Lille-Jour 1
« Vous avez Google Maps sur votre téléphone ? ».
J’aimerais un jour retourner au Japon. Un collègue m’a ramené ce thé vert du Japon récemment.
Nous sommes arrivés à Lille depuis une quinzaine de minutes et près de l’Opéra de Lille, je viens d’accoster deux jeunes en pleine croissance. C’est tout un état d’esprit que d’aborder quelqu’un dans la rue afin de lui demander un renseignement. Je le fais encore souvent. Peu importe « l’aide » que nous apportent les nouvelles technologies. Si en voiture, je me laisser volontiers téléguider par une boite vocale, piéton, je recommence à m’adresser aux inconnus que je croise. C’est peut-être une maladie qui sera un jour diagnostiquée. Car, bien-sûr, à chaque fois, au préalable, je m’improvise directeur de casting et effectue une « sélection » avant d’entrer en contact avec l’atmosphère de l’autre : Car Il s’agit d’essayer de deviner à la fois celle ou celui, ou ceux, qui seront susceptibles de se rendre disponibles. Et « compétents ».
Evidemment, en pratique, le taux de réussite du premier coup varie beaucoup. Car on « trouve » de tout. Celle ou celui qui n’est pas du coin. Celle ou celui qui est malvoyant et sourd. Celle ou celui qui vous ignore. Celle ou celui qui est du coin mais qui ne connaît pas la rue ou le lieu que vous recherchez. Ce qui est, je crois, de plus en plus fréquent à mesure que l’on se fie aux nouvelles technologies et sans doute au fait, aussi, que l’on s’enferme vite dans les mêmes itinéraires. Nos déplacements sont aussi nos tours d’ivoire. Et, peu à peu, nous regardons peu ou de moins en moins ce qui nous entoure. Finalement. Ne serait-ce que dans un magasin et dans bon nombre d’autres espaces que nous empruntons (les gares par exemple) où notre regard est souvent horizontal et paramétré par notre but à atteindre et notre obsession de « l’efficacité ». Tels des joueurs de foot ou de tennis obnubilés par le camp adverse et le fait de trouver les moyens les plus habiles pour y accéder.
Avant de m’adresser à ces deux jeunes, j’ai déjà questionné une personne et un couple. Le couple m’a répondu ne pas être de la région. Une jeune femme au profil d’étudiante portant des lunettes et un sac de soldes a fait de son mieux pour me répondre. Son manque d’assurance m’a étonné. M’indiquant un point géographique au loin, elle m’a dit que j’aurais peut-être plus de chance en allant par là . C’est en allant « par là », à une centaine de mètres, suivi de ma compagne et de notre fille, que nous sommes arrivés sur la Grande Place dont, pour l’heure, je n’ai pas encore pris le temps de retenir le nom( la place De-Gaulle). Mais je me souviens de « la Voix du Nord ». Du restaurant Alcide, je crois. De noms de magasins désormais répandus partout. Et de quelques terrasses où des personnes déjeunaient. Et d’autres commerces plus loin.
Déjà , je crois, j’ai été étonné de voir aussi facilement des agences de la Banque Postale. Mais ce n’est pas de ça dont j’ai conversé avec les deux jeunes.
Les deux jeunes devaient avoir dans la quinzaine et me dépassaient de deux bonnes têtes. Longilignes, bien éduqués, ils ont eu l’air de se demander ce qui leur arrivait lorsque je les ai sollicités. Il doit être rare qu’un adulte leur demande ce genre d’information. Ils semblaient à la fois un peu pressés mais aussi désireux de rendre service tout en étant désarmés. J’ai rajouté un peu de pression en précisant : « Surtout pas un Mac Donald ! ». Devant la tête un peu surprise d’un des deux jeunes, j’ai alors ajouté : « Vous voyez, les clichés… ».
Non, non, m’ont-ils assuré, ils n’étaient pas si pressés que ça. Et puis, un des deux a pensé à ce restaurant-pizzeria :
Les 3 Brigands di Napoli. Mais comment me dire où ça se trouvait ? Cela semblait assez loin. A une bonne dizaine de minutes. L’autre jeune m’a demandé :
« Vous n’avez pas Google Maps sur votre téléphone ? ». J’ai répondu : « Si, mais mon téléphone est éteint ». Puis, celui qui avait suggéré l’idée a localisé le restaurant sur son téléphone portable. Le restaurant se trouvait….à une minute. Mais il ne pouvait pas bien le situer. A part le fait qu’il fallait tourner à droite sur la place et qu’il se trouvait dans une « petite rue ».
J’ai ensuite demandé à deux ou trois personnes où se trouvait le restaurant Les 3 Brigands di Napoli. Une dame d’une soixantaine d’années s’est mise à rire lorsqu’elle a entendu le nom du restaurant. Comme si c’était une blague et aussi parce qu’il n’y’avait aucune chance pour qu’elle connaisse ce genre d’endroit. Un jeune couple était volontaire pour me répondre. Mais il s’est très vite découragé. Alors, j’ai continué à marcher dans la direction supposée. J’étais à la fois concerné par ma compagne et ma fille qui suivaient quelques mètres derrière moi car il était un peu plus de 13h30 et nous avions encore nos bagages. Nous marchions depuis près d’une vingtaine de minutes. D’un autre côté, et mon meilleur ami Driss pourrait en témoigner en souvenir de notre séjour en Yougoslavie en 1989, je puis par moments marcher sans que le temps pénètre mes pensées. Comme un fou.
Mais j’ai trouvé la petite rue assez vite. En moins de cinq minutes. J’ai aperçu l’enseigne dans la rue St-Etienne, je crois. L’endroit nous a tout de suite convenus.
C’Ă©tait très bien car  je voulais Ă©viter la nasse Ă touristes ainsi que le rĂ©servoir de Junk food.
Par ailleurs, nous sommes arrivés à la bonne heure car j’ai peu de mal à croire que Les 3 Brigands di Napoli marche bien question affluence.
Nous avons Ă©tĂ© très bien reçus dans un restaurant calme comportant quelques clients. Un musicien ( peut-ĂŞtre un saxophoniste) est venu dĂ©jeuner Ă cĂ´tĂ© de nous quelques plus tard. Il a dĂ©posĂ© l’étui rigide de son instrument près de lui et a souri en voyant notre fille s’amuser sous la table Ă la fin du repas.
Merci à ces deux jeunes de nous avoir conseillé cet endroit. Et merci à ma compagne et à ma fille de m’avoir suivi.
Franck Unimon, ce lundi 15 juillet 2019