Les Gens comme moi ou C’est tout une histoire
Un film, c’est au moins vingt quatre images seconde. Le temps d’écrire cette phrase, lors d’une simple vidéo, on s’est déjà enfilé bien plus que vingt quatre images par seconde.
Les films, les séries, les vidéos mais aussi les pubs que nous gobons quotidiennement nous imprègnent de toutes ces images et de toutes ces impressions.
Avec internet et, bientôt, « l’apport » de la 5 G, nous allons flirter de plus en plus souvent, de manière volontaire, imposée, mais aussi stéréotypée, avec beaucoup plus d’images et beaucoup plus d’impressions en très peu de temps. A un point qu’il est difficile de concevoir. Me dire que l’on maitrise ce genre de consommation revient un peu à me dire que l’on maitrise encore parfaitement une situation après voir bu plusieurs verres de rhum. Si les effets de l’ivresse due aux images se manifestent différemment, ils n’en sont pas moins présents. D’autant que nous sommes aujourd’hui dans une époque où il faut aller vite et en grandes quantités. Pour à peu près tout.
Faire partie du passé
Les gens comme moi font partie du passĂ©. Parce qu’ils font encore partie des « anciens mondes ». Ces mondes oĂą l’on respecte le Temps. Sans doute trop et mal, « nid-Ă©a-li-sons » pas trop, non plus. IL y a aussi du bon dans notre monde actuel. Si j’insiste autant sur Ces mondes oĂą l’on essaie, comme on peut, de composer avec le Temps, c’est parce-que, pour moi, il existe d’autres Temps que celui des montres, de l’économie et de l’informatique.
Il y a aussi le Temps des contes. De la folie. Des âges, des époques, des langues, des rythmes, des corps et des mémoires différentes. Ce Temps-là , n’est pas toujours admis dans notre monde d’aujourd’hui. Sauf si ce Temps sert un projet viable. S’il parvient à devenir un produit. Un produit que l’on pourra « proposer » au plus grand nombre. Rapidement. Pour répondre à un « besoin ». Pour faire carrière. Pour placer son nom dans l’Histoire.
MĂŞme si cette Histoire doit ĂŞtre courte.
Le temps d’écrire et de lire ces quelques phrases de mon article, on en a déja bouffé des images vidéos de toutes sortes. Toutefois, je ne vais pas essayer de rivaliser, au travers de mes articles, avec l’afflux gigantesque de vidéos, d’images, mais aussi de flots de mots et de pensées qui circulent constamment, dans nos têtes, autour de nous ou devant nos yeux et nos écrans. D’abord, c’est inhumain et impossible. Ensuite, je suis fatigué. Et puis, je fais aussi partie des insectes cinéphiles.
Contracter mes articles
Par contre, je vais contracter mes articles. Cela devrait soulager beaucoup de personnes. Ce sera l’équivalent de mon « Birth of the cool » de Miles Davis. Lorsque celui-ci, face au Be-Bop, avait opté pour ralentir le tempo de sa musique. Par la suite, Miles avait pu faire des titres très longs (jusqu’à trente minutes) sans aucune parole bien-sûr. Donc, tout ce qu’il faut, pour qu’aujourd’hui, face à la même expérience, un maximum de personnes se cognent la tête contre les murs et voient cette aventure comme la plus sadique des tortures. Imaginez : A notre époque actuelle du zapping, du ghosting, des muqueuses de la 5 G toutes proches et toutes lubrifiées, de l’hyper-connecté, proposer à la majorité d’entre nous d’écouter un morceau de musique de vingt à trente minutes. Sans bandes annonces au préalable. En Version originale. Sans débat. Sans pub. Sans pop-corn. Sans coca-cola. Sans bla-bla. Sans paroles. En se taisant. Avec rien d’autre que soi dans la bouche.
Je crois que ce serait l’horreur pour beaucoup. Il y a vingt à trente ans, déjà , c’était sûrement comme ça. Alors, aujourd’hui…..
Nous sommes dans le monde des vignettes et des capsules. Faire court. Efficace. Direct dans le lard. Dans le cœur. Dans le pénis. Le vagin. Le clitoris. C’est ça qui est bon ! ça, c’ est cool ! T’as vu ?! Comme sur un ring de boxe ou dans un cercle de MMA. Pas de place ni de temps mort pour les baltringues. Tu t’es cru, où ?! Nous, on veut des K.O ! Bien fait pour ta gueule ! Faire des yeux de biche à quelqu’un, cela peut-être joli et tendre. Un pied de biche, aussi. Mais, défoncer la gueule de quelqu’un, ses rotules à coups de pieds de biche, c’est « mieux » ! ça fait plus de bien que la poésie ! Même en costume cravate, en robe à paillettes, avec des vêtements de marques et un carnet d’adresses select, On est des poètes, oui. De la panique et des kicks. On n’est pas là pour te tailler une bavette.
Avec de tels espoirs et de tels projets parmi nos modèles dominants, il n’y a donc rien d’ étonnant à ce que dans certaines manifestations, il y ait des débordements, de la casse mais aussi des bavures, des flash-balls, du LBD et des éborgnements. Notre monde et notre époque ne vantent pas les vertus de la lenteur et du cérémonial du thé. Ou, alors, seulement, pour l’apparence, l’exotisme, faire du scoutisme ou lors d’un contrat à signer. Par intérêt. Ou par décret. C’est tout.
Insecte cinéphile
Mais je ne peux pas dire du mal des images de toutes sortes comme de toutes espèces. Je fais partie des insectes cinéphiles. Avant que le grand insecticide tout puissant ne me neutralise et ne me convertisse en glucide, je m’en vais poursuivre.
Aimer les images ou aimer quelqu’un, ne signifie pas qu’il faille tout lui passer. Ou qu’il faille tout accepter de lui. Et prendre tout ce qui vient de lui- ou d’elle- comme la vérité absolue et définitive.
C’est vrai pour les images que l’on regarde et voit. Comme de ce que l’on lit et entend.
Il faut savoir faire le tri. Mais c’est très difficile, et ce sera de plus en plus difficile, que d’apprendre à faire le tri. Dans la nature, en certains temps reculés, par certains côtés, c’était peut-être plus « facile ». Mais, en raison, là aussi, de certains dangers, et aussi en vue de dénicher ou de nous rapprocher de certaines opportunités, nous avons oublié ou nous n’avons pas appris ce que c’était.
Biais cognitifs
Dans son livre Petit guide de contre-manipulation (comprendre, dĂ©celer et contrer les manipulateurs) Christophe Caupenne, « ancien chef du pĂ´le nĂ©gociation du RAID pendant onze ans, après 25 ans passĂ©s dans la police » parle, page 107, des biais cognitifs. Vous n’avez vu aucune vidĂ©o sur ce sujet ? Et, aucun algorithme ne vous en a proposĂ© ?! Alors, cette petite rasade de mon article- grâce Ă l’ouvrage de Caupenne– vous est spĂ©cialement dĂ©diĂ©e :
« (….) ils ( les biais cognitifs) affectent de multiples domaines comme la perception, l’évaluation d’une situation, les relations sociales, la prise de décision, les logiques de causalité, le jugement ou la compréhension statistique. Ces biais cognitifs ne sont généralement pas conscients et constituent parfois des travers de l’expertise ou de la logique. Certains d’entre eux sont, en revanche, particulièrement manipulatoires pour qui sait s’en servir ».
Puis, Caupenne parle de plusieurs biais cognitifs. Le premier qu’il aborde est L’effet de primauté (Short term-store effect) :
« On n’a pas deux fois l’occasion de faire une bonne impression ».
Après cette citation, Caupenne continue par la phrase suivante :
« Difficile de changer d’avis quand on s’est fait une première impression d’une situation ou d’une personne ! Une perception sélective des informations s’opère alors afin de privilégier celles qui vont dans le sens de l’impression de départ ».
L’engagement :
Ailleurs, j’avais entendu parler (c’est moi, Franck, qui reprends la « parole » dans cet article) de la notion d’engagement.
Une fois que l’on s’est engagé moralement et corporellement dans une certaine action ou décision, c’est plus difficile de se rétracter. Pour moi, Caupenne parle aussi de ça dans ce chapitre. Lorsque l’on s’engage, c’est plus difficile de se rétracter. Car, s’engager, c’est s’avancer physiquement, donc, dans le temps, dans l’espace et dans la géographie du monde. Mais, c’est aussi s’avancer, se découvrir, s’exposer, se présenter, aussi socialement. Face au monde. Parfois sans protections. Ou avec ce sentiment d’être sans protection. Et, donc, d’être à la merci d’un ennemi potentiel, visible ou invisible, repérable ou non.
Faire le contraire, s’engager puis se rétracter en permanence, c’est passer son temps à faire du surplace. Il y a de ça dans la peur, dans l’anxiété et dans la phobie.
Cependant, s’engager puis se rétracter, c’est aussi se contredire et risquer de perdre du crédit. Mais, c’est donc, aussi, à un moment ou à un autre, si cette tendance est trop lourde et prononcée, régresser. Voire, cela correspond aussi à choisir de mourir là où l’on est. Tel que l’on est. Avec celles et ceux qui nous entourent et font le choix de rester avec nous ou près de nous.
Dans cette action de s’engager, il y a en fait résumée une grande partie de l’Histoire de l’Humanité comme de la plupart de nos décisions.
S’engager, c’est accepter les consĂ©quences, bonnes ou mauvaises, de nos actions et de nos dĂ©cisions. Donc, devoir ou savoir accepter, après s’être engagĂ©, que l’on s’est trompĂ© – si l’on s’est trompĂ©– de direction ou de choix peut ĂŞtre difficile. Car il faudra faire son deuil. Car il faudra changer de comportement. Repartir vers un inconnu auquel il faudra apprendre Ă s’adapter. Alors que tout ce que l’on voulait, c’était s’établir. Se poser une bonne fois pour toutes. Et, ĂŞtre tranquille. Sans dĂ©ranger. Et sans ĂŞtre dĂ©rangĂ©.
Accepter que l’on s’est trompé de direction sur la route et que l’on a fait cinq ou kilomètres de trop est assez facile à accepter si l’on est confortablement installé dans sa voiture ou sur sa moto. Et que tout va bien. Cela est plus difficile à accepter si l’on est à pied dans un endroit inconnu, qu’il commence à pleuvoir, et que l’on a faim et soif depuis trois heures et rien à manger.
Les idéalistes
Les gens comme moi, existent. Ce sont des idéalistes. Mais c’est une autre histoire. Celle où, hier soir, j’ai à nouveau eu envie de me faire vacciner contre le Covid. Je ne sais pas encore pourquoi. Malgré mes réticences. Malgré ce que j’ai lu de défavorable contre les effets indésirables des vaccins anti-Covid actuels.
L’effet de mes doutes, peut-ĂŞtre, routes possibles vers l’ailleurs ? C’est beaucoup plus simple pour celles et ceux qui ont des certitudes. Pour ou contre ces vaccins que l’on nous propose contre le Covid actuellement.
Mon besoin d’ailleurs ? Un besoin qui dépasse mes pulsions- encouragées- de consommateur attardé et lambda. Car il n’y a rien d’évolué dans le comportement du consommateur lambda. Même ultra-connecté et renseigné sur « ce » qu’il achète. Car, souvent, et assez vite, il achète de l’oubli ou l’oubli de lui-même. Qu’il soit seul en consommant ou accompagné. Car consommer aide à oublier le Temps. Cela peut être si difficile de composer avec le Temps. Lui, si vorace de notre mortalité et de nos vulnérabilités.
Je le rappelle : jusqu’au 12 juillet de cette année (il y a trois semaines) je regardais les vaccins actuels contre le Covid de très loin. Un peu comme des fusées ou des satellites en orbite autour de la terre qui nous retransmettent certaines images du monde :
Les Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Johnson & Johnson pour les appeler par leurs noms de fusées, de laboratoires ou de joueurs de foot. Je n’avais pas le projet d’entrer dans ce match, dans ces fusées et ces navettes. De me faire vacciner. Et encore moins de me faire encore un peu plus encoder que je ne le suis déjà . En surfant instamment sur internet. En utilisant ma carte bancaire, mon pass navigo et mon téléphone portable. Comme tout le monde.
Je préférais attendre. Car, ce que j’entendais à propos des effets secondaires des voyages dans ces navettes (les vaccins) m’incitait à la prudence. Et, je me sentais très bien sur terre avec mes gestes barrières tels que le port du masque, le lavage des mains. J’avais survécu à l’enfer de l’année dernière.
En plus, j’avais ajouté- intégré- un troisième geste barrière devenu si courant que je l’ai oublié. Depuis quatre mois ou plus, j’effectue la plus grande partie de mes trajets jusqu’à mon travail à vélo. C’est un sacré geste barrière et d’immunité, le déplacement à vélo. D’une part, je suis dehors et je roule exceptionnellement –jamais- au sein d’un peloton d’un millier de personnes contre lesquelles je me frotte, épaule contre épaule. D’autre part, j’effectue une activité physique régulière, gratifiante et stimulante pour mon organisme et mon état mental.
Immuno-déprimés
Pour cette pandémie du Covid, on sait nous parler du risque élevé de contagiosité et de conséquences graves voire mortelles du Covid. Sort désormais réservé- presque l’équivalent d’une damnation- principalement à celles et à tous ceux qui ne sont pas et ne seraient pas vaccinés.
Par contre, on ne nous dit rien, une nouvelle fois, sur l’état de santé psycho-social de la personne qui contracte le Covid. On ne nous dit jamais si la personne qui a contracté le Covid était immuno déprimée. Cela ne compte pas. Comme, lorsqu’une personne se tue à moto ou au volant de sa voiture, on saura nous parler du nombre de tués et d’accidentés, de la vitesse à laquelle celles et ceux-ci roulaient. De la quantité d’alcool qu’ils avaient dans le sang. Bien-sûr, tout cela est plus qu’important. Car cela influe sur nos comportements, sur nos capacités physiques, physiologiques et cognitives comme sur nos perceptions du risque et du danger.
Par contre, on nous parlera peu ou jamais de l’état de fatigue physique. Et, encore moins, de la santé morale des personnes au volant ou au guidon de leur deux roues au moment de l’accident. Si elles étaient déprimées ou suicidaires. Ça ne compte pas. On constatera que ces personnes se sont écrasées. Qu’elles ont tué telle personne. Qu’elles avaient tant de telle substance dans l’organisme. Ces informations comptent bien-sûr.
Par contre, dans notre monde hyper-connecté où l’on tient beaucoup aux informations « réelles » et de première main. Où beaucoup de gens cherchent souvent reconnaissance, complaisance et réconfort en multipliant les doubles clics, savoir si ces personnes qui se sont tuées ou blessées au volant ou sur leur deux roues, étaient déprimées ou suicidaires, ce type d’information est une autre histoire. Une histoire anecdotique. C’est une autre histoire que des gens comme moi croient aussi importantes que le reste. Une autre histoire que j’essaie aussi d’apprendre et de connaître. Même si je sais que je suis has been. De plus en plus has been.
Franck Unimon, ce vendredi 6 aout 2021.