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Marc Valleur nous parle du jeu pathologique

 

 

Marc Valleur nous parle du jeu pathologique

De gauche Ă  droite avec le micro, Mario Blaise, l’actuel mĂ©decin chef de Marmottan, Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan, Jan Kounen, rĂ©alisateur, Marc Batard, alpiniste et Ă©crivain lors du cinquantenaire de Marmottan Ă  la Cigale, dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Introduction

Ce samedi 14 janvier 2023, Ă  l’hĂŽpital Sainte Anne, nous sommes une petite dizaine Ă  ĂȘtre venus Ă©couter et rencontrer Marc Valleur. Marc Valleur, psychiatre retraitĂ©, est aussi celui qui Ă©tait devenu mĂ©decin chef de Marmottan, dans le 17Ăšme arrondissement de Paris, Ă  la suite de Claude Olievenstein (1933-2008) qu’il a bien connu.

 

Marmottan, situĂ© rue ArmaillĂ© entre l’avenue des Ternes et des Champs ElysĂ©es, qui compte aussi un CMP et un hĂŽpital de jour pour public adulte, Ă  cĂŽtĂ© du musĂ©e Marmottan, s’est fait connaĂźtre internationalement pour ses services de consultation et d’hospitalisation spĂ©cialisĂ©s dans le traitement des addictions.

 

Marmottan, le service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, avait Ă©tĂ© ouvert en 1971 par Claude Olievenstein (aussi surnommĂ© « Olive Â» ou « Monsieur Drogue Â») et dĂ©pendait Ă  l’origine administrativement du centre hospitalier Perray-Vaucluse ouvert en 1869 dans l’Essonne (d’abord asile puis hĂŽpital psychiatrique). Marmottan a fĂȘtĂ© son cinquantenaire  Ă  la salle de concerts la Cigale ainsi que par des portes ouvertes, des expositions et diverses manifestations lors du premier week-end de dĂ©cembre 2021.( La ferveur de Marmottan)

 

Ce matin du 14 janvier 2023, Marc Valleur est devant nous lors de ce sĂ©minaire proposĂ© un samedi par mois par Claude Orsel, Ă  l’hĂŽpital Sainte Anne, dans le 14 Ăšme arrondissement de Paris.

 

Avec Claude Olievenstein, psychiatre, Claude Orsel (nĂ© en 1937), psychiatre et psychanalyste, a Ă©tĂ© un des pionniers du traitement des toxicomanies en France en fondant l’Abbaye en 1969 Ă  St Germain des PrĂ©s.

 

Un samedi matin par mois, Ă  l’hĂŽpital Sainte Anne, dans le service du Dr Xavier Laqueille, psychiatre, Claude Orsel propose ce sĂ©minaire PsychothĂ©rapies, Psychanalyse et Addictions ( P. P. A) Transfert et Contre-Transfert.

 

L’accĂšs Ă  ce sĂ©minaire – qui se dĂ©roule de 9h30 Ă  12h30- est libre aprĂšs avoir pris  contact au prĂ©alable avec Claude Orsel.

 

S’il s’y trouve gĂ©nĂ©ralement des professionnels trĂšs expĂ©rimentĂ©s- voire retraitĂ©s- dans le traitement des addictions, dont plusieurs ont connu Claude Orsel et travaillĂ© avec lui, il arrive aussi que des patients de celui-ci y soient prĂ©sents et participent.

 

Un certain nombre des participants et des intervenants amĂšne avec lui un imposant abattage thĂ©orique, conceptuel mais aussi pratique. La moyenne d’ñge avoisine la bonne cinquantaine d’annĂ©es.

 

Mentionner la prĂ©sence de tous ces « psy Â» (psychiatres, psychothĂ©rapeutes, psychologues, psychanalystes
) pourrait donner l’impression que ces sĂ©minaires – filmĂ©s par Claude Orsel- sont des cercueils marbrĂ©s d’ennui et de thĂ©ories. Alors qu’ils sortent plutĂŽt des clous et des colonnes.

 

La psychiatrie et la sociĂ©tĂ© semblent dotĂ©es de moyens pour s’accroĂźtre en prioritĂ© comme des technologies et des pharmacies ombilicales par lesquelles et vers lesquelles nous sommes constamment entraĂźnĂ©s, faisant de nous des sidĂ©rurgies sidĂ©rĂ©es et jamais Ă  jour malgrĂ© nos libertĂ©s.

 

Un tel sĂ©minaire est une pause dans ces processus de constitution de notre cĂ©citĂ© que nous connaissons tous. D’autant plus que chaque fois que je peux y assister, j’ai l’impression de recueillir une toute petite parcelle de cette trĂšs grande Histoire et de  cette grande Culture de la pensĂ©e, du soin, de la psychiatrie, de la psychanalyse et de la SantĂ© mentale inaperçues par et pour la majoritĂ©. Ce sĂ©minaire fait partie de ces moments oĂč j’ai l’impression de me retrouver au pied de certaines immensitĂ©s de connaissances et d’expĂ©riences trop largement ignorĂ©es.

 

Des immensitĂ©s ou des personnalitĂ©s, dans diverses disciplines (pas seulement dans le domaine de la SantĂ© mentale comme lors de ce sĂ©minaire autour de Marc Valleur ) Ă  cĂŽtĂ© desquelles je suis aussi beaucoup passĂ© moi-mĂȘme, en m’en remettant beaucoup Ă  l’habitude, Ă  la facilitĂ© de mes certitudes mais aussi au hasard oĂč Ă  mon volontariat lĂ  oĂč l’on a bien voulu de moi. 

 

Alors que ces immensités nous aident ou peuvent nous aider à vivre.

 

 

Ce matin, je marque un temps d’arrĂȘt en voyant posĂ© sur la table, devant Claude Orsel, l’ouvrage La lionne du barreau de Clarisse Serre (aux Ă©ditions Sonatine) accompagnĂ© de cette accroche sur la page de couverture :

 

« Je suis une femme, je fais du pĂ©nal, j’exerce dans le 9-3, et alors? ».

 

Fin dĂ©cembre, dans la librairie de ma ville, aprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© mes livres, j’étais tombĂ© sur cet ouvrage dans les rayons. Je l’avais un peu feuilletĂ©, tentĂ© de le prendre avant de me dĂ©cider finalement Ă  diffĂ©rer son acquisition


 

AmusĂ© par mon intĂ©rĂȘt soudain pour ce livre, ce samedi matin, Claude Orsel, m’a lancĂ© :

 

« Vous pouvez le prendre si vous le voulez. Je ne sais pas combien je l’ai acheté  Â».

 

J’ai optĂ© pour partir m’asseoir en laissant le livre Ă  sa place et Ă  son propriĂ©taire.

 

Marc Valleur prend la parole

 

Marc Valleur est arrivĂ© Ă  Marmottan en 1974. Au dĂ©part, il s’occupait spĂ©cifiquement des toxicomanes :

Héroïne, Cocaïne, Crack.

 

En 1974, l’Abbaye et Marmottan Ă©taient les services pilotes pour s’occuper des toxicomanes.

 

En 1981, il a commencé à parler de conduite ordalique. AprÚs la mort de plusieurs patients par overdose qui ont beaucoup éprouvé les soignants, Marc Valleur a commencé à penser à la notion de conduite ordalique.

Dans la conduite ordalique, il y a une perception positive et subjective de la conduite Ă  risque : Le risque et le danger Ă©taient attirants.

Les toxicomanes prenaient des produits car c’était dangereux.

 

Marc Valleur cite l’ouvrage Sorcellerie et ordalies  (paru en 1974) d’Anne Retel-Laurentin (mĂ©decin et ethnologue dĂ©cĂ©dĂ©e) pour parler des Ă©preuves par le poison.

 

 

Marc Valleur :

 

« Dans le jeu de l’argent, on ne s’injecte pas le produit mais le joueur est reprĂ©sentĂ© par son enjeu Â».

 

Marc Valleur cite Le Joueur et Les FrĂšres Karamazov de DostoĂŻevski ainsi que l’ouvrage Figures du crime chez DostoĂŻevski  (paru en 1990) de Vladimir Marinov (psychologue et psychanalyste).

En 1991-1992, le jeu est alors peu abordé en psychanalyse.

 

En 1997, Marc Valleur Ă©crit un Que sais-je ? sur le jeu. AprĂšs la parution de ce livre, des joueurs ont commencĂ© Ă  demander Ă  consulter Ă  Marmottan. Des joueurs ont pu dire :

« Le crack, j’arrĂȘte quand je veux. Moi, c’est le jeu que je n’arrive pas Ă  arrĂȘter Â».

 

Cette nouvelle attention portĂ©e aux joueurs pathologiques a d’abord suscitĂ© du scepticisme au sein des Pouvoirs publics. Un scepticisme partagĂ© au sein de Marmottan lorsque les soignants ont appris qu’ils allaient ĂȘtre amenĂ©s Ă  s’occuper aussi de joueurs pathologiques.

 

Marc Valleur relate qu’un soignant du service d’hospitalisation de Marmottan avait d’abord Ă©clatĂ© de rire lorsqu’il lui avait annoncĂ© la venue d’un patient joueur pathologique. Le soignant avait cru que c’était une blague.

 

Marc Valleur explique : « Le toxicomane faisait peur. Cela donnait un cĂŽtĂ© sulfureux Ă  Marmottan. Le joueur, ça faisait rire Â».

 

Marc Valleur ajoute qu’il existait aussi des images prĂ©conçues du toxicomane et du joueur.

 

Le toxicomane Ă©tait vu comme quelqu’un « de gauche (politiquement), maigre et qui s’opposait au systĂšme Â». Alors que le joueur, lui, Ă©tait vu comme quelqu’un « de droite (politiquement), gros, bourgeois et portant de grosses bagues
 Â».

 

Et, puis, trĂšs vite, les soignants du service d’hospitalisation de Marmottan se sont aperçus que c’était plus dur avec les joueurs qu’avec les toxicomanes.

 

En 2006, les Pouvoirs publics montrent leurs premiers signes d’intĂ©rĂȘt pour les joueurs pathologiques.

 

En 2008, une Ă©tude de l’INSERM parle du jeu pathologique.

 

A partir de 2006-2008, le regard sur les joueurs a commencé à changer.

 

2010 marque le dĂ©but de la libĂ©ralisation des jeux en ligne. A partir de lĂ , les joueurs addict commencent Ă  vĂ©ritablement ĂȘtre pris en considĂ©ration.

 

« Le joueur tente Dieu en lui posant des questions Â» selon une perception thĂ©ologique du jeu.

 

En 2010, le poker et les paris en ligne se dĂ©veloppent. Mais, contrairement aux prĂ©visions (sauf pendant le confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid ) le poker en ligne s’est peu dĂ©veloppĂ©. Ce sont plutĂŽt les paris sportifs qui ont connu un grand essor sur internet.

 

Robert Ladouceur (nĂ© en 1945), psychologue, auteur et chercheur quĂ©becois, spĂ©cialisĂ© dans les jeux d’argent et de hasard, souligne les problĂšmes de croyance chez les joueurs. (croyances et cognitions erronĂ©es des joueurs)

« Il faut que je rejoue pour que je me refasse Â». Les joueurs croient avoir la prĂ©science.

Il existe une illusion de contrîle chez les joueurs alors que le hasard l’emporte souvent.

 

Marc Valleur cite un article psychanalytique datant de 1914 intitulĂ© Le plaisir de la peur et l’érotisme anal. Marc Valleur dit que cet article « n’est pas gĂ©nial Â» mais qu’il est une premiĂšre tentative de comprendre le jeu.

 

Selon la vision freudienne, en 1928, la chance et la malchance peuvent représenter les puissances parentales.

 

DostoĂŻevski, lui-mĂȘme, a Ă©tĂ© un joueur pathologique. Il est donc trĂšs pointu pour parler du jeu.

 

En 1945, Fenichel (psychiatre et psychanalyste autrichien décédé en 1946) parle des addictions sans substances.

 

En 1954, Skinner (psychologue et penseur amĂ©ricain dĂ©cĂ©dĂ© en 1990) Ă©crit un article sur les machines Ă  sous qu’il dĂ©crit comme « le meilleur conditionnement pour faire payer les gens Â».

 

Erving Goffman (sociologue et linguiste amĂ©ricain d’origine canadienne, 1922-1982) a Ă©crit sur le jeu.

Le joueur s’imagine qu’il va influer sur le destin.

On aime jouer car on se retrouve dans un monde magique et dans un espace qui n’est pas la vie quotidienne. Le jeu est quelque chose de trĂšs sĂ©rieux.

 

Le contraire du jeu, c’est la rĂ©alitĂ© quotidienne.

Les croyances erronĂ©es font partie de l’intĂ©rĂȘt du jeu.

Marc Valleur cite l’ouvrage En passant par hasard Ă©crit en 1999 par Gilles PagĂšs (mathĂ©maticien) et Claude Bouzitat.

Les gens jouent « pour le vertige du risque Â». Les joueurs non pathologiques arrivent Ă  faire en sorte que le jeu n’ait pas d’incidence sur leur vie.

 

R, un des patients de Claude Orsel, assis Ă  droite de Marc Valleur, se prĂ©sente comme « joueur depuis 35 ans Â». R
parle de sa frustration, de son Ă©chec. Et de son amertume. Il parle de ses expĂ©riences prĂ©coces du jeu qu’il a faites trĂšs tĂŽt.

 

R : «  On essaie de se convaincre qu’on est bon Ă  quelque chose Â». R dit que sa premiĂšre addiction a Ă©tĂ© une addiction aux Ă©crans Ă  l’ñge de 8 ans.

Marc Valleur commente :

« La tĂ©lĂ©vision est la grande addiction mondiale
mais personne n’en parle Â». « Il y a une seule personne en 50 ans qui est venue Ă  Marmottan pour une addiction Ă  la tĂ©lĂ©vision.. Â».

 

Pour soigner une addiction, Marc Valleur insiste sur :

 

Une approche multimodale (sociale, familiale et autre
)

La qualitĂ© de l’accueil (« Ce qui se passe au premier entretien est dĂ©terminant Â» ; « Une thĂ©rapie, c’est l’exĂ©gĂšse de ce qui s’est dit au premier entretien Â»)

La qualité de la relation

Marc Valleur poursuit :

« Le but de l’Abbaye et de Marmottan, c’était de crĂ©er
de recevoir les personnes sans conception canonique du traitement et du soin
De recevoir la personne et, Ă  partir de lĂ , aprĂšs l’avoir Ă©coutĂ©e, de voir ce que l’on peut faire Â».

 

Marc Valleur nous recommande particuliÚrement de lire The Great Psychotherapy Debate écrit par Wampold et Imel (paru en 2015).

Marc Valeur prĂ©cise que toutes les mĂ©thodes thĂ©rapeutiques « marchent Â» et ont de trĂšs bons rĂ©sultats. Et qu’il n’existe pas une mĂ©thode thĂ©rapeutique meilleure qu’une autre.

(Je m’abstiens de dire que l’on peut sĂ»rement transposer cela dans beaucoup de disciplines comme dans les mĂ©thodes de combats et les Arts Martiaux : la personnalitĂ© du combattant importe plus que les techniques de combats ou les Arts martiaux qu’il a « appris Â» ou pratique. La personnalitĂ© du Maitre ou du professeur importe plus que les techniques ou les Arts martiaux qu’il enseigne
).

 

Marc Valleur souligne qu’il est des mauvais thĂ©rapeutes qui, pourtant, sont « trĂšs compĂ©tents Â» en termes de formation et de connaissances.

 

Marc Valleur me confirme que, plus que les thĂ©rapies, le plus important, c’est la rencontre. La qualitĂ© de l’accueil. La qualitĂ© de la relation thĂ©rapeutique.

 

Marc Valleur parle aussi de ces patients qui en savent beaucoup plus sur l’objet de leur addiction que le thĂ©rapeute lui-mĂȘme. Il cite l’exemple d’un patient addict aux jeux vidĂ©os qui ne sortait plus de chez lui et qui refusait de rencontrer psychiatre ou psychologue. Marc Valleur a demandĂ© aux parents de ce patient de lui dire qu’il n’y connaissait rien en jeux vidĂ©os et qu’il aimerait bien qu’il vienne lui expliquer ce que c’est. (Marc Valleur confirme qu’il avait un rĂ©el intĂ©rĂȘt pour ce que pouvaient lui dire ses patients). Le patient Ă©tait venu rencontrer Marc Valleur et lui avait en quelque sorte fait  cours.

Marc Valleur me confirme que le dogmatisme (thĂ©rapeutique) va souvent de pair avec l’excĂšs de thĂ©orie thĂ©rapeutique.

(A ce moment du séminaire, comme à son habitude, Claude Orsel fait passer un paquet de chouquettes achetées à la boulangerie)

Marc Valleur me confirme l’importance de l’engagement du corps du thĂ©rapeute dans sa rencontre avec le patient. Il se remĂ©more qu’un patient lui avait dit s’ĂȘtre attachĂ© Ă  lui lors du premier entretien car, Ă  un moment donnĂ©, il (Marc Valleur) lui avait touchĂ© le genou.

R, patient de Claude Orsel, dit :

« Le jeu n’est pas un amusement. C’est un exutoire Â» ; « Entre joueurs, on s’intoxique. C’est aussi ce qui nous fait rester dans le jeu Â» ; « Si, lui, il joue aussi, ça veut dire que je ne suis pas fou Â».

(Plus tĂŽt, R
nous a aussi dit avoir consultĂ© un addictologue pendant dix ans avant que celui-ci ne lui parle de Claude Orsel qu’il voit maintenant depuis 2013 ou 2014. Selon R, l’addictologue, pourtant plutĂŽt rĂ©putĂ©, ne l’écoutait pas. En Ă©coutant R parler en termes Ă©logieux de Claude Orsel, j’ai eu l’impression que celui-ci trouvait Claude Orsel « plus puissant Â» en tant que thĂ©rapeute, que son thĂ©rapeute prĂ©cĂ©dent).

 

Marc Valleur rĂ©pond Ă  Claude Orsel qu’il existe diffĂ©rents profils dans la biographie des toxicomanes.

 

Marc Valleur cite Michel Foucault ( Philosophe français, 1926-1984) :

« Le but de la transgression, c’est de glorifier ce qu’elle paraĂźt exclure Â». ( Dits et Ă©crits de Michel Foucault, de 1954 Ă  1988, deux tomes de plus de 1700 pages chacun ).

Marc Valleur rĂ©pond que chez les consommateurs de crack, souvent, la protection maternelle s’est arrĂȘtĂ©e trĂšs tĂŽt (viols dans l’enfance, traumas rĂ©pĂ©tĂ©s
).

R..dit : « La probabilitĂ©, c’est la vĂ©ritĂ© Â». « La probabilitĂ© ne ment pas Â».

Le livre Dans le jardin de l’ogre (citĂ© par qui ?) de LeĂŻla Slimani est mentionnĂ© pour Ă©voquer l’addiction sexuelle fĂ©minine.

 

Conclusions

Avec le micro, Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan Ă  droite, Jan Kounen, rĂ©alisateur. Lors du cinquantenaire de Marmottan Ă  la Cigale. Photo©Franck.Unimon

 

Je demande Ă  Marc Valleur et Claude Orsel comment  ils font pour ne pas se dĂ©courager face Ă  des patients dont les addictions sont longues Ă  soigner. Mais aussi pour vivre dans un monde comme le nĂŽtre oĂč une « guerre Â» quotidienne nous est faite afin de nous rendre addict.

Marc Valleur rĂ©pond que, bien que retraitĂ©, il a encore des contacts par mail avec d’anciens patients qui lui donnent de leurs nouvelles et qui vont mieux. Lors de son intervention, Marc Valleur nous a aussi parlĂ© d’anciens patients qui ont trĂšs bien rĂ©ussi leur vie par la suite y compris mieux que lui-mĂȘme a-t’il ajoutĂ© dans un sourire. Et, tout en gardant le sourire, Marc Valleur a convenu qu’en effet, tout est fait dans notre sociĂ©tĂ© pour que l’on soit « accrochĂ© Â» et que cela est assez dĂ©sespĂ©rant. Il a ainsi citĂ© les producteurs d’alcool qui, malgrĂ© leurs discours empathiques, prospĂšrent grĂące Ă  toutes les personnes dĂ©pendantes qui consomment leurs produits.

 

(Un peu plus tĂŽt, R
avait fait rĂ©fĂ©rence Ă  ces joueurs de PMU, un lieu qu’il connaĂźt et dont il observe les usagers Ă  l’écouter, qui, dĂšs qu’ils gagnent un ou deux euros au jeu le rejouent alors qu’ils vivent dĂ©ja dans des conditions trĂšs prĂ©caires).

 

Claude Orsel, rĂ©pond en souriant, qu’il a envie de « connaĂźtre la suite Â». A l’entendre, lui comme Marc Valleur, cela semble trĂšs simple de s’occuper de personnes addict. Au point que je me demande pour quelle raison seule une minoritĂ© de personnes, Ă  laquelle je n’appartiens pas, parvient comme eux Ă  s’occuper de personnes addict sur du long terme :

Le travail qui peut ĂȘtre effectuĂ© dans un service de psychiatrie institutionnelle lambda- mĂȘme si cela peut aussi ĂȘtre sur du trĂšs long terme- est trĂšs diffĂ©rent de celui que j’ai pu voir pratiquĂ© Ă  Marmottan lors des quelques remplacements ( une quinzaine) que j’ai pu y faire. La distance relationnelle entre le patient/client et le soignant, par exemple, est trĂšs diffĂ©rente. Si, en psychiatrie adulte, la psychose des patients peut effrayer certains, l’absence de psychose, comme c’est souvent le « cas Â» Ă  Marmottan peut dĂ©stabiliser, enrayer certaines frontiĂšres et les rendre assez floues entre le patient/client et le soignant. Pour ne parler que de ça. Alors, si, en plus, dans le domaine de l’addiction, le patient/client en sait plus que le soignant, il peut y avoir de quoi ĂȘtre troublĂ©.

 

Claude Orsel m’apprend qu’il est possible que Patrick Declerck (philosophe, ethnologue, psychanalyste et Ă©crivain nĂ© en 1953) intervienne Ă  nouveau lors d’un prochain sĂ©minaire. Claude Orsel m’apprend aussi qu’il n’y a eu aucun article dans la presse Ă©crit sur le dernier ouvrage de Patrick Declerck, paru en 2022, Sniper en Arizona, dans lequel, celui-ci raconte sa formation de sniper aux Etats-Unis.

 

R, qui ne demandait qu’à parler, qui a beaucoup Ă  dire, entre-autres sur le poker, et qui a plusieurs fois pris la parole de façon assez intempestive au cours de l’intervention de Marc Valleur, m’a d’abord agacĂ© comme d’autres personnes assistant Ă  ce sĂ©minaire. Il fallait entendre R, arrivĂ© avec un peu de retard, dire ensuite Ă  Marc Valleur, Ă  un moment donnĂ©, avec une certaine autoritĂ© :

« Ce que vous avez oubliĂ© de dire
 Â».

Devant l’attitude rĂ©pĂ©tĂ©e de R, j’ai d’abord regardĂ© ces vieux briscards que sont Marc Valleur et Claude Orsel qui n’en n’étaient pas une interruption prĂšs. Lesquels ont poliment invitĂ© R,  Ă  tour de rĂŽle, Ă  attendre que Marc Valleur ait fini de s’exprimer. Ce qui n’a pas empĂȘchĂ© R de recommencer.

Ensuite, j’ai compris que R Ă©tait celui qui Ă©tait annoncĂ© par Claude Orsel comme le joueur venant nous faire part de son expĂ©rience. Et que R rĂ©agissait car Marc Valleur parlait de sa vie.

Puis, j’ai saisi que R Ă©tait porteur de connaissances dont j’étais dĂ©pourvu.

 

 Ce samedi, alors que Marc Valleur est dĂ©jĂ  parti aprĂšs nous avoir saluĂ© en nous disant que c’était « bien Â», je suis plus disposĂ© pour Ă©couter R qui, en plus, avait « contre lui Â», en prime abord, le fait de me rappeler un ancien collĂšgue qui a pu avoir tendance Ă  une Ă©poque Ă  me sortir par les yeux. Au travers de R, sans doute ai-je mieux perçu ce samedi, de maniĂšre consciente, la dimension addict et sub-agressive de la personnalitĂ© de cet ancien collĂšgue


 

R m’explique avoir connu un joueur de poker, « parti de rien Â», et qui, aujourd’hui « est millionnaire Â». R m’explique que, durant des annĂ©es, ce joueur a acceptĂ© de « ne rien gagner Â». En s’en tenant Ă  des rĂšgles de conduite- et Ă  des limites- qu’il s’était fixĂ©, acceptant de gagner petit et Ă©vitant de perdre de l’argent. En somme, ce joueur est restĂ© prudent, patient et persĂ©vĂ©rant. R, Ă  ce que je comprends, n’est ni patient ni prudent bien qu’intelligent et persĂ©vĂ©rant. Et, il est sĂ»rement aussi convaincu. Et convaincant. Lorsque R m’apprend qu’il a travaillĂ© pendant des annĂ©es dans « le phoning Â» et qu’il sent les gens, j’ai tendance Ă  le croire.

 

Franck Unimon, ce lundi 16 janvier 2023.

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