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Le Bonheur

 

                                                                 Le Bonheur

Je suis un pĂšre exigeant. TrĂšs exigeant. SĂ»rement psychorigide par certains cĂŽtĂ©s. A grande tendance obsessionnelle. Mais on peut faire confiance en ma mĂ©moire concernant  mes travers :

Je suis aussi exigeant avec moi-mĂȘme. Si je connais et vis des pĂ©riodes de rĂ©pit, il est bien des moments oĂč mon esprit me poursuit de ses morsures et de ses critiques Ă  propos de ce que j’ai mal fait. De ce que j’aurais pu mieux faire. Ou de celui que je ne suis pas assez. Ou de celui que je ne suis que trop.

 

Et puis, il y a des trĂȘves comme en ce moment. Les trĂȘves ne durent pas. C’est le principe des trĂȘves.

 

Les mÎmes ont la particularité de réguliÚrement nous faire sortir du passage clouté de nos programmes et de nos pensées. Ils nous font aussi sortir de nos gonds. Soit de par leurs initiatives. Ou de par leurs demandes.

 

Alors que j’écris, ma fille et moi sommes en plein bonheur depuis plusieurs minutes. Elle, dans la cabane qu’elle s’est construite (sous une table) et moi qui ai fini de prendre mon petit-dĂ©jeuner.

 

Ce bonheur a une musique : l’album MBO LOZA de l’artiste malgache D’Gary. Un album de plus empruntĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque il  y a plusieurs semaines et que j’ai dĂ©couvert seulement ce matin. Je l’ai mis tout Ă  l’heure aprĂšs que ma fille ait commencĂ© Ă  jouer, aprĂšs son petit-dĂ©jeuner. Il y avait pourtant eu un peu de tension entre elle et moi aprĂšs son petit-dĂ©jeuner :

 

Elle, assise par terre : « Je n’ai pas bien compris ce que tu m’as dit
 Â».

Moi : «  Ce n’est pas grave car il n y a rien de nouveau Â».

Elle, rĂ©flĂ©chissant quelques secondes puis :

« Je n’aime pas me brosser les dents ! Â».

Moi : « Ă§a apporte quelque chose, ce que tu viens de dire ?! Â».

Elle : « Non
. Â».

 

Hier aprĂšs-midi, pour la premiĂšre fois depuis la rentrĂ©e, je suis allĂ© la chercher Ă  la sortie de l’école. Devant l’école, c’était un carnaval de masques anti-Covid attendant leurs enfants Ă  la sortie de l’école maternelle et de l’école primaire.  Une PremiĂšre pour une rentrĂ©e scolaire.

 

Evidemment, la distance de un mÚtre entre nous était impossible.

 

Parmi les personnes qui patientaient, il en Ă©tait une minoritĂ© bravant les nouvelles normes sanitaires :

Deux ou trois personnes s’affirmaient Ă  visage dĂ©couvert sans masque. Dont le gardien de l’école, un jeune homme plutĂŽt sympathique qui m’avait, quelques mois plus tĂŽt alors que je l’avais rencontrĂ© dans la rue, exprimĂ© son scepticisme quant Ă  la nĂ©cessitĂ© de se protĂ©ger.

 

Enfin, quelques personnes persistaient Ă  baisser leur masque sous leur nez. J’imagine que ces personnes avaient selon elles une bonne raison : du mal Ă  respirer ; il fait chaud ; cela empĂȘche de bien se faire comprendre lorsque l’on parle….

 

La veille, pourtant,  le footballeur Kylian M’BappĂ©, un des joueurs vedettes en France mais aussi dans le Monde, avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© forfait pour le prochain match de l’équipe de France car positif au Covid. Un sportif de haut niveau – trĂšs mĂ©diatisĂ©- de plus touchĂ© par le Covid.

 

Face aux rĂ©calcitrants du masque, celles et ceux qui n’en portent pas, qui le portent mal ou gardent le mĂȘme plusieurs jours de suite, j’adopte une attitude passive et spectatrice. Et, quand je peux, je m’en Ă©loigne physiquement. Je n’ai pas beaucoup le choix. Les autres, aussi, nous font sortir du passage cloutĂ© de nos programmes et de nos pensĂ©es. Pour le pire comme pour le meilleur. Et sortir de nos gonds, dans ces moments-lĂ , n’est pas forcĂ©ment ce que nous avons de mieux Ă  faire :

 

L’annĂ©e scolaire vient de reprendre et je serai appelĂ© Ă  retourner chercher ma fille Ă  la sortie de l’école encore un certain nombre de jours. Ailleurs, on a dĂ©jĂ  entendu parler de personnes se faisant tabasser ou poignarder parce qu’elles avaient « osĂ© Â» reprocher ou essayĂ© de raisonner des personnes qui ne portaient pas de masque de prĂ©vention anti-Covid. J’estime qu’à moins d’avoir une personne qui me postillonne dessus, cela ne vaut pas la peine de prendre de tels risques. Comme on le voit, le bonheur est fragile. On attend son mĂŽme Ă  la sortie de l’école. Parce qu’à cĂŽtĂ© de nous, l’attitude d’une personne n’est pas conforme, on pĂ©nĂštre dans son univers. Ce faisant, on la dĂ©range comme un intrus. On la renforce dans son sentiment, dĂ©jĂ  préétabli, que le Monde entier lui en veut personnellement. Il ou elle s’était dĂ©jĂ  retenu(e) et avait pris sur elle ou sur lui mais, cette fois, avec vous, c’est la fois ou le jour de trop. Quelques minutes plus tard, au lieu d’avoir votre enfant dans les bras, vous vous retrouvez dans ceux du coma.

 

Certaines personnes pensent qu’il faut de la rĂ©pression et tout ira mieux dans notre Monde. D’accord. Mais face Ă  des personnes qui sont, dĂ©jĂ ,  constamment, dans la dĂ©pression, la revendication, la destruction, la surinterprĂ©tation et dans l’obsession qu’il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui leur en veut ( et leur entourage proche pense gĂ©nĂ©ralement comme eux), la rĂ©pression peut se transformer en wagons de poudriĂšre.

 

 

J’écris ça aujourd’hui. Mais peut-ĂȘtre que dans quelques jours, ou dans quelques semaines, j’aborderai une personne prĂšs de moi parce qu’elle porte mal son masque ou qu’elle n’en n’a pas sur elle.

 

 

Alors que ma fille joue dans son coin, je sais l’importance qu’il y a Ă  pouvoir gĂ©nĂ©rer son propre monde et Ă  s’y pelotonner. Parce-que je me rappelle de ces moments-lĂ , enfant, et qu’adulte, j’en vis encore. Ce sont des moments auxquels on tient. Sans doute sacrĂ©s. Et qu’il convient de protĂ©ger ou de ne pas dĂ©ranger. Ces personnes qui, comme moi, attendent leurs enfants Ă  la sortie de l’école, ont leur propre conception du bonheur. C’était dĂ©jĂ  comme ça avant les masques anti-Covid. Le Covid, tout ce qui l’entoure, lui ressemble ou en dĂ©coule, rajoute plus de colĂšre et d’inquiĂ©tude quant Ă  la possibilitĂ©  d’ĂȘtre privĂ© de bonheur comme d’en ĂȘtre dĂ©jĂ  tenu Ă©loignĂ© alors que l’annĂ©e scolaire vient seulement de commencer.

 

Franck Unimon, ce mercredi 9 septembre 2020.

 

 

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