Transmettre une histoire
Trois conditions me semblent nécessaires afin de pouvoir transmettre nos gÚnes :
Nous avons besoin dâune autre personne qui nous donne le sourire. Soit parce quâelle nous plait physiquement et/ou quâelle a des valeurs qui nous attirent.
Cette personne nous permet de rompre notre solitude. Car nous avons ce besoin de rompre notre solitude.
Et, nous, nous avons un peu ou beaucoup lâambition dâĂȘtre le sauveur( quâelle ou qu’il accepte)âŠou le prĂ©dateur de cette personne.
Je crois que lâHumanitĂ© tient sur ce trĂ©pied. TrĂ©pied auquel il faut ajouter un quatriĂšme pied qui consiste Ă vouloir transmettre une Histoire. Car lâĂȘtre humain se sĂ©pare de son monde animal de par sa volontĂ© dâĂ©crire son histoire, de la raconter comme de sâen rappeler mais aussi de lâanticiper. Comme certains poissons qui naissent Ă un endroit, lâĂȘtre humain peut passer sa vie Ă nager Ă contre courant pour essayer de remonter jusquâĂ ses origines.
JusquâĂ lâHistoire de sa famille, de son clan, de sa tribu, de sa sociĂ©tĂ©, de sa culture, de sa langue. Mais aussi celle de ses dĂ©faites comme de ses victoires et de ses espoirs.
Sauveurs ou prédateurs, nous transmettons nos gÚnes et nos histoires. Sur les scÚnes de crimes, au sein de nos victimes ainsi que dans le relief et le renouvellement de notre entourage intime et limitrophe.
Fait de chair et dâos, en se disloquant, lâĂȘtre humain laisse ses histoires dans le berceau du regard et du corps des autres. MĂȘme si ces histoires sâaccrochent Ă la roche, il est impossible de prĂ©voir exactement ce quâil restera de ces diffĂ©rentes trajectoires. Comment elles prendront leur essor et inspireront celles et ceux qui les entendent ou les dĂ©couvrent. Ce que lâon sait, câest que le pire cĂŽtoiera le meilleur dans des proportions imprĂ©vues et invraisemblables. Car il faut beaucoup dâhistoires pour faire une vie.
Aujourdâhui, en France, nous avons de quoi prĂ©dire le pire :
La pandĂ©mie du Covid circule toujours et sâamplifie. Nous sommes en automne et nous nous rapprochons des jours les plus gris et les plus courts. On a presque l’impression d’entrer un peu dans l’univers de la sĂ©rie Game of Thrones avec son ambiance  » Winter is coming »….
Demain, mercredi, afin de rĂ©sister aux marcheurs blancs du Covid, peut-ĂȘtre que le PrĂ©sident Macron va-t’il nous annoncer un nouveau reconfinement.
En tout cas, nous avons dĂ©jĂ compris, dâaprĂšs les quelques communiquĂ©s du gouvernement, que la tendance est Ă plus de restrictions pour des raisons sanitaires. En plus du couvre-feu de 21H Ă 6H dĂ©cidĂ© il y a quelques jours.
Pour diluer cette ambiance « festive », Erdogan, le dirigeant de la Turquie, suivi du Maroc et du Pakistan, condamne la France car celle-ci défend les caricatures du journal Charlie Hebdo qui blasphÚme et tourne en dérision, entre-autres, le prophÚte et le Dieu « des » musulmans.
Quelques jours aprĂšs lâassassinat de lâenseignant Samuel Paty Ă Conflans Ste Honorine par un terroriste islamiste, Erdogan aurait affirmĂ© que le PrĂ©sident Macron doit se faire soigner mentalement. Et, Ă la tĂ©lĂ©, on a su nous montrer des images de Palestiniens, Ă Gaza, brĂ»lant des pancartes comportant le portrait du PrĂ©sident Macron.
On peut relever que cette attitude dâErdogan, suivi par les dirigeants du Maroc et du Pakistan, a lieu Ă quelques jours du rĂ©sultat des Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines. Soit Ă un moment oĂč le trĂšs fort alliĂ© militaire amĂ©ricain a sĂ»rement dâautres prioritĂ©s que la Turquie dâErdogan et cette « histoire » de caricatures de Charlie Hebdo. MĂȘme si en janvier 2015, beaucoup de personnes Ă©taient Charlie Hebdo, y compris des PrĂ©sidents du Monde entier qui sâĂ©taient dĂ©placĂ©s.
En France, aprĂšs les attentats de Janvier 2015, des gens faisaient la queue devant les kiosques Ă journaux ou se battaient pour pouvoir acheter leur numĂ©ro « historique » de Charlie Hebdo dâaprĂšs lâattentat du 7 janvier. Depuis, des messages de haine et de menaces de mort continuent de suivre Charlie Hebdo. Ainsi que des messages de sympathie et dâencouragements.
Les Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines nous diront si Donald Trump, PrĂ©sident des ExtrĂȘmes, du dĂ©ni du rĂ©chauffement climatique, du racisme et de la banalisation de la pandĂ©mie du Covid, est rĂ©elu. Ou sâil est battu par Joe Biden. AprĂšs la PrĂ©sidence de Barack Obama pendant huit ans qui avait pu plaire ou dĂ©plaire, la PrĂ©sidence de Donald Trump nous a jetĂ© en pleine figure le fait que les Etats-Unis, qui sont encore la PremiĂšre Puissance Mondiale, est le Pays des ExtrĂȘmes :
Le pire comme le meilleur sây cĂŽtoie.
Avant la PrĂ©sidence de Donald Trump, en Europe ou ailleurs, on pouvait peut-ĂȘtre encore se lover dans ce que lâon appelle le « rĂȘve amĂ©ricain ». Alors que celui-ci, dĂšs ses origines, sâest bĂąti sur le gĂ©nocide et la destruction culturelle des millions dâAmĂ©rindiens qui y vivaient. Ainsi que sur lâesclavage de populations africaines comme sur lâimmigration europĂ©enne et asiatique (chinoise, en particulier).
Avec la PrĂ©sidence de Donald Trump, je crois quâil est difficile dâignorer que les Etats-Unis sont loin dâĂȘtre aussi unis que ça.
En attendant, en France, dâautres attentats islamistes sont donc à « prĂ©voir ». Et lâon peut sâen inquiĂ©ter. MĂȘme si un nouveau reconfinement aurait aussi lâavantage de protĂ©ger des attentats celles et ceux qui restent chez eux. Exception faite des femmes et des enfants battus par leurs conjoints et parents.
En attendant que le danger sâĂ©loigne vraiment, on peut dĂ©cider de se taire. De se faire discret ou de laisser des blancs lorsque lâon sâexprime.
Sauf que si on laisse des blancs pour parler de tout ce qui nous concerne et nous prĂ©occupe, ces blancs finiront par ĂȘtre traduits par des personnes qui transmettront nos histoires comme elles les voient. Si elles les voient. Alors que ces histoires, plus quâune « simple » vue de lâesprit, sont notre vie.
Il faut beaucoup dâhistoires pour faire une seule vie. Nous avons besoin de beaucoup dâhistoires. Une seule histoire est une passoire.
Ps : cet article est la suite de Certaines idées. Lequel était la suite de Déconnecté.
Franck Unimon, mardi 27 octobre 2020.