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Balistique du quotidien – Page 43 – créer, échanger, transmettre, apprendre
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Cinéma

Don’t Forget Me

Don’t Forget Me

 

 

 

Avant hier, après avoir assez bien avancé sur mon article Combats de boxe que je présenterai bientôt, j’avais prévu d’aller voir Don’t Forget Me de Ram Nehari à une projection de presse. Ce film sortira en salles ce 30 janvier 2019.

Toute personne accaparée par la rédaction d’un article, par toute « création », une activité ou une méditation pour laquelle elle se sent inspirée sait comme il peut être difficile de s’en décrocher. Tout cela afin de se réconcilier avec le corset d’une certaine réalité, passage obligé , ou droit de douane, qu’il nous faut accepter car il a ceci de particulier que s’il nous plie, il nous relie- aussi- aux autres ainsi qu’à d’éventuelles nouvelles dimensions.

 

Parti de chez moi à la limite de mon jugement, j’allais être à l’heure pour la projection de 10h30 de ce mercredi. Entretemps, j’avais répondu à cette autre question capitale :

 

Comment concilier cette projection de presse et aller faire les courses à la boucherie selon la liste que m’avait adressée ma compagne par sms un ou deux jours plus tôt ? Les deux évènements se déroulant à Paris alors que nous habitons en banlieue.

Je suis capable de me rendre à une projection de presse avec mon sac de courses. Mais je suis aussi capable de me raisonner. J’ai estimé plus pratique de me rendre à la boucherie après la projection.

 

En arrivant au club de projection, vu qu’il était presque l’heure du début, j’étais un petit peu aux abois. Sur une table à l’entrée, j’ai d’abord vu une bouteille de jus et quelques apéritifs. J’ai continué de me diriger vers la salle de projection. Avant d’arriver aux escaliers et de descendre, sur ma droite, j’ai aperçu l’intérieur d’une petite salle de projection. Je la découvrais. La porte de cette intimiste salle de projection était habituellement fermée toutes les autres fois où je m’étais rendu à ce club comme, par exemple, lorsque je suis allé voir le film Kabullywood de Louis Meunier. Film qui sortira ce 6 février 2019 et dont j’ai parlé dans ma rubrique Cinéma.

 

La petite salle de projection disposait d’une vingtaine de sièges environ. Dedans, deux hommes. Je me suis adressé au premier, lequel était debout et me faisait presque face alors que je me trouvais sur le seuil :

« C’est ici que se déroule la projection ? » me suis-je étonné. Aussitôt, comme s’il était prêt à faire rempart de son propre corps, l’homme, en s’avançant un tout petit peu vers moi, s’est empressé de me dire :

« Non, non ! Il n’y’a pas de projection, ici ! ». Il était plus inquiet que désagréable ou antipathique. Son attitude, sans doute, m’a alors incité à regarder l’autre homme, assis tranquillement. Celui-ci assistait à la scène :

 

Omar Sy. Son allure longiligne et détendue de lama vapotant paisiblement me l’a aussitôt rendu sympathique. Le regardant et comprenant alors l’anxiété de son attaché de presse sans doute, lequel est également attaché au confort de son acteur vedette, je l’ai salué tout en réfléchissant une seconde à ce que je pourrais éventuellement lui dire.

Comme tout un chacun, il m’est arrivé de croiser des acteurs de manière fortuite, dans la vie de tous les jours, et de décider de leur adresser un mot de sympathie ou de choisir de m’éclipser afin de ne pas les déranger.

C’est ainsi que j’étais allé dire un mot aimable à Simon Abkarian alors qu’il attendait, seul, le bus non loin de la rue Cadet. Ce jour-là, je crois que j’allais rencontrer Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en série, dans sa librairie alors encore ouverte Au Troisième Oeil.

 

A l’arrêt de bus, Simon Abkarian avait un air d’incrédulité assez amusant sur son visage. Comme s’il trouvait hautement improbable qu’un bus, un jour, vienne le délivrer de cet endroit. Cela m’avait fait regretter un appareil photo avec un zoom performant. Mais c’était avec un esprit de photographe et non avec un instinct de voyeur que j’avais regardé la situation. Une autre fois, je l’avais laissé tranquille alors que je l’avais aperçu en terrasse à un café près du cinéma MK2 Quai de Loire. C’était avant de le voir dans le remake de Casino Royale, mon James Bond préféré avec Daniel Craig. J’étais alors un des journalistes cinéma du mensuel Brazil.

 

Dans la ligne 12 du métro, je me suis un jour retrouvé assis face à Dominique Blanc. Il m’avait été impossible de savoir si elle était dans sa rêverie ou si elle m’avait vu la regarder. J’avais choisi de rester silencieux et de me faire discret. J’avais ainsi partagé le trajet avec elle le temps de quelques stations. Je me rendais dans le service où je travaille encore à ce jour.

 

Près du cinéma MK2 Beaubourg, j’avais croisé Alex Descas en compagnie de deux compatriotes féminines de son âge. Je l’avais abordé. Cela fait environ vingt ans ou plus, depuis bien-sûr ses rôles dans les films de Claire Denis, que je « connais » une partie de son parcours d’acteur. Je ne l’ai jamais interviewé. Alex Descas et moi, nous étions dit quelques mots. C’était avant la sortie du film Volontaire d’Hélène Fillières, dans lequel il a un rôle. Film que je recommande bien-sûr pour lui et aussi pour les autres : j’aimais déjà le jeu d’actrice d’Hélène Fillières avant ce film (Aïe, Mafiosa….). Je l’ai découverte réalisatrice même si j’aime beaucoup son rôle (secondaire) dans son propre film.

 

Non loin du cinéma des Ursulines, j’avais croisé Isabelle Carré. Elle avait le visage souriant de la sérénité. Comme Dominique Blanc, je l’avais laissée passer. J’ignore si Isabelle Carré m’avait aperçu ou regardé.

 

Une autre fois, il y’a plus longtemps, c’était Rona Hartner que j’avais reconnue dans le RER menant à Cergy-Préfecture. Mais aussi Pascal Légitimus, un autre jour, sur le parvis de la gare de Cergy-Préfecture. J’étais resté à distance.

 

Lucien Jean-Baptiste avait aussitôt perçu ma réaction de surprise dans la rue alors que je venais de le reconnaître. Il m’avait sympathiquement salué. C’était avant qu’il ne réalise Dieu Merci (On a tous un rêve de gosse) où, grâce à l’information donnée à propos de ce tournage par Claire Diao, j’allais faire un petit peu de figuration et rencontrer Djigui Diarra. Sur le tournage de Dieu Merci (On a tous un rêve de gosse) son implication sur un –vrai- chantier dès 8 heures du matin avec nous, par cinq degrés voire moins, mais aussi ses attentions envers nous, de simples figurants, m’avait ramené à de meilleurs sentiments envers lui : j’avais très peu apprécié son rôle de noir immature et rigolo dans son film Premier Etoile qui lui avait valu un bon succès commercial (environ 1,5 million d’entrées) et une certaine reconnaissance. Son attitude, lors de cette journée de tournage, ainsi que les thèmes du film, m’ont fait comprendre comme je l’avais très mal jugé en allant voir Première Etoile à la salle UGC Bercy, où, parmi les spectateurs, dans les premiers rangs, soit dans les rangs du bas de la salle, j’avais reconnu…Zinedine Soualem.

Lors du tournage de Dieu Merci (On a tous un rêve de gosse), je me suis dispensé d’essayer de rappeler à Lucien Jean-Baptiste notre « première » rencontre entre la gare du Nord et le métro Jaurès. Etant donné que cette rencontre datait, qu’il était sur le tournage de son film et que des rencontres de ce type il doit en faire un certain nombre depuis qu’il est « connu ».

J’ai aussi compris que réaliser des comédies est un moyen de séduire- et de rassurer- certains producteurs ; de faire passer des messages et d’attirer plus facilement un certain public qui veut aller au cinéma avant tout pour se divertir. Mais aussi que réaliser des films, mêmes imparfaits, est une façon de rester en activité sur le marché du cinéma, d’un point de vue économique et en tant que comédien. De rappeler que l’on existe. Car dans l’univers de l’image qu’est le cinéma, mais aussi du théâtre ou du journalisme, être oublié est peut-être plus mortel que de manquer de talent. On peut être plus ou moins talentueux, si l’on est le grand oublié (comme on peut-être un grand brûlé) du regard et de la mémoire de celles et ceux qui ont et font des projets (réalisateurs et/ou producteurs ou autres) on disparaît. Et, cela peut-être définitif car l’oubli, dès lors qu’il nous adopte dans ce milieu, est un peu comme la banquise. Il nous recouvre complètement, créé davantage d’oubli et on ne nous voit plus même si l’on est encore en vie et que l’on dispose de sérieux atouts.

 

 

La mémoire que j’ai de mon passé de groupie et un peu de maturité expliquent peut-être aussi mon apparente « sage » attitude envers ces milieux et ces « célébrités » citées plus haut :

Je me rappelle encore comment, embarrassée, une actrice que j’admirais avait poliment accepté une lettre manuscrite que je lui avais remise lors d’une avant-première dans un certain complexe de cinéma. C’était avant l’an 2000 et l’amie qui m’accompagnait ce jour-là s’était moquée de moi. Lorsque j’avais vu cette même comédienne, quelques mètres plus loin, rejoindre l’équipe du film et se servir de mon courrier comme éventail, j’avais dû honteusement accepter ma disgrâce. Sûrement pour me rassurer, une autre amie à qui j’avais raconté ensuite cette anecdote, m’avait à peu près dit :

« Je pense que c’est plutôt une personne timide. Pas le genre à être expansive…. ».

 

Dans mon courrier, pratiquement illisible car écrit manuellement en minuscules, je fourvoyais un tas de salamalecs. Et, déjà, je parlais de la faible représentativité des noirs dans le cinéma français. Cette jeune actrice blanche, à peine âgée de 30 ans alors, a très certainement, j’en suis sûr, beaucoup appris grâce à moi : dans sa mémoire effacée depuis, je fais sûrement partie de la cohorte de tous ces apprentis mentors improvisés aussi dérangés qu’inconnus qu’elle a pu croiser du fait de sa carrière d’actrice alors sur- médiatisée et plutôt exposée.

 

Pour ce dernier exemple, les réseaux sociaux et les selfies n’existaient pas alors ou seulement dans une forme réduite : même s’ils avaient existé dans leur forme actuelle, j’aurais, j’ose le croire, su garder cette mésaventure pour moi. Mais, contrairement à moi, d’autres groupies, déçues ou convaincues, ont envers leurs idoles beaucoup moins de retenues qu’elles en ont pour leur vie et leurs projets.

 

Quoiqu’il en soit, ces actrices et acteurs cités- ou suggérés- ont eu une importance pour moi (voire continuent d’en avoir une) à un moment de ma vie. Et, je les ai croisés avant la création de mon blog. Contrairement à Omar Sy il y’a deux jours.

 

Omar Sy compte pour moi mais je serais incapable depuis Intouchables et ses 20 millions d’entrées, que j’avais bien aimé comme les films précédents –Nos jours heureux en particulier- des deux réalisateurs Nakache et Toledano, d’en donner les raisons exactes.

Le fait d’être noir, de venir de la banlieue et de ne pas faire partie du sérail du milieu plutôt bourgeois, conservateur- et blanc- du cinéma français comme moi à l’origine ?

Le fait d’être au départ un humoriste avec une image de « gentil » néanmoins conscient ?

Le fait qu’il ait désormais réussi économiquement et socialement et que, sauf une désastreuse gestion de carrière ou des dérapages à la Sami Nacéri, son avenir artistique et personnel soit en tout point assuré même s’il venait à expirer à l’âge canonique de 160 ans ?

 

Je ne peux m’empêcher de penser à l’acteur Saïd Taghmaoui, obligé de s’exiler après le film La Haine de Kassovitz pour réussir car, en France, il n’avait pas la bonne couleur comme il le rappelle dans une réplique étonnante dans le Wonder Woman de Patty Jenkins (également réalisatrice de Monster, film qui avait valu l’Oscar à Charlize Theron pour son rôle).

 

Mais cela suffit-il  pour expliquer les raisons pour lesquelles Omar Sy compte pour moi ? Par ailleurs, je n’ai pas vu le film qui expliquait sa présence à cet endroit avant hier.

 

Toutes ces questions, ces expériences et bien d’autres, se sont sûrement fondues en moi en moins d’une seconde lors de cette très brève entrevue (dix ou quinze secondes au maximum) avant hier. Car beaucoup de nos réactions- adéquates ou inadéquates- sont le résultat d’une somme d’expériences dont nous n’avons même pas idée. Et, pour ce moment « historique » et imprévu, je m’étais bien entendu mis à mon avantage :

 

Chaussures de randonnée couleur taupe, bas de survêtement blanc cassé lâche, haut de survêtement à capuche vert, blouson noir de motard (sans les protections, sans le casque et sans la moto puisque je n’ai pas le permis et me déplace principalement en transports en commun ou à pied), bonnet de marin mis à l’envers pour cacher le nom de la marque et lunettes de correction presque à double foyer. Avec, en prime, sur le dos, un grand sac à dos bleu de marque Ortlieb. Le même sac que je portais sur le dos lorsque j’étais allé interviewer Alejandro Gonzalès Inarritu pour Brazil à propos de son film Biutiful . Lequel Inarritu, bien plus intimidant qu’intimidable, s’était un moment étonné avec une voix presque suave :

« You have a huge bag …. ». Aujourd’hui, encore, je regrette d’être resté désarçonné par cette remarque d’Inarritu qui aurait peut-être pu permettre une rencontre un peu plus informelle et donc plus personnelle. Peut-être, d’ailleurs, devrais-je davantage commencer à regarder ce sac à dos comme un porte-bonheur….

Pourtant, de par le passé, j’ai fait le désespoir et la colère de ma petite sœur pour mon dédain vestimentaire. Je m’étais ensuite réhabilité et j’aime aussi bien m’habiller comme offrir des beaux vêtements. Mais je suis en état de rechute vestimentaire depuis quelques temps et ma compagne aussi, pourtant une grande spécialiste des tenues camouflages pour elle-même, se désole, un peu impuissante, devant mes négligences vestimentaires répétées de forcené.

 

Je ne serais donc pas surpris qu’Omar Sy – ainsi que son attaché de presse- m’ait pris pour un coursier d’ Uber disposant de quelques filons pour s’incruster dans un certain nombre de projections de presse (il en est d’autres réservées néanmoins à une élite journalistique ou à des journalistes « sympathisants » ou « courtisans »). Car les projections de presse sont en général de confortables avant-premières pour le premier cinéphile venu.

J’écris ici ce que je suppose. Je me mets peut-être le doigt dans l’œil. Je ne saurai probablement jamais ce que l’un et l’autre ont pensé de moi à ce moment-là.

Mais je garde néanmoins de cette courte rencontre le très bon souvenir de la simplicité d’Omar Sy, plus amusé qu’indisposé, répondant à mon bonjour avec le sourire de l’évidence. Et, je m’en suis contenté.

Néanmoins, même si cela n’apporte rien d’un point de vue journalistique ou cinématographique, tout de suite ou en partant, je me suis demandé ce qu’il avait pu ressentir, lui, que je perçois comme une personne au contact plutôt facile. A voir son attaché de presse s’enrubanner quasi instantanément dans des précautions de momie que l’on va embaumer afin d’éviter que, moi, l’inconnu inattendu, j’approche l’être sacré que, désormais, Omar Sy est devenu.

 

J’ai raté la projection de presse de Don’t Forget Me : je me suis trompé d’endroit à quelques mètres près. Convaincu que la séance se déroulait dans ce club, je suis passé devant le cinéma qui le voisine. A aucun moment, il m’a été possible de concevoir que la projection se donnait là, tout près, dans ce cinéma que je connais. Car je n’ai jamais, à ce jour, assisté à une projection de presse dans ce cinéma. Et, vu que je n’avais pas sur moi (erreur corrigée depuis) le numéro de téléphone de l’attaché de presse de Don’t Forget Me , celui-ci n’a pu me renseigner.

 

J’ai un moment erré, un peu remonté contre moi en même temps qu’interloqué. Je suis allé dans un autre club de projection où l’on m’a obligeamment donné les mêmes réponses :

« Quel film ? Don’t Forget Me ne passe pas ici. La séance a commencé depuis 10h. Il n’est plus possible d’accéder à la salle ».

 

 

Heureusement, il reste une séance de projection de Don’t Forget Me la semaine prochaine et l’attaché de presse du film ne m’en a pas voulu. Donc, tout va très bien. Puisque, même s’il m’en avait voulu, je ne vois pas ce qu’il y’a d’extrêmement grave, d’un point de vue vital, dans le fait de rater une séance de cinéma. Et, je tiens à l’écrire car, par moments, voire souvent, dans un milieu comme dans celui du cinéma par exemple (mais aussi, ailleurs, dans la vie de tous les jours) on est capable de se prendre très très au sérieux au point de considérer comme de la plus haute importance des faits et des événements qui, foncièrement, ne justifient pas toutes les urgences et tout le cérémonial qui les accompagnent. Il m’a semblé, que lors de cette courte rencontre imprévue, lors de cet « accident », qu’Omar Sy, malgré ses 20 millions d’entrées avec Intouchables et son statut de « superstar » , était encore bien au fait de tout ça. Et c’est selon moi une très bonne nouvelle.

 

Et, j’ai aussi aimé, pour cet article, autant que possible, me tourner en dérision quitte à me ridiculiser, afin de me mettre au service du rire et du sourire. Car, si Pina Bausch a pu dire : «  Dansez, dansez ! Sinon, nous sommes perdus ». Je sais depuis longtemps que pouvoir rire de soi est aussi un très très bon moyen de faire sourire et de faire rire mais aussi de se retrouver.

 

Pour cela, meilleurs vœux, Omar ! Et, bien-sûr, meilleurs vœux, chers lecteurs !

 

Si cet article vous a plu, touché, et qu’il vous semble qualifié pour faire du bien à quelqu’un que vous connaissez, partagez-le. Même si je n’en parle pas, c’est ce que je souhaite à mes articles.

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 janvier 2018.

 

 

 

 

 

 

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Puissants Fonds/ Livres

Le Fils du pauvre

                                               Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun.

 

 

Quelle que soit l’heure où on lève l’encre, écrire a à voir avec la nuit. Celle où l’on ferme son sommeil. Et où subsiste notre souffle, notre pensée, notre volonté.

Il en a fallu des semaines pour lire ce « petit » livre d’à peine 135 pages. Deux heures auraient pu suffire. Ou trois si l’on veut prendre son pouls.

 

Dans son livre Noureev, l’insoumis , Ariane Dollfus ( que je viens de confondre avec la photographe Diane Arbus) raconte la grande pauvreté dans laquelle le futur danseur étoile ( puis chorégraphe) avait grandi. Seul garçon parmi ses sœurs, pendant plusieurs années, il avait été le petit Dieu de la maison. Jusqu’au retour du père, décrit comme un rival particulièrement brutal.

Feraoun « Fouroulou », dans les montagnes rudes de sa Kabylie, a aussi joui de ce statut. Mais il y’avait bien plus d’amour entre son père et lui ainsi qu’autour de lui.

Là où la famille de Rudolf Noureev vivait dans un certain isolement dans mon souvenir, celle de Feraoun se tenait au sein d’une communauté qu’il nous raconte. Sa grand-mère paternelle, ses parents, son oncle paternel Lounis, sa femme, la redoutable Helima, ses tantes Nana et Khalti, ses sœurs, ses cousines, son copain d’enfance protecteur Akli -qui deviendra berger-, les voisins et les cousins, la Djema, l’exil durant un temps, du père aimé (hébergé alors au 23, rue de la Goutte d’or à Paris, 18ème) pour aller travailler dans les fonderies d’Aubervilliers…

 

« (….) Nos ancêtres, paraît-il, se groupèrent par nécessité. Ils ont trop souffert de l’isolement pour apprécier comme il convient l’avantage de vivre unis. Le bonheur d’avoir des voisins qui rendent service, aident, prêtent, secourent, compatissent ou tout au moins partagent votre sort ! Nous craignons l’isolement comme la mort. Mais il y’a toujours des querelles, des brouilles passagères suivies de raccommodements à propos d’une fête ou d’un malheur. « Nous sommes voisins pour le paradis et non pour la contrariété ». Voilà le plus sympathique de nos proverbes ». (Mouloud/Menrad Feraoun dans Le Fils du pauvre).

Noureev (1938-1993) quittera la maison familiale un peu à la façon d’un Basquiat, endossant sa liberté avant sa majorité. Et, plutôt que la rue, il parviendra à intégrer une très grande école de danse. Puis devenu un danseur de haut niveau, à l’occasion d’une tournée internationale, il prendra à nouveau la fuite. Cette fois-ci afin d’échapper au régime politique- communiste- de son pays. Il s’installera en France où, jusqu’à sa mort et aujourd’hui encore, il bénéficiera d’une aura internationale. Même si, à la façon du Surfer d’Argent, personnage de comics probablement inspiré de la mythologie, Noureev ne pourra jamais retourner dans son pays natal ou même y acheter une datcha.

Feraoun (1913-1962, 41 ans lors de la parution de son livre, Le Fils du pauvre), d’abord fils unique parmi ses soeurs puis fils aîné, a plutôt été le très bon élève cherchant à plaire au moins à son père, à ses professeurs, et à la règle.

« (….) Crois-tu que nous sommes faits pour les études ? Nous sommes pauvres. Les études, c’est réservé aux riches ».

Cependant, Fouroulou est un élève brillant. Et sa famille va se montrer aussi combattive que la M’man Tine de Rue Case-Nègres pour son petit José (livre de Joseph Zobel, paru en 1950, ensuite adapté au cinéma par Euzhan Palcy en 1983).

Enfant « gâté » selon ses propres termes et observateur attentif de la condition de son entourage, Feraoun, de par sa personnalité, a développé un certain sens de l’autodérision et de l’ironie :

« (….) A l’âge où ses camarades s’éprenaient d’Elvire, lui, apprenait « le lac » seulement pour avoir une bonne note. Mais comme il débitait son texte d’un ton hargneux, au lieu d’y mettre comme il se doit la douceur mélancolique d’un cœur sensible et délicat, le professeur le gourmandait et Fouroulou allait s’asseoir plein de rancune ».

Mais cet esprit est aussi fait d’un sentiment de dette et donc de devoir envers sa famille et ses origines. Il a besoin d’être en accord avec elles. Il est aussi marié et père. Pour cela, peut-être, il lui est impossible de s’enfuir comme de se révolter à la différence d’un Noureev ou d’un Basquiat alors qu’il nous envoie un peu de sa terre natale :

« çof rival » ; « tamens » ; « kanoun » ; «  akoufi ventru » ; « hechaichi » ; « vieux khaounis » ; « djenoun » ; « zaouias » ; « dokhars » ; « mechmel » ; « kouba » ; « ikoufan vide ».

 

Lire son Le Fils du pauvre après son Journal ( voir mon article dans cette même rubrique ) nous convainc qu’il était ainsi quasiment prédestiné à être assassiné pendant la Guerre d’Algérie. En Algérie. Il y’a bien-sûr de la tristesse devant le constat de ce déterminisme. Une tristesse que l’on pourrait entendre dans le titre Mr Pastorius interprété par Miles Davis en hommage au bassiste Jaco Pastorius. Mais il s’agit d’une tristesse que l’on pourrait comprendre à voir l’enfance de Feraoun surmonter ces étapes de la vie qu’il nous raconte pour, finalement, en 1962, en quelques minutes, se faire buter à 49 ans par des volontaires de l’OAS qui disposaient d’armes pour principales compétences.

 

On pourrait me dire que j’idéalise trop Mouloud Feraoun que je n’ai jamais connu ou rencontré. Que cela en devient inquiétant. Qu’il vaut mieux le laisser dans son anonymat et dans son assassinat. Qu’il était en fait double ou triple.

 

Oui.

 

Comme la plupart d’entre nous.

 

 

« (….) Oh ! Les pauvres yeux de fous, je ne les verrai nulle part sans émotion. Eux seuls reflètent la souffrance de l’âme et recherchent éperdus ce que le cœur et le cerveau n’ont plus ». Mouloud Feraoun dans Le Fils du pauvre.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 8 janvier 2019.

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Jeu

Visage partiel d’un comédien. 2ème acte

Après mes  articles https://balistiqueduquotidien.com/le-fait-eric et   https://balistiqueduquotidien.com/visage-partiel-dun-comedien, il convenait de devenir concret et de rendre tout cela vivant en  apportant quelques images. Voici donc une première vidéo que certains d’entre vous connaissent déja.

Ma partenaire, Sandrine Cardon, alias Mme Popova, avait déja eu une vie avant cette scène que nous jouons ensemble : théâtre d’improvisation, journalisme….

Sandrine est également photographe, monteuse, désormais prof de théâtre et dispose sûrement d’autres cartes qui ont échappé à ma mémoire.

Quoiqu’il en soit, j’espère que le spectacle vous plaira ou vous captivera de nouveau si vous l’aviez déja vu.

Franck Unimon, ce lundi 7 janvier 2019.

 

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Détroits

L’exposition

L’Exposition

 

 Entre zéro et cinq degrés, parfois, dans ce passage du milieu, les ombres et les visages tombent. On les retrouve par centaines dans la poudreuse. Derrière ces pas ralliés au silex et qui, pourtant, ne feront plus d’étincelles.

Devant nous, une infanterie de dents abîmées ou disparues, identités forcées, déplacées, dont certaines en quarantaine dans les rues. Elles sifflent et répètent des noms et des mots qui les faisaient rois. Ces noms et ces mots ne sont plus que goudrons toxiques pour les poumons. Mais elles insistent jusqu’à l’incision car ils relatent ce passé qui s’éloigne et revient aussi régulièrement qu’un microsillon tient du soleil et le derviche-tourneur de la couleur. En espérant, qu’un jour, quelqu’un quelque part, les entendent et les comprennent. Même s’il sera alors sans doute trop tard et elles le savent. Comme il a été trop tard pour Pree, la fille de Charlie Parker. Pour lui un an plus tard qui avait pourtant survécu aux électrochocs contrairement à Bud Powell. Pour Basquiat qui ,écoutant Parker et Coltrane dans les années 80 tout en peignant et dessinant, peut rappeler un Denzel Washington, hors de son temps, lorsqu’il sort de plusieurs années de prison à la fin de American Gangster et bute , incrédule, sur du Rap.

 

Il est toujours trop tard. Sauf si l’on croit que les clous sont des plantes fertiles dans le bois ; qu’ils permettent aux âmes des défunts de nous entendre ; Sauf si l’anatomie a pour soi assez peu de secrets. Et que la nuit est le plus sûr contraste de ces hostilités qui nous maintiennent éveillé, brûlé par le racisme, la dureté, la vie « acci-dentée » des adultes, le présent prédateur et menteur, et que l’on dispose d’un peu de son jugement pour l’incorporer sur une toile, un mur, une porte, partout ou c’est possible et n’importe quand. L’Afrique, l’Histoire des Etats-Unis, la culture pop, les comics, les formules scientifiques, la musique, Haïti et la dictature de Papa Doc, la littérature, l’occident, les drogues, les sexualités sans frontières, la célébrité, la richesse matérielle, l’amour, la famille, Basquiat les a croisés. Ils sont là ainsi que d’autres, étendues oubliées, insoupçonnées, dans ses œuvres jusqu’au 21 janvier. Y aller, y retourner plusieurs fois si on le peut deux à trois heures durant, pourquoi pas avec sa propre musique pour les regarder de près. Ce sera toujours beaucoup mieux qu’en photo ou dans un livre.

 

Si l’on est encore frais, on pourra se rendre à l’exposition Egon Schiele – qui bénéficie également de très bons échos – se promener un peu en terrasse et apercevoir la vue sur la Défense ou sur le jardin d’acclimatation. Ou s’extasier sur la construction de la Fondation Louis Vuitton, réalisation architecturale sophistiquée à l’image d’un vaisseau en vue de promouvoir «  la vocation culturelle de la France » tel que cela nous est démontré par des maquettes et une projection.

 

On fermera les yeux sur ce commerce qui nous vend un tee-shirt « collection Jean-Michel Basquiat » 310, 50 euros, un ouvrage d’après ses cahiers «  vendu exclusivement à la libraire de la Fondation Louis Vuitton » pour 28 ou 29,90 euros ou la coque pour Iphone vendue 67, 50 euros.

On pourra ensuite rouvrir les yeux dans le jardin d’acclimatation pour prendre son temps ou pour s’en aller. Où ? Vers son identité.

 

Franck, ce jeudi 3 janvier 2019.

 

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Echos Statiques

Même si je n’en parle pas

                                          Même si je n’en parle pas

 

 

Mieux vaut apprendre à bien connaître son propre regard. Car il est le maitre dont chaque lueur – même indistincte- lui permettra de mesurer sa valeur.

D’où me viennent ce regard, cette voix, cette gestuelle, cette posture, ces volontés, ces mots que je prononce et par lesquels je m’ensemence ? S’agit-il de séquelles, de parcelles, de défaites, de victoires ou d’illusions qui m’ont été léguées, que j’ai conquises, que j’ai commises, et avec lesquelles je me scarifie et me glorifie, moi et mon entourage ?

« Je t’aime dans le fond du cœur » ; « Je te manque ».

Le pouvoir terrifiant de mon regard sur lui m’amène bien des fois à des (t)erreurs de jugement. A des exigences et des craintes sans contraintes. Moi qui suis le plus sûr et le plus grand, je manque souvent de hauteur. Seule la mémoire, l’apprentissage, le remords ou le reproche me permettront, peut-être, un jour de le savoir. Mais il me sera impossible de retourner en arrière comme de rembourser.

J’avance, démasqué, poussé perpétuellement, parfois grisé, parfois bouffi, d’autres fois découragé ou amusé. Le spectre des émotions qui me décrypte et me partage ne tient pas en place et il me faut, à partir de ça, parce-que je suis le plus grand, donner une direction tout en acceptant que s’expriment les contours et les particularités d’une certaine improvisation.

Un comédien ou un musicien aura plus de facilités pour aborder les complexités d’un personnage ou d’une partition. Car aucun des deux ne viendra lui demander des comptes ou se plaindre d’avoir été sous-estimé ou emprisonné en pleurant ou en faisant une crise à toute heure de la journée comme de la nuit.

Il pourra subsister un sentiment d’inachevé ou d’insatisfaction après la performance d’une comédienne, d’un danseur ou d’une musicienne mais il sera peut-être plus « facile » de se convaincre que l’on a tout essayé et que le temps – et la compréhension-qui nous étaient accordés était limités.

 

Devant lui, la limite du temps -et sa compréhension- se fondent quotidiennement dans l’éternité. Je sais à peine quand ça commence. Malgré mes meilleures intentions, je reste le serviteur aussi zélé qu’étonné de ma ponctuelle impatience.  Officiellement, j’ai bien sûr une date et un horaire de départ définis et enregistrés à l’Etat civil. Mais, souvent, cela a toujours commencé avant cette date. Quant à la date de fin, elle est variable, selon les humeurs, les événements, les ententes, la loi, les disputes et les croyances. Je ne suis pas devin.

 

 

Autrefois, à lire les interviews de certaines personnalités, une de mes obsessions consistait à m’interroger sur la teneur de leurs relations avec leurs parents. Depuis que je suis devenu père, une nouvelle obsession est arrivée.

 

J’aime toujours découvrir, regarder, tenter de décoder les prouesses de telle personnalité – médiatisée ou non- dans un domaine donné, sportif, artistique ou autre. Mais depuis que je suis devenu père, c’est plus fort que moi. Même si je n’en parle pas.

J’assiste par exemple à la démonstration d’un artiste martial et je me dis :

« J’aimerais bien savoir s’il ou si elle est aussi fluide et aussi à l’aise lorsque son enfant se réveille en pleine nuit en pleurs ou lorsque son enfant, subitement, fait une crise alors que tout s’est bien passé jusque là ; que l’on a œuvré pour que cela se passe bien et que, soi-même, on est plutôt fatigué et qu’on aspire au calme ». Parce-que tout le monde sait bien-sûr qu’effectuer un coup de pied retourné sauté, un Rap en freestyle, le Moonwalk , un triple salto , un solo de guitare de dix huit minutes ou sauter du haut de la Tour Eiffel en rollers les yeux bandés et les deux mains attachés dans le dos, aura très vite très peu d’effet pacificateur sur les crises ou les pleurs de son enfant.

 

Pareil, avec une personnalité politique ou autre. J’aimerais aussi savoir. Car disposer de la bombe atomique, si l’on est le papa d’un ( e ) petit( e) Hulk – et tous les enfants peuvent être des petits Hulk – lui certifier : « Tu sais, je possède des milliards… » ou pratiquer la langue de bois aura très peu d’effet , ou l’effet contraire suivi d’autres d’effets secondaires, sur sa crise comme sur ses pleurs.

 

 

Je ne regrette rien. Je suis parfois curieux, même si des éléments de réponse sont déjà sous mes yeux, de connaître la personne que ma fille va devenir. Et, malgré mes ratés, je suis rassuré de constater que ma fille m’aime encore. Pour l’instant. Les enfants ont un si gros réservoir d’affection, de discernement, d’intuition et de pardon pour leurs parents que je m’avise que ces derniers ont dû beaucoup manquer de chance et/ou avoir été particulièrement endommagés plus jeunes pour qu’une fois adultes, leurs propres enfants se détournent d’eux.

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 janvier 2019.

 

 

 

 

 

 

 

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Voyage

Etat Satisfaisant

Etat Satisfaisant

 

 

Ils sont seulement deux dans la rue à fumer du tabac. Je m’adresse au premier, mince, la trentaine. Je ne suis pas du coin. « Vous voulez quoi ? ». Je veux manger. Il réfléchit. Un troisième homme, peut-être plus âgé, plus imposant physiquement, sort pour lui parler. Mon interlocuteur sort un ou plusieurs billets. L’homme repart en se contentant de ce qu’il vient de recevoir. Puis, mon interlocuteur me fait une suggestion. J’acquiesce. J’entre pratiquement à sa suite. Dedans, tout est plein de monde attablé, son verre et son repas devant lui. Femmes, hommes. Tout le monde est assis. Aucun enfant. L’intérieur est un peu cheap. Personne ne danse. Personne ne sourit. Personne ne rit. C’est la fête. C’est le 25 décembre. C’est Noël.

Je porte un sac assez volumineux. On me bouscule sans ménagement en passant. L’allée est étroite. Pas un pardon. C’est de ma faute. Je ne suis pas chez moi et mon sac gêne. Je ne fais pas d’histoires.

Quelques mètres devant moi, j’aperçois mon interlocuteur faire la bise à quelqu’un puis disparaitre. Je ne le reverrai plus. Sur deux écrans passent la même vidéo. Difficile de savoir si le clip est passé et date d’une vingtaine d’années ou si la qualité de la VHS a été abandonnée dans quelque terrain vague. Après un chanteur qui se déhanche de façon rétro, des hommes en treillis et torse nu dansent sur scène du coupé-décalé   avec une gestuelle et une fierté martiales. Certains se jettent par terre et se remettent sur pied sans le moindre tourment et prêts à recommencer. Je suis le seul être captivé. Je suis époustouflé devant cette découverte pourtant datée. Bien entendu, je savais ce qu’était le coupé-décalé. Mais j’y vois désormais une vitalité cachée aux yeux du plus grand nombre dans cette ville et néanmoins banale dans ce restaurant. Dans ce restaurant, nous sommes en Côte d’Ivoire ou quelque part en Afrique noire. De l’autre côté de la frontière, en traversant la rue, un restaurant béninois désert avec seulement trois clients. Lorsque je tourne un peu la tête dans la salle, une femme, parmi les clients, me regarde. Je crois avoir été reconnu à ma façon de me tenir. Je ne suis pas d’ici. En Guadeloupe, rien qu’à notre façon de marcher, il est possible de savoir si l’on est du pays ou si l’on « vient de France ». Alors, ici, parmi tous ces locaux, je ne me fais aucune illusion.

La serveuse me demande ce que je veux emporter. Elle me répond que la machine à carte ne marche pas. Elle me la désigne dans un coin près de la caisse. Comme si le simple fait pour moi de la voir valait confirmation de ses dires. Je la crois. Je la remercie et m’en vais en lui disant que je vais revenir. Une fois dehors, je change d’avis. Je n’ai pas envie d’aller chercher de l’argent dans un distributeur.

 

Quand je reviens sans mon sac quelques minutes plus tard, un homme blanc passe devant le restaurant sans s’arrêter. Il sait où aller alors qu’il s’éloigne aussi facilement qu’une raie Manta. Assez grand, blouson noir, pantalon noir, il est alors pour moi le reflet d’un monde qui passe devant un autre monde sans le percevoir ou s’en émouvoir. Comme lui, je fais de même tous les jours et, ce, plusieurs fois par jour. Depuis des années. Cela fait plus de neuf ans que je passe près de ce restaurant dans le 18ème arrondissement de Paris. Et c’est la première fois que j’y entre.

Je pense à Basquiat et à ses voyages en Afrique. Mais impossible d’en discuter avec la serveuse quand elle m’apporte mon repas enveloppé dans plusieurs feuilles d’aluminium disposées dans un sac en plastique. Quatre exactement. Une pour les « condiments », une pour le piment, une pour l’Attieke, et une pour le poisson. Entretemps, j’ai lu l’avis des instances sanitaires qui ont inspecté le restaurant :

« Etat satisfaisant ».

 

Au moment de partir, je guette un sourire de celui qui semble être le patron et qui tient la caisse. Il a alors dans les mains quelques billets. Mais celui-ci n’a de sourire que pour son argent – ce soir, les affaires sont sans doute très bonnes- et s’il me regarde, c’est plutôt avec étonnement voire un peu de méfiance : je pourrais peut-être convoiter sa richesse du soir. Je renonce très vite aux politesses d’usage lorsque, ravi, le client servi s’en va.

Dans mon service, une fois les quatre feuilles d’aluminium dépliées sur la table, je découvre un repas pour deux personnes. Mais ma collègue et amie a déjà mangé. Néanmoins, elle est tentée par les « condiments ». Elle déchante en les goûtant. Ceux-ci sont constitués d’un piment cru, vert, serpent au venin assez puissant qui me surprend aussi en dépit de mon éducation culinaire. A côté, le piment officiel fourni avec le repas fait figure de sauce tomate. Mais le repas est bon. Le voyage en Afrique a lieu pour 15 euros.

 

J’ai ensuite un petit peu d’appréhension compte tenu de ce que je ressens dans mon estomac. Mais le lendemain et les jours suivants, je suis encore vivant.

Franck Unimon, ce dimanche 30 décembre 2018.

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Jeu

Visage partiel d’un comédien

                                    Visage partiel d’un comédien

 

 

 

 

J’ai commencé à prendre des cours de théâtre à partir de la trentaine. J’ai alors estimé que j’en avais le droit. J’y pensais depuis le lycée.

J’ai connu trois profs de théâtre.

Véronique Antolotti a été la première à m’accepter dans son cours à Taverny. Même si,  en raison de mes horaires de travail de l’époque, je pouvais venir au cours hebdomaire uniquement une semaine sur deux. Pour ces raisons, avant elle, deux profs de théâtre m’avaient refusé dans leur cours à Cergy-St-Christophe. J’habitais alors à Cergy-Le-Haut.

Parmi les élèves de Véronique, j’étais donc celui qui effectuait le trajet le plus long. J’étais heureusement véhiculé. Je venais avec ma vieille opel Corsa.

Véronique Antolotti faisait déja partie de la compagnie Théâtre en Stock. Une compagnie réputée dans le Val D’oise, rompue au théâtre de tréteaux et à d’autres genres tels que le théâtre d’improvisation. Véronique avait un côté maternant. Lorsque nous avions du mal avec une scène, elle nous la donnait presque à la becquée en interprétant avec évidence ce qui l’était moins pour nous. Elle insistait sur l’importance de se faire plaisir en jouant. Je suis resté deux ans avec elle, je crois.

Aujourd’hui encore, je me la rappelle au parc de Cergy-préfecture. Sans doute lors du festival Cergy’Soit : elle jouait une femme enceinte exténuée, au bord de se soulager alors qu’elle allait enfin réussir à s’asseoir sur une chaise quand…. finalement, cette place lui était ravie. Sa libération à venir suivie de sa désillusion, tout avait été exprimé/décomposé/exposé au ralenti  sans un mot par son visage et son attitude corporelle. C’était il y’a à peu près quinze ans.

 

Ensuite, grâce à Bernard Fleury, un partenaire du cours de Véronique, j’ai rejoint la compagnie L’Orpailleur dirigée (sans doute crééé) par Christian Bordeleau à Paris du côté de Nation. Bernard prenait déjà des cours avec Christian. Le cours de Christian se terminait à 23h et je m’endormais contre la vitre dans le RER A en rentrant à Cergy-Le-Haut.

Originaire du Québec, Christian était arrivé en France avec une expérience certaine, qu’il avait continué d’élargir, dans le milieu du spectacle vivant. Tout en étant intermittent du spectacle à Disney, il n’en poursuivait et n’en poursuit par moins divers projets. Je suis resté deux ou trois ans avec Christian.

Avec lui, j’ai découvert que l’on pouvait faire du théâtre amateur sur scène à Paris avec une entrée payante pour le public. Il nous est arrivé de faire dix (peut-être plus) représentations de la pièce que nous avions travaillée. Comme nous avions un emploi pour la plupart d’entre nous, les dates étaient espacées sur environ un mois. Parallèlement, Christian met également en scène des comédiens professionnels et il nous incitait à venir voir ce travail. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de l’univers de Torch Song Trilogy par exemple. De temps à autre, il nous répétait:

« Ne vous jugez pas ! ».

 

Après avoir arrêté les cours avec Christian, j’ai participé à deux projets théâtraux professionnels au théâtre du Nord-Ouest.  Gaëtan Aubry, comédien professionnel, qui avait assisté Christian pendant une année m’avait parlé de deux jeunes metteurs en scène, Marion Carroz et Yaël Zlotowski, qui cherchaient des comédiens pour adapter La Comédie des erreurs de Shakespeare. J’ai passé l’audition. J’ai été retenu pour un rôle. Les comédiens professionnels étaient majoritaires dans ce projet. Si, sur scène, j’ai fait mon travail, d’un point de vue humain, j’étais intimidé par l’aisance de plusieurs de mes partenaires. D’un point de vue social, je me suis sûrement mal « vendu » . Erreur que j’allais répéter plus tard lors de mon expérience de journaliste cinéma avec Brazil ( voir mon article Cinéma 2 dans la rubrique Cinéma)

Néanmoins, Martine Delor, comédienne professionnelle, également impliquée dans la pièce La Comédie des erreurs, faisait partie de mes partenaires de jeu. Elle a ensuite pensé à moi lorsqu’elle a mis en scène Le Bourgeois africain toujours au théâtre du Nord-Ouest. Ces deux pièces ont dû être jouées, chacune, entre quinze et vingt fois.

J’ai aussi participé au projet de mon ami Pierre Cassard qui avait écrit sa pièce, Raguse An 01. Pierre était arrivé un an après moi au cours de Christian Bordeleau et nous avons sympathisé.

Nous avons joué sa pièce avec lui et deux autres comédiens au théâtre Darius Milhaud, une bonne dizaine de fois. Peut-être plus.

Grâce à une amie comédienne, metteur en scène et également prof de théâtre, Katia Redier, j’ai eu la chance de me rendre une fois en tant que spectateur au festival d’Avignon.

En 2013, j’ai revu par hasard un copain de lycée, aujourd’hui comédien professionnel : François Podetti. Notre précédente rencontre datait d’environ 20 ans plus tôt. J’étais, je crois, allé le voir jouer sur scène ainsi qu’un autre de ses amis de lycée, Ernesto, à la MJC Daniel Ferry à Nanterre.

En 2013, j’ai revu et reconnu François une première fois dans le métro parisien. Plusieurs mètres nous séparaient. Le métro était plein. Je me suis déplacé jusqu’à lui. François m’a ensuite répondu qu’il m’avait, lui, reconnu…à ma voix.

Puis, quelques semaines plus tard, je l’ai recroisé une seconde fois près de la gare St Lazare. A nouveau par hasard. Nous avons pris rendez-vous pour prendre le temps de nous revoir peu après.

Lors de notre troisième rencontre, François m’a spontanément parlé d’un de ses amis de lycée dont je parle dans mon article Lycée  (voir la rubrique Echos Statiques).  L’événement l’avait évidemment marqué.

Après m’avoir écouté, François m’a dit que ce serait dommage d’arrêter le théâtre au vu de mon parcours. Il m’a conseillé de reprendre des cours pour me remettre dans le coup.

C’est ainsi qu’au lieu de me réinscrire à un cours de guitare basse pour débutants, je me suis inscrit au conservatoire d’Argenteuil pour y suivre des cours d’interprétation théâtrale avec Michelle Brulé. Comme tous les aspirants, j’ai passé une audition.

 

Michelle Brulé m’a permis d’accéder à des cours traditionnellement réservés à des jeunes de 18 à 25 ans qui se destinent à devenir comédiens professionnels. J’en avais 45. Avec quelques autres séniors ou plus jeunes adultes, j’ai ainsi pu prendre part à la formation théâtrale dispensée dans un conservatoire. Pour la première fois, je me rendais à mes cours de théâtre à pied. Certaines et certains de mes partenaires de cours venaient de Paris, Enghien, Courbevoie, Sartrouville….

Je travaillais déjà de nuit lorsque cela a commencé avec Michelle et ma fille est née un mois après le début des cours avec trois mois d’avance.

J’ai néanmoins fait mes trois années de cours avec Michelle à raison, pour la dernière année, de 10 à 12 heures de cours par semaine. Une semaine sur deux, je me rendais au cours de quatre heures du lundi après-midi après avoir effectué deux nuits de travail. Une troisième nuit de travail m’attendait après le cours. J’ai plusieurs fois remarqué que la fatigue me permettait de mieux jouer même si elle avait aussi des petites incidences sur ma mémoire du texte.

Pour mon travail de fin de formation, j’ai écrit mon texte et fait un solo de 30-40 minutes. Je ne suis pas satisfait de la captation qui en a été faite. Je ne peux donc pas la montrer.

Avec Michelle, j’ai découvert encore un peu plus l’exigence. C’était stimulant d’interagir avec des plus jeunes qu’ils se destinent ou non à devenir professionnels. Et, il était gratifiant de pouvoir jouer sur scène au Figuier Blanc à la fin de l’année ainsi qu’à La Cave Dimière. Comme il a été gratifiant que Michelle fasse venir des professionnels extérieurs que ce soit pour regarder notre travail, voire nous filmer face caméra. Et il a aussi été instructif d’aller voir d’autres comédiens en formation à Paris avec un de ses amis, également professeur de théâtre et comédien. Et, avant cela, durant les trois années, de tâter du cours de chant avec Françoise et du cours de danse avec Giovanna.

A la fin de ma première année de cours, Michelle nous avait un peu parlé de son parcours. Après quelques années de théâtre au collège ou au lycée, elle avait débuté  sa formation vers 16 ou 17 ans en étant acceptée à l’ENSATT  ( Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre aussi connue sous le nom de  » Ecole de la rue Blanche » à Lyon). Ensuite, Michelle avait complété sa formation en intégrant le CNSAD ( Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris dans le 9ème arrondissement). Je n’avais pas perçu avec précision ce que cela impliquait hormis le fait que l’ENSATT comme le CNSAD sont  respectivement une école et un conservatoire accessibles à peu de prétendants. Mais en écrivant cet article, j’en prends un peu plus la mesure alors que je prends le temps de me renseigner ( 3% d’admis chaque année pour le CNSAD) . Et, c’est maintenant que j’apprends les noms de ces comédiens aujourd’hui plutôt indiscutables qui se sont également formés au CNSAD avant, pendant ou après la formation de Michelle. La liste est longue mais citons en quelques uns afin de se donner une idée : Muriel Robin, Jean-Hugues Anglade, Jean-Paul Belmondo, Vimala Pons, Vincent Macaigne, Atmen Kelif, André Dussolier, Céline Sellette, Pierre Niney, Jean Rochefort, Eric Ruf, Philippe Torreton, Grégory Gadebois, Zita Hanrot, Jeanne Moreau….

(L’entrée du CNSAD au 2, Bis Rue du Conservatoire à Paris dans le 9ème arrondissement. Photo : par Franck Unimon)

 

 

Après le CNSAD, pendant des années, Michelle a tenu  des rôles de jeune première dans des classiques du théâtre.  Elle a travaillé, entre-autres, avec Pierre Debauche. Elle a aussi fait des études de philo. Puis, vers la trentaine ou la quarantaine, elle s’est lancée dans une carrière de musicienne et de chanteuse Rock avec son accordéon. Elle est toujours comédienne.  Et, nous avons eu la possibilité de venir la voir sur scène alors qu’elle donnait sa création en solo.

 

Véronique, Christian et Michelle m’ont tous les trois étonné à plusieurs reprises par l’étendue de leur culture et la tenue de leur engagement personnel. A les voir, Il semble qu’évoluer dans le milieu du théâtre soit synonyme au moins de ces deux mots.

 

Depuis mes cours avec Michelle, terminés en 2016, j’ai fait un tout petit peu de figuration. Dans un long métrage de Lucien Jean-Baptiste, Dieu Merci (on a tous un rêve de gosse) grâce à Claire Diao, journaliste cinéma spécialiste du cinéma d’Afrique, co-fondatrice de la revue digitale AWOTélé . Je crois que Claire est également productrice. Entre-autres. Claire est également l’auteure du livre Double Vague. J’ai fait la connaissance de Claire alors que j’écrivais pour le site Format Court. ( je parle un peu de cette expérience dans l’article Cinéma2 dans la rubrique…Cinéma).

Depuis 2016, j’ai aussi fait un petit peu de figuration dans le court-métrage Na, tout pour elle de Djigui Diarra rencontré sur le tournage du film de Lucien Jean-Baptiste. Djigui poursuit son éclosion. Il a figuré dans le long métrage de Raoul Peck sur Karl Marx. Il continue de réaliser des courts métrages dans lesquels il joue tel que Malgré eux qui a remporté plusieurs prix.

 

J’ai aussi fait une brève apparition dans le long métrage de Pascal Tessaud : Brooklyn. Mais comme je l’avais expliqué à mon copain de lycée, François Podetti, je n’aime pas passer des casting. J’ai beaucoup de mal à me faire aux codes des casting. Cela m’ennuie. Je me rappelle de l’air aussi éberlué que compréhensif d’un comédien lors du tournage ( une scène de nuit) du court métrage Virée à Paname de Carine May et Hakim Zouhani. J’y faisais de la figuration et je venais d’expliquer que je n’aime pas passer des casting. Sage et pragmatique, ce bon comédien auquel je venais de m’adresser ( qui a un bon rôle dans le film Rengaine de Rachid Djaïdani ) m’avait répondu :  » Pourquoi pas ? Si tu as le réseau… ». Je n’avais pas de réseau particulier en tant que comédien. Plutôt des mèches ou des amorces. J’avais tout à faire.  Quand j’y repense, cela me rappelle une lointaine discussion avec mon grand-père lorsque celui-ci était encore vivant, sur la terrasse de sa maison à Morne-Bourg, en Guadeloupe. Muni de ma plus pénétrante intelligence, je venais de déclarer à mon grand-père que j’aimerais bien vivre en couple avec quelqu’un avec qui il n’y’aurait ni dispute ni désaccord. Magnanime, mon grand père m’avait alors répondu :

« Sa Pa On Mové Bitin ». ( Ce n’est pas une mauvaise chose). J’avais néanmoins décelé dans sa politesse un indice. Plus tard, j’ai compris que mon grand-père m’avait témoigné une certaine indulgence pour ma stupidité et mon ignorance. Allez savoir ! Ce comédien rencontré sur le tournage de Virée à Paname m’a peut-être dit les mots que l’âme de mon grand-père lui a alors soufflé. C’était il y’a trois ou quatre ans.

Or, depuis 2016, j’ai plutôt eu envie de souffler.  De me consacrer à l’écriture. J’étais supposé me consacrer à l’écriture d’un scénario. Finalement, pour l’instant, j’ai surtout été inspiré pour créer un blog…. et, avant cela, pour découvrir l’apnée. Ce qui est une façon de souffler.

 

J’avais prévu, à la fin de cet article, de poster une vidéo me montrant sur scène avec une de mes partenaires en 2016. Mais la vidéo, d’une durée de 16 minutes, est pour l’instant trop lourde pour être mise sur le blog. J’espère réussir à l’alléger  afin de la publier très rapidement.

 

 

Franck, ce vendredi 28 décembre 2018.

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Détroits

Basquiat

 

 

 

 

 

La double exposition Egon Schiele/ Jean-Michel Basquiat démarrée le 3 octobre 2018 est prolongée jusqu’au 21 janvier 2019 du fait de son succès. Elle se déroule dans la Fondation Louis Vuitton. Celle-ci a été crééé dans le 16ème arrondissement de Paris, quartier bourgeois (environ trois à quatre fois le prix du mètre carré de la ville où j’habite pour rester modeste), près du jardin d’acclimatation, par le fils du milliardaire dont j’ai retranscrit quelques propos au début de mon article Privilégié( rubrique Echos statiques)

 

Pour un milliardaire, investir dans l’Art est un moyen de laisser son nom dans l’Histoire en « léguant » des œuvres ou des lieux à même de permettre de venir les découvrir et les admirer. C’est aussi un moyen légal de pratiquer l’évasion fiscale. Je l’ai appris récemment. Parce-que je suis un peu bête. En lisant cette interview (qui date d’environ six mois) du père milliardaire qui, bien que laissant son fils prendre sa relève le critique un peu en passant.

Je l’ai aussi appris en le lisant dans quelque journal :

Dans Privilégié, j’ai écrit que le mouvement des gilets jaunes – qui persiste de différentes manières- avait aussi d’autres origines que des motivations financières. Je le crois toujours. Mais les causes financières sont néanmoins bien présentes et restent les premières raisons de mécontentement pour bien des gilets jaunes. Un certain nombre de gilets jaunes – et d’autres- savent (pour le voir et le vivre) que les riches deviennent de plus en plus riches depuis vingt à trente années et que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Mais aussi que les riches pratiquent de plus en plus et de mieux en mieux l’évasion fiscale. Et, ce, tandis que les pauvres et les classes moyennes doivent supporter de plus en plus d’efforts financiers. Les gilets jaunes et d’autres ont le sentiment que le résultat de leurs efforts financiers est de moins en moins visible dans cette vie qui est la leur que ce soit pour s’alimenter, pour l’accès aux soins, à une bonne offre de scolarité pour leurs enfants ou pour partir en vacances pour parler de quelques sujets prioritaires.

 

Mais ces affirmations sont insuffisantes.

 

Pour réussir dans la vie, pour espérer convaincre, il est d’usage à un moment donné de recourir à des chiffres. Seul le naïf, le privilégié fanatique ou le plus que chanceux, peut continuer de croire qu’il réussira une entreprise ou à convaincre par sa seule volonté, dès son premier essai, en s’adossant uniquement à ses bonnes intentions, sa ponctualité, ainsi qu’à la chance et au hasard. Les chiffres, les maths et les probabilités deviennent à un moment ou à un autre un passage obligé. Je dois donc, aussi, en passer par les chiffres.

 

 Le Canard Enchainé numéro 5120 de ce mercredi 19 décembre 2018 en rappelle d’abord quelques uns. Le journaliste C.L , dans son article Les géants d’Internet remercient les gilets jaunes explique pour débuter , qu’ironiquement, le mouvement des gilets jaunes a « (….) fait, sans le vouloir, les affaires des multinationales du numérique, reconnues pour leur talent à gruger le fisc ». Car, nous explique ce journaliste, à quelques semaines des fêtes de Noël, le blocage des ronds points par les gilets jaunes et la fermeture «  des magasins pour cause de manifs du samedi ont rempli les caisses des plateformes de vente en ligne comme Amazon. La colère des gilets jaunes a aussi dopé la fréquentation de Facebook, Twitter et Google ».

Pourquoi ? Parce-que le mouvement des gilets jaunes a fait parler de lui tant du côté des média que des particuliers.

Cette médiatisation a néanmoins aussi servi le mouvement ; car, comme le notait une semaine plus tôt encore dans Le Canard Enchainé du mercredi 12 décembre 2018 ( numéro 5119 ), le rédacteur en chef Erik Emptaz, dans son article Gilets sur le Feu :

Malgré les travers du mouvement des gilets jaunes ( « incapacité à se trouver des représentants crédibles et non dérapants », «  le fatras souvent contradictoire et sans cesse réalimenté de leurs revendications », le «  complotisme », « racisme », « l’antisémitisme », « l’homophobie et d’autres détestables penchants de quelques uns de leurs adhérents », «  pertes de points de croissance », «  la casse engendrée par leur venue à Paris ou leurs défilés dans d’autres villes » ) celui-ci «  En moins d’un mois, sans tête pensante et à seulement 136 000 personnes dans tout le pays dont 10 000 à Paris samedi dernier, soit un score des plus moyens s’il s’était agi des manifs sociales ordinaires, ils ( les gilets jaunes) ont réussi à obtenir plus que les syndicats en trente ans ». Or, grossièrement, on évalue à une trentaine d’années (voire une quarantaine d’années si on veut se référer à la date officielle du début de la crise économique en France et en Europe dans les années 70) la période à partir de laquelle, les acquis sociaux ont commencé à être entamés et la vie à devenir de plus en plus chère en France avec un saut dans l’hyperespace lors du passage à l’euro il y’a bientôt vingt ans.

 

Mais ce 19 décembre 2018, le journaliste C.L, dans Le Canard Enchainé , pointe le fait que malgré les succès politiques du mouvement populaire des gilets jaunes, les grosses entreprises , responsables d’une façon ou d’une autre de l’appauvrissement général, conservent une très bonne santé économique et financière. Ainsi, toujours selon C.L ce 19 décembre 2018 :

«  Amazon, qui truste en France 20% des achats en ligne, n’a payé à Bercy l’an dernier que 8 millions d’euros d’impôts. Le numéro 1 de l’e-commerce n’y est pas allé avec le dos de la souris pour minimiser son activité dans l’Hexagone : 380 millions d’euros de chiffres d’affaires déclaré, alors qu’il est, de l’avis des experts, quinze fois plus élevé, à 5,7 milliards !

Même tour de passe-passe pour Facebook, qui n’a donné au fisc que 1,9 million. Google, lui, n’a réglé que 14 millions d’euros d’impôts, sur un chiffre d’affaires annoncé de 325 millions, alors qu’il atteint presque 2 milliards. Quant à Twitter, avec une activité en France rapetissée à 12,5 millions d’euros, cinq fois moins que la réalité, il aura inscrit moins de 300 000 euros sur sa feuille d’impôts ».

Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), rappelons-le, sont des entreprises américaines qui doivent leur réussite économique à la croissance d’internet et à tous les produits et transactions qui en découlent, sont actuellement et depuis des années les plus puissantes du monde.

 

On peut voir cet article comme la venaison et la confirmation d’un esprit gauchiste aigri et anti-américain. Puisque j’y parle assez peu de Basquiat , l’artiste-peintre, et encore moins d’Egon Schiele. Et que je vais parler, maintenant, de cet article que j’avais lu et oublié dans….le Télérama du 22 décembre 2018 au 4 janvier 2019 (c’est-à-dire en ce moment) et sur lequel je suis à nouveau tombé tout à l’heure par hasard.

Et que raconte entre-autre cet article, page 16, Le Mécénat Est-il Menacé signé Sophie Rahal ? :

 

«  (…) Mi-novembre une plainte contre X pour escroquerie et fraude fiscale a été déposée par une association anticorruption ; elle vise la Fondation Louis Vuitton. Financée par le groupe LVMH, cette institution culturelle est soupçonnée d’avoir bénéficié de la loi Aillagon pour réduire son impôt, pour un montant de 518 millions d’euros, entre 2007 et 2017. Depuis, le mécénat (surtout culturel) est sous le feu des critiques. C’est oublier qu’il permet de faire vivre de nombreux projets : création artistique, festivals, photographie…le secteur culture-patrimoine est d’ailleurs le deuxième à bénéficier du mécénat, après le social, et avant l’éducation ».

 

Et, là, je retourne à Basquiat et Egon Schiele.

 

Basquiat, pour moi, depuis une vingtaine voire une trentaine d’années, c’est un visage et un nom. Quelques photos. Je fais une courte allusion à Basquiat dans mon article (très long) Moon France.

J’ai oublié quand, pour la première fois, j’ai vu une photo de Basquiat. Lequel fait partie de ces jeunes artistes morts avant la trentaine et célébrés autant pour leur Art et leur talent que pour le fait d’être morts avant la trentaine : Jim Morrisson, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Amy Winehouse, James Dean….

 

Je connais « mieux » le travail d’Egon Schiele. Il m’est arrivé d’acheter des cartes postales reproduisant certains de ses tableaux.

 

J’avais 20 ans lorsque Basquiat est mort en 1988. Si son Art et ses messages parlaient et parlent de moi, je ne les comprenais et ne les connaissais pas. Et c’est encore le cas. Comme ce jeune que j’avais interrogé à mon arrivée il y’a 11 ans à Argenteuil. Il ne comprenait pas et ne connaissait pas ce que je lui demandais. Assez souvent, il arrive que les gens ne comprennent pas ce que je leur demande. Et, ils croient que je me fiche d’eux. Il est vrai que je peux faire de la provocation surtout avec les personnes envers lesquelles j’éprouve sympathie ou affection.

Mais Je venais par le train du centre-ville d’Argenteuil. Et, je cherchais la médiathèque du Val d’Argenteuil. Nulle provocation de ma part.

Ce jeune du quartier, qui devait avoir entre 15 et 17 ans, peut-être plus, a réfléchi quelques secondes, plutôt perplexe. J’avais 8 ou 9 ans lorsque, pour la première fois ( je l’en remercie encore), notre instituteur, Mr Pambrun de l’école primaire Robespierre, nous avait emmené à pied, la classe entière, en longeant la piscine Maurice Thorez, jusqu’à la bibliothèque de Nanterre. Presque en vis-à-vis du lycée Joliot Curie où j’allais poursuivre ma scolarité quelques années plus tard. Et à partir de cette première fois avec la classe et Mr Pambrun, régulièrement, les samedis après-midis, je retournais seul ou avec un copain pour lire des bandes dessinées et emprunter des livres. Depuis, mon attachement aux bibliothèques et aux médiathèques s’est maintenu.

 

Trente ans plus tard, notre jeune de la dalle d’Argenteuil, à peine parti, je m’étais aperçu que la médiathèque que je cherchais était à peine à vingt ou trente mètres de nous. La médiathèque, lieu de culture et de rencontres, accessible et gratuit, ne faisait par partie du plan mental du jeune que je venais de rencontrer. C’est sans doute un préjugé de ma part : mais je m’avise aujourd’hui que si je lui avais demandé où trouver du shit (PS : je ne consomme aucun stupéfiant) il m’aurait peut-être mieux renseigné.

Toujours est-il que vis-à-vis de Basquiat, avec ou sans shit, je suis à peu près dans le même état d’esprit que notre jeune rencontré ce jour-là comme je cherchais la médiathèque du Val d’Argenteuil. Regarder cette nuit le documentaire Basquiat, une vie réalisé en 2010 par Jean Michel Vecchiet m’en persuade. J’ai emprunté le dvd dans la médiathèque de ma ville.

Si la musique et certains ralentis du documentaire me semblent trop appuyés, j’en ai néanmoins un peu plus appris sur Basquiat. Celui-ci est parti de chez lui à 15 ans comme beaucoup d’artistes et de personnes qui ont vécu dans la rue et qui ont « réussi » affirme Suzanne Mallouk, une de ses ex-copines devenue psychiatre et spécialiste des addictions si j’ai bien compris. Mallouk se cite parmi ces jeunes partis de chez leurs parents à 15 ans. Ainsi que Keith Haring qu’elle et Basquiat ont côtoyé. Madonna a fait partie de leur environnement. Elle se serait rapprochée de lui par intérêt alors qu’il était bien plus « famous » qu’elle.

 

A tort peut-être, en France, je pense à Béatrice Dalle comme faisant partie de ces artistes partis de chez eux à 15 ans.

 

Voir le documentaire en Anglais sans sous-titres m’expose à certaines incompréhensions et quiproquos mais certains d’entre eux me plaisent. Par exemple, je crois d’abord qu’à évoquer Basquiat, on parle d’un « Black Panther » alors que bien-sûr, on parle de lui comme d’un « Black painter ». Mais son art militant a sûrement un rapport aussi avec un mouvement comme celui des Black Panthers. Et je ne parle pas ici du film sorti en 2018, qui a bien marché, a eu de bonnes critiques, et qui m’a moyennement plu.

 

Dans le documentaire de Vecchiet, je découvre que Basquiat a fait plusieurs séjours en Afrique : Bénin, Côte d’Ivoire. Mali ? Qu’il s’est rendu à la Nouvelle-Orléans qu’il considérait comme l’endroit du passage entre l’Europe et l’Afrique. Il était curieux de ses origines. Ces lieux m’attirent que ce soit en Afrique ou à la Nouvelle-Orléans.

A parler de la consommation des drogues de Basquiat, Suzanne Mallouk affirme que celui-ci avait d’abord pris de la marijuana, puis de l’opium et ensuite qu’il alternait entre cocaïne et héroïne. Elle insiste quant au fait que l’usage des drogues faisait partie de la culture de l’époque dans leur milieu au même titre que la consommation du LSD dans les années 70. Pour elle, Basquiat était un créatif constant (elle parle d’hypomanie créative) indépendamment de la drogue et elle estime que celle-ci rendait ses œuvres plus détaillées lorsqu’il était sous cocaïne et plus brutes sous héroïne.

 

« Offended » par le racisme des Etats-Unis, sa relation difficile avec son père, la vulnérabilité de sa mère, la célébrité a peu réconforté Basquiat. Souvent seul, finalement, Basquiat n’a pas su s’entourer lorsqu’il en aurait eu le plus besoin. En cela, il a peut-être manqué de maturité et de lucidité. Car trop tendre ( ce n’est pas une critique). Et la célébrité, la richesse matérielle et les drogues n’ont rien arrangé.

 

Lorsqu’arrive l’interview d’Agnès B, je mesure comme je suis un clone de notre jeune homme rencontré près de la médiathèque du Val d’Argenteuil en matière d’ignorance :

Elle raconte comment, dans les années 80, elle avait pu rencontrer Basquiat à New-York dans une galerie ou à une exposition et la façon dont elle avait été marquée par sa peinture. Et sa personnalité, simple, timide et sans chichis. J’aurais aimé, depuis toutes ces années, avoir eu la capacité de comprendre ou de ressentir l’œuvre de Basquiat- et d’autres- comme Agnès B et d’autres. Or, jusqu’à maintenant, l’œuvre de Basquiat a eu sur moi à peu près le même effet que la médiathèque sur ce jeune croisé. J’y suis resté étranger. Agnès B a grandi dans une famille « cultivée » mais cela est seulement une partie de l’explication.

 

 

Quelques mots sur Basquiat et , après ça, je termine cet article afin qu’il soit d’une longueur encore à peu près supportable pour le lecteur qui aura persévéré jusque là.

 

Au mieux, je crois que Basquiat m’avait marqué dans le passé car ses locks qui avaient fasciné ou séduit Agnès B et d’autres dans les années 80 m’avaient sûrement rappelé Bob Marley ainsi que David Hinds, l’un des fondateurs et meneurs du groupe Steel Pulse. Et, le Reggae comme certaines de ses figures étaient des messages et des symboles que je comprenais dans les années 80. Sa coupe de cheveux rasée peut, elle, faire penser à un Tricky avant l’heure, au mouvement punk ou peut-être à la tonsure de certains Native American. Aujourd’hui, il est courant de voir des hommes crâne rasé mais, selon mes souvenirs, dans les années 80, la norme capillaire dans le civil était d’avoir des cheveux.  Dans la vie courante, parmi les bien portants, seuls, les militaires, les moines, les punks et le skinheads, en occident ou en asie, se rasaient le crâne. Puis, des athlètes (noirs) américains ont commencé à populariser cette pratique, ou, en tout cas, à me la rendre visible.

 

Il y’a un bon mois, maintenant, une de mes collègues et moi avons discuté de l’exposition Egon Schiele/ Basquiat qui se déroule dans la fondation Louis Vuitton. Nous avions raté les offres à prix réduits proposées par le CGOS (comité de gestion des œuvres sociales) qui peut nous permettre d’avoir environ cinquante pour cent de réduction sur certains événements comme les expositions. Parce-que nous avons la chance que notre employeur nous permette de bénéficier des offres du CGOS. Mais Il n’y’avait plus de places proposées par le CGOS pour l’exposition. J’ai cru comprendre que celle-ci était complète. Et qu’il était impossible de se procurer des places.

Nous ne saurons jamais si d’autres employés comme nous se sont précipités sur cet événement ou si le CGOS disposait pour cet événement d’un nombre de places inférieur à d’autres offres.

 

Apprenant que l’exposition était prolongée jusqu’au 21 janvier 2019, du fait de son succès, je me suis décidé ce matin à aller voir s’il y’avait des places disponibles. Il en restait : 16 euros la place à plein tarif. Plus de cent francs dans l’ancien temps. En supplément, on me proposait de bénéficier de la navette afin de me rendre jusqu’à la fondation. 2 euros de plus. Soit un total de 18 euros. Dans l’ancien temps, jamais je n’aurais accepté de payer plus de cent francs pour me rendre à une exposition. Même si j’en avais eu les moyens.

 

Résumons. A 15 ans, Basquiat a quitté ses parents pour aller vivre dans la rue. Sûrement parce-que la rue lui semblait un foyer et un échappatoire plus merveilleux que ce qu’il connaissait chez lui. Il s’est d’abord fait connaître par ses dessins et ses graffitis sur les murs de la ville de Brooklyn dans les années 80. Il marchait beaucoup la nuit dans la ville. En zigzag car il avait du mal à marcher droit assure Suzanne Mallouk. Il a sûrement vécu dans des squats. A cette époque, artistiquement et culturellement, dit l’une des personnes qui témoigne dans le documentaire de Vecchiet, New York était l’équivalent de Berlin aujourd’hui. Une ville dont au moins depuis sept ans, j’ai entendu dire du bien mais où je ne suis toujours pas allé.

 

Le jour où Basquiat a vendu sa première toile en 1981, il était content : il avait empoché 200 dollars. Un an plus tard, devenu un artiste célèbre, une de ses toiles se vendait au minimum 20 000 dollars. Basquiat était devenu riche. Puis, il est mort comme un pauvre six ans plus tard. Seul avec son overdose. Sa petite amie de l’époque (qui ne témoigne pas apparemment dans le documentaire) a d’abord cru qu’il dormait.

Sa mort à peine rendue officielle, une des personnes interviewées dans le documentaire, témoigne qu’il y’a eu une forte spéculation sur les œuvres de Basquiat et que le prix de celles-ci a flambé.

Trente ans plus tard, le groupe LVMH, groupe multimilliardaire, qui fait entre-autres dans les produits de luxe, organise via sa fondation Louis Vuitton une exposition Egon Schiele/ Jean-Michel Basquiat. L’exposition est un succès. Cependant, LVMH est soupçonné d’avoir profité de la construction de la fondation Louis Vuitton pour pratiquer l’escroquerie et l’évasion fiscale. Et, il faut craindre les retombées du jugement qui sera rendu car cela pourrait avoir un effet nuisible sur la promotion de la culture.

Donc, en déboursant 16 euros tout à l’heure pour me rendre à cette exposition, je soutiens LVMH et la promotion de la culture. Tout en acceptant un effort financier supplémentaire au profit d’un milliardaire qui se contrefiche de moi et de tous les autres de mon espèce, avec ou sans gilets jaunes.

Comme Basquiat l’écrivait à côté de ses œuvres au début de sa carrière : SAMO.

Same Old Shit ! SAMO n’est pas mort contrairement à ce qu’il a voulu croire.

 

Je me contenterai quant à moi de signer simplement au bas de cet article en me convaincant que j’ai bien fait de donner 16 euros au groupe LVMH. En me disant que je vais vivre une expérience extraordinaire en me rendant à cette double exposition (où ma compagne a refusé de m’accompagner). Et, puis, avec un peu de chance, il n’y’aura pas trop de monde.

 

Etant donné que j’ai eu du mal à imprimer correctement ma place, j’espère que l’on me laissera entrer dans la fondation.

 

Franck, ce mercredi 26 décembre 2018.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Et, ça marche ?

 

 

Et, ça marche ?

 

C’est la question que m’a posée le premier journaliste cinéma rencontré lorsque je me suis rendu à ma première projection de presse depuis sept ans. C’était avant de voir le film Kabullywood de Louis Meunier qui sortira le 6 février 2019. Un film à propos duquel j’ai écrit dans la rubrique Cinéma : https://balistiqueduquotidien.com/kabullywood-sort…e-6-fevrier-2019

 

Mon confrère journaliste voulait savoir si tenir un blog valait le coup (coût). Devant sa question, moi qui étais plutôt à ma joie de retrouver le canal des projections de presse, je me suis senti pris au dépourvu et tenu de rendre des cendres, lourdé par une logique comptable terre à terre et néanmoins nécessaire.

J’ai répondu que c’étaient les débuts du blog. Ce qui était et reste vrai. Poliment, mon «confrère» m’a alors souhaité bonne chance avec ce que ce « bonne chance » comportait de scepticisme.

 

La presse va mal d’une manière générale depuis plusieurs années. Les personnels des médiathèques, par exemple, se désolent du fait que notre rapport à la culture ait changé ces vingt dernières années. On lit moins. On est plus impatient. On écoute la musique autrement, de manière dématérialisée, en accéléré. Affûtés par les nouveautés grand public, on montrerait moins de curiosité.

Et il existe tout un tas de média qui parlent déjà de cinéma. Alors, lancer un blog fin 2018 où je parlerai de cinéma peut intriguer et en intriguera d’autres à l’image de ce confrère, journaliste cinéma.

Par ailleurs, il semble admis qu’une période de deux ans soit le minimum avant de pouvoir espérer rendre viable l’existence d’un blog comme de toute entreprise que l’on créé. En deux ans, on a le temps de se résigner ou de se voir confirmer que l’on tient le bon projet, celui qui marche et qui nous correspond.

En un mois, depuis l’ouverture de ce blog, j’ai publié vingt articles. Soit une assez bonne moyenne rédactionnelle. Mon meilleur « score » en termes d’audience a été de 45 lecteurs par jour. Cela peut sembler dérisoire en regard avec les milliers de lecteurs ou d’abonnés de certains blogs, sites ou chaines Youtube. Mais chaque lecteur compte. Je crois du reste que chaque lecteur, même contrarié, est un lecteur. Un allié.

Je suis un peu étonné de m’exprimer comme un politicien pourrait le faire avec des électeurs. Pourtant, concrètement, c’est encourageant de voir que l’on a été lu par des lectrices/ lecteurs. De recevoir des avis, des impressions. J’en ai reçus.

Et même s’il importe de faire au plus vite du « chiffre » en termes de lectrices/ lecteurs et d’abonnés afin de constituer une spirale vertueuse de personnes qui va contribuer à faire connaître le blog de plus en plus, pour l’instant, je ne m’inquiète pas :

Cet été, avant de lancer le blog, j’avais expliqué à Jamila Ouzahir (l’attachée de presse revue par hasard dans le métro et qui m’a encouragé dès le début) que je parlerais de cinéma mais aussi d’autres sujets.

Pour qu’un blog «  marche », j’ai cru comprendre qu’il fallait le personnaliser et, aussi, parler de soi. Je parle trop de moi ? Tous les jours, sur les réseaux sociaux, mais aussi sur leur lieu de travail, des milliers voire des millions de personnes parlent d’elles. Tous les jours, nos navigations sur internet et sur le Web, nos achats au moins au moyen de nos cartes bancaires ainsi que nos déplacements ne serait-ce que par les transports en commun donnent quantité d’informations et parlent de celles et ceux que nous sommes. Si l’on doit savoir qui je suis, je préfère encore être celui qui choisit les sujets que je veux voir abordés au moment où je l’ai décidé.

Certains de mes articles sont longs ? C’est un défaut. Ainsi qu’une particularité. Cela fait partie de mon grain. Il y’a environ trente ans maintenant, le CD était supposé exterminer le vinyle définitivement. Aujourd’hui, même si le vinyle reste minoritaire et en cours chez des « puristes», sa persistance indique qu’on lui trouve des propriétés uniques que la perfection sacrificielle du CD ou les caractéristiques du MP3 ont exclu. Mais le meilleur exemple est sûrement celui du livre qui a beaucoup mieux résisté au numérique et à la dématérialisation. La longueur de certains de mes articles provient sûrement d’une certaine tradition- papier- du livre. Elle peut de ce fait convenir à celles et ceux qui ont du mal à se satisfaire de la brièveté de certains contenus et aiment prendre leur temps pour lire.

Mais ce qui plait à certains et déplait à d’autres est le contraire d’une science exacte. Ce qui rebute certaines et certains aujourd’hui conviendra peut-être demain, dans quelques jours ou dans quelques semaines, à d’autres voire aux mêmes. D’autres, enfin, sont peut-être tout simplement indisponibles en cette période de fin d’année.

En attendant, mon rôle est d’avoir des idées, de faire montre d’une certaine perspicacité, d’une certaine originalité et de sincérité.

Et, j’ai des idées. D’articles courts et longs. Pour mieux faire connaître mon blog. Mais aussi en termes de rubriques que j’ajouterai au fur et à mesure.

Pour l’instant, je n’ai publié aucune vidéo sur mon blog parce-que plus j’écris et moins j’ai envie de me montrer : c’est une question de dynamique. Plus j’écris et plus je me sens tout mou à l’image. Même ma voix me redoute. J’ai pourtant une expérience du jeu d’acteur.

Je comprends qu’écrire et jouer face caméra sont deux actions et deux énergies distinctes. Elles peuvent se conjuguer mais, pour l’instant, je me sens divisé entre les deux. Et puis, l’une comme l’autre de ces deux actions (écrire et jouer) pour être effectuée de façon à peu près satisfaisante, demande du temps. J’ai bien deux ou trois vidéos à montrer que certains ont déjà vues mais il m’ennuie de me dire qu’après elles, ce sera le vide car je n’aurai rien d’autre – pour l’instant- à proposer. Je comprends donc qu’en écrivant cette vingtaine d’articles et quelques autres, j’ai beaucoup été dans ma tête et que je dois, pour retrouver le plaisir du jeu d’acteur, retourner un peu plus dans mon corps.

 

Alors, est-ce que ça va marcher ? Pour le savoir, il faudra d’abord que j’aie posé sur la table tous mes atouts. Ce que je suis très loin d’avoir fait. Et il faudra bien-sûr que l’on continue de venir sur balistiqueduquotidien.com

Bonnes fêtes de fin d’année !

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 23 décembre 2018.

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

Pour la rubrique cinéma de mon blog désormais rebaptisé Balistique du quotidien, j’avais prévu ce matin d’aller voir deux films au cinéma. Afin d’alléger un peu le contenu de certains de mes articles. Et aussi parce-que j’ai bien l’intention de parler cinéma sur ce blog. Et puis, il m’est soudainement apparu évident que la meilleure façon de démarrer ma rubrique cinéma consistait à m’inspirer de mon expérience de journaliste cinéma pour le mensuel papier Brazil. Lequel a cessé de paraître fin juin 2011 si je ne me trompe.

 

Le train du deuil et de la nostalgie de la fin de cette aventure journalistique me semble aujourd’hui, ce mardi 18 septembre 2018, passé. 7 ans pour le passage d’un train, cela est un délai plutôt raisonnable.

 

Avant mon expérience de journaliste cinéma pour Brazil, j’étais un cinéphile parmi d’autres. Bien que cinéphile assez « tardivement ». Ma mère m’a raconté qu’elle et mon père m’emmenaient avec eux lorsqu’ils allaient au cinéma à Paris. Dans les années 70. Car la place était gratuite pour moi et parce-que j’étais un enfant « sage ». Je devais vraiment être très petit (entre mes trois et six ans m’a récemment répondu ma mère) car je n’ai aucun souvenir de séance cinéma avec eux hormis quelques bribes d’un film où le « héros » était une voiture coccinelle du nom de « Choupette ».

A la maison, devant la télé en noir et blanc dont la troisième chaine avait déserté, mes parents étaient plutôt portés sur certaines comédies françaises avec Bourvil et Fernandel. Mais ils avaient aussi une certaine fascination pour les films américains à tendance polar ou western. Ou pour les films de Bruce Lee. Et moi, à 20h30, après le journal des informations, j’avais obligation d’aller me coucher.

 

Je disposais néanmoins de mes plages télévision. A condition que celles-ci soient compatibles avec l’agenda de mon père en termes de retransmission d’événements sportifs à la télé. Si la voie était libre, les samedis après-midis, j’avais par exemple droit à l’émission Samedi est à vous, à Temps X lorsque les frères Bogdanoff étaient jeunes, beaux et sans silicone. Et, j’étais là devant l’écran lorsqu’arriva la saga Goldorak et tout ce qu’elle suscita d’engouement et de nouveauté, amenant avec elle toutes ces caravanes de séries japonaises (Candy, Heidi, Albator, Sandokan) et ignorant tout de leur provenance comme de ce qu’elles pouvaient éventuellement représenter comme « menace » culturelle ou tout simplement commerciale pour des œuvres telles que La Petite Maison dans la Prairie, Amicalement Vôtre, Les Mystères de l’Ouest, Arsène Lupin ou Vidocq….

Plus tard, à partir de l’adolescence, répondant peut-être déjà à un certain appel d’obsolescence programmée, je me suis aussi beaucoup abruti devant la télé. Je me suis beaucoup vu me mettre minable, les dimanches après-midis, en regardant jusqu’au bout et sans rémission les émissions (ré) animées par Jacques Martin. Depuis L’homme qui prend des risques en passant par Incroyable mais vrai jusqu’au Thé Dansant.

Je savais que ce que je regardais était mauvais, très mauvais, que je savais lire et écrire, que je perdais mon temps. Mais je restais là, fidèle au poste, accroché à la lucarne du téléviseur familial qui me semblait être mon seul subterfuge contre l’ennui.

Lequel téléviseur, remplaçant le précédent, était désormais pourvu de la couleur et de la télécommande. Néanmoins, je restais un téléspectateur pédestre et méthodique, dévot jusqu’au-boutiste de la chaine et du programme choisis, totalement sectaire envers l’idée du zapping et la réprouvant même, quelle dégénérescence ! , lorsque mon frère, mon benjamin de 14 ans, s’y adonnerait parfois compulsivement devant moi.

 

Le grand avantage de toutes ces mauvaises cuites télévisuelles alors que j’ingérais toutes les versions françaises de ce que je regardais comme des hosties et du petit lait, c’est qu’en quittant mes parents pour aller emménager chez moi, je me suis aussitôt sevré de la télé. Je n’ai jamais acheté de téléviseur. En acheter n’a jamais fait partie de mes projets. Il est quantité de dépenses dont j’aurais dû me passer et j’ai encore bien des efforts à faire en termes de dépenses. Je perçois la consommation « ordinaire » que nous pratiquons quasiment quotidiennement pour divers achats comme une addiction soit l’équivalent   d’un «  apprentissage pathologique » assimilé depuis des années et qui nous fait du tort. Néanmoins, nous avons aussi des moments de lucidité. J’ai toujours été perplexe devant les (grandes) sommes qu’acceptent de donner mes contemporains en vue d’acquérir un téléviseur. Et j’ai éprouvé une grande fierté à pouvoir être dispensé de payer la redevance télé pendant des années.

Aujourd’hui, nous avons bien un téléviseur à la maison. Mais c’est celui que possédait ma compagne alors que nous nous sommes rencontrés. Je n’ai jamais estimé que cela pourrait constituer un motif recevable afin de la répudier. D’autre part, son téléviseur nous sert d’écran pour regarder des Blu-Ray et des dvds voire des cassettes VHS. Et lorsque notre fille se met subitement en arrêt à à peine cinquante centimètres d’un téléviseur allumé de manière automatique chez des amis ou dans de la famille, je me transforme en vigie qui la fait battre en retrait de deux ou trois mètres. Ma compagne adopte la même attitude même si, assez amusée, elle ne manque pas de (me) rappeler quelques fois que lorsque je passe devant un téléviseur allumé, je me transforme aussi en statue comme notre fille.

Je suis devenu cinéphile lors de ma deuxième ou troisième année d’école d’infirmier. J’avais 20 ans.

J’allais au cinéma généralement seul. Et, après mon diplôme d’infirmier, j’ai connu une période où je voyais un film par jour en moyenne. En voir deux d’affilée était tout autant normal. En version originale. Du jour où j’ai arrêté de regarder la télé et ses versions françaises au profit du cinéma en version originale, il m’est devenu très difficile ensuite de supporter la version française d’un film. Car notre cerveau et notre oreille décèlent très vite le travail de faussaire de la version française aussi bonne soit-elle.

J’ai rencontré Christophe Goffette, le rédacteur en chef de Brazil début 2009 aux Cinglés du cinéma à Argenteuil. Cela faisait 20 ans que je me rendais dans des salles de cinéma. Et autant d’années que j’écrivais dans mon coin, imposant par moments mes éclairs de « génie » littéraire à quelques courageuses et courageux, ou malchanceux, parmi mes proches et moins proches. Perspicaces, toutefois, plusieurs maisons d’édition ont préféré égarer ou me restituer mes manuscrits.

Avec, parfois, cette réponse que j’arrachais et, qui, bien que polie, était pour moi très humiliante : « Trop de lieux communs…. ». Mais ces maisons d’édition avaient raison. J’étais quelqu’un de commun ou un original qui échouait à rendre évidente et captivante sa particularité.

 

En 2009, j’habitais à Argenteuil depuis bientôt deux ans. Malgré ses atouts, Argenteuil est selon moi une ville qui continue de beaucoup subir son image. Cela a peut-être aussi contribué à nous rapprocher, elle et moi. Même si, vis-à-vis d’elle, je peux osciller entre sentiment de saturation et attachement.

 

Habiter à Argenteuil était un gros avantage pour se rendre aux Cinglés du cinéma. Cela fait des années que cette manifestation s’y déroule à la salle des fêtes Jean Vilar, non loin du conservatoire. Et, désormais, j’avais juste une rue à traverser pour, en trois à quatre minutes, m’y trouver.

J’ai néanmoins failli ne me pas me rendre à cette édition des Cinglés du cinéma.

J’étais déprimé. Ma copine de l’époque m’avait quitté. Ma vie sentimentale continuait d’être insatisfaisante. Je n’étais pas un génie.

J’ai oublié comment je m’y suis pris avec moi-même pour me porter jusqu’aux Cinglés du cinéma. Je me suis sûrement dit que j’allais juste y passer.

En furetant parmi les exposants, je suis tombé sur Christophe Goffette avec lequel le contact a d’emblée été très simple et très sympathique en parlant cinéma. Plusieurs numéros de Brazil figuraient sur son stand. Je n’y ai pas prêté d’attention particulière.

Je me rappelle davantage d’un visiteur, un personnage, conversant avec Christophe puis commençant à délivrer son érudition à propos d’un film de genre que très peu de personnes avaient vu et où il était question d’un Batman gay. Un moment hilarant que j’aurais aimé enregistrer ou, à défaut, que j’aurais dû retranscrire aussitôt. Puis, j’étais allé dans d’autres rayons et étais repassé à son stand afin de lui acheter quelques dvds. Cette fois-ci, un autre cinéphile discutait avec lui. En les écoutant, j’ai cru comprendre qu’il était possible d’écrire pour Brazil. J’ai alors interpellé Christophe :

« Vous cherchez des personnes pour écrire ? ». Il s’est défendu, tout sourire :

« Mais je ne cherche pas ! ». Ce qui signifiait que le contenu et le style de Brazil

( « Le cinéma sans concession$ » ) correspondaient aux besoins de bien des cinéphiles qui en avaient assez d’une presse cinéma policée et normothymique.

Contrairement à l’autre cinéphile présent, je connaissais Brazil vaguement.

Contrairement à l’autre cinéphile présent, sitôt rentré chez moi, j’ai envoyé un mail à Christophe comme convenu dans lequel je me présentais un peu. Environ une à deux semaines plus tard, Christophe m’a envoyé par mail une liste de films à voir en avant-première dans des salles dédiées aux professionnels de la presse. Il s’agissait de réelles avant-premières. De séances qui se déroulaient un voire deux mois avant la sortie des films en salle. Néanmoins, aucun de ces films ou de ces réalisateurs ne me parlait. Il s’agissait pour la plupart de petites productions et de cinéma d’auteur dont, très certainement, le grand public a peu entendu parler car il s’agit de réalisations assez peu diffusées dans les salles et non-éligibles au succès commercial.

Même si Brazil frayait dans le cinéma d’auteur et le cinéma de genre(s), il est vraisemblable que Christophe me testait.

Ma première réaction a plutôt été de croire qu’il s’agissait d’un canular : je croyais modérément à l’existence de ces séances de presse dans ces rues proches des Champs- Elysées dont, jusqu’alors, j’avais ignoré l’existence.

Christophe m’avait dit de joindre par téléphone les attachées de presse concernées et de m’annoncer comme journaliste de Brazil. C’est ce que j’ai fait. Et, en me rendant sur place, je me suis aperçu que tout était vrai.

Je crois que le premier film que j’ai « critiqué » était un film se déroulant en Azerbaïdjan ou en Ouzbékistan (Non ! Il s’agit du film Tulpan réalisé en 2006 par Sergey Dvortsevoy au Kazakhstan et distribué en 2009). Après avoir lu mon texte, bienveillant, Christophe m’avait répondu que l’on sentait que je me retenais encore un peu mais que ça allait venir par la suite.

Christophe m’avait aussi d’emblée prévenu que tous les journalistes de Brazil étaient bénévoles. Cela ne m’a jamais dérangé durant les deux ans et demi de mon expérience avec Brazil car nous avions une très grande liberté d’expression que je n’ai pas retrouvée par la suite. Et aussi parce-que cette expérience m’a permis d’interviewer des réalisateurs et des acteurs (et aussi de me rendre dans certains endroits) que je n’aurais jamais rencontrés si j’avais été stagiaire ou même pigiste dans d’autres médias papiers officiels qui existent encore à ce jour.

Et en écrivant cela, je dis plusieurs choses : l’arrêt de Brazil fin juin 2011 a été passionnément mal vécu par plusieurs de mes anciens collègues journalistes de Brazil. A tort ou à raison, plusieurs de mes anciens collègues journalistes de Brazil en ont beaucoup voulu à Christophe de la fin de Brazil. Pour ma part, j’ai comparé la fin du mensuel Brazil …à une rupture amoureuse mais aussi à la fermeture d’une usine dans une ville ou une commune dont toute l’activité économique et sociale dépendait. Ce qui était forcément douloureux. Mais quelques expériences de vie m’avaient appris que dès lors qu’une rupture amoureuse est inéluctable, qu’il est beaucoup moins douloureux de l’accepter.

 

On peut me voir comme l’idiot ou le grand naïf de l’histoire. Et je veux bien croire que ma « sympathie » voire ma « loyauté » envers Christophe Goffette a pu, aussi, m’isoler ou me coûter en termes d’opportunités journalistiques puisque beaucoup est aussi affaire de relations, d’alliances et de réseaux dans ce milieu. Pour le reste, ma dépendance envers l’expérience et l’époque Brazil m’a certainement empêché de voir comme de m’ouvrir à d’autres opportunités ou d’autres média. J’avais sûrement besoin d’un temps de deuil plus long et plus lent que d’autres. Car il est bien deux ou trois autres anciens collègues de Brazil qui ont su persévérer et, depuis, évoluer dans le journalisme du cinéma tandis que d’autres, déjà versés et reconnus dans ce milieu, avaient bien moins besoin que moi d’un dispositif comme Brazil pour se faire connaître de la profession. D’autres, aussi, semblent avoir délaissé le journalisme cinéma. Enfin, je dois ajouter que mon humour, noir, absurde, à froid, mes bizarreries ou ma folie mais aussi ma timidité me rendent quelques fois peu performant en matière de séduction sociale. Par exemple, lorsque je sors d’une séance cinéma, je peux avoir beaucoup de mal à partager ce que je viens de voir. J’ai besoin de garder mes impressions, avec une certaine exclusivité, pour pouvoir les écrire. Et je peux aussi avoir besoin de temps pour laisser infuser. Je suis plutôt pressé de m’isoler, si je suis inspiré, pour écrire.

Ce genre d’attitude ou d’incartade est assez contre-productif en termes d’échanges sociaux avec des collègues journalistes par exemple. Et sauf si ceux-ci nous connaissent bien ou ont la possibilité de nous connaître et de passer avec nous quelques moments informels et agréables, ou tout simplement sociables, à force de rencontres répétées dans des festivals ou autres lieux dévolus au cinéma, nous passons inaperçus ou pour quelqu’un de peu attractif.

 

Pour compléter le tableau, il convient sans doute aussi de dire qu’il existe une ligne de démarcation non-dite mais bien concrète entre la caste, jugée inférieure, des journalistes cinéma bénévoles et celle, estimée supérieure, des journalistes cinéma ou critiques de cinéma officiels et professionnels. On perçoit l’existence de cette séparation entre ces deux « castes » dans l’accueil que peuvent réserver certaines et certains attachés de presse à des journalistes cinéma patentés qui ont pour eux d’officier au sein d’un journal qui jouit soit d’un certain prestige intellectuel ou d’une grande puissance de diffusion économique et commerciale voire des deux lorsque cela se produit. On peut alors entendre des attachées et des attachés de presse donner cérémonieusement du « Monsieur » à un journaliste « réputé » ou «  connu » comme on s’adresserait à un vicomte ou à un monarque au 18 ème siècle. Si je reconnais à un certain nombre de ces journalistes ou critiques cinéma reconnus une connaissance, une certaine conscience du cinéma ainsi qu’une aptitude à les transmettre, je crois aussi qu’après avoir lu un certain nombre de leurs articles pour certains, qu’après avoir vu un certain nombre de films et qu’après avoir connu soi-même- et continuer de le faire- un certain nombre d’expériences dans différents domaines de l’existence (culturels et autres) qu’on acquiert soi-même une certaine conscience et une certaine connaissance de ce que l’on voit, comprend et de ce que l’on ressent. Ainsi que sa façon toute personnelle, inconditionnelle, et vivante, de les transmettre.

Et, je crois aussi qu’il est des fois ou des journalistes ou critiques cinémas labellisés et « reconnus » ont des trous de connaissance et de conscience ou, tout simplement, des insuffisances bien que celles-ci soient évidemment humaines. Par exemple, dès qu’il s’agit de parler d’un film sur une certaine banlieue comme cela avait pu être le cas pour le film L’Esquive de Kechiche, soit un univers extérieur visiblement à certains des journalistes ou critiques cinéma « reconnus » que j’ai lus, j’ai déjà pu être désagréablement surpris par la qualité de leurs écrits aussi bienveillants et encourageants soient-ils. Je ne peux pas me considérer comme un spécialiste de la jeunesse de la banlieue ou d’une certaine banlieue : je fais désormais partie des « vieux » et je suis inséré professionnellement depuis des années. Pourtant, à lire certains articles à propos de L’Esquive de Kechiche, il m’avait sauté aux yeux que les journalistes ou critiques de cinéma « reconnus » dont je lisais les critiques depuis des années étaient alors plutôt poussifs ou dépassés.

Un autre aspect me dérange dans cette espèce de monarchie laquée des journalistes et critiques de cinéma certifiés. Et cela me dérange dans d’autres milieux que dans celui du journalisme cinéma : disposer d’un grand bagage intellectuel et culturel, c’est très bien. Et je suis preneur en termes d’apprentissage. Mais si on le transmet principalement de manière hautement cérébrale, corsetée, froide de telle façon que cela détourne de la lecture, de l’écoute, du sujet ou du film dont on parle, quel est le but ? De s’aimer soi plus que les autres ?

Pour beaucoup s’aimer, il est manifeste que certains journalistes ou critiques cinéma professionnels s’aiment beaucoup. Un jour, avant une projection de presse, j’ai rencontré l’un d’entre eux. Nous avions un peu de temps pour discuter. Et, celui-ci s’est montré très sympathique, chaleureux, allant même jusqu’à aller me chercher un exemplaire du dossier de presse lorsque l’attaché(e ) de presse est arrivé (e ). J’étais si enjoué devant une rencontre si avenante et si agréable que je me suis présenté en toute sincérité :

« Journaliste bénévole. L’avantage, c’est qu’on est libre ». Il était autodidacte ? Moi, aussi. Le journaliste cinéma ne m’a rien répondu.

Je l’ai revu à d’autres projections de presse. Il ne me voyait pas. Ou me saluait du bout des lèvres lorsque nous nous croisions. Il lui est arrivé de passer juste devant moi sur le quai du métro sans me voir comme si j’étais un passager parmi d’autres. Je l’ai vu se montrer très sympathique, très drôle, voire avenant avec d’autres journalistes cinéma ainsi qu’avec certaines attachées de presse. Un exercice de drague qui avait tourné à son désavantage ? Peut-être mais je ne crois pas que ce soit la principale raison.

Amnésique, alors ? Hypermétrope ? Lunaire ? L’une des dernières fois où je me souviens l’avoir vu et où, en me voyant, il m’a reconnu et salué sans trop de difficulté c’était, c’était….au festival de Cannes. Muni d’un badge de journaliste tout comme lui, quoiqu’avec un badge d’une couleur moins avantageuse que le sien sans doute, je prenais le même chemin que lui pour me rendre à la même projection de presse que lui. Et, me voyant dans ce lieu tout de même assez prestigieux qu’est le festival de Cannes, cet homme, journaliste cinéma patenté et sûrement toujours en activité , avait dû estimer que, tout de même, j’étais un peu du même milieu ou de la même caste que lui. J’ai constaté un peu le même effet sur une attachée de presse dont je parle « mieux » un peu plus bas. Mais là où je me suis illusionné quant au fait, désormais, de commencer à faire partie de ce milieu du journalisme cinéma, c’est que deux à trois semaines plus tard, Christophe nous apprenait la fin de Brazil.

Néanmoins, j’ai toujours privilégié ma gratitude envers Christophe même si j’ai quand même connu des expériences journalistiques par la suite avec le site Format Court, principalement, qui m’ont donné une certaine satisfaction. Après avoir rencontré sa rédactrice en chef, Katia Bayer, dans le point Presse….du festival de Cannes. J’ai aussi écrit deux ou trois articles pour un magazine étudiant. Et, après Brazil, j’ai un peu écrit pour le site Cinespagne. Ce qui m’a permis de me rendre à un festival du cinéma à Marseille, une ville qui m’est particulière. J’essayais,  alors, de me maintenir et de me diversifier dans le journalisme cinéma. Et d’y retrouver ce que j’avais pu vivre avec le journal Brazil. Et, cela, en demeurant au plus près de celui que j’étais. Mais le contexte était différent. J’étais sûrement lassé, aussi, de courir après les films, les événements ( festivals, projections et autres)  le texte et tout cela, en outre, bénévolement.

Ma lassitude a été telle que si j’ai pris soin de prévenir Katia que j’allais désormais arrêter de co-animer avec elle les soirées mensuelles de courts-métrages  de Format Court au cinéma Le Studio des Ursulines, j’ai coupé tout contact sans préavis  avec Thomas, le rédacteur en chef du site Cinespagne.com.  Même si j’ai peu écrit pour le site cette attitude ne me ressemble pas. Je profite donc de cet article, même s’il ne le lira probablement jamais et qu’il a sans doute depuis bien d’autres préoccupations, pour présenter mes excuses à Thomas pour ce comportement. C’était il y’a un peu plus de cinq ans.

 

Brazil a été une expérience extraordinaire. Je dois rappeler, aussi, qu’il s’agissait d’un mensuel papier. Je reste très attaché à la presse papier. Je suis peut-être vieux jeu mais je lui trouve un aspect plus prestigieux que la presse numérique. Je me contredis peut-être car j’écris aujourd’hui depuis mon blog. Et, j’ai aimé écrire en ligne pour Format Court.  Les deux supports ( papier et numérique ) sont bien-sûr complémentaires.

De l’expérience journalistique avec Brazil, je concède que, oui, un peu plus de rigueur à propos de la rédaction des articles aurait été bienvenu un certain nombre de fois. Cette rigueur m’a été profitable en écrivant pour Format Court. Même si j’ai plusieurs fois mal pris le fait que Katia me demande de corriger certains passages de mes articles. Et, je veux bien croire qu’il a bien dû y avoir des fois où je me suis montré désagréable compte-tenu de la trop haute importance que j’attribuais à mon intelligence.

Pourtant, même si je doute qu’un autre journal aurait pu me donner la même latitude que celle que j’ai pu connaître dans Brazil, j’ai toujours su et pensé, aussi, que j’étais plus dans mon élément en tant que journaliste qu’en tant que rédacteur en chef. Etre rédacteur en chef est une charge dont je me dispensais très bien que ce soit à Brazil , à Format Court ou ailleurs.

Concernant les reproches faits à Christophe à la fin de Brazil, je n’avais pas de raisons pour les partager. Christophe a toujours tenu ses engagements envers moi à l’époque Brazil.

Exemple : sûrement pour régler des comptes parce-que Christophe avait critiqué dans un de ses éditos sur le thème « Voici pourquoi vous ne lirez jamais d’interview de telle actrice française dans Brazil », l’attitude d’une certaine grande vedette du cinéma français qu’elle représentait (obtenir la couverture de Brazil contre une interview) une attachée de presse m’avait finalement privé d’accréditation pour un festival. Christophe m’avait alors dit :

« Ne t’inquiète pas. Tu iras dans un festival bien mieux que celui-là…. ». Quelques mois plus tard, Christophe m’apprenait que j’allais…au festival de Cannes.

Aujourd’hui, si je m’exprime depuis ce blog, c’est bien-sûr ma façon de m’affirmer un peu plus en tant qu’individu et en tant que journaliste. Dans le but d’essayer de m’acquitter de ces minutes où nos aventures se limitent à des sacrifices au service du futile et de l’artifice. Mais si ce blog est un moyen de transmettre, de faire connaissance (s) et de (faire) rire, c’est en en sachant, aussi, ce que je dois et à qui je le dois à Brazil ou ailleurs.

 

Ce préambule est sans doute un peu long. Mais je crois qu’il a son importance.

 

Autrement, Hirokazu Kore-Eda, vous connaissez ?

Le voici.

J’ai pris cette photo après l’avoir interviewé en mars ou avril 2009. Ma première interview pour Brazil. La photo a été prise à contre-jour donc on voit à peine le visage de Kore-Eda. Toutes mes excuses. Je n’ai pas osé le faire se déplacer d’autant que cette photo relevait de mon initiative. Le mensuel avait un très bon photographe, Eddy Brière, et je suis certain que sans moi, Christophe aurait obtenu des photos de Kore-Eda bien plus présentables. Cette photo a néanmoins paru dans Brazil.

Ici, même si cela a un caractère frustrant, je trouve que cette photo donne un petit plus à Kore-Eda d’avoir son visage un peu dans la pénombre. Par ailleurs, on voit bien l’intérieur plutôt luxueux, feutré et spacieux, de cet hôtel. Impossible, à moins de connaître cet hôtel, de deviner que nous nous trouvons là du côté d’ Odéon où a eu lieu l’interview. Un hôtel où je n’aurais jamais mis les pieds sans cette interview. Je n’en n’ai pas les moyens et suis si peu habitué à ce genre d’endroit que, spontanément, pour moi-même, je me tournerais plutôt vers des Formule 1 ou des hôtels Ibis.

Kore-Eda, réalisateur japonais, a été palme d’or au festival de Cannes cette année 2018 pour son film Une Affaire de famille (sorti en salles ce 12 décembre soit depuis dix jours  puisque nous sommes le 22 décembre 2018 lorsque je corrige et complète cet article). Lorsque je le rencontre dans cet hôtel en mars ou avril 2009, c’est pour parler de son film Still Walking ( 2008) réalisé quatre ans après son film Nobody knows ( 2004) qui l’a fait connaître.

J’avais intitulé mon interview pour Brazil de Hirokazu Kore-Eda : échos d’une mère. Et, dans le chapo, je présentais l’interview de la façon suivante ( Brazil# 18- mai 2009, page 56) :

« La rupture et la perte nous poussent souvent à certains engagements. Kore-Eda a réalisé Still Walking après le décès de sa mère. Et il tient à présenter ce film au moins comme le portrait d’une mère, mais aussi comme différent de ses précédentes réalisations ».

On sait ce que les Premières fois ont de mémorable. Pour moi qui avais fait un voyage au Japon dix ans auparavant, voyage que je qualifie d’extraordinaire, faire ma première interview de journaliste cinéma avec Kore-Eda, réalisateur japonais, avait immédiatement un côté extraordinaire, voire, pourquoi pas, surnaturel.

Et puis, officiellement, journaliste cinéma n’était pas mon métier. A cette époque, j’étais infirmier en poste dans un Centre Médico Psychologique (CMP) pour enfant et adolescents en banlieue parisienne. En gros : avec des collègues éducateurs, je faisais la ronde avec des enfants de trois à six ans en chantant par exemple « Dansons la capucine… ». Ou nous faisions de la peinture et des dessins. Ou nous leur racontions des contes où les emmenions dans des aires de jeu. La plupart de ces enfants avaient soit un retard de langage, soit un retard de psychomotricité ou d’autres difficultés «  du développement ».

Là, pour cette interview de Kore-Eda, changement de décor et de corps. Ces deux mondes, celui de l’infirmier et du journaliste cinéma, n’ont rien à voir ?

D’abord, j’aime ces écarts entre deux univers. J’aime changer de casquette. Ensuite, je réfute totalement ces certitudes qui consistent à opposer systématiquement deux univers qu’a priori tout éloigne. Rien à voir, vraiment, mon métier de journaliste cinéma avec celui d’infirmier ?

Un des grands principes de l’interview, c’est de s’intéresser à autrui et de l’écouter. Comme de l’observer. C’est normalement la base du métier d’acteur, du scénariste ou du réalisateur. Mais c’est aussi la base du métier d’infirmier. Et l’infirmière et l’infirmier ont bien des fois à s’employer pour interviewer qui un patient-client, qui sa famille, qui son entourage, ou d’autres collègues, et, cela, dans toutes sortes de situations (urgentes ou non). Cela se vérifie en soins somatiques. Cela se vérifie encore plus en psychiatrie, spécialité où j’ai, à ce jour, effectué, la plus grande partie de ma carrière.

Donc, faire une interview, une infirmière ou un infirmier, en est tout à fait capable. Ce qui change ici, c’est plutôt le médium et le contexte ou le décor : à l’hôpital, le médium, c’est le trouble, la pathologie ou la maladie qui provoque la rencontre entre le patient-client et l’équipe soignante.

Avec Kore-Eda, le médium, c’est le cinéma. Et le contexte ou le décor, cet hôtel où je l’ai rencontré hors festival. Mais même en changeant de médium de contexte et de décor, les thèmes qui concernent les femmes, les hommes et les enfants de ce monde restent les mêmes. A savoir, la vie, la mort. La vie, la mort, les infirmières et les infirmiers trempent dedans concrètement dans leur service. Donc, à moins de se trouver face à une infirmière ou un infirmier indisponible ou en burn out, si vous voulez vous exprimer à propos de sujets comme la vie, la mort avec une infirmière ou un infirmier, vous avez normalement une interlocutrice ou un interlocuteur ad hoc. Ce qui change, c’est la manière d’en parler, le moment et le lieu. C’est là qu’intervient la cinéphilie ou la culture cinématographique afin d’avoir un langage commun et d’éviter de vouloir réaliser la thérapie du réalisateur ou de l’acteur que vous rencontrez alors que vous êtes là…pour l’interviewer en tant que journaliste cinéma.

Fort heureusement, il y’a des garde-fous au cas où, au lieu d’effectuer une interview, on commencerait à se prendre pour un psychanalyste fou. D’abord, le réalisateur ou l’acteur que l’on interviewe. On peut lui faire confiance pour nous faire comprendre que l’on est hors-sujet. Ou alors, il y’a aussi l’attachée de presse qui peut jouer ce rôle-là.

Et puis, vu que je parle à peine quelques mots de Japonais, était présente une traductrice (qui préfèrerait peut-être être considérée comme « interprète »), Catherine Cadou ; laquelle, lors des présentations préliminaires à l’interview, s’était annoncée comme ayant travaillé (c’était une amie) avec «  Kurosawa, le Grand ». Pourquoi « Kurosawa, le Grand » ? Un autre réalisateur japonais, Kiyoshi Kurosowa, auteur de très bons films

( Tokyo Sonata, Shokuzai….), plus jeune, est toujours en activité. Akira Kurosowa « Le Grand » est une référence mondiale pour le cinéma : il a par exemple réalisé Les 7 Samouraïs qui a inspiré ensuite les remake américains Les 7 Mercenaires.

Que m’avait dit Catherine Cadou, l’interprète, à la fin de mon interview ?

« C’est bien. Vous avez tout ». En effet, j’avais préparé mes questions et les avais dactylographiées. J’étais venu avec mon enregistreur numérique et mon appareil photo.

Catherine Cadou de m’expliquer aussi que certains journalistes, lorsqu’ils arrivaient, savaient à peine de quelle histoire ils parlaient ou avaient oublié le nom de tel personnage.

Et que m’avait appris Kore-Eda lors de l’interview ? Au moins qu’il y’a une certaine logique dans nos parcours personnels. Logique que des personnes formées à la thérapie systémique pourraient tout aussi bien expliciter. Exemple avec cet extrait des propos de Kore-Eda lors de l’interview de ce jour-là ( Brazil # 18-mai 2009, page 57) :

«  (….) Une fille élevée dans une famille comme celle-ci décidera forcément d’épouser un type qui sera l’opposé de son père. Elle ne voudra pas vivre le genre de vie qu’a connue sa mère qui était sous la coupe du père. Donc, elle se choisira forcément un mari comme le sien. Le fils, Ryôta, qui est le fils cadet, était libre. Dans la mesure où son frère aîné était celui qui devait reprendre le cabinet du père, Ryôta n’ayant pas de problème d’argent – c’est une famille assez aisée- il allait forcément choisir une voie artistique, ce qui est tout à fait logique. Après, qu’il tombe sur une épouse qui, justement, travaille dans ce domaine-là….

Mon but n’a pas été d’essayer de reconstituer une société japonaise microscopique…c’est plutôt de la logique : à partir de ce type de parents, on a ce type d’enfants (……) ».

A l’heure où j’écris, j’ignore encore comment m’y prendre exactement avec cette rubrique cinéma. Je crois que revenir sur cette expérience Brazil avec des photos de réalisateurs et d’actrices et d’acteurs accompagnées de mes témoignages in situ a du bon. Mais je ne voudrais pas lasser celles et ceux qui lisent. Alors peut-être que j’opterai pour une alternance avec tantôt ces « retours en arrière » à l’époque Brazil avec des réalisateurs et des actrices et acteurs toujours en activité dans leur majorité et tantôt des films vus récemment ou non.

 

Franck, ce mardi 18 septembre 2018.

 


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