« (….) La réalité, c’est que, pour être un bon entrepreneur, il ne faut pas aimer l’argent, mais miser sur l’audace et savoir se mettre en danger » a « assuré » lors d’une interview de cinq pages un milliardaire à la retraite. Les photos de l’interview étaient quant à elle assurées par une photographe de renom.
L’interview datait déjà de près de six mois lorsque je suis tombé dessus cette semaine. Dans le magazine d’un quotidien prestigieux : Le Monde. Après une page de pub pour le téléphone portable Huawei P20 Pro que je sais depuis cette semaine également être « Le » téléphone portable du moment, devant l’Iphone et le Samsung Galaxy qui sont au téléphone portable depuis des années ce que sont Messi et Ronaldo au Ballon d’or.
Il y’a un ou deux jours, sur ce réseau social, une connaissance a entre-autres écrit qu’elle comprenait la colère des « gilets jaunes » même si elle ne « la partage pas ».
Nous sommes le mercredi 5 décembre 2018 et dans trois jours, le mouvement de manifestation des « gilets jaunes » va à nouveau faire parler de lui pour le troisième ( quatrième ) samedi de suite si mes comptes sont bons. Sur les Champs-Elysées, une des vitrines de la réussite économique et culturelle de la France, l’expression de cette manifestation au départ spontanée, populaire, bien que virulente, est désormais dépeinte comme celle par laquelle le « chaos » peut défiler en France. Soit du fait de l’Etat qui a d’emblée haussé le ton et menacé à l’annonce de la toute première manifestation des « gilets jaunes ». Soit du fait du caractère quelque peu incontrôlable et aveugle de certaines manifestations de violence lors de ce mouvement des « gilets jaunes ». Soit du fait, aussi, de la récupération de ce mouvement. On ne sait plus. On ne sait plus si la violence, lors des manifestations des « gilets jaunes » vient d’abord de l’Etat, ou des casseurs qui en profitent, ou de personnes réellement en colère, ou d’organisations d’extrême droite, anarchistes ou d’extrême gauche. L’organigramme de ces expressions de violence est difficile à établir ou à lire pour le quidam que je suis. Et, bien-sûr, comme souvent, lors d’une période de trouble, les principaux acteurs directs ou indirects de cette situation sont peu disposés à se faire tirer le portrait lors d’une photo de classe permettant de clairement les identifier.
Depuis deux ou trois semaines, donc, discuter du mouvement « des gilets jaunes » peut susciter divers avis contraires au sein d’une même famille, d’un même groupe d’amis, de connaissances ou de collègues. Et cela peut déboucher vraisemblablement sur des désaccords profonds pour ne pas mentionner des différends à caractère définitif. Car chacune et chacun se sent « expert » sur le sujet. Chacun et chacune est à vif sur le sujet.
Je vais donc m’attacher à parler de celui que je connais le mieux pour parler du mouvement des « gilets jaunes ». C’est à dire, que je vais parler de moi. Le travers à parler de soi, c’est de faire étalage de son nombrilisme et de son narcissisme plutôt que de sa conscience et de sa réelle connaissance d’un sujet donné. L’avantage, c’est que je suis prévenu dès le début du piège à éviter en parlant de moi.
En soi, le narcissisme et le nombrilisme peuvent être socialement tolérés. Car si le narcissisme et le nombrilisme étaient rédhibitoires, les réseaux sociaux auraient périclité depuis longtemps. Et si le narcissisme et le nombrilisme donnaient des gages d’éternité, des personnalités populaires et admirées comme François Mitterand, Jean d’Ormesson, Jacques-Yves Cousteau et bien d’autres seraient encore en vie. Mitterand et Cousteau sont deux « personnalités » que j’ai pu admirer à divers moments de ma vie. Cousteau, alors que j’étais enfant, pour ses découvertes extraordinaires dans la mer. Mitterand, alors que j’étais adolescent puis adulte. Mitterand, D’Ormesson et Cousteau ont au moins en commun d’avoir bénéficié d’une certaine longévité ainsi que de campagnes de communication profilées habilement de manière à façonner d’eux une « belle » image.
En matière de narcissisme et de nombrilisme, tout est affaire de dosage pour que cela reste supportable et convivial. Je ne dispose pas des moyens de ces défunts en termes de com’ et de relations. J’espère donc réussir à bien doser ma mixture afin qu’elle puisse facilement être avalée cul-sec. Kampaï ! Tchin ! Tchin !
Si j’ai bien retenu, le mouvement des « gilets jaunes » provient des exclus. De celles et ceux qui sont pris à la gorge financièrement et socialement depuis des années. Et qui n’en peuvent plus. S’il regroupe des personnes de différents horizons sociaux, culturels et économiques, il est fait, aussi, de personnes qui touchent le SMIC ou qui sont sous le seuil de pauvreté. Je pourrais maintenant filer sur internet afin de me renseigner précisément sur le montant du SMIC (le salaire minimum afin d’avoir une vie à peu près décente) et me faire beau en me présentant comme celui qui sait exactement quel est son montant. Je vais plutôt me fier à ma mémoire et tant pis si je me ridiculise :
La dernière fois que j’ai vérifié, le SMIC était à 1100 euros ( 1184 euros après vérification ) et je crois que l’on parle d’un seuil de pauvreté lorsque l’on touche un salaire égal ou inférieur à 900 euros par mois.
En France, en 2018, on est considéré comme pauvre lorsque l’on touche un salaire égal ou inférieur à 900 euros par mois.
Au vu de ces deux chiffres, je suis un privilégié. Je le savais déjà selon mes propres critères mais ces deux chiffres me contraignent à l’admettre que je le veuille ou non.
Je suis un privilégié parce-que je touche un peu plus de deux fois le SMIC chaque mois.
Mais aussi, parce qu’il y’a 11 ans maintenant, j’ai pu m’acheter un F2 sur le marché de l’ancien en m’endettant sur 25 ans. Dans une ville de banlieue proche de Paris si « bien » réputée qu’alors que les prix de l’immobilier dans Paris et dans des villes voisines de Paris nécessitent presque une formation de cosmonaute pour les atteindre, les prix de l’immobilier pratiqués dans ma ville stagnent voire baissent depuis plusieurs années. A Argenteuil, j’ai parfois l’impression qu’il faudrait presque donner une prime spéciale aux futurs acquéreurs éventuels.
J’ai une voiture. Cette information a son importance puisque l’augmentation du coût de l’essence a été le déclencheur du mouvement « des gilets jaunes ». Depuis plusieurs années, je vois la voiture comme ce qui me donne une certaine indépendance de déplacement. Mais je la vois aussi comme un objet de luxe malgré son caractère éminemment utile. Le coût d’entretien d’une voiture est assez élevé, entre l’assurance, les révisions, le carburant et les éventuelles réparations. Bien des personnes n’ont pas les moyens de s’offrir une voiture. J’ai obtenu mon permis il y’a 23 ans. En 23 ans, j’ai eu deux voitures. Ma première avait plus de 100 00 kilomètres au compteur lorsque je l’ai achetée. J’ai été obligé de m’en séparer au bout de six ans après que sa colonne de direction ait été cassée. On avait essayé de me la voler. Parce qu’elle faisait partie des voitures faciles à voler ai-je appris par la suite : C’était une Opel Corsa.
Pour acheter ma voiture actuelle, j’ai d’abord dû faire un crédit que j’ai remboursé pendant trois à quatre ans. Cela fait dix sept ans que j’ai la même voiture. Depuis que je me suis marié et ai eu une fille, ma voiture est parfois un petit peu petite.
Néanmoins, je suis un privilégié. Lorsque j’ai besoin d’un véhicule, ma voiture est là. Même si je lui préfère largement les transports en commun et la marche, je sais pouvoir en disposer lorsque j’en ai besoin. C’est un luxe.
Un autre de mes luxes est de pouvoir rembourser mes crédits lorsque j’en contracte même si je suis constamment à découvert du fait de mauvaises habitudes prises il y’a des années. Mauvaises habitudes ( de célibataire sans enfant peut-être) dont j’ai du mal à me débarrasser même si je suis aujourd’hui plus raisonnable.
Je suis aussi un privilégié parce-que j’ai un emploi de fonctionnaire. Même si le statut de fonctionnaire est menacé et que je suis un exécutant parmi d’autres, je dispose encore de la sécurité de l’emploi. Et d’un salaire qui arrive tous les mois à une date régulière.
Je peux encore partir en vacances avec femme et enfant. Généralement en été. En France. Un peu moins en Guadeloupe ou à la Réunion. Car il faut un budget plus élevé pour ces deux destinations.
Je peux m’inscrire dans un club de sport. Et pratiquer ma discipline sportive à peu près régulièrement. Je ne pousse pas la vice jusqu’à me contenter de m’inscrire juste pour le plaisir de contempler ma licence en me disant avec gourmandise : « Je peux le faire ».
Mon casier judiciaire est vierge. Je réussis à payer mes impôts dans les délais. Après avoir été détenteur d’une carte orange, j’ai finalement opté pour un Pass Navigo. Je n’aurais de toute façon pas eu le choix vu que tout a été fait pour nous obliger à adopter le Pass Navigo.
A Noël, et pour certains anniversaires, je peux acheter quelques cadeaux à mes proches : sœur, frère, neveux, nièces, compagne, ma fille, amis. Là, encore, du fait de mes mauvaises habitudes prises il y’a plusieurs années, j’ai recours au découvert bancaire. Je n’ai, à ce jour, pas connu le statut d’interdit bancaire. Je suis un privilégié.
Je suis aussi un privilégié parce-que, en grande partie grâce à mes parents, j’ai pu être un « bon élève ». Un « bon » citoyen. Une personne qui fait ses devoirs. Qui a pu obtenir un diplôme professionnel à même de lui assurer un emploi stable. Qui se tient à carreaux et qui se défoule là où la société l’y autorise : en employant un langage respectueux et policé; en fréquentant les clubs de sport; en consommant dans les magasins de grande distribution aux heures autorisées; en partant faire des voyages quand c’est permis et là où c’est permis; en recourant à des moyens légaux, actions et comportements dont il est possible d’effectuer une traçabilité satisfaisante et constante.
Lorsqu’à la gare de Cergy St-Christophe – ville où j’ai habité pendant une quinzaine d’années à partir de 1985- la SNCF avait décidé d’installer des composteurs ( ou plutôt des portes de validation ) ayant pour effet immédiat de restreindre notre liberté de mouvement et de déplacement, je m’y étais adapté. Je me souviens avoir entendu un jeune, sans doute encore mineur, qui, apprenant cette nouveauté avait dit à un de ses copains :
» T’inquiète, on va tout défoncer ! ». Sa remarque m’avait surpris et un peu inquiété. La ville de Cergy St-Christophe a bénéficié, aussi, d’une assez mauvaise réputation. En quinze ans, je n’y ai connu aucun problème. Et, lorsque les portes de validation avaient finalement été installées, rien n’avait été défoncé. Ou alors je dormais pendant ce temps-là et la SNCF s’était empressée de tout réparer avant mon réveil.
Lorsqu’à la gare d’Argenteuil, il y’a environ cinq années, la SNCF a décidé d’installer des portes de validation ayant les mêmes effets qu’à la gare de Cergy St-Christophe, comme la majorité des usagers, je m’y suis là aussi adapté.
Depuis quelques semaines, la gare St Lazare par laquelle j’accède à Paris, est en train de se doter de plus de deux cents composteurs ( 140 exactement : au delà du chiffre 130, je ne réponds plus de rien en matière de calcul). Officiellement, c’est pour :
« Améliorer notre confort ». Je ne vois pas de quel confort il est question lorsqu’aux heures de pointe, déjà, nous sommes tel du bétail qui piétine vers ses diverses correspondances.
J’ai oublié les chiffres, mais, en semaine, la gare de Paris St Lazare ( crééé en 1837 ), voit passer des milliers de personnes ( 300 000 personnes par jour/ 100 millions de voyageurs par an d’après les chiffres trouvés ce jeudi 6 décembre sur le net ). Elle est la gare ferroviaire recevant le plus grand nombre d’usagers dans Paris. Il est vrai qu’une fois que je suis dans le train, j’évite les embouteillages.Et qu’en période de grève des trains, Argenteuil étant proche de Paris, j’en pâtis moins que celles et ceux qui vivent dans des villes de banlieue plus éloignées. Je suis là aussi un privilégié.
Avec l’arrivée de ces portes de validation, bientôt, l’usager qui échouera à les franchir pour « défaut » de présentation du titre de transport adéquat, ou parce-qu’il ne remplira pas certaines critères, sera peut-être déclaré….invalide. Et ces portes de validation aujourd’hui présentées de manière ludique et inoffensives par la SNCF se révéleront peut-être plus tard comme des « outils » de refoulement s’appliquant aux individus indésirables. On pensera en priorité aux terroristes et aux délinquants identifiés. Mais ces profils pourront être élargis aux mendiants, personnes en recherche d’emploi, femmes et hommes d’un certain âge etc….
Ma vision, peu originale, force peut-être le trait. Néanmoins, en pratique, il m’est difficile de percevoir ces portes de validation comme des atouts en termes de confort. Si leur fonction est de lutter par exemple contre la fraude, la majorité des usagers va devoir subir la contrainte de ces portes « juste » pour réduire un comportement qui est le fait d’une minorité. Et afin que cette « mission » puisse être réalisée dans les meilleures conditions, nous voilà encore un peu plus mis à contribution, un peu plus infantilisés et davantage séquestrés en pleine jour en toute légalité sans que nous soyons auteurs du moindre délit.
Depuis deux ou trois ans, le projet du » Grand Paris » nous a été présenté comme une belle avancée dans bien des domaines. J’y ai cru. Et ce sera sans doute le cas pour certains aspects. Mais, là, est-ce le résultat de près de dix années de trajet par le train pour me rendre au travail à Paris cumulées avec cette arrivée proche de ces » portes de validations » ? Mais le projet du » Grand Paris » même devancé par l’organisation des Jeux Olympiques en 2024 qui nous promet une créative campagne de communication, bien plus séduisante que celle de la SNCF pour les dites- portes de validation, pour nous en expliquer les formidables retombées, me rend de plus en plus circonspect. Peut-être parce-que je vieillis.
C’est peut-être parce-que je vieillis que, depuis plusieurs années, j’ai parfois l’impression que nous vivons dans un pays qui se renferme de plus en plus. Tandis que l’on y ouvre plus de centres commerciaux, que l’on y crée plus de nouveaux projets immobiliers que l’on ne crée d’hôpitaux ou que l’on n’ouvre de services et de centres de soins mais aussi d’écoles ou de classes. Pourtant, il y’a un hôpital dans ma ville et contrairement à bien des parents, pour le moment, nous pouvons emmener notre fille à l’école en une dizaine de minutes à pied. Même si le personnel de l’école publique a de moins en moins de moyens pour mener à bien ses diverses missions et que celle-ci inspire de plus en plus un certain sentiment de suspicion, je suis un privilégié. Même si plusieurs parents que nous avons côtoyés ont pu, après plusieurs candidatures, faire admettre leur enfant (certains de l’âge de notre fille encore en maternelle) dans l’école privée voisine à raison de 300 euros par mois.
Bien que vieilli et peut-être aigri, je suis encore plutôt en bonne santé. Lorsque j’ai besoin de soins, j’ai encore la possibilité de les payer. S’il le faut. Et, lorsque je l’estime nécessaire, je peux encore choisir un spécialiste considéré comme particulièrement compétent.
Pour l’instant, je n’ai pas encore à choisir entre faire un plein d’essence, faire des courses ou acheter des vêtements pour ma fille.
Mon téléphone portable est un Iphone 5S. Je l’ai depuis plus de deux ans. L’Iphone actuel doit être un numéro 7 ou 8. J’ai oublié. Avant lui, je changeais de téléphone portable environ tous les deux ou trois ans. Depuis que je sais que la fabrication des téléphones portables est un désastre écologique, j’essaie de voir comment je peux éviter de contribuer à la dérive écologique générale. Ce qui est un exercice difficile car l’obsolescence programmée de mon téléphone portable va peut-être me forcer à en changer.
Notre ordinateur portable a sept ou huit ans. Je n’ai aucune intention d’en changer. Il marche de manière satisfaisante. Je suis un privilégié.
J’ai écrit et répété un certain nombre de fois dans cet article comme je suis un privilégié. Je le suis. J’ai pourtant parfois besoin de m’en convaincre. J’ai quelques fois un peu de mal à m’en convaincre. « De l’audace, se mettre en danger », il me semble que chacun et chacune, de par les choix qui lui incombent, de par les responsabilités qui le concernent à un moment ou plusieurs moments de sa vie, fait preuve ou a fait preuve d’audace et s’est mis ou se met en danger. Pourtant, il est bien des fois où cela n’a pas suffi.
Les migrants qui se noient dans la mer méditerranée parce qu’ils fuient la guerre, la peur, la misère, font montre d’une audace dont je suis incapable. Et ils se mettent en danger à un point tel que le privilégié que je suis ignore. Pourtant, pour un certain nombre d’entre eux, ça n’a pas suffi et ça ne suffira pas.
Bien des « gilets jaunes » qui manifestent font preuve d’une audace équivalente. Et ils se mettent aussi en danger. Il n’y’a aucun milliardaire parmi eux. Du moins, pour l’instant. Et, moi, le privilégié, je reste abrité. J’observe. Je me culpabilise. Je pèse le pour et le contre. Je me dis qu’aller manifester est trop risqué. Mais aussi qu’il est très difficile de s’y retrouver entre les casseurs, celles et ceux qui récupèrent le mouvement, les forces de l’ordre qui, lorsqu’elles chargeront, ne feront pas de détail entre les gentils manifestants et les autres.
Les « gilets jaunes » manifestent-ils uniquement pour une question d’argent ? A mon avis, non.
Bien-sûr, je désapprouve les actes de violence aveugles qui touchent, heurtent, celles et ceux qui se trouvent au mauvais endroit, au mauvais moment, alors que certains cassent, frappent, détruisent. Mais l’origine d’une bonne partie ces violences est néanmoins bien présente depuis des années dans cette société dont nous sommes les citoyens. Les citoyens….privilégiés.
Franck, ce mercredi 5 décembre 2018.
PS : j’étais en colère en écrivant cet article hier. Et, plusieurs heures après l’avoir écrit, je m’étonnais de ressentir autant de colère. Je me demandais d’où elle provenait. Pourtant, je n’ai rien cassé sur mon passage en allant prendre le train pour me rendre sur Paris. Et, je n’ai bousculé personne dans le métro, dans les escalators ou ailleurs. Ce matin, ce jeudi 6 décembre, j’attribue la colère que j’ai ressenti hier à un retour de flamme de mon sentiment de culpabilité. Je me suis senti coupable lors du premier ou du deuxième samedi de manifestation des « gilets jaunes » à Paris. Si j’étais resté chez moi ce jour-là, je me serais mieux porté. Mais ce samedi-là, j’avais décidé de me faire plaisir. Et, j’étais parti acheter- consommer- du thé dans un magasin où j’ai mes habitudes. En sortant du métro, je m’étais retrouvé en plein marché. Les commerces de bouche étaient bondés. Pour toutes ces personnes présentes sur le marché et dans ces commerces, la vie continuait sans une fêlure. Tandis que sur les Champs Elysées et ailleurs en France, des personnes manifestaient car au bout du rouleau. Lors du trajet, j’avais pourtant entendu l’annonce répétant que telles stations de métro n’étaient pas desservies. Mais je n’avais pas tout de suite fait le rapprochement avec les « gilets jaunes ». Dans le magasin de thé, où se trouvait un couple d’un certain âge, je m’étais même interrogé à voix haute sur la raison pour laquelle ces stations de métro n’étaient pas desservies. La femme du couple m’avait alors regardé en souriant sans un mot. Savait-elle ?
Je manifeste rarement. Je me méfie beaucoup des effets de groupe. Je sais que la vie est faite de nuances. Je continue d’apprendre à essayer de les saisir. Mais ce samedi-là, à me voir faire partie de celles et ceux qui, dans cet arrondissement de Paris plutôt privilégié, faisaient apparemment leurs courses sans se préoccuper des lendemains tandis que d’autres…..je me suis senti coupable. Pourtant, je suis un privilégié. Je crois….