La pandémie du Covid dans les régions d’Outre-Mer
Echanger des points de vue avec des amis comporte des risques. Les disputes et les ruptures font partie des risques. Mais il en est un autre peut-être beaucoup plus grand.
Celui qui consiste à se croire très intelligent en leur compagnie. Le nombre de fois où l’on se sent autorisé à s’imaginer particulièrement perspicace ne se compte pas avec nos amis. Puisque, généralement, le plus souvent, ils pensent comme nous. Lorsque cela n’est plus possible, certains quittent ce statut d’amis. Soit de leur propre initiative soit de la nôtre.
Je viens de connaître un de ces moments où, à nouveau, je me suis senti pousser une intelligence particulière. Je n’avais pas prévu ça. Comme je n’avais pas prévu de l’écrire dans un article ce matin. Ce matin, j’avais d’autres ambitions que de « paraître » dans un article. Mais l’échange que je viens d’avoir par sms avec mon ami Raguse en a décidé autrement. Pour le pire ou le meilleur. Avec lui ou avec d’autres.
Raguse et la pandémie aux Antilles
Tout à l’heure, mon ami Raguse m’a sollicité pour avoir mon avis concernant l’essor de la pandémie aux Antilles. Depuis quelques jours, dans les médias, il se parle de plus en plus du confinement strict et du couvre-feu décidés récemment par le gouvernement aux Antilles. Du fait que les touristes qui s’y trouvent sont encouragés à rentrer en France.
On parle aussi du faible taux de vaccination anti-Covid là-bas. De la défiance d’une grande partie de la population envers les vaccins anti-Covid. Tandis qu’en France, on doit maintenant approcher les plus de 60 % de personnes vaccinées contre le Covid, dans les régions Outre-mer telles que les Antilles où la Réunion, ce taux tombe à environ 20 %.
Alors que le variant Delta du Covid fait de plus en plus parler de lui et couche de plus en plus de monde dans ces régions et ailleurs. Aux Antilles, on parle de services hospitaliers surchargés, de renforts en personnels soignants ( mais aussi de renforts policiers ) venus de métropole. Donc, d’une catastrophe sanitaire en cours sous les tropiques. Les « tropiques » sont habituellement plutôt synonymes de paradis, d’évasion et de détente. Là, ils deviendraient plutôt synonymes de mouroirs et de mouchoirs.
Je l’ai déjà écrit : je suis bien-sûr embarrassé devant ces chiffres de « cas de Covid » en augmentation. Que ce soit aux Antilles où j’ai de la famille, à la Réunion, mais aussi en France. Mon propre frère a prévu de se rendre en Guadeloupe avec sa compagne et leurs deux enfants. Et, il y a quelques jours, bien que lui et sa compagne soient vaccinés et aient prévu de passer deux tests PCR, un quarante huit heures avant leur vol, et un autre le jour-même, afin d’augmenter leurs chances, mon frère ne savait pas s’ils pourraient décoller pour la Guadeloupe la semaine prochaine.
Cela, c’était avant que l’on apprenne que les touristes étaient maintenant incités à quitter les Antilles. Partir des Antilles serait plus « simple » pour certains touristes qui y sont que pour d’autres à ce que j’ai lu. La compagnie Air France serait plus facilement joignable et accommodante. La compagnie Air Caraïbes, aux billets d’avions moins chers, ne répondrait pas.

Mon ami Raguse m’a posé tout à l’heure en guise de bonjour (il ne m’a même pas dit bonjour) la question suivante que beaucoup d’autres personnes se posent peut-être :
« Je comprends bien la défiance des antillais vis à vis de l’Etat français mais l’hécatombe actuelle en Guadeloupe et Martinique pose la question de la vaccination…et ses conséquences bénéfiques sur le nombre de victimes….Qu’en penses-tu ? Bonne journée ! Bizz ».
Je sortais de ma douche lorsque j’ai lu ça après ma deuxième nuit de travail. Nuit de travail dont je suis revenu assez poussivement tout à l’heure en pédalant sur mon vélo. J’ai même croisé un « vélo Brompton » tout fringant qui m’a allumé alors que je me rapprochais de la gare de St Lazare.
Mais en lisant ce sms de mon ami Raguse, tout à l’heure, mon Q.I n’a fait qu’un tour. D’abord, sa question amenait entre nous une nouvelle discussion parmi d’autres. Ensuite, mes origines antillaises et mon statut de « non vacciné » m’ont attribué le rôle du candidat idéal pour en débattre avec lui. Impossible pour moi de me défiler.
J’ai d’abord répondu :
« Tu as peut-être raison pour la vaccination. Mais nous ne sommes pas à leur place. La Guadeloupe, c’est une île qui se trouve à des milliers de kilomètres de l’hexagone. Et où l’on perçoit donc les événements et la vie depuis un autre point de vue. Et puis, la France a un terrible passif avec, au moins, la Guadeloupe et la Martinique : Le chlordécone.
Lorsque tu as vécu ça, cette horreur sanitaire, comment peux-tu faire confiance à la France ? Pareil pour la Polynésie et les essais nucléaires aux conséquences sanitaires non véritablement reconnues par la France. Comment, après ça, réussir à faire confiance à la France ? ».
Raguse a alors ajouté :
« Oui, je suis d’accord. C’est pour ça que je parlais de leur légitime défiance vis-à-vis de l’Etat français…. ».
Alors, je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est peut-être l’effet de la fatigue ou mon Q.I inversé qui m’ont désinhibé peut-être pour le pire. Je me suis alors mis à écrire :
« Il est très facile depuis notre regard ethno-centré et nombriliste de juger les autres. Que ce soit les autres qui sont aux Antilles ou dans d’autres régions du monde. Mais t’écrire ça ne m’empêche pas de « regarder » le décompte et l’essor de la pandémie aux Antilles et en Polynésie. Cependant, ce qui me dérange aussi, c’est ce business autour des vaccins :
S’il y a peu de gens vaccinés aux Antilles, ça veut aussi dire qu’il y a là-bas un marché à conquérir. Je n’arrive pas à savoir ce qui est le pire. Et, c’est encore plus inquiétant d’être aujourd’hui incapable de savoir ce qui est le pire :
Penser, comme je le fais, que les vaccins anti-Covid pourraient être une nouvelle espèce de produits de consommation envers lesquels nous allons développer une dépendance. Comme envers nos téléphones portables et nos ordinateurs et internet. Ils (les vaccins anti-Covid) seraient donc les produits de consommation parfaits. Indispensables et salvateurs mais à durée limitée. On en changerait tous les ans ou tous les six mois en prenant un nouveau forfait. Comme avec un nouveau téléphone portable de plus en plus sophistiqué chaque année.
Ou, le pire est-il que ce projet soit déjà l’avenir pour au moins une ou plusieurs entreprises?
Ce matin, lorsque je suis optimiste, je me dis que la pandémie du Covid va durer trois ou quatre ans. Puis, je me dis que je me leurre. Et, qu’elle va plutôt durer une cinquantaine d’années ou plus. Comme la grippe.
Lorsque l’on voit tout ce que nous avons perdu en libertés (ne serait-ce que de déplacement) depuis dix huit mois, cela fait très peur pour la suite. D’autant que le Covid bouffe d’abord en priorité les plus âgés, donc les représentants et la mémoire d’un autre monde. D’une autre façon de vivre. Mais dans dix à vingt ans, celles et ceux qui naitront ne connaitront rien de cette vie sans Covid que nous aurons connue. Et, pour le plus grand nombre d’entre eux, ça sera normal de vivre avec ces vaccins peut-être devenus mensuels ou quotidiens contre toute sortes de maladies dangereuses. Peut-être même que la durée de vie moyenne de l’humanité aura-t’elle diminué pratiquement de moitié. Le monde sera alors peuplé de jeunes travailleurs et de jeunes consommateurs dynamiques. Ce qui soutiendra l’économie de marché…tu m’as interrogé. Je te réponds spontanément sans me censurer après deux nuits de travail. Je t’embrasse ».
Un délire de plus de Franck Unimon, ce jeudi 12 aout 2021. Avec le concours involontaire de l’ami Raguse qui n’est peut-être qu’un prétexte ou mon invention afin de pouvoir écrire n’importe quoi.