
 
                                       Ce n’est pas comme ça que ça marche !
« Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â». Sur ma droite, un homme d’une trentaine d’annĂ©es vient d’affirmer cette dĂ©cision devant un employĂ© de la poste. Celui-ci, son masque de protection anti-Covid sur le visage, porte des lunettes de correction comme moi. Il a environ la quarantaine, a le crâne et le visage un peu gris et dĂ©garnis. C’est la première fois que je le vois dans cette agence de la poste. Il y a bientĂ´t un an, maintenant, cette agence de la poste a ouvert dans le centre commercial CĂ´tĂ© Seine d’Argenteuil. Auparavant, il y avait deux agences de la poste dans le centre ville d’Argenteuil. Une a fermĂ© et ses locaux peuvent ĂŞtre louĂ©s. Pour l’instant, personne ou aucune sociĂ©tĂ© ne s’est montrĂ©e intĂ©ressĂ©e. L’autre agence est dĂ©sormais dĂ©diĂ©e aux rencontres avec des conseillers et n’est accessible que sur rendez-vous.
 
 Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’ouvrir une seule agence commerciale de la poste ( ou La Banque Postale, si l’on prĂ©fère) Ă  CĂ´tĂ© Seine qui compte dĂ©jĂ  un certain nombre d’enseignes commerciales :
 
Cela va du supermarchĂ© GĂ©ant en passant par OkaĂŻdi, Action, Gifi ( ouvert rĂ©cemment), Courir, Du Pareil au mĂŞme ainsi qu’une pharmacie et d’autres enseignes. Il y a bien eu un H&M oĂą je ne suis jamais allĂ©. Mais il a fermĂ©. «  Trop de vols ! Â» m’a appris un Argenteuillais dont la famille habite dans la ville depuis au moins trois gĂ©nĂ©rations. Un Argenteuillais bien renseignĂ©.
 
Je n’ai jamais aimé ce centre commercial, Côté Seine, qui, selon le reportage d’une journaliste de Télérama serait Le lieu d’attraction pour beaucoup de jeunes d’Argenteuil. Côté Seine serait selon cette journaliste un petit peu l’équivalent des Quatre Temps de la Défense pour moi, lors de leur ouverture, dans les années 80 quand j’étais ado.
 
Je conteste cette vision de la ville d’Argenteuil, une ville oĂą je suis venu vivre il y a 13 ans.  Argenteuil  compte selon moi bien d’autres atouts que ce centre commercial.
Je vois aussi des jeunes studieux dans la mĂ©diathèque d’Argenteuil. Ainsi qu’au conservatoire. Un conservatoire dĂ©partemental qui attire des jeunes d’autres villes plus « favorisĂ©es Â». Encore rĂ©cemment, il y a trois jours, je suis allĂ© saluer mon ancienne prof de théâtre du conservatoire. Elle faisait passer des auditions. Et un comĂ©dien avait commencĂ© Ă  interprĂ©ter un passage de Richard III. En repartant, après avoir, comme le veut la tradition entre comĂ©diens, dit « merde Â» et prĂ©sentĂ© mes excuses Ă  l’interprète de Richard III, j’ai aussi croisĂ© deux personnes qui venaient de St Denis. Assises, ces deux personnes ( une fille et un garçon qui semblaient se connaĂ®tre) avaient dĂ©jĂ  passĂ© leur audition. 
Je sais aussi que des personnes résidant à Paris, Enghien ou Courbevoie, de quartiers et des villes mieux réputées qu’Argenteuil, ont pu venir prendre des cours au conservatoire d’Argenteuil.
 
Ce mardi, l’humoriste Haroun, est aussi venu donner un spectacle au centre culturel Le Figuier Blanc. J’y étais. Et, il y a quelques jours, mon ancienne de prof de cours de théâtre du conservatoire, Michelle Brûlé et le musicien Claude Barthélémy, avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler en tant que comédien il y a quelques années, ont rendu un hommage à Janis Joplin et à Jimi Hendrix à la Cave Dimière d’Argenteuil. Je n’ai malheureusement pas pu y aller.
 
 
C’est donc dire que Côté Seine est loin, très très loin, d’être un des seuls attraits d’Argenteuil.
 
Mais il est vrai que ce centre commercial a un certain succès mĂŞme si on y croise beaucoup moins de monde qu’aux Quatre Temps de la DĂ©fense. Il est aussi plus petit et situĂ© dans une ville moins attractive que la DĂ©fense. Et, lorsque j’ai appris que l’antenne commerciale de la Poste allait ĂŞtre ouverte Ă  CĂ´tĂ© Seine, j’ai trouvĂ© ça « malin Â» pour l’attractivitĂ© de cet espace comme pour l’accessibilitĂ©. Car CĂ´tĂ© Seine dispose de parking sous-terrain pour sa clientèle. Ce centre commercial est aussi placĂ© Ă  cinq minutes Ă  pied de la gare d’Argenteuil. Laquelle, je le rappelle (car c’est aussi un des autres très gros atouts de la ville) se trouve Ă  11 minutes de la gare St Lazare par train direct. Et Ă  17 minutes par un train omnibus. Lors des grèves de transport ou lors de la diminution du trafic pendant le confinement dĂ» au Covid du mois de mars au mois de Mai, pour moi, vivre en banlieue dans la ville d’Argenteuil a plutĂ´t aidĂ©. J’ai des Ă©lĂ©ments de comparaison :
J’ai vĂ©cu une vingtaine d’annĂ©es auparavant Ă  Cergy-Pontoise. Et cela m’aurait Ă©tĂ© beaucoup plus difficile de me rendre au travail Ă   Paris, comme je l’ai  fait, durant la pandĂ©mie, par les transports en commun, bus inclus. D’ailleurs, lorsque je vivais Ă  Cergy-Pontoise, je travaillais dans les environs. Je me rendais Ă  Paris uniquement pour mes loisirs.
 
J’ai une certaine expérience de la vie en banlieue parisienne. Je n’ai même que cette expérience de vie depuis ma naissance. Je parle d’une certaine partie de la banlieue. Je suis très loin de connaître toute la banlieue parisienne. Et puis, la vie dans certaines villes de banlieue a plus changé que dans d’autres villes de banlieue depuis mon enfance.
 
Mais, ce matin, Ă  la poste du centre commercial CĂ´tĂ© Seine, cet homme trentenaire sur ma droite, lui,  semble avoir une très grande expĂ©rience des courriers en recommandĂ©. Alors, lorsque l’employĂ© de la poste qui me fait face et s’occupe de moi lui rĂ©pond qu’il doit d’abord faire la queue comme tout le monde, l’homme « recommandĂ© Â» riposte :
 
«  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â».  Et, il explique que pour envoyer un courrier en recommandĂ©, on n’est pas obligĂ© de faire la queue ! Alors, l’employĂ© de la poste lui rĂ©pond qu’en pĂ©riode de Covid, si ! C’est Ă  lui qu’il revient de faire entrer les gens dans la poste. Et, pour l’exemple, il montre les personnes qui, derrière moi, et comme moi, ont fait et font la queue.
 
Je peux comprendre cet homme pressĂ©. Pour avoir attendu l’ouverture de cette agence de la poste une ou deux fois, Ă  9 heures du matin, il peut y avoir beaucoup de monde prĂ©sent. C’était dĂ©jĂ  comme ça avec les deux bureaux de poste prĂ©cĂ©dents. LĂ , Ă  CĂ´tĂ© Seine, c’est sĂ»rement pire. Vingt  Ă  trente minutes avant l’horaire d’ouverture, il est courant qu’il y ait foule. Alors, lorsqu’il y a moins de monde, comme c’est le cas ce matin  (vers 11 heures du matin), on n’a qu’une envie : faire ce que l’on a Ă  faire. Sans traĂ®ner. Surtout que l’on a su nous « Ă©duquer Â» pour rĂ©aliser un certain nombre de nos formalitĂ©s, ou opĂ©rations, en nous adressant Ă  des automates.  FormalitĂ©s et opĂ©rations, qui, il y a dix ou vingt ans, nĂ©cessitaient le passage obligatoire par un guichet et par un ĂŞtre humain. Or, ce matin, un ĂŞtre humain, l’employĂ© de la poste face Ă  moi, est lĂ  pour faire barrage Ă  un autre ĂŞtre humain. Et lui rappeler qu’il doit faire la queue comme tout le monde. Et attendre comme tout le monde. MĂŞme si la voie lui semble libre. MĂŞme s’il a toutes les compĂ©tences requises pour se servir tout seul de l’automate lui permettant d’affranchir son courrier pour un recommandĂ©. Et, tout ça, Ă  cause d’un virus:
 
Le Covid-19. Ou « la Â» Covid. Selon les sensibilitĂ©s et les avis.
 
Mon attitude vis à vis de la pandémie a changé. Pendant quatre mois, grosso modo, j’ai été raisonnablement obsédé par le Covid. Du mois de mars jusqu’à la mi-juillet.
Parce-que, comme tout le monde, j’ai d’abord Ă©tĂ© matraquĂ© moralement par la forte probabilitĂ© de la maladie et de la mort. Du fait des mĂ©dias et de la forte « contagion Ă©motionnelle Â» dont parle le Dr Judson Brewer dans son livre sur les addictions ( Le Craving). Lorsqu’il dit, par exemple, page 256 :
 
« Selon les spĂ©cialistes de sciences sociales, les Ă©motions positives et nĂ©gatives peuvent se transfĂ©rer d’une personne vers les personnes voisines (c’est ce qu’on appelle la contagion Ă©motionnelle). Si un individu manifestement de bonne humeur entre dans une pièce, les autres ont plus de chances de se sentir heureux, comme si cette Ă©motion Ă©tait contagieuse Â».
 
Un peu plus tĂ´t, toujours dans ce mĂŞme livre, Judson Brewer, citant l’ouvrage de Skinner ( Walden 2), affirme, page 252 :
 
«  Il (Skinner dans son ouvrage Walden 2) souligne l’usage omniprĂ©sent de la propagande et d’autres tactiques pour canaliser les masses par la peur et l’excitation. Bien-sĂ»r, ce sont lĂ  des exemples de renforcement positif et nĂ©gatif. Quand une tactique fonctionne, elle a plus de chances d’être rĂ©pĂ©tĂ©e. Par exemple, pas la peine d’aller chercher plus loin que la dernière Ă©lection prĂ©sidentielle aux Etats-Unis pour voir comment un politicien exploite la peur (comportement) :
 
« Le pays est en danger ! Je rĂ©tablirai la sĂ©curitĂ© ! Â».
 
 En France, cela peut nous faire penser au titre du dernier livre de Nicolas Sarkozy, ex-PrĂ©sident de la RĂ©publique qui, visiblement, ne digère toujours pas, d’avoir ratĂ© sa réélection :
 
Le Temps des tempĂŞtes.
 
Président de la République de 2007 à 2012, Nicolas Sarkozy ne m’a pas du tout marqué comme étant un Président de l’apaisement. Et, en 2020, il (nous) sort néanmoins un livre qui annonce le pire. Comme s’il regrettait presque de ne pas avoir assez accentué le déjà pire. Il y a presque chez lui comme une sorte de refuge mélancolique dans sa façon de refuser l’échec de sa réélection. C’est une séparation d’avec le Pouvoir dont il ne se remet pas. Alors, à défaut, il reste dans les parages car sa capacité de nuisance et son poste d’observation restent meilleurs que celui d’autres acteurs de la vie politique.
Si certains auraient voulu ĂŞtre un artiste, lui, aurait peut-ĂŞtre voulu ĂŞtre Poutine.
 

 
L’humoriste Haroun au centre culturel Le Figuier Blanc
 
 
 
Dans son spectacle donnĂ© ce mardi au Figuier Blanc, l’humoriste Haroun a dit Ă  peu près :
 
« Ce n’est pas qu’aujourd’hui, l’extrĂŞme droite (et ses idĂ©es racistes) soit pire qu’avant. C’est surtout que les autres partis se sont mis Ă  son niveau Â».
 
Le titre du livre d’un Nicolas Sarkozy ou les saillies livresques ou mĂ©diatiques d’autres PersonnalitĂ©s donnent malheureusement raison Ă  Haroun. Lequel, toujours ce mardi, a pu dire, je le cite, car, cette fois-ci, j’ai pu noter :
«  Ce n’est pas le monde qui va mal. C’est qu’il y a trop de cons qui vont bien ! Â».
 
Notre part de connerie et de folie
 
Tout le monde sera d’accord avec cette phrase. MĂŞme les plus cons. Car  le plus difficile, après avoir admis Ă  l’unanimitĂ© cette thĂ©orie d’Haroun, reste Ă  faire :
 
 Savoir dĂ©finir Ă  partir de quel dosage, notre part de connerie ou notre part de folie, souvent indĂ©tectable et imprĂ©visible, mais Ă©galement infinie, peut avoir – lorsqu’elle entre en jeu – des consĂ©quences. Notre part de connerie et de folie est rĂ©tractile. Elle peut n’être que transitoire, elle peut passer sous tous les radars (policiers mais aussi sociaux). Et aussi nous Ă©chapper.
 
Le personnage de comics, Serval (dont Black Panther est finalement la version assouplie, consciente– Black Power- et Ă©duquĂ©e) peut contrĂ´ler jusqu’à un certain point ses griffes d’Adamantium et son agressivitĂ©. Mais, au moins pour lui, les vrais mĂ©chants sont assez facilement identifiĂ©s et identifiables.
Pour nous, simples lecteurs et simples spectateurs de comics, de films pornos ou de romances tĂ©lĂ©visĂ©es,  dans notre vie de tous les jours, c’est plus difficile de faire le tri entre les fientes que nous avalons quotidiennement. Car elles nous sont toujours prĂ©sentĂ©es de façon affriolante.
 
Pour notre amateur de recommandĂ©s, peut-ĂŞtre que cet employĂ© de la poste a Ă©tĂ© un « con Â» ou un «  mĂ©chant Â». Pour moi, qui ai dĂ» revenir Ă  la Poste, toujours pour mon histoire de tĂ©lĂ©phone portable commandĂ© et payĂ© – fin aoĂ»t- sur le site de Darty Ă  un de ses « vendeurs partenaires Â», et jamais reçu (alors que la Poste et le vendeur « partenaire Â» m’affirment que je l’ai reçu il y a plus de trois semaines !) cet employĂ© de la Poste m’a donnĂ© l’impression d’être un homme Ă  qui l’on a dĂ» dire :
 
«  Tu seras au cĹ“ur de l’action de notre entreprise. En première ligne. C’est un rĂ´le très important. La qualitĂ© de ton contact relationnel avec notre clientèle est dĂ©terminante. Elle sera le gage de l’image de professionnalisme et d’efficacitĂ© de la Poste. C’est donc une fonction Ă  forte valeur ajoutĂ©e que tu occuperas Â».
 
Et, à la manière d’un gardien de Foot couvrant ses cages, on peut dire que notre employé de la Poste s’est impliqué ce matin pour être à la hauteur de sa fonction.
 
Me rĂ©pĂ©tant, avec conviction, que la Poste ne met pas- « C’est illĂ©gal ! Â»- le tampon sur le formulaire de rĂ©clamation que me demande- en Anglais- maintenant le « vendeur partenaire Â», photo Ă  l’appui. Afin d’être remboursĂ©.
 
M’affirmant que je peux faire les dĂ©marches sur internet car cela sera plus rapide. Ou me parlant (Ă  nouveau, comme sa collègue la semaine dernière) du 36 31. Un numĂ©ro que j’ai dĂ©jĂ  fait et oĂą tu passes un certain temps Ă  attendre que l’on te rĂ©ponde. MĂŞme lorsque tu rĂ©ussis Ă  avoir quelqu’un en ligne, cette personne a souvent besoin d’aller se renseigner et te mets Ă  nouveau en attente. Tout ça pour te rĂ©pondre que tu as d’autres dĂ©marches supplĂ©mentaires Ă  effectuer. Et, si tu as un mauvais karma, il arrive aussi que tu appelles- bien sĂ»r- lorsque tous les agents sont dĂ©jĂ  en ligne ou occupĂ©s. Ou en pause dĂ©jeuner. Voire, peut-ĂŞtre, ce n’est pas indiquĂ© :
En plein Burn-out,  en train de se suicider ou en entretien oĂą on leur apprend qu’ils vont ĂŞtre licenciĂ©s car ils ont de mauvais rĂ©sultats ou la boite, trop peu de bĂ©nĂ©fices.
 
Autrement, il y a les dĂ©marches par courrier me dit aussi l’employĂ© de la Poste avant de presque me menacer :
 
 Â«  Mais ça prend trois mois ! Â».
 
Derrière moi, quelques personnes attendent. Le jeune homme du recommandé, pas content, est resté sur ma droite. Un autre agent de la poste, essaie maintenant de le convaincre, mais cette fois, en Arabe, d’aller faire la queue. Ce qui n’a pas l’air de beaucoup marcher.
 
 
Nos plus grands accomplissements
 
Quant Ă  moi, je comprends que mes dĂ©marches sont loin d’être terminĂ©es. Je n’ai pas vraiment compris quelle formule magique, ou plutĂ´t quelle dĂ©marche, je dois suivre pour obtenir le remboursement et ainsi ĂŞtre dĂ©livrĂ© de cette entreprise, qui, parmi tant d’autres, nous prend beaucoup plus de temps et d’énergie que cela ne le devrait. Par contre, compensation, en insistant, je rĂ©ussis Ă  obtenir un nouveau formulaire de rĂ©clamation, en expliquant que j’ai « mal rempli Â» le prĂ©cĂ©dent. Voici ce qui fait partie de nos plus grands accomplissements :
 
Réussir à boucler une démarche administrative. Obtenir un formulaire.

 
 
Je repars donc avec un nouveau formulaire. D’ailleurs, une fois que j’ai eu ce formulaire dans la main, je me suis senti mieux. Un formulaire, dans la main, c’est aussi bien que de prendre un bon anxiolytique. Après ça, j’ai Ă©tĂ© vĂ©ritablement disposĂ© pour Ă©couter ce que l’employĂ© me prĂ©conisait pour mes dĂ©marches. Puis, pour accepter ce qui Ă©tait sa rĂ©ponse depuis le dĂ©but :  
 
« Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».
 
Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs !
 
Nous vivons beaucoup dans une Ă©poque de «  Ce n’est pas nous ! Allez voir ailleurs ! Â».
Sur la chaine Cnews, ce matin, lors de ma sĂ©ance kinĂ©, j’ai de nouveau reçu la « bonne Â» parole du journaliste Pascal Praud. Il y a quelques jours, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir apparaĂ®tre la DRH de Charlie Hebdo Ă  l’écran. C’était pour expliquer qu’elle avait Ă©tĂ© exfiltrĂ©e de son domicile par ses agents de protection en raison de menaces. A la suite, sans doute, de l’attentat rĂ©cent près des anciens locaux de Charlie Hebdo.
Cela faisait drĂ´le d’entendre Pascal Praud assurer la DRH de Charlie Hebdo de sa solidaritĂ©. Comme de l’entendre rĂ©pĂ©ter après elle, un peu comme un Ă©colier :
 
« Les musulmans sont les premières victimes…. Â» (de l’intĂ©grisme islamiste).
 
Pascal Praud peut donc chĂ©rir les pensĂ©es d’un Eric Zemmour et penser tout Ă  la fois que «  les musulmans sont les premières victimes Â» (de l’intĂ©grisme islamiste). C’était assez irrĂ©el. Et d’assister Ă  ça comme de voir et d’entendre la DRH de Charlie Hebdo Â« parler Â» avec Pascal Praud.
 
Ce matin, Pascal Praud, sur Cnews, a citĂ© De Gaulle :
 
«  Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! Â».
 
Je me suis dit que le modèle idéalisé de la France de Pascal Praud, c’est vraiment la France du passé. D’une France qu’on lui a raconté. Et avec laquelle, en 2020, il essaie de nous capter. J’aime l’Histoire et je crois beaucoup que nous avons à en apprendre. Mais, pour cela, cela commence par apprendre à écouter les autres. Je ne suis pas sûr que Pascal Praud sache tant que ça écouter les autres. Il prend peut-être un certain plaisir dans son attitude de malentendant. Car c’est un luxe de très grand privilégié que de pouvoir se dispenser d’écouter les autres. Tous les autres. Et, Pascal Praud, pour moi, fait évidemment partie des très grands privilégiés.
 
 
Ce matin, l’un des sujets abordés par Pascal Praud concerne l’allongement de la durée de réflexion, pour une femme, pour avoir droit à l’avortement. Jusque là, les femmes disposaient de 12 semaines. Cela va passer à 14 semaines. Auparavant, c’était 10 semaines.
Pour conclure le « dĂ©bat Â», Pascal Praud a donnĂ© la parole Ă  une journaliste du journal Le Figaro qui a rĂ©cemment….accouchĂ©. Si j’ai bien compris, cette journaliste Ă©tait encore en congĂ© maternitĂ© lorsqu’elle s’est exprimĂ©e depuis chez elle. Cette façon de conclure le dĂ©bat est sĂ»rement, pour Pascal Praud, sa conception de l’élĂ©gance et du respect des femmes. De certaines femmes tout au moins. Celles qui ont le choix. Ou plus de choix que d’autres. Des femmes privilĂ©giĂ©es ou assez privilĂ©giĂ©es. Mais j’extrapole sĂ»rement.
 
Car, Pascal Praud ou pas, reste cette part de connerie et de folie en nous, à laquelle, nous nous accrochons et où nous savons être très performants.
 
Nous avons cette faculté de nous en tenir à une certaine gestuelle, certaines habitudes et certaines pensées dès lors que nous les avons adoptées.
 
 
Près de la gare de Conflans Ste Honorine
 
 
Ça me rappelle un ancien patient, psychotique, que j’avais croisĂ© il y a plusieurs annĂ©es, par hasard, dans la rue, près de la gare de Conflans Ste Honorine. J’avais fait sa « connaissance Â» quelques jours ou quelques semaines plus tĂ´t dans un service d’hospitalisation en psychiatrie adulte oĂą j’avais fait un remplacement. C’était un patient dans la force de l’âge, peut-ĂŞtre plus grand que moi,  assez corpulent, moyennement commode. Potentiellement violent physiquement.
Lorsque je l’ai rencontré ce jour-là, près de la gare de Conflans Ste-Honorine, il allait vers la gare alors que je m’en éloignais. Mais nous étions sur le même trottoir dans cette longue ligne droite qui doit faire à peu près dans les deux cents mètres.
Manifestement lesté par un traitement antipsychotique de poids, l’homme continuait d’avancer, fixé vers un but ou une planète qu’il était seul à habiter, notre monde n’étant pour lui qu’un décorum. Je ne sais toujours pas s’il m’a vu ou reconnu lorsqu’il est passé en silence à côté de moi. C’était il y a plus de dix ans.
Je parle de cet homme car, chacun et chacune, Ă  notre façon, nous sommes pareils que lui. Hier, en fin d’après-midi, Ă  la gare St-Lazare, j’ai voulu prendre le train pour rentrer chez moi, Ă  Argenteuil. Il Ă©tait un peu plus de dix huit heures. En pleine heure de pointe. Un horaire oĂą beaucoup de personnes- la majoritĂ© des personnes exerçant un emploi- ont terminĂ© leur journĂ©e de travail et aspirent Ă  rentrer  chez elles. Mais, comme cela a pu se passer et peut continuer de se passer dans une certaine mesure avec le Covid-19, il y avait un grain de sable.
 
 
Le train de la voie 22
 
 
Cette fois, le grain de sable Ă©tait un incident technique du cĂ´tĂ© de la ville de Bois-Colombes. Plusieurs trains ne partaient pas ou ne partaient plus. D’autres ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. A mesure que plus de personnes arrivaient Ă  la gare St Lazare, aspirant Ă  retourner chez elles, il y avait comme une sorte de vapeur de panique ou d’agitation qui prenait le dessus. Et j’ai vu plus de personnes affluer, voire se presser, vers un train de banlieue  en particulier. Je me suis concentrĂ© sur celui de la  voie 22 car j’ai un moment envisagĂ© de le prendre. D’autres personnes se sont sĂ»rement focalisĂ©es sur le train d’une autre voie et n’ont plus vu que ce train-lĂ , « leur Â» train,  les autres trains alentour n’existant pas ou plus pour eux.
 
Le train de la voie 22 n’était pas encore parti.  Mais d’autres passagers continuaient de se diriger vers lui. Comme si la nĂ©cessitĂ©, pour plusieurs de ces personnes, Ă©tait d’être dans ce train-lĂ  coĂ»te que coĂ»te. Que leur vie en dĂ©pendait ! Et que si elles Ă©chouaient Ă  prendre ce train-lĂ  en particulier, qu’elles resteraient indĂ©finiment Ă  quai dans la gare St Lazare. Et qu’il leur serait impossible de retrouver leur domicile ou de se raccrocher Ă  leur vie d’avant l’incident technique.
 
 
A la poste ce matin, cet homme qui a affirmĂ© «  Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Â», s’est retrouvĂ© devant un incident qui a eu la mĂŞme portĂ©e pour lui que pour ces gens, qui, hier soir, ne savaient presque plus oĂą donner de la tĂŞte Ă  la gare St Lazare parce-que quelques trains ont Ă©tĂ© annulĂ©s ou retardĂ©s.
Hier soir, Ă  la gare St Lazare, pourtant, il  y a bien eu les annonces rĂ©pĂ©tĂ©es d’un agent ou d’une agent de la SNCF. Ces annonces ont pour but d’informer voire de rassurer les voyageurs Â»â€¦. Il y a encore des amĂ©liorations Ă  faire pour que les annonces de la SNCF soient plus rassurantes. Les informations Ă©taient rĂ©pĂ©tĂ©es en accĂ©lĂ©rĂ©. Elles n’étaient pas toujours audibles de façon confortable d’un point de vue acoustique. Elles n’étaient pas toujours intelligibles.
 
 
Parce-que c’est comme ça que nous marchons !
 
 
 A la tĂ©lĂ©, sur les rĂ©seaux sociaux, dans les mĂ©dia, dans nos relations personnelles et professionnelles, il est aussi des gens qui nous « informent Â» et tentent de nous « rassurer Â». Parmi ces gens, il y a des Pascal Praud et d’autres dĂ©clinaisons, d’autres visions et d’autres façons de raisonner comme de se comporter dans la vie de tous les jours. Il faut pouvoir s’y retrouver. Certaines personnes sont capables d’humour comme Haroun. D’autres n’ont pas cette aptitude Ă  l’humour ou ont un humour tout Ă  fait diffĂ©rent. Mais ce qui est commun Ă  beaucoup d’entre nous, c’est qu’il suffit de nous priver- temporairement- de quelques uns de nos repères pour très vite nous agiter voire nous faire paniquer. Il suffit d’un virus et d’une pandĂ©mie. De devoir attendre quinze minutes au lieu de dix. D’un train supprimĂ© ou retardĂ©. Et nous, Ă  un moment ou Ă  un autre, nous pouvons faire une connerie. Ou  devenir fous. Parce-que c’est comme Ă§a que nous marchons. 
Qui sait ?! Cet article que j’écris est peut-ĂŞtre une connerie Et une folie !
 
 
Concenant le Covid-19 :
 
 
Concernant le Covid-19, j’ai arrêté de m’obséder avec lui en partant en vacances et en allant prendre l’air cet été pendant quelques jours. Bien-sûr, je porte un masque dès que je sors de chez moi. Masque avec lequel je recouvre mon nez et ma bouche. Masque que je change toutes les trois heures environ. Et je me lave les mains régulièrement.
Si je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé, hé bien, je monte dans un métro, dans un bus ou dans un train bondé.
 
Lorsque je parle de mes séances kiné, je parle de séances qui sont effectuées dans une pièce où, certes, nous sommes plusieurs patients, mais la pièce a une surface assez grande et tout le monde porte un masque. Même si, quelques uns, choisissent pour une raison ou pour une autre, de le faire glisser sous leur nez.
 
 
 Cependant, continuer de prendre les transports en commun pour aller au travail pendant le confinement pendant presque deux mois du mois de mars Ă  dĂ©but Mai m’a aussi bien aidĂ©. D’abord sans masque puisqu’il n’y avait pas de masque disponibles jusqu’au dĂ©but du mois de Mai. Pour moi, il a très vite Ă©tĂ© Ă©vident que c’était parce-que les masques Ă©taient rares que l’on nous racontait qu’ils Ă©taient inutiles lors de nos dĂ©placements. 
 
S’il est vrai que le fait, aussi, de croiser très peu de monde dans les rues en pleine pĂ©riode de confinement (entre Mars et Mai) m’a sĂ»rement prĂ©servĂ© d’une contamination, cela m’a nĂ©anmoins fait beaucoup de bien de sortir et de voir qu’il Ă©tait possible de sortir de chez soi et de rester vivant et en bonne santĂ©. MalgrĂ© l’absence de masques. D’ailleurs, depuis que les masques sont devenus «abondants Â» et faciles Ă  trouver, j’ai du mal Ă  me rappeler m’être dĂ©placĂ© sans masque- du fait de la pĂ©nurie de masques- dans Paris pendant le confinement. Tant, aujourd’hui, « la norme Â» est de porter un masque. Hier soir, Ă  la gare St Lazare, la majoritĂ© des voyageurs que j’ai vus, comme souvent, depuis que les masques sont disponibles, et depuis que le port du masque peut ĂŞtre contrĂ´lĂ©, portaient des masques.
 
 
Porter un masque en toutes circonstances est-il une arnaque ? Des personnes le pensent.
 
A titre prĂ©ventif, si porter un masque me garantit d’être en santĂ© et de protĂ©ger d’autres personnes (comme l’usage du prĂ©servatif lors d’un rapport sexuel), je considère que cela vaut le coup et le coĂ»t de porter un masque anti-Covid. Et que c’est une contrainte assez supportable mĂŞme s’il est vrai que cette contrainte temporaire dure depuis maintenant un certain temps. MĂŞme s’il est assez peu «naturel Â» et moyennement agrĂ©able de vivre en permanence avec un masque sur le visage.  On peut et on a le droit de me voir comme un mouton et un con. Je le suis peut-ĂŞtre et bien davantage.
 
Mais je suis aussi soignant. Porter un masque, ne serait-ce que chirurgical, lorsque l’on est soignant (même sans travailler au bloc opératoire ou dans un service de réanimation), cela fait partie de la culture du soignant. Au même titre que d’utiliser des gants stériles ou non stériles, de porter des vêtements ou des chaussures pour des raisons sanitaires. Comme de se laver les mains régulièrement.
 
Ensuite, en parlant de culture du masque, en Asie, la culture du masque existe pour parer Ă  la pollution ou pour raisons sanitaires. Et cette « culture du masque Â» me paraĂ®t justifiĂ©e.
 
 
Par ailleurs, je trouve que le port du masque nous oblige Ă  mieux voir le regard de l’autre. A plus nous y attacher. A visage dĂ©couvert, nous sommes plus facilement distraits lorsque nous avons une personne en face de nous. Nous voyons moins son regard et ce qu’il exprime. D’un point de vue sentimental, relationnel ou affectif, j’ai l’impression que si le port du masque nous retire effectivement quelque chose ( c’est quand mĂŞme plus agrĂ©able de vivre Ă  visage dĂ©couvert comme de faire l’amour sans prĂ©servatif)  qu’il nous donne aussi quelque chose. Et puis, nous pouvons encore varier les attitudes. En prĂ©sence de certains intimes, ou de certaines rencontres, tomber le masque a une importance particulière. Par exemple, aujourd’hui, lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au restaurant avec une personne et que l’on accepte, face Ă  cette personne ou Ă  ces personnes, de retirer son masque de protection anti-Covid, cela est aussi une façon de dire que l’on tient Ă  cette ou Ă  ces personnes comme au fait que l’on tient Ă  vivre ce genre de moment avec cette ou ces personnes. MalgrĂ© le risque. On n’avait pas ça avant le Covid et les masques de protection. Donc, pour moi, c’est un plus.
 
 
Concernant le vaccin anti-Covid, il arrivera peut-ĂŞtre. Mais je n’ai pas comptĂ© sur lui. Dès le dĂ©but. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on « sait Â» que, malheureusement, l’industrie pharmaceutique est aussi un business. Et que, dès qu’elles le peuvent, les entreprises qui commercialisent mĂ©dicaments et vaccins,  ceux qui marchent et offrent un vrai plus par rapport Ă  ceux qui existent dĂ©jĂ , ne se gĂŞnent pas pour faire raquer les gens au prix fort.
 
 
La pandémie du Covid nous impose de vivre dans un monde de masques. Pourtant, j’ai l’impression, que nous vivons et nous montrons davantage à visage découvert. Avant la pandémie du Covid, nous portions bien plus de masques qu’aujourd’hui sauf qu’ils étaient invisibles ou pouvaient passer inaperçus. En quelque sorte, nous faisons à une grande échelle et en accéléré une certaine expérience de la Commedia dell’Arte.
 

 
Avec tout ça, je n’ai toujours pas Ă©crit Ă  propos du film de Farid Bentoumi, Rouge, qui va sortir fin novembre. Comme je n’ai pas encore pu Ă©crire sur le dernier film de Gaspar NoĂ©,  Lux Aeterna. Ce serait bien que je lise le livre Que Dalle consacrĂ© Ă  BĂ©atrice Dalle, livre que j’ai achetĂ© Ă  sa sortie et que je n’ai toujours par lu. Comme plein d’autres livres.
 
 
 
Franck Unimon, jeudi 1er octobre 2020.