui, je dirais que la psychiatrie telle qu’elle a pu ĂȘtre argumentĂ©e par Frantz Fanon, lors de la guerre d’AlgĂ©rie, avait Ă  voir avec l’antipsychiatrie. Il s’agissait alors de libĂ©rer les individus, ou de contribuer Ă  les aider Ă  se sortir de leur asservissement. A Marmottan, pour commencer, il s’agit d’essayer d’aider des personnes Ă  se sortir de leur asservissement Ă  certaines pratiques lorsque celles-ci sont devenues dangereuses pour leur santĂ©. Cet asservissement a une histoire. La rencontre avec cette pratique s’est faite Ă  un moment particulier de leur histoire.

Le mode relationnel que j’ai pu « voir Â» Ă  Marmottan entre patients et soignants Ă©tait diffĂ©rent de celui que j’avais pu connaĂźtre ailleurs. On n’était pas, on n’est ni potes, ni amis. Cependant, la distance entre le soignant et le patient est diffĂ©rente comparativement Ă  ce que j’ai pu connaĂźtre dans d’autres services de psychiatrie et de pĂ©dopsychiatrie. Et, je ne parle pas, ici, de l’absence de la blouse pour le soignant. Car j’avais dĂ©jĂ  connu l’expĂ©rience de l’absence de blouse en tant qu’infirmier.

Fille ou garçon de joie à Marmottan

 

Mais la façon de parler du traitement Ă  Marmottan avec le patient, de l’accompagner comme on dit, est diffĂ©rente. Peut-ĂȘtre que cela se faisait aussi un peu de cette façon dans la psychiatrie des annĂ©es 60 et 70. Lorsque la sociĂ©tĂ© Ă©tait diffĂ©rente ? Et que certains nouveaux neuroleptiques permettaient Ă  certains patients d’aller mieux ?

 

 

Mais on ne parle pas des mĂȘmes publics de patients. J’ai croisĂ© assez peu de patients psychotiques lors de mes quelques remplacements dans le service d’hospitalisation de Marmottan. Et, on ne s’adresse pas de la mĂȘme façon Ă  une personne non-psychotique mĂȘme si celle-ci rĂ©pĂšte des comportements extrĂȘmes du fait de ses addictions.

 

 

 

Un autre mot, depuis dĂ©cembre, revient par intermittences, lorsque je repense Ă  ce cinquantenaire de Marmottan. Et, cela, d’autant plus que je n’ai pas vu le visage ni le corps de son locuteur, apparu soudainement hors-champ, Ă  aucun moment prĂ©sent sur la scĂšne puis disparu aussi rapidement.

 

Et pourtant, cet homme Ă©tait  bien conscient de l’histoire de Marmottan comme porteur d’une partie de sa mĂ©moire. Le fait que cet homme, qui devait avoir dans les 70 ans, ait un accent antillais, a certainement eu sur moi un effet particulier. Celui d’un certain rĂ©veil de mes origines antillaises. Peut-ĂȘtre, mais je n’en suis pas sĂ»r, que ce mot sur lequel il a insistĂ© m’a autant parlĂ© parce-que, dedans, j’ai entendu du Gro-Ka, cette musique traditionnelle, trĂšs lointaine, rattachĂ©e Ă  la mĂ©moire de soi, Ă  la permanence d’une certaine vitalitĂ© malgrĂ© les trajectoires et qui a besoin de ça pour exister :

 

La Ferveur ( en cliquant sur le lien Ă  gauche, une vidĂ©o apparaĂźt).

 

Photo©Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce samedi 24 septembre 2022.

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