
Une semaine qui commence bien
On lâoublie maisâŠ.il se passe toujours quelque chose. Je ne devais pas ĂȘtre dans ce train, ce matin. Cela sâest dĂ©cidĂ© tĂŽt. Avant dâemmener la petite Ă lâĂ©cole. Les vacances de la Toussaint Ă©taient terminĂ©es.
Hier aprĂšs-midi, jâĂ©tais allĂ© voir lâadaptation au thĂ©Ăątre par Daniel Muret du film Garde Ă vue de Claude Miller. Jâen reparlerai. Cette adaptation mâa peut-ĂȘtre influencĂ©.
MĂȘme si jâavais dĂ©jĂ la volontĂ© dâaller lĂ oĂč je suis allĂ© bien avant ça.
Alors que je mâapprochais de la gare dâArgenteuil, ce matin, le train omnibus arrivait. Je lâai pris. Pour aller Ă Paris, au procĂšs des attentats du 13 novembre 2015.
Jâallais Ă©couter un podcast sur mon tĂ©lĂ©phone portable puis je me suis dit :
« Non. Je vais prendre le temps de regarder les gens ».
Une gare plus loin, je lâai vu arriver sans masque. Mais ça ne mâa pas marquĂ©. Il avait un grand sourire. Dâorigine asiatique. La trentaine ou la quarantaine. Une doudoune jaune. Propre sur lui.
Le train est reparti. Il a commencé :
« Excusez-moi de vous solliciter (ou de vous dĂ©rangerâŠ.) ».
Il a commencé comme un mendiant mais a bifurqué sur :
« Depuis deux ans, au moins (âŠ..) Macron, quel bouffon ! (âŠ.) Respirez librement. Enlevez vos masques, vos museliĂšres (âŠ.) ».
Il a expliquĂ© quâil sâadressait aux gens qui avaient Ă©teint leur tĂ©lĂ© et « allumĂ© » leur cerveau. Il a parlĂ© de la peur qui permettait de nous faire accepter nâimporte quoi.
« ça se met en place, gentiment⊠». En face de moi, la femme assise prĂšs de la fenĂȘtre, dans le sens de la marche, a levĂ© les yeux au ciel lorsquâelle entendu ça. Comme si elle se sentait mal.
Il a poursuivi :
« Il y a deux ans, si on nous avait dit : Pour aller au restaurant, il vous faut décliner votre identité, vous auriez dit : « Quoi ?! On est dans quel pays ?! En Corée du Nord ?! En Chine ?! ».
Pour conclure, il a dit :
« Je vais passer parmi vous pour recueillir vos sourires et vos encouragements⊠».
Il est parti dans le sens opposĂ©. Ce qui fait que je ne lâai plus revu. La femme assise en face de moi sâest levĂ©e, puis, elle est partie aussi. Ils Ă©taient peut-ĂȘtre amants. Il aura tout fait pour la faire revenir et ça aura marchĂ©.
Ils Ă©taient Ă peine partis tous les deux que des contrĂŽleurs sont arrivĂ©s. Je ne sais toujours pas quoi penser de cette coĂŻncidence. PrĂšs de notre rangĂ©e, un contrĂŽleur dâune quarantaine dâannĂ©es, les cheveux courts, a fait claquer son brassard fluo de contrĂŽleur autour de son bicepsâŠcomme un flic. Cela fait maintenant un ou deux ans que les contrĂŽleurs ont ce genre de brassard. On sent bien que ce brassard a fait monter chez certains leur niveau de virilitĂ© mais aussi un certain sentiment dâinvulnĂ©rabilitĂ©. Et câest pareil chez les femmes contrĂŽleuses.
Je nâai rien contre les flics.
TrĂšs vite, deux des collĂšgues du contrĂŽleur lui ont fait signe, devant. Lui et peut-ĂȘtre un ou deux autres de ses collĂšgues sont alors partis en renfort. Jâai cru Ă du rĂ©pit. Mais aprĂšs avoir rĂ©glĂ© leur affaire, ils sont revenus cinq minutes plus tard :
« ContrĂŽle de vos titres de transport, sâil vous plait ». Un de ses collĂšgues plus jeunes a prĂ©sentĂ© sa machine afin que nous lui soumettions notre pass navigo. Il a dit bonjour Ă chacun dâentre nous. Jâai Ă©tĂ© le dernier Ă sortir mon pass navigo, dĂ©jĂ lassĂ© par ce dĂ©but de journĂ©e.

Sur le quai de la gare St Lazare, jâai aperçu plusieurs contrĂŽleurs qui entouraient un homme. Puis, alors que je suivais le flot des voyageurs, jâai vu arriver, Ă contre-courant, plusieurs membres de la police ferroviaire dans leur tenue bleue. Ils longeaient le train.
Il Ă©tait bientĂŽt neuf heures du matin. Le trajet avait Ă©tĂ© plus long que dâhabitude. Cela mâavait retardĂ©.
Je ne vois pas encore trÚs bien quel rapport ces différents événements pouvaient-ils avoir entre eux.
Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.