Les Veuves réalisé par Steve McQueen. Film sorti en salles le 28 novembre 2018.
 Visages dâun sĂ©pulcre creux, quatre femmes sont lâatoll de ce film carrĂ©. Deux autres sont cachĂ©es.
Comme lors de tout rythme initiatique, les héroïnes commencent par dérouiller.
Nous les voyons encaisser la mort. Elles se font Ă©jecter de leur zone de confort.
La « zone de confort », dans un monde Ă©tabli selon les process de rĂ©ussite du rĂšgne masculin, blanc, libĂ©ral et occidental varie dâune femme Ă lâautre.
Au tout dĂ©but du film, Veronica Rawlings ( lâactrice Viola Davis) est la Reine noire qui supprime, de par sa seule prĂ©sence dans le lit et dans la vie de son mari blanc ( jouĂ© par Liam Neeson), plusieurs gĂ©nĂ©rations de racisme social, mĂ©diatique et cinĂ©matographique. Câest une femme dâavenir, Ă©duquĂ©e, Ă©mancipĂ©e et plutĂŽt bourgeoise.
Le personnage interprĂ©tĂ© par Michelle Rodriguez est une commerçante indĂ©pendante, mĂšre de famille et Ă©pouse robuste dâun braqueur addict et flageolant. Câest elle qui tient la boutique.
Alice Gunner (lâactrice Elizabeth Debicki) est la grande blonde, mannequin dâargile dâorigine polonaise, si peu sĂ»re de sa valeur quâelle garde les coups de son compagnon et quâelle dĂ©pend de lâescorte de sa mĂšre qui voit en son corps son meilleur capital.
Et puis, il yâa lâoutsider, Belle (lâactrice Cynthia Erivo), physique de boxeuse, mĂšre cĂ©libataire, coiffeuse, baby-sitter au domicile des autres plus que chez elle, qui ne compte pas ses heures de travail pour sâen sortir.
Une Latinos, une Slave ( se rappeler que le mot « esclave » vient du mot  » slave »), deux Afro-amĂ©ricaines, Steve MacQueen a formĂ© son quartĂ© fĂ©minin avant le saut dâobstacles :
InfidĂ©litĂ©, double infidĂ©litĂ©, ambition politique et sociale (l)acĂ©rĂ©e, hĂ©ritage paternel, Les Veuves est peut-ĂȘtre un film de deuil sur les annĂ©es Obama. La prĂ©sidence Obama a peu modifiĂ© la trajectoire des inĂ©galitĂ©s et des violences entre les femmes et les hommes, entre les noirs et les blancs, entre les flics blancs armĂ©s, adultes, et les jeunes noirs interdits dâinsouciance. Mais aussi entre noirs. Lâennemi est partout. Aux sentiments, mieux vaut prĂ©fĂ©rer les alliances par intĂ©rĂȘt commun tarifĂ©. Ce sont les meilleures assurances.
Pendant ce temps-lĂ , dans cette ville des Etats-Unis oĂč se passe lâhistoire, les armes restent en vente libre et une mĂšre peut enseigner Ă sa fille quâune arme est un meilleur compagnon quâune peluche ou un copain.
Bound, des ex-frĂšres Wachowski, Fresh, de Boaz Yakin, McQueen sâest probablement passĂ© de la vision de ces deux films pour donner Ă ses hĂ©roĂŻnes le pouvoir de se servir de leurs « faiblesses » pour se tailler la part du lion dans le film.
De leur cĂŽtĂ©, les hommes servent les fantĂŽmes dâun passĂ© redoublĂ© ou traumatique. Colin Firth, homme politique par transmission et par vĂ©nalitĂ©, est asservi aux postulats passĂ©istes et racistes du pĂšre (lâacteur Robert Duvall).
Harry Rawlings (Liam Neeson), le braqueur de haute précision, a une tùche sur son CV personnel.
Les deux frĂšres Manning (lâacteur Bryan Tyree Henry et Daniel Kaluuya Ă nouveau remarquable aprĂšs Get Out et le premier Sicario) en ont assez du ghetto et veulent en ĂȘtre.
On peut trouver ce film de McQueen plus « mainstream » que les prĂ©cĂ©dents. Son fond est pourtant plusieurs fois aussi lourd quâun sac de frappe que lâon reçoit de face.
Plusieurs scÚnes sont virtuoses. Citons-en quelques unes :
Une séance de coaching conjugo-politique avec Colin Firth et sa femme en hors champ.
Une dispute/réconciliation entre Viola Davis et Elizabeth Debicki.
Michelle Rodriguez et un autre veuf.
Le personnage de Daniel Kaluuya donne son avis sur lâArt et le Rap.
Quand un politicien noir en campagne rend visite Ă une veuve noire.
Un prĂȘche sur la nĂ©cessitĂ© de faire entrer lâAmour dans lâĂ©quation.
Comment ne pas aimer ce film ?
Franck Unimon, ce lundi 17 décembre 2018.