Police un film dâAnne Fontaine.
Dans la France dâaujourdâhui, en rĂ©gion parisienne, un triumvirat composite – une blonde, un grand Noir, un gros blanc – part en virĂ©e afin dâemmener un individu « dâun point A Ă un point B ». Plus quâune dĂ©monstration de gĂ©omĂ©trie, ou un contrat, il sâagit de leur mĂ©tier :
Virginie (Virginie Efira), Aristide (Omar Sy) et Erik (GrĂ©gory Gadebois) sont uniformĂ©ment policiers. Et ça se passe la nuit. Pourquoi la nuit ? Câest peut-ĂȘtre plus pratique dâun point de vue scĂ©naristique :
La nuit, on remise les apparences. On dĂ©verrouille nos conduites intimes. On peut mieux fuir ce qui nous dĂ©range dans notre vie personnelle. Dâautant que lâon est en effectifs rĂ©duits. Cela nous rend plus vulnĂ©rables mais aussi plus autonomes. Car la hiĂ©rarchie est alors « claire-semĂ©e ». Il est nĂ©anmoins indispensable dâĂȘtre solidaires malgrĂ© nos insularitĂ©s personnelles.
Police de Pialat, L627 de Bertrand Tavernier, Polisse de MaĂŻwenn
Le soleil, les lumiĂšres artificielles, la crĂšme solaire, les muscles, le grand nombre et les sourires ne font pas une communautĂ© ni une solidaritĂ©. Ce sont avant tout des dĂ©cors. Des dĂ©cors dentifrice quâAnne Fontaine, comme dans le film Police de Pialat (1985), Le L627 de Bertrand Tavernier (1992) et le Polisse de MaĂŻwenn ( 2011) a crachĂ©s dans lâĂ©vier avant mĂȘme le dĂ©but du film.
Jâai vu ces trois films dont les deux derniers au cinĂ©ma, lors de leur sortie en salles. Et je voulais voir le Police dâAnne Fontaine, sorti ce mercredi 2 septembre 2020.
Le titre Police de NTM
A lâĂ©poque de sa diffusion, puisque je suis « vieux », Jâavais aussi Ă©coutĂ© et rĂ©Ă©coutĂ© le titre Police du groupe NTM(1992 ou 1993). Groupe de Rap qui a fait connaĂźtre Joey Starr, un des acteurs prĂ©fĂ©rĂ©s, en tant que flic, du film Polisse qui avait fait partie des films marquants du festival de Cannes de 2011. JâĂ©tais sur les lieux cette annĂ©e-lĂ .
Je me rappelle encore du titre de NTM qui sâĂ©tait enclenchĂ© dans ma tĂȘte alors que je me trouvais dans un commissariat du Val dâOise pour y faire une main courante. Heureusement que je nâĂ©tais pas touchĂ© par le syndrome de Gilles de la Tourette.
Je lâai Ă©crit et je vais le rĂ©Ă©crire : Je nâaimerais pas ĂȘtre flic en 2020 en rĂ©gion parisienne dans certains endroits sensibles. La police est Ă la fois « la baĂŻonnette et la marionnette de lâEtat ».
Pages de Pub et bandes annonces
Plusieurs pages de pub et quelques bandes annonces nous accueillent avant le début du film.
La pub pour le tĂ©lĂ©phone portable Galaxy Flip Zip de Samsung, les Podcast dâArte Radio et les bandes annonces pour les films Mon Cousin de Jan Kounen et Antoinette dans les CĂ©vennes de Carole Vignal (avec lâactrice Laure Calamy) ont retenu mon attention. Ainsi que la bande annonce de Adieu les cons de et avec Albert DupontelâŠ.et Virginie Efira, devenue une actrice trĂšs visible.
Virginie/ Virginie Efira
Dans le Police dâAnne Fontaine, on dĂ©couvre en pleine nuit le personnage de Virginie dans son lit conjugal. MariĂ©e, mĂšre de famille, elle en est Ă son troisiĂšme rĂ©veil car son enfant se met Ă pleurer pour la troisiĂšme fois. Personne ne lâenvie. Son mari, attachĂ© et patient, la rejoint nĂ©anmoins dans la cuisine oĂč elle a prĂ©parĂ© un biberon et posĂ© leur enfant sur une chaise haute. Et lâon apprend que Virginie est trĂšs peu avec son mari et leur enfant. Elle sâoublie dans son travail.
En quelques secondes, on comprend que lâordinaire de Virginie, femme flic, est trĂšs Ă©loignĂ© du glamour de certaines productions. Quâil sâagisse de sĂ©ries tĂ©lĂ© ou de films. Il y a Ă©videmment plusieurs ambiances de dĂ©calage entre le film et celle de Tenet rĂ©alisĂ© par Christopher Nolan avec John David Washington, Robert Pattinson et Elizabeth Debicki et qui marche apparemment trĂšs bien commercialement en ce moment.
Le film Tenet nous montre des super policiers, descendants de James Bond, trĂšs Ă lâaise pour se faufiler dans les espaces temps. Le film dâAnne Fontaine nous montre de plus prĂšs des spĂ©cimens encartĂ©s dans la vie rĂ©elle. Des gens que lâon pourrait rencontrer ou connaĂźtre.
Virginie/Virginie Efira fait partie de ces innombrables soldats du peu dont lâactivitĂ© professionnelle et personnelle est un si grand dĂ©barras quâĂ voir leur façon de continuer de la servir ils pourraient tout aussi bien ĂȘtre dans un couvent. On se demande oĂč elle trouve le remontant- et comment- pour continuer de rĂ©ussir Ă nager Ă contre courant.
Devant Police, du fait du personnage de Virginie, jâai un moment pensĂ© au trĂšs bon film Volontaire dâHĂ©lĂšne FilliĂšres (2018).
Mais si Virginie est trĂšs volontaire, elle est aussi nettement moins carriĂ©riste, et plus engagĂ©e – plus ĂągĂ©e aussi- dans sa vie de mĂšre mariĂ©e, que le personnage de Laure (lâactrice Diane Rouxel) dans le film dâHĂ©lĂšne FilliĂšres.
Comme souvent, Virginie Efira a lâallure dâun rade (je lâai peu vue dans son univers comique Sibyl ). Ce qui est parfait pour son rĂŽle de femme-flic. Et, comme souvent, aussi, cela la rend crĂ©dible pour jouer ces personnages qui sâaccrochent Ă une vie qui leur Ă©chappe. Elle a encore ce pouvoir de laisse poindre le nĂ©ant dans le regard et dâen faire un dĂ©part intermittent. Il est peut-ĂȘtre imminent. Mais câest peut-ĂȘtre aussi une impression que lâon a trop exagĂ©rĂ©e.
Si lâon sâen tenait Ă sa seule prĂ©sence, le personnage de Virginie suffirait. Mais Anne Fontaine a tenu Ă la doter de dĂ©sirs alors que lâon est plutĂŽt habituĂ© Ă voir des femmes flics comme des ĂȘtres a-menstruĂ©s mais aussi trĂšs rarement dĂ©sirables.
C’est Ă travers le personnage de Virginie, qu’Anne Fontaine passe pour exprimer sa sensation que l’expulsion d’un ( corps) Ă©tranger, cela revient Ă avorter.
Aristide/ Omar Sy
Il est un peu « Ă©tonnant » quâAnne Fontaine ait choisi Omar Sy, plutĂŽt que GrĂ©gory Gadebois, pour dĂ©velopper la voie sentimentale du personnage de Virginie/Virginie Efira. Je fais bien-sĂ»r un peu dâhumour. Car dans dâautres films, GrĂ©gory Gadebois a aussi connu de trĂšs belles histoires dâamour. (Je repense Ă AngĂšle et Tony, rĂ©alisĂ© en 2011 par Alix Delaporte).
Depuis le succĂšs dâIntouchables, Omar Sy est un peu lâĂ©quivalent dâun boxeur devenu champion du monde poids-lourds par K.O et par accident. Sa carriĂšre nâest plus la mĂȘme depuis. Son nom, aussi, qui apparaĂźt en premier sur lâaffiche du film.
Omar Sy a fait dâautres films depuis Intouchables. Et je ne les ai pas tous vus. Jâavais bien aimĂ© Yao.
( Yao).
Mais jâai tendance Ă attendre de lui quâil se « salisse » dans ses rĂŽles. Quâil soit moins ce boxeur qui danse avec les angles et quâil se transforme â parfois- en cogneur. Bien-sĂ»r, rien ne lây oblige, que ce soit pour des raisons personnelles ou morales. Ou, simplement, quant Ă sa façon de gĂ©rer sa carriĂšre. Je ne suis pas son agent. Et il sait bien mieux que moi comment choisir ses rĂŽles. Et, heureusement, aussi, quâil nâa pas comptĂ© sur moi pour toutes les dĂ©cisions lui important le plus. Dâautant quâil y a un certain nombre dâacteurs qui restent toujours du « bon » cĂŽtĂ© lorsquâils choisissent leurs rĂŽles.
Si je ne me trompe, Patrick Bruel avait refusĂ© le premier rĂŽle que Cyril Collard lui avait proposĂ© dans son film Les Nuits fauves (1992) rĂ©alisĂ© dâaprĂšs son propre livre. Un film qui avait finalement crĂ©Ă© la polĂ©mique ( Collard est mort du Sida quelques jours avant la cĂ©rĂ©monie des CĂ©sars. Son film avait obtenu plusieurs prix) mais aussi eu beaucoup de succĂšs :
Dans le film, Collard – alors que nous Ă©tions en pleine Ă©pidĂ©mie du sida- y rĂ©vĂ©lait avoir eu des relations sexuelles multiples sans se prĂ©munir du risque de contamination mais aussi en exposant ses partenaires.
Le succĂšs du film avait nĂ©anmoins plutĂŽt contribuĂ© Ă bien lancer la carriĂšre lâactrice Romane Bohringer.
MĂȘme si cette anecdote date de lâĂąge de la poussiĂšre, il y a plein dâhistoires plus rĂ©centes oĂč des acteurs, pour soigner leur image ou afin dâĂ©viter une Ă©ventuelle polĂ©mique, refusent des rĂŽles. Le rĂ©alisateur et scĂ©nariste Abdel Raouf Dafri avait par exemple expliquĂ© que lâacteur quâil avait au dĂ©part sollicitĂ© pour le premier rĂŽle de son premier film, Quâun sang impur ( sorti le 22 janvier 2020) et qui relate la Guerre dâAlgĂ©rie, avait prĂ©fĂ©rĂ© dĂ©cliner lâoffre. Par crainte de la polĂ©miqueâŠ.
( Qu’un sang impur… Interview en apnĂ©e avec Abdel Raouf Dafri )
Par ailleurs, pour avoir croisĂ© Omar Sy quelques secondes par hasard alors que je me rendais Ă une projection de presse qui nâavait rien Ă voir avec lui, je peux tĂ©moigner que celui-ci Ă©met une simplicitĂ© et une telle sympathie immĂ©diates ( )que je me sens un peu dĂ©placĂ© de parler de lui comme je viens de le faire. Mais je parle ici de lâacteur et de cinĂ©ma. Pas de lâĂȘtre humain. Et je parle en tant que personne qui est allĂ© voir un film et qui avait des exigences en allant voir ce film et les comĂ©diens que sont Efira, Sy et Gadebois.
Omar Sy, « cogneur ».
Dans Police, il y a un moment oĂč lâon entrevoit ce que ça pourrait donner, un Omar Sy, « cogneur ». Appelons, ce moment ou cette scĂšne Je lâaime, moi, mon fils. Peut-ĂȘtre que lorsque Sy acceptera de se sĂ©parer un peu plus de sa pudeur et de sa prudence dans un film, quâil nous donnera un peu plus, en tant quâacteur noir (jâai bien Ă©crit « acteur noir ») de cette violence Ă lâĂ©cran.
Samuel Jackson, depuis des annĂ©es (oui, je mets la barre trĂšs trĂšs haute en parlant de Samuel Jackson) nous donne de la violence sur les Ă©crans depuis des annĂ©es. Et on en redemande. En tout cas, moi, jâen redemande. Pour moi, les deux meilleurs acteurs du Django Unchained de Tarantino (2012) sont de loin Samuel Jackson et LĂ©onardo Dicaprio. Deux ordures dans le film, chacun Ă leur maniĂšre.
Dominique Blanc (je fais évidemment exprÚs de choisir cette actrice aussi au vu de son nom) avait pu dire dans une interview, à propos de Patrice Chéreau :
« Jâaime sa violenceâŠ. ».
On parle Ă©videmment dâune violence acceptĂ©e, endossable et comprise par des acteurs et des actrices. Et non dâune violence subie. LâathlĂšte ou le pianiste qui rĂ©pĂšte ses enchaĂźnements pendant des heures accepte une certaine violence afin dâĂȘtre affĂ»tĂ© pour la performance. Lorsque lâathlĂšte Marie-JosĂ© PĂ©rec, lâancienne sprinteuse française, plusieurs fois championne olympique, faisait 1500 abdominaux par jour, câĂ©tait son choix. Parce quâelle savait quâelle devait aussi en passer par ça pour ĂȘtre dans une forme physique (ainsi que mentale) optimale.
Câest de cette violence-lĂ dont je parle dans le jeu dâacteur dâOmar Sy. Mais jâen demande peut-ĂȘtre trop. Et peut-ĂȘtre que, finalement, câest seulement Ă moi que je parle en parlant, ici, dâOmar Sy. Car, dans Police, il fait tout de mĂȘme beaucoup.
Omar Sy prend beaucoup de risques dans Police :
Je lâai rĂ©Ă©crit : Je nâaimerais pas ĂȘtre flic en 2020. Or, tout le monde Ă peu prĂšs en France sait oĂč Omar Sy a grandi. En banlieue parisienne, Ă Trappes. Une ville connue depuis des annĂ©es plutĂŽt pour sa mauvaise rĂ©putation : dĂ©linquance, islamisme, droguesâŠ.
MĂȘme si des personnalitĂ©s comme Jamel Debbouze (quâil connaĂźt) ou le footballeur Anelka ont Ă©mergĂ© de cet endroit, Trappes, ce nâest pas St-Germain en Laye, Le VĂ©sinet ou La Celle Saint Cloud. MĂȘme si ces trois derniĂšres villes se trouvent Ă©galement dans les Yvelines.
Dans certaines banlieues et dans certains milieux, pas seulement populaires, ĂȘtre flic ou ĂȘtre copain des flics, câest une tĂąche.
Question bavures policiĂšres, au faciĂšs ou non, en tant que personne noire ayant grandi Ă Trappes, dans un milieu social plutĂŽt modeste ou moyen, jâimagine facilement quâOmar Sy, mĂȘme sâil a le sourire, a dĂ» « voir » ou entendre des choses qui mettent peu la police Ă son avantage. Et, si je ne me trompe pas, il sâest plutĂŽt engagĂ© aux cĂŽtĂ©s dâAssa TraorĂ©, la sĆur dâAdama TraorĂ©.
On pourrait me dire que dans « lâAffaire TraorĂ© », ce sont des gendarmes qui sont suspectĂ©s dâavoir fait une bavure. Et non des flics. Dâaccord. Mais on parle de reprĂ©sentants de forces de lâordre. Pour celles et ceux qui sont « anti-flics », flics et gendarmes, câest souvent pareil.
Un rÎle de Maturité et de nuances :
Or, Omar Sy accepte de jouer le rĂŽle dâun flic comme il aurait sans doute pu accepter de jouer le rĂŽle dâun gendarme.
Joey Starr a jouĂ© un flic dans Polisse. Sy, jeune de « la » banlieue, joue un rĂŽle de flic. Et câest un flic qui bĂ©nĂ©ficie de la dĂ©licatesse dâOmar Sy. De son Ă©lan vital et de son acuitĂ© mentale. Un flic, qui, au passage, en toute dĂ©contraction, combat les prĂ©jugĂ©s racistes. Ou, je devrais plutĂŽt Ă©crire :
« Qui continue de combattre les prĂ©jugĂ©s racistes ». Car Omar Sy nâa pas attendu ce rĂŽle dans le film dâAnne Fontaine pour essayer de dĂ©samorcer bien des prĂ©jugĂ©s ( jâavais commencĂ© Ă Ă©crire des «conflits » au lieu de « prĂ©jugĂ©s ») racistes.
Dans les deux situations, que lâon parle de Joey Starr dans Polisse ou dâOmar Sy dans Police (il est temps que je rappelle quâAnne Fontaine sâest inspirĂ© du livre dâHugo Boris pour son film), deux PersonnalitĂ©s diffĂ©rentes de tempĂ©rament, de comportement, comme par leur style contribuent Ă donner une image plutĂŽt favorable et nuancĂ©e de la police.
Et ces deux personnalitĂ©s sont deux hommes noirs. Lesquels ont la quarantaine lorsquâils jouent un rĂŽle de flic. 44 ans pour Joey Starr dans Polisse. 42 ans pour Omar Sy lors de la sortie de Police.
A cet Ăąge, Joey Starr, comme Omar Sy, se sont insĂ©rĂ©s socialement. On pourrait mĂȘme dire quâils ont plutĂŽt (trĂšs) bien rĂ©ussi socialement. MĂȘme si une carriĂšre dâartiste reste alĂ©atoire et que, mal gĂ©rĂ©e, celle-ci peut trĂšs mal et trĂšs vite sâachever.
Ce sont aussi deux personnes qui sont sĂ»rement devenues pĂšres. Et qui se sont peut-ĂȘtre ou sĂ»rement faites plus nuancĂ©es : il arrive frĂ©quemment que lâon raisonne un peu diffĂ©remment lorsque lâon a quarante ans et que lâon est devenu pĂšre comparativement Ă lâĂ©poque ou on avait entre 15 et 25 ans et que lâon Ă©tait sans enfant. Certaines expĂ©riences de la vie et certaines rencontres sont passĂ©es par lĂ entre-temps.
RĂ©ussir
JusquâĂ un certain point, on a le choix :
Rester dans une description permanente de la destruction. Tout sur-interprĂ©ter de ce qui vient des autres comme une menace. Etre obsĂ©dĂ© par les autres. Participer Ă la destruction des autres et de soi, dâune part.
Ou, Ă un moment, accepter de vivre, sâaccepter un peu plus et accepter un peu plus les autres.
Je crois que Joey Starr et Omar Sy ont rĂ©ussi parce quâĂ un moment donnĂ© de leur vie, voire Ă plusieurs moments de leur vie, ils ont acceptĂ© de sortir de ce quâils connaissaient par cĆur. Et quâils lâont fait avec des personnes de confiance et au bon moment pour eux. Et pour leur Ă©poque.
Mais pour certaines sensibilitĂ©s, rĂ©ussir en sâĂ©loignant de ce que lâon a connu, câest sâembourgeoiser. Câest oublier ce que lâon a connu. Câest renier le passĂ©. Son passĂ©. Je crois que câest plutĂŽt le contraire. MĂȘme si on sâĂ©loigne, on reste attachĂ© Ă son passĂ© et on sâen inspire pour aller plus loin. Comme une fusĂ©e qui dĂ©colle pour aller sur la lune.
Il est une question qu’Aristide/ Omar Sy pose Ă deux ou trois reprises :
 » Mais, sur le terrain, je suis un bon flic ou pas ?! ».
Peut-ĂȘtre que certains compatriotes verront dans cette question une tendance « banania » d’Omar Sy. Comme si Omar Sy se « prend pour un blanc ». Ce n’est pas du tout ce que je vois dans cette question. Dans cette question, je vois Omar Sy qui se pose cette question, mĂȘme en tant qu’acteur :
 » Suis-je un bon acteur ?! » ( puisque je suis un autodidacte….).
Ma rĂ©ponse, en tant que spectateur, est oui ! MĂȘme si la premiĂšre et la derniĂšre personne la plus compĂ©tente pour y rĂ©pondre, c’est d’abord Omar Sy/ Aristide. Sur le terrain.
Ce qui nous amĂšne Ă lâautre symbole auquel touche Omar Sy dans le film.
La Femme blanche
Dans Police, Omar Sy touche Ă la femme blanche. Or, il nây a pas plus femme blanche, en couleur de peau, face Ă un homme noirâŠ.quâune femme blonde. Cette remarque pourra paraĂźtre banale pour certaines personnes. Mais je continue de penser quâen 2020, les relations mixtes, multiculturelles, ou multiconfessionnelles et multiraciales (appelons ça comme on le veut) restent trĂšs difficiles Ă adopter pour bien des personnes en France. Sans parler des relations multi-genres. Et pas uniquement au sein des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs du Rassemblement National, ex Front National. Jâinvite Ă voir ou Ă revoir le film Un Français rĂ©alisĂ© par DiastĂšme en 2014 pour se faire une idĂ©e dâun certain Ă©tat dâesprit au sein des tenants de lâExtrĂȘme droite. Je reste encore Ă©tonnĂ© par le niveau de connaissance de son film concernant une certaine extrĂȘme droite.
Omar Sy traverse donc plusieurs murs Ă travers son rĂŽle de flic. Dâune certaine façon, avec sa tenue de flic, il rĂ©alise plusieurs infractions Ă certains codes comme Ă une certaine « morale » :
Il réhabilite le flic. Le flic attentif à son prochain. Et il rencontre la femme blanche. Une femme mariée et mÚre de famille.
Il ne la rencontre pas façon « Vas- y Francky, câest bon ! » clichĂ© qui sous-entend que tous les hommes noirs ont le sang chaud et le sexe dans la peau au mĂȘme titre que la musique. Ce qui serait bien commode pour entretenir le clichĂ© de lâhomme noir chaud lapin et montĂ© « pour ça ».
Aristide/ Omar Sy rencontre la femme blanche comme cela peut arriver pour nâimporte qui sans aucune discrimination de couleur, de religion ou de classe sociale ou de sexe. Comme dans la vraie vie. Au travail, lieu de rencontre parmi dâautres. Cela va peut-ĂȘtre changer avec le dĂ©veloppement du tĂ©lĂ©travail depuis la pandĂ©mie du Covid-19 et la prioritĂ© qui a Ă©tĂ© redonnĂ©e Ă lâĂ©conomie et Ă la rentabilitĂ©, mais, pour lâinstant, le travail reste un lieu de rencontres et de variables humaines. Comme lâĂ©cole, le club de sport, le cercle dâamis, les voyages, les associations ou les sites de rencontres.
Et lâon comprend dans le film que, mĂȘme si Virginie et Aristide sont deux opposĂ©s sur bien des plans, quâils peuvent se rejoindre sur certaines valeurs communes dâautant que la Terre est ronde. Et si A part dâun endroit opposĂ© Ă B sur la Terre, A et B peuvent nĂ©anmoins finir par se rejoindre. Sourire.
Moralement, dans la vie rĂ©elle, beaucoup de personnes, en France, et ailleurs, ne sont pas libres par rapport Ă ce que Police montre Ă ce sujet. Dâailleurs, ce rapprochement de corps ( A et B) que lâon voit dans le film entre Virginie Efira et Omar Sy reste rare dans le cinĂ©ma français encore en 2020. Et au thĂ©Ăątre comme en danse classique, câest encore pire. Pourtant, nous sommes dans le pays dont la capitale est surnommĂ©e « La Ville lumiĂšre ».
Pour parodier un vieux sketch de Philippe Noiret (oĂč il incarnait Louis XIV) face Ă Jean-Pierre Darras, Ă voir les rĂ©sistances robustes et assez artificielles devant le mĂ©tissage dans bien des rĂ©alisations culturelles françaises, on a de quoi trouver ces rĂ©sistances « Lu-gubres ! ».
EriK/ Grégory Gadebois :
Si Aristide/ Omar Sy et Virginie/ Virginie Efira dĂ©versent la folie et la lumiĂšre sur la toile du film, Erik/ GrĂ©gory Gadebois, lui, est le lugubre de lâhistoire. Mais câest un lugubre Ă la Gadebois. Câest Ă dire, un flic qui, au dĂ©part, a beaucoup contre lui. ObĂšse, hyper-rigide. Une tĂȘte de cerbĂšre plus que de complice. Autoritaire. Sans humour.
En plus, câest lâalcoolique refoulĂ© du trio. RefoulĂ© par qui et par quoi ? On ne sait pas. Mais personne ne lui volera sa femme.
Erik est aussi un homme de Devoir et droit. Comme Aristide et Virginie. Sâil devait avoir une religion, Erik serait peut-ĂȘtre protestant. On nâest pas lĂ pour rigoler.
Gadebois ne fait rien de trĂšs nouveau dans ce film. Mais un peu comme Jean-Pierre Bacri, si on aime son amertume vigilante, on aura Ă nouveau de quoi faire le plein dans Police.
Le réalisme du film
Le film est-il rĂ©aliste ? Il est quand mĂȘme bien renseignĂ© sur le quotidien des policiers. Certains commentaires et certaines anecdotes concernant les conditions de travail des policiers ne viennent pas de nul part. Et câest pareil pour leurs trucs et leurs astuces pour dĂ©compresser en rentrant du travail.
Tohirov/ Payman Maadi dâun point A Ă un Point B
Tohirov, « lâĂ©tranger » originaire du Tadjikistan que Virginie, Erik et Aristide sont chargĂ©s de transporter dâun « point A Ă un point B » est interprĂ©tĂ© par l’acteur Payman Maadi.
Lâacteur Payman Maadi rend trĂšs bien la peur de son personnage. Et si ses comportements sembleront peut-ĂȘtre « dĂ©biles » ou invraisemblables, il est sĂ»rement le personnage le plus rĂ©aliste du film Ă mon avis vu ce quâil a vĂ©cu dans son pays. La torture.
En parlant de rĂ©alisme, je profite de cette partie de lâarticle pour (re)faire la promotion de la trĂšs bonne sĂ©rie française Engrenages qui va bientĂŽt se terminer. Et dont « lâimpopularitĂ© », en France, mâa toujours Ă©tonnĂ© chaque fois que jâai parlĂ© de cette sĂ©rie policiĂšre.
Jâen profite Ă nouveau pour Ă©crire quâavant Engrenages, citĂ©e de maniĂšre lĂ©gitime comme une trĂšs bonne sĂ©rie par bien des critiques, il y avait eu la sĂ©rie Police District (2000-2003) crĂ©Ă©Ă© par Hugues Pagan, ancien flic et trĂšs bon auteur de polars. Police District est une sĂ©rie encore plus oubliĂ©e quâEngrenages, alors quâelle bĂ©nĂ©ficie, aussi, dâune bonne charge de rĂ©alisme de lâĂ©poque oĂč elle avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e. Ainsi que de bons acteurs. Dont Oliver Marchal, Francis Renaud, Rachid DjaĂŻdani, Sara MartinsâŠ.
La série Braquo, plus connue, doit beaucoup au moins à la série Police District.
Ensuite, pour conclure Ă propos du film dâAnne Fontaine, il y a bien-sĂ»r une certaine part romanesque. Optimiste. Et plaisante.
Cet article est le 200Ăšme que jâĂ©cris pour mon blog balistiqueduquotidien.com. JâespĂšre quâil vous a plu.
Franck Unimon, ce vendredi 11 septembre 2020.
Une rĂ©ponse sur « Police-un film d’Anne Fontaine »
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