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Nomadland-un film de Chloé Zhao

 

Nomadland un film de Chloé Zhao

 

 

Nous nous accrochons à des décors. S’ils nous sont familiers, ils ne sont pas là pour être apprivoisés. Car ils sont carnivores et nous dévorent.

 

Le lundi est un décor bien connu. C’est le premier jour de la semaine. Celui par lequel tout commence. La déprime ou l’enthousiasme. L’échine ou les miasmes.

 

Commencer une semaine, par la première séance de cinéma, celle de 8h05, par Nomadland de Chloé Zhao, j’ai dû le mériter. Peut-être parce-que la semaine dernière, j’ai osé préférer aller regarder Black Widow, un film de super-héros, une grosse production hollywoodienne.

 

Ce lundi, c’était tout Ă  l’heure, j’étais seul dans la salle. Dehors, il faisait gris, un peu frais et il pleuvait. Cela avait un peu dĂ©sespĂ©rĂ© une de mes collègues de ce matin :

 

« Un mois de juillet, sans soleil ! On se croirait en Novembre ! Â».

 

Mon collègue de nuit avait essayĂ© de la dĂ©samorcer en lui disant : « La pluie, c’est bon pour les tomates ! Â».

 

J’avais été content de pouvoir dire qu’après le travail, j’allais me rendre au cinéma. C’est peut-être pour ça que j’ai été puni en allant voir Nomadland. Ce qui n’était pas prévu, au départ.

 

 Les film Teddy et Sound of Metal  Ă©tant indisponibles, je me suis rabattu sur Nomadland dont j’avais entendu dire beaucoup de bien Ă  sa sortie il y a plusieurs semaines. Je n’étais pas – encore- tentĂ© par Sans un Bruit 2. J’ai hĂ©sitĂ© un peu en faveur de Benedetta de Verhoeven avec l’actrice Virginie Efira.  J’aime, sous sa fadeur apparente (il y a des actrices et des blondes plus attrayantes) la             Â« rapacitĂ© Â» de son jeu.

 

Mais j’ai opté pour Nomadland dont j’avais oublié l’histoire. De toute façon, j’aime en savoir le moins possible sur un film avant de le voir. J’avais même oublié que Zhao avait obtenu l’Oscar du meilleur film et de la meilleure réalisatrice en 2021 avec Nomadland. J’en étais resté au prix qu’elle avait obtenu à la Mostra de Venise en 2020.

 

L’actrice Frances McDormand, dans le rĂ´le de Fern.

 

 J’avais vu et aimĂ© le prĂ©cĂ©dent film de Zhao, The Rider. C’est surtout ça qui m’a dĂ©cidĂ© Ă  aller voir Nomadland. J’avais aussi oubliĂ© que l’actrice Frances McDormand, que j’aime voir jouer, occupait le rĂ´le principal.

 

On a sans doute, en parlant de Nomadland, fait des comparaisons avec l’œuvre Sur la Route de Jack Kerouac ou avec le film Into The Wild adapté au cinéma par Sean Penn.

 

Il y a sans doute de ça dans Nomadland. Mais, pour moi, ce film est un alcool fort sans l’ivresse. Malgré son titre, le film nous laisse sur le bord de la route. D’accord, on y roule beaucoup et c’est bien sûr mieux que de vivre parqué sans perspectives dans un hôpital ou ailleurs. Mais ce sont des rêves brisés qui roulent. Celles et ceux dont les décors de vie se sont plantés un jour ou l’autre. Pour raisons économiques. Pour raisons de santé. Pour cause de deuil. Pour cause de stress post-traumatique. A partir de là, le scénario de la vie normale faite de sédentarité, d’emploi en CDI et de réussite matérielle s’est arrêté pour eux. Le rêve américain prend bien-sûr une trempe supplémentaire sans doute nettement supérieure à celle subie le 11 septembre 2001. Sauf que cette blessure apparaît encore modérément dans les grosses productions américaines comme dans les unes des journaux parce-que le pays est encore suffisamment étendu. Parce-que les Etats-Unis sont encore la Première Puissance mondiale. Et parce-que les Etats-Unis n’en sont pas encore au stade où certains de leurs habitants, tels les migrants en provenance d’Afrique, du Maghreb, d’Asie ou du Moyen-orient, traversent la mer en espérant trouver mieux ailleurs.

 

Quelle ironie de voir ce pays, civilisation de l’automobile, recycler ici, mais en voiture, les transhumances qui avaient sans doute été celles des tribus indiennes, lorsque, à pied ou à cheval, celles-ci avaient été acculées par les colons européens à devoir quitter leurs territoires et leur histoire.

 

En France et dans les territoires d’Outre-mer, il a existĂ© et il existe des Ă©quivalents Ă  ces migrations intĂ©rieures mais aussi Ă  certains mouvements sociaux. En France, les mouvements sociaux rĂ©cents les plus marquants sont bien-sĂ»r ceux des gilets jaunes. En  Guadeloupe, en 2009, il y avait eu le mouvement Liyannaj kont pwofitasyon.

 

 Cependant,  on peut aussi penser Ă  tous les autres mouvements sociaux  qui ont essayĂ© ou qui essaient d’amoindrir ou de dĂ©fenestrer la  « violence du libĂ©ralisme Â». Il m’est impossible, Ă  un moment ou Ă  un autre, de faire l’économie de cette formulation :

 

« La violence du libĂ©ralisme Â».

 

Surtout lorsque certaines scènes de Nomadland se passent dans l’enceinte d’un site de l’entreprise Amazon, dont le propriĂ©taire, Jeff Bezos, est depuis plusieurs annĂ©es l’homme le plus riche du monde. Et, dans Nomadland, on voit bien ce que sa richesse et sa rĂ©ussite doivent – comme bien des richesses et des rĂ©ussites- aux conditions de vie et de travail plus que pĂ©nibles, de quantitĂ©s de gens, de tous âges, de toute origine ethnographique et de tout niveau socio-culturel confondus.

 

Le personnage de Fern (interprĂ©tĂ© par Frances McDormand) nous fait entrer dans le fleuve de toutes ces personnes qu’elle rencontre ou retrouve, et qui, comme elle, sont tout sauf des parasites. Ils travaillent, se font Ă  toutes sortes de jobs, le plus souvent saisonniers, au grĂ© de ce qui leur est possible. Ils forcent l’admiration et le respect tout en n’obtenant rien d’autre de leurs contemporains ou de leur gouvernement  des rĂ©actions et des sentiments inadaptĂ©s :

 

IncomprĂ©hension ( percevoir Fern comme « homeless Â» au lieu de « houseless Â» , peur,  des rĂ©ponses inhumaines (le montant des pensions de retraites, par exemple).

 

Un parallèle est évidemment possible avec notre avenir social en France. Même s’il nous est souvent rappelé que la société américaine et la société française diffèrent, on peut aussi se dire que certains exemples américains louchent de plus en plus vers l’hexagone. Lorsque l’on pense par exemple à la réforme des retraites. Ou à la décision gouvernementale récente, en France, de reculer désormais l’âge du départ à la retraite à 64 ans.

 

Les seuls maquillages Ă  mon sens trop prĂ©sents dans Nomadland sont les passages de violons et de piano. Je crois que le film – que j’ai aussi trouvĂ© un peu trop long- aurait Ă©tĂ© meilleur sans ces anesthĂ©siants :

 

Une scène entre Fern et sa sĹ“ur ou une autre entre Fern et Bob Wells, sans violons et sans piano,  en attestent.

Bob Wells in the film NOMADLAND. Photo Courtesy of Searchlight Pictures. © 2020 20th Century Studios All Rights Reserved

 

 

Si Nomadland est un alcool propre à déglinguer la moindre ivresse, il sait aussi mieux nous rapprocher de cette faiblesse qu’est la caresse.

 

 

 

Franck Unimon, ce lundi 12 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus

Des soignants héroïques et irresponsables

Photo prise l’annĂ©e dernière pendant le premier confinement.

 

                                Des soignants hĂ©roĂŻques et irresponsables

 

La vaccination contre le Covid :

 

Les soignants, en France, se sont peu fait vacciner contre le Covid. 57 % des soignants environ se sont faits vacciner. De quels soignants parle-t’on ? Des mĂ©decins ? Des infirmiers ? Des aides-soignants ? Des « soignants Â»â€¦.ces anonymes qui Ă©taient autant de « hĂ©ros de la Nation Â» l’annĂ©e dernière lors du premier confinement. Et qui, aujourd’hui, compteraient parmi eux un certain nombre d’irresponsables. 

 

Facile….et obligatoire :

 

Car, aujourd’hui, contrairement à l’année dernière pendant le premier confinement, il est facile de se faire vacciner contre le Covid.

 

Il est aussi de plus en plus obligatoire de se faire vacciner pour partir Ă  l’étranger. En vacances, par exemple. Nous sommes au mois de juillet et, après un nouveau « confinement Â» pour parer Ă  la pandĂ©mie du coronavirus, beaucoup de gens sont partis en vacances.

 

Gare du Nord, juillet 2021.

 

On peut aussi voir des rĂ©clames encourageant Ă  la vaccination anti-covid afin de se rendre Ă  des Ă©vĂ©nements de masse festifs : matches de foot, concerts….

 

Mais on peut aussi s’attendre, à ce que, bientôt, ou dès maintenant, la vaccination anti-Covid soit un avantage lors de certaines démarches en vue d’obtenir un emploi. Ou, sur les sites de rencontres, pour « dénicher » un partenaire ou une partenaire.

 

 

Je m’étais dit que j’allais donner mon avis un de ces jours sur le sujet de la vaccination anti-covid. Mais je n’étais pas pressé. Et puis, la lecture de l’éditorial (signé Jérôme Chapuis) du journal La Croix de ce mercredi 7 juillet 2021 m’a tellement contrarié que je me suis dit que je ne devais plus traîner pour écrire à ce sujet.

 

 

Irresponsable :

Parce-que je fais encore partie de ces irresponsables. A ce jour, je ne me suis pas encore fait vacciner contre le ou la Covid. Je suis et serais donc un irresponsable en plus d’être un Ă©goĂŻste. Je retranscris ce passage de l’éditorial du journal La Croix de ce 7 juillet qui m’a particulièrement poussĂ© Ă  Ă©crire :

 

« (…..) A l’heure oĂą menace une quatrième vague de Covid, le chiffre laisse songeur. A l’hĂ´pital, au dĂ©but de l’étĂ©, seuls les deux tiers des soignants avaient reçu une première dose de vaccin (….). Cette dĂ©fiance persistante conduit le gouvernement Ă  envisager pour eux la vaccination obligatoire. De nombreux soignants y voient une atteinte Ă  leur libertĂ©. Argument discutable, d’abord parce que la libertĂ© individuelle doit toujours ĂŞtre mise en balance avec l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral. Ensuite parce que leur mĂ©tier amène ces professionnels Ă  cĂ´toyer malades et personnes âgĂ©es qui sont prĂ©cisĂ©ment les plus vulnĂ©rables face au virus. De ce point de vue, dès lors qu’il est admis qu’elle ne comporte pas d’effets indĂ©sirables, la vaccination des soignants apparaĂ®t comme une obligation morale (….) Â».

 

 

Discutable :

 

L’atteinte Ă  « ma Â» libertĂ© est un argument discutable selon cet Ă©ditorial. HĂ©, bien, discutons, car, autrement, une fois de plus, si je ne prends pas l’initiative de « discuter Â» c’est quelqu’un d’autre qui le fera Ă  ma place. Et, vu la façon dont l’éditorialiste du journal La Croix mais aussi d’autres journaux s’expriment, je prĂ©fère m’exprimer moi-mĂŞme. Pour changer avec cette « normalitĂ© Â» qui fait de beaucoup de soignants de simples exĂ©cutants.

 

Pour commencer,  je suis favorable Ă  la vaccination. Mais pas n’importe comment : je suis autant prudent vis Ă  vis de ce vaccin anti-Covid que je ne l’avais Ă©tĂ© vis-Ă -vis de tous ces applaudissements sincères et rĂ©pĂ©tĂ©s que l’on nous avait adressĂ©s l’annĂ©e dernière lorsque nous Ă©tions des « hĂ©ros Â». D’ailleurs, j’aimerais reparler un peu de cette Ă©poque un peu trop vite et trop facilement oubliĂ©e maintenant qu’il est devenu « entendu Â» que tout le monde doive se faire vacciner pour « l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â».

 

L’époque des « hĂ©ros Â» :

 

Elle a duré à peu près deux mois et demi d’un point de vue médiatique. De mi-mars à fin juin pour faire large. Mais c’est la période comprise entre le début du premier confinement en mars 2020 et début Mai qui m’importe le plus.

 

Quelques « Une » du journal LibĂ©ration l’annĂ©e dernière lors du premier confinement.

 

Cette « Ă©poque Â», qui a durĂ© cinq Ă  six semaines, a Ă©tĂ© une Ă©poque d’angoisse et de peur assez maximale. Je me souviens de cette angoisse pour l’avoir ressentie. Et, je me souviens, aussi, que, durant ces cinq Ă  six semaines, nous, les hĂ©ros, nous « devions Â» continuer d’aller au travail pour       « l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â» pendant que la quasi-totalitĂ©, ou une bonne partie, de la population restait confinĂ©e chez elle. Tant tout le monde avait peur et Ă©tait angoissĂ©.

 

 

Suite de quelques « Une » du journal LibĂ©ration l’annĂ©e dernière pendant le premier confinement.

 

Il y a sûrement eu des endroits, des régions, des quartiers en France, où des gens, lors du premier confinement, ont continué de se balader comme d’habitude. Mais ces endroits, ces régions ou ces quartiers n’étaient pas concernés par ceux que j’ai traversés lorsque je me suis rendu au travail lors de ces cinq à six semaines. Pareil dans les transports en commun.

 

J’ai Ă©crit : « Nous devions continuer d’aller au travail…. Â». Je vais prĂ©ciser : Je tenais Ă  aller au travail lors de cette Ă©poque particulière. MĂŞme si le service oĂą je travaillais a Ă©tĂ© moins exposĂ© que d’autres services (Ehpad, services d’urgences et de rĂ©animation somatiques ) Ă  des clusters, je savais que nous vivions une Ă©poque particulière, historique, et je tenais Ă  la vivre. Comme Ă  contribuer, Ă  mon niveau, Ă  ce que le travail pour « l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â» continue.

 

Photo prise l’annĂ©e dernière pendant le premier confinement.

 

 

 

J’allais dĂ©ja oublier de cette Ă©poque dorĂ©e le « privilège Â» qu’ont eus certains de mes collègues hĂ©roĂŻques, en France ou ailleurs, de recevoir des courriers anonymes de voisins. Non pour les encourager. Ou, plutĂ´t, oui. Mais pour les encourager Ă  dĂ©mĂ©nager. En leur expliquant qu’en tant que soignants, ils Ă©taient devenus une menace pouvant contaminer…. tout l’immeuble.

 

Aujourd’hui, c’est ni plus ni moins la Nation toute entière que des ex-soignants hĂ©roĂŻques seraient susceptibles de contaminer, selon certains esprits très dĂ©veloppĂ©s,  avec leurs âneries consistant Ă  traĂ®ner pour se faire vacciner.

 

Je repense aussi au tĂ©moignage -que j’avais lu- de cette soignante, qui, lors du premier confinement, expliquait s’être interdite d’embrasser sa fille pour des raisons sanitaires. Alors, je vais sĂ»rement paraĂ®tre complètement Ă  cĂ´tĂ© de la plaque mais j’ai toujours continuĂ© d’embrasser ma fille de la mĂŞme manière. Et, j’avais eu de la peine pour cette « collègue Â» ainsi que pour ces lourdes privations affectives qu’avaient pu connaĂ®tre sa fille.

 

Suite des « Une » du journal LibĂ©ration l’annĂ©e dernière pendant le premier confinement.

 

 

Des héros sans filets de protection

 

Pourtant lors de cette époque particulière, de mars à mai 2021, je ne me voyais pas et ne me vois toujours pas comme un héros. Même si cette ambiance a été pesante. Même si nous avons travaillé le plus souvent sans masques anti-Covid. Ou, sans masques FFP2 en tout cas, décrits comme ceux étant les plus à même de nous offrir la protection maximale contre ce virus si contagieux et potentiellement mortel.

 

Je me rappelle aussi ĂŞtre retournĂ© dans cette pharmacie oĂą, fin fĂ©vrier 2020, un pharmacien m’avait affirmĂ© que cette Ă©pidĂ©mie du Covid ne nous concernait pas. Quelques semaines plus tard, en plein confinement, non seulement cette pharmacie ne vendait plus de masques FFP2 ( Ă  près de 4 euros l’unitĂ©) pour cause de « rupture de stock Â»; mais tous les employĂ©s de cette pharmacie, du vigile aux pharmaciens, en passant par la femme ou l’homme de mĂ©nage, portaient , eux, un masque FFP2. Donc, moi, le hĂ©ros, je devais me contenter de l’air dĂ©solĂ© d’un(e ) des employĂ© (es) de cette grande pharmacie, situĂ©e en plein Paris, et des applaudissements du 20 heures, pour me « vacciner » contre le Covid.

 

Avec le lavage des mains.

 

 

DĂ©but Mai 2020 : Premier miracle

 

 

Et puis, début Mai 2020, premier miracle, les supermarchés- et les pharmacies- se sont mis à pondre des masques anti-Covid. Pas les FFP2. Mais des masques anti-Covid néanmoins. Qu’il a fallu payer. Moi, le héros, comme tout le monde, je suis passé à la caisse pour acheter ces masques. Et, plus d’un an plus tard, je continue, désormais, d’acheter des masques anti-Covid régulièrement. Mais, aussi, de me laver les mains. Je fais beaucoup confiance à ces deux gestes barrières (port du masque et lavage des mains). Et, je crois que, désormais, le port du masque fera souvent partie de notre quotidien.

 

A l’intĂ©rieur de la Gare du Nord, juillet 2021.

 

Juillet 2021 : Second miracle

 

Nous sommes le 8 juillet 2021, et, moi, « le hĂ©ros Â», Ă  ce jour, je n’ai pas contractĂ© le Covid. Ou alors j’ai contractĂ© une forme si « transparente Â», si « discrète Â», que je ne l’ai pas sentie passer.

 

Depuis mars de l’annĂ©e dernière, je n’ai pas Ă©tĂ© en arrĂŞt de travail pour cause de Covid. Par contre, certains de mes collègues ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s pour cause de Covid. Quelques uns de mes collègues, pour parler de ceux qui ont Ă©tĂ© touchĂ©s lors de ce mois de mars 2021, s’étaient relâchĂ©s concernant le port du masque. Or, je le rĂ©pète :

 

Je porte régulièrement un masque au travail et dans les transports en commun comme dans les lieux publics ( sur mon nez et ma bouche). Et, je me lave les mains.

 

Je porte si souvent un masque qu’il y a environ dix jours, c’est Ă  ce port prolongĂ© que j’ai attribuĂ© des Ă©coulements nasaux rĂ©pĂ©tĂ©s pendant un  Ă  deux jours. Alors que je n’étais pas enrhumĂ©. Je me suis fait quelques lavages de nez avec du stĂ©rimar et c’est passĂ©.

 

Certains de mes amis ou connaissances, aussi, ont attrapé le Covid.

Des amis et des connaissances qui l’ont attrapé à leur travail ou en d’autres circonstances. Circonstances auxquelles je suis extérieur. Je n’étais pas en contact direct avec eux.

 

Donc, au vu de ces quelques constatations, je « capte Â» assez difficilement cette urgence de la vaccination, me concernant. MĂŞme, si, je le redis, je suis favorable Ă  la vaccination. Mais pas n’importe comment. Passons maintenant au reste de ce qui est dit dans cet Ă©ditorial du journal La Croix.

 

« La libertĂ© individuelle doit toujours ĂŞtre mise en balance avec l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â»

 

J’admets complètement le fait que des soignants aient pu contaminer des patients. Bien avant la pandémie du coronavirus, on parlait déjà de certaines maladies nosocomiales.

 

Donc, oui, les soignants ont Ă  prendre certaines prĂ©cautions pour protĂ©ger celles et ceux dont ils s’occupent : c’est la moindre des choses. Et, je ne discute pas les chiffres qui ont pu ĂŞtre donnĂ©s en termes de contamination du Covid dans les Ehpad.

 

Par contre, je me demande si ces soignants « contaminants Â» avaient….des masques. S’ils avaient de quoi se laver les mains comme il se doit. S’ils avaient le temps de le faire, aussi.

 

Parce-que cette pandĂ©mie du Covid a aussi mis sur la table un fait chronique dans les institutions de soins de la France : une certaine pĂ©nurie de personnel et/ou une certaine pĂ©nurie de matĂ©riel.

 

S’il a manqué des masques anti-Covid dans les Ehpad comme il a pu en manquer dans d’autres services de soins, il n’y a rien d’étonnant à ce que la contagion du virus ait pu autant s’étendre.

 

Mais « La libertĂ© individuelle doit toujours ĂŞtre mise en balance avec l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â», ça, c’est une pensĂ©e forte !

 

Ce 8 juillet 2021, pour celles et ceux qui ont pu partir, les grandes vacances- ou vacances d’étĂ©- ont commencĂ©. Mais, que  je considère ces vacanciers ou ces personnes contentes d’être Ă  une terrasse de cafĂ© ou de restaurant, ou, simplement, en train de faire les soldes, je ne vois pas cet « intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â». Ce que je vois, c’est surtout un « intĂ©rĂŞt personnel Â» multipliĂ© pratiquement par toutes ces personnes environnantes ou parties en vacances.

 

 

Si l’on tient tant que ça Ă  me parler de « La libertĂ© individuelle doit toujours ĂŞtre mise en balance avec l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â», je me dis qu’à nouveau, on me prend pour un idiot. Comme lorsque, l’annĂ©e dernière, on a essayĂ© de me faire croire que j’étais un « hĂ©ros de la Nation Â». Et qu’il Ă©tait normal pour moi (et pour d’autres) de partir au combat sans armes ( sans masques)  au devant d’une mort presqu’assurĂ©e.

 

Parce qu’il y a plein d’exemples courants oĂą « l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â» est secondaire  :

 

Les industriels du Tabac qui vendent leur poison légalement depuis des années et font de gigantesques chiffres d’affaires. Pareil pour les vendeurs d’alcools et de spiritueux.

 

Les constructeurs automobiles et leur Diesel polluant qui a fait beaucoup de contents et de nostalgiques parmi les automobilistes.

 

Ces autres constructeurs automobiles qui avaient trafiqué leur logiciel anti-pollution sur leurs voitures.

 

On verra bientôt quels effets néfastes a engendré la téléphonie mobile dans nos vies.

 

J’imagine bien qu’un journal comme La Croix, et d’autres, relatent aussi ces faits. Sauf qu’il est bien plus facile de faire pression sur des soignants  qui restent des subalternes. MĂŞme si on veut bien les admirer et les applaudir de temps en temps tant qu’ils obĂ©issent et se dĂ©vouent pour trois fois rien. La profession de soignant a ceci de particulier qu’il semble souvent lĂ©gitime de pouvoir bĂ©nĂ©ficier du maximum de ses compĂ©tences et de ses disponibilitĂ©s pour un salaire et une reconnaissance minimale.

 

La suite est assez prĂ©visible. Les soignants, si l’on dĂ©signe ici des aide-soignants et des infirmiers, sont majoritairement des femmes : le sexe dit « faible » mĂŞme si les moeurs prennent l’ascenseur et Ă©voluent.

En attendant, « nous Â», les soignants ( aides-soignants et infirmiers, femmes et hommes), nous ne vendons pas de pop corn, d’automobiles ; nous ne vendons pas de coca-cola, de tabac, de bonbons, d’alcools, de films grands publics, de pubs,  d’engrais chimiques, de cosmĂ©tiques, de parfums, de spectacles, de cannabis, d’armes, de tĂ©lĂ©viseurs, de tĂ©lĂ©phones portables, d’ordinateurs, de mĂ©dicaments ou d’assurances. Nous essayons par contre de remĂ©dier Ă  certaines consĂ©quences de ces usages comme de ces objets.

Nos bonnes intentions nous honorent, certes. Mais cet honneur nous rĂ©tribue assez peu socialement mais aussi matĂ©riellement. De ce fait, nous disposons de moins de poids Ă©conomique et politique que tous ces industriels et entrepreneurs prĂ©citĂ©s – et d’autres- qui produisent et incitent Ă  certains usages en rĂ©alisant en permanence des contorsions autour de « l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Â». A eux, les contorsions, les rĂ©seaux d’influence et le chiffre d’affaires. Pour nous, soignants, les pressions, la diminution des effectifs comme de nos moyens. 

 

Vers une vaccination obligatoire pour les soignants :

 

 

La vaccination anti-Covid va devenir obligatoire pour les soignants prochainement. D’une façon ou d’une autre. A moins, peut-ĂŞtre, de partir Ă  la retraite- en Ă©vitant l’EHPAD- dans les trois mois qui viennent. Sauf s’il survient un autre « miracle Â».

Un autre « miracle Â» :

Dans l’éditorial du journal La Croix, « j’aime beaucoup Â» la partie :

 

« De ce point de vue, dès lors qu’il est admis qu’elle ne comporte pas d’effets indĂ©sirables, la vaccination des soignants apparaĂ®t comme une obligation morale (….) Â».

 

Subitement, l’éditorialiste s’est rappelĂ© que les vaccins anti-Covid comportent quand mĂŞme quelques risques pour la santĂ©. Et qu’il serait prudent, pour lui, de se couvrir. Car par qui est-il « admis qu’elle (la vaccination) ne comporte pas d’effets indĂ©sirables Â» ?!

 

MĂŞme si la plupart des personnes vaccinĂ©es la supportent plutĂ´t bien, nous manquons de recul et de certitudes concernant ces vaccins. Et une « revue Â» ( en ligne) plutĂ´t sĂ©rieuse comme Prescrire mentionne aussi certains effets secondaires indĂ©sirables constatĂ©s et souligne le manque de recul actuel Ă  propos de ces vaccins anti-Covid.

 

Alors, l’autre « miracle Â», serait, pour moi, que d’ici quelques mois, on s’aperçoive qu’une vaccination gĂ©nĂ©ralisĂ©e reste insuffisante ou injustifiĂ©e.

Et, si ce miracle n’a pas lieu et que le vaccin devient obligatoire- le plus probable à mon avis- j’aurai non seulement gagné quelques mois supplémentaires de recul. Mais, en plus, en cas d’effet indésirable avéré par la suite, il me sera peut-être plus facile de le faire reconnaître.

 

Un ami- vacciné- m’a bien expliqué récemment qu’être vacciné n’empêchera pas d’attraper le Covid mais protègera contre des formes plus graves. Ce que je veux bien croire. Ce que j’ai plus de mal à croire, c’est à cet espoir que nous plaçons de plus en plus dans un vaccin pour continuer de vivre dans le même monde. Comme si un vaccin pouvait à lui seul nous permettre d’exister alors que nous faisons beaucoup par ailleurs pour nous détruire.

 

Entre les Tuileries et la place de la Concorde, juillet 2021.

 

Franck Unimon, ce jeudi 8 juillet 2021.

 

 

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Béatrice Dalle Cinéma Puissants Fonds/ Livres

Béatrice Dalle, trois fois.

 

 

Béatrice Dalle, trois fois.

 

Puisque c’est toujours de la faute des autres, tout est parti d’un cd du groupe Sonic Youth.

 

Je n’ai pas revu les films, ces forêts, où on la trouve. Je suis seul avec mes pensées, ces vieillesses condamnées sur lesquelles il faut apprendre à veiller. Si l’on tient à prévenir le déclin de notre humanité.

 

BĂ©atrice Dalle, trois fois. BĂ©atrice Dalle, pourquoi. Ma prudence me rĂ©pète que je ne la connais pas. Mais, dĂ©ja, pour la première fois dans mon blog, je crĂ©e une rubrique uniquement pour elle. Parce-que parler d’elle m’Ă©voque peut-ĂŞtre le cheval de Troie. 

Le physique de charme est un fusil de chasse. Mais cette arme a une particularitĂ© dangereuse : partout oĂą elle passe, on la repère au lointain. Sa dĂ©tentrice- ou son dĂ©tenteur- doit savoir s’en servir ou la quitter. Sinon, cette arme sera son enterrement ou sa rĂ©tention. Et, elle sera le trophĂ©e de celle ou celui qui la brandira. Qui la tisonnera.  

 

Je me rappelle un peu d’une partie de sa cinĂ©matographie. Dans son livre Que Dalle un livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle / BĂ©atrice DalleLouvrier nous apprend qu’hormis avec les rĂ©alisateurs Jim Jarmusch et Abel Ferrara, elle a fait peu d’efforts pour connaĂ®tre une carrière aux Etats-Unis. Parce qu’elle ne parle pas Anglais. 

 

Si tu cours longtemps et vite, et que tu es sur la dĂ©fensive devant la moindre limite, comment te suivre, BĂ©atrice Balle ? Il faut un certain recul pour atteindre quelqu’un. Mais aussi pour l’attendre.

 

Louvrier parle du Rap et de Joey Starr. Mais il y a d’autres musiques. Peut-être du Free Jazz ou ne serait-ce que du Free…gaz.

 

En 1986, Dalle est dans 37°2. Après les Punks (que Louvrier cite). Après Nina Hagen, le Reggae de Police(groupe de Reggae blanc influencĂ© par le Punk), la mort de Bob Marley. La lecture de Que Dalle nous informe que Sting, l’auteur des tubes du groupe Police, Ă©tait « fou Â» d’elle et voulait la rencontrer. Mais « dans Â» la France de Mitterrand et de Jack Lang, elle avait d’autres Ă©vidences.

 

Dans la France de Giscard, je ne vois pas de place pour 37°2. Et puis, rester dans les années 70 et 80, c’est se tenir très loin d’aujourd’hui et de demain.

 

RĂ©cemment, Ă  l’anniversaire d’une amie, Ă  Levallois (oui, grâce Ă  Louvrier, je sais qu’à une Ă©poque, Dalle a vĂ©cu Ă  Levallois) en parlant de mon blog, j’ai rĂ©pondu Ă  quelqu’un avec qui je sympathisais que j’avais, entre-autres, Ă©crit sur BĂ©atrice Dalle. Il a Ă©tĂ© un peu Ă©tonnĂ©. SĂ»r de moi, j’ai alors avancĂ©, tel un attachĂ© de presse bien au fait de ses projets :

 

« Elle fait toujours des films Â».

 

 

J’étais nĂ©anmoins dans la salle pour voir le  film Lux Aeterna de Gaspar NoĂ©. Un rĂ©alisateur dont j’ai vu plusieurs des films depuis Seul Contre tous avec « feu Â» Philippe Nahon. Au contraire de Seul contre tous (un chef-d’œuvre, selon moi) je n’ai pas souscrit Ă  l’intĂ©gralitĂ© de Lux Aeterna. J’ai pour l’instant renoncĂ© Ă  Ă©crire dessus. Mais il m’en reste quelque chose. De mĂŞme pour Climax.

 

 

Dans le Que Dalle de Pascal Louvrier, il est plusieurs fois fait Ă©tat de sa bouche. Cet organe aurait Ă©tĂ© perçu comme « trop Â» grand chez elle au dĂ©but de sa carrière. Presqu’un naufrage.

 

J’ai oublié.

 

Sa bouche est la graine que nulle gravitĂ© n’aliène. Pourtant, dans J’ai pas sommeil, l’acteur Alex Descas- dont je parlerai un jour-  s’en prend Ă  elle :

 

« Tu ne seras jamais prĂŞte ! Â».

 

Devant sa nudité inquiète, mes articles, aussi, sans doute, ne seront jamais prêts.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 6 juillet 2021.

 

 

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Me mesurer Ă  ses cendres

 

Me mesurer Ă  ses cendres

Aucun événement immédiat ou particulier porté à ma connaissance ne me permet de savoir la raison pour laquelle je pense à lui ce matin. Un dimanche.

 

Comme d’autres membres de ma famille, avant ma naissance, il Ă©tait venu par avion pour le mariage de son petit frère. Le dernier. Un de mes oncles paternels. Une force de la nature, le plus grand parmi ses frères et ses sĹ“urs, surnommĂ© «  Le dindon Â». Si mes souvenirs sont exacts. Car tout cela se passe en CrĂ©ole et en mĂ©tropole :

 

En France.

 

En France, on n’a pas de pétrole, mais on a une métropole. Du Créole. Et des people.

 

Il était petit. Peut-être l’un des plus petits parmi les frères de mon père, aussi présent.

 

Mais il avait une classe rĂ©glĂ©e comme une montre suisse. Une classe que je lui avais dĂ©couverte ce jour-lĂ . Plus que mon père qui s’y connaissait pourtant en « style Â». Plus que mon oncle qui se mariait.

 

Dans son costume gris, il portait l’élĂ©gance et l’assurance. Il avait fumĂ© une cigarette devant moi, mon père et cet oncle qui se mariait. Avec tout autant de prĂ©sence. Dans ma famille, du cĂ´tĂ© de mes oncles et de mes tantes, paternels comme maternels, fumer est un acte suffisamment rare, Ă©tranger voire proscrit, pour marquer un esprit.  Au moins le mien.

 

La cigarette, c’est bien-sĂ»r le fait du Blanc. Mais c’est aussi une aventure qui ne vaut pas, peut-ĂŞtre, celle de la fiertĂ©, de la rĂ©putation, de la force physique,  du sport, de la musique, de la voiture, de la voix ferme et haute, du geste, du rhum et  de la verge.

 

Lui, il avait fumĂ© comme s’il s’agissait d’une formalitĂ©. Aucune remarque ne lui avait Ă©tĂ© faite alors que l’on peut ĂŞtre si Ă  cheval concernant telle action qui signifie que l’on se prend pour un blanc. Et l’on reste, du moins suis-je souvent restĂ©, proche de ce poste frontière. Presque l’ultime intime d’un certain sentiment de noyade. Tout près de cette  limite oĂą s’observent- telles deux Ă©ternelles vierges maquerelles toujours en demande d’un godemichĂ©- celle qui serait d’un cĂ´tĂ© l’identitĂ© blanche et, de l’autre, l’identitĂ© noire.

 

Moi, l’adolescent, les cheveux encore hauts Ă  la MichaĂ«l Jackson d’avant le dĂ©frisage et la dĂ©pigmentation, emmĂ©nagĂ© dans des vĂŞtements et des chaussures que ma mère sans doute avait choisi pour moi, et derrière mes lunettes du mĂŞme acabit, j’étais bloquĂ© face Ă  ces trois hommes : cet oncle, celui qui se mariait, mon père.

 

Et je faisais peine à voir. Mes oncles et mon père me le faisaient bien savoir.

 

Reprenant un des arguments de mon père, cet oncle avait statuĂ© que « mĂŞme un handicapĂ© Â» faisait de son mieux. Alors que moi, j’étais gauche, contenu :

 

Plus dans le brouillard que débrouillard.

 

Les derniers souvenirs que j’ai de cet oncle avant ce mariage, c’étaient sa maison, en Guadeloupe Ă  Petit-Bourg. Sa femme, souriante et affirmĂ©e, leurs trois enfants, deux cousines et un cousin, dont chaque prĂ©nom dĂ©bute par la lettre U. Comme mon nom de famille. Je m’en aperçois seulement maintenant alors que je repense Ă  cette balançoire faite d’un pneu, chez eux,  qui nous envoyait presque au dessus du vide.

 

Quelques années après ce mariage, j’ai entendu parler de son divorce. Par bribes.

 

Car je n’étais pas adulte.

 

J’ai appris qu’il jouait. De retour en Guadeloupe pendant les vacances, où notre père nous conduisait, nous passions devant son ancienne maison, sans doute habitée par son ex-femme et les enfants sans nous arrêter. Cette vie-là n’avait pas existé.

 

J’ai revu cet oncle plusieurs fois ensuite. Souvent chez mon grand-père. Pas si loin que ça de son ancienne maison. Il ne portait plus de costume. Il vivait dans une case en tĂ´le, pas si loin que ça de son ancienne maison. Se dĂ©plaçait en mobylette. S’était fait des « amis Â» parmi des jeunes qui vivaient de peu.

 

Assez régulièrement, j’entendais ça et là des commentaires le concernant (mon père, mon grand-père) où l’on se désolait de son mode de vie. En métropole, à Paris, on aurait parlé de zonard plus ou moins SDF. Sauf qu’il avait son coin, ne mourait pas de faim et qu’il faisait toujours partie de la famille où il continuait d’avoir son mot à dire. Je ne crois pas qu’il exerçait un métier régulier et officiel. Et, je ne sais pas quel métier il exerçait dans son autre vie. Mais je le crois plutôt habile de ses mains. Comme bien des hommes de la famille de mon père et de mes ascendants du côté tant paternel comme maternel où le métier de maçon, voire charpentier, est une nomenclature.

 

Je n’ai jamais discutĂ© avec lui de ce qui s’était passĂ© dans sa vie. Je n’ai donc jamais pu Ă©couter ce qu’il en disait. Mais j’ai cru trouver dans son attitude une forme d’acceptation du verdict qui l’avait touchĂ© : le divorce et sa suite.

 

C’est au décès de mon grand-père paternel que j’ai eu un contact téléphonique avec une de ses filles. Je ne l’avais pas vue depuis des années.

 

J’étais venu pour l’enterrement de mon grand-père paternel.  J’avais fait un discours- le seul discours dit Ă  l’enterrement de mon grand-père par un membre de la famille ou un proche- dans l’église, remplie, de Petit-Bourg. Et, j’avais aussi filmĂ© une partie de l’enterrement.

 

Cette cousine souhaitait que je lui envoie les images. Je les lui avais envoyĂ©es et j’avais appris qu’elle Ă©tait devenue infirmière ou peut-ĂŞtre cadre-infirmière. J’avais senti en elle une certaine affection pour son père. Lequel, jusqu’à sa mort, est restĂ© dans cet Ă©tat de « vagabond Â» ou de semi-vagabond, se montrant souvent pieds nus, avec un short rapiĂ©cĂ©, un chapeau et une chemise, et tutoyant le rhum en certaines occasions.

 

Je n’ai jamais parlé de lui avec mon père. Car je ne suis pas un homme.

Cet oncle est un fantôme de plus dans la famille. Peut-être qu’écrire, c’est aussi s’adresser à ses fantômes, retranscrire leurs réponses ou les souvenirs qu’ils nous laissent. Après, on en fait toute une histoire que d’autres écouteront, caresseront ou liront peut-être.

 

Parler de cendres, ce n’est d’abord pas très réjouissant. Mais, ce matin, je ne prends pas les cendres par le biais dépressif. Je pense aussi à cette cérémonie où l’on marche sur le feu. En Inde mais aussi dans les régions d’Outre-Mer. Aux Antilles comme à la Réunion.

 

Je me dis aussi que les cendres, cela peut aussi être les migrations de tous ces oiseaux qui parcourent des milliers de kilomètres, chaque saison. Mais aussi de ces créatures terrestres ou animales qui nous entourent et que l’on connaît beaucoup moins bien que ces autoroutes, ces trains ou ces bateaux qui nous permettent de partir en vacances. Car elles sont là, nos principales migrations. Dans nos congés et nos week-end.

 

A moins d’être de grands voyageurs. D’effectuer des déplacements pour notre travail. Ou de changer d’emploi, d’adresse ou de rôle régulièrement.

 

Ce matin, je me mesure aux cendres de mon oncle. Celles de sa vie, de sa contre-vie ou de cette cigarette fumée devant moi à ce mariage. Car, peut-être, bientôt, vivrais-je moi aussi une certaine migration.

 

Notre imagination est faite de toutes sortes de migrations. Ensuite, c’est nous qui décidons. De jeter les dés et de nous lancer derrière eux. Ou de les regarder.

 

Franck Unimon, ce dimanche 4 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

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Béatrice Dalle

 

Béatrice Dalle

 

(cet article est une variation de l’article Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle).

 

 

 

BĂ©atrice Dalle, aujourd’hui, fait moins parler qu’il y a « longtemps Â» : il y a dix ou vingt ans.

 

J’ai achetĂ© ce livre parce que BĂ©atrice Dalle me « parlait Â». Comme un conflit pourrait parler Ă  des vieux qui y avaient participĂ© en tant que simple appelĂ©s ou appuis militaires. Ce qu’ils sont devenus ensuite, c’est un autre problème. Et, avant tout, et surtout, le leur. Ce que je raconte ensuite, ici, c’est peut-ĂŞtre aussi, avant tout, et surtout, mon problème.

 

Lorsque j’avais achetĂ© ce livre consacrĂ© Ă  BĂ©atrice Dalle, je faisais dĂ©jĂ  partie des vieux. Mais, bien entendu, je ne l’avais pas vu comme ça, ce jour-lĂ . Aujourd’hui, je suis un peu plus rĂ©aliste :

 

Même si, en apparence, j’ai encore un look assez jeune, je vois bien que je fais partie des vieux. On peut être myope et visionnaire.

 

Ainsi, je vais spontanĂ©ment vers des musiques – mais aussi vers des pratiques- qui montrent bien que je ne suis plus jeune. RĂ©cemment, lors d’une rencontre professionnelle, celle qui m’a reçu m’a dit :

 

« De toute façon, si vous m’envoyez un mail, je le recevrai sur mon portable Â». Le fait que je sois autrement plus qualifiĂ© qu’elle pour le travail que j’effectuerai peut-ĂŞtre pour sa « boite Â»,  est ici accessoire. J’avais compris Ă  cette simple phrase que j’étais vieux. Tant pour ces valeurs et ce mode de vie que cette « jeune Â» justifie et dĂ©fend. Que pour cette façon d’offenser sans mĂŞme s’en apercevoir.

 

J’ai regardĂ© dans les yeux ma jeune interlocutrice. Ses beaux yeux bleus. Mais je n’étais pas amoureux. J’avais bien plus d’expĂ©rience qu’elle et voire qu’elle n’en n’aurait jamais pour ce travail pour lequel je la rencontrais. Pourtant, c’était elle qui dirigeait l’entretien.   Très certainement, m’a-t’elle trouvĂ© l’abord froid et rigide de celui qui borde un monde qu’elle ne connaĂ®t pas. Elle ne sait pas qu’une grande partie de ma vie comme celle d’autres que je connais ou ai connus, se dĂ©value Ă  mesure qu’elle devient un exemple Ă  suivre. Et, j’en suis aussi en partie responsable :

J’ai refusé de devenir responsable de ce monde qu’elle défend.

 

Béatrice Dalle, dans l’ouvrage de Louvrier, est un moment comparée à Brigitte Bardot et à Marilyn Monroe. Régulièrement, se succèdent des personnalités et des idoles de toutes sortes qui en rappellent d’autres. Et si cela se perpétue, c’est parce-que cela rend plus polis certains de nos échecs. Que l’on soit jeunes ou vieux.

 

Mentionner Bardot, Monroe et Dalle, c’est additionner les sex-symbol. Un sex-symbol, c’est festif. Ça met en alerte. Ça donne envie de consommer. De se transformer en superlatif.

 

Mais c’est une histoire triste. Telle qu’elle m’a racontĂ©e. Celle d’une enfant d’une famille nombreuse sacrifiĂ©e parmi d’autres. Bonne Ă©lève d’une Ă©cole dont elle a dĂ» se retirer Ă  l’école primaire. Afin de s’occuper de frères et de sĹ“urs plus jeunes. Mais, aussi, pour faire la cuisine. Pourquoi elle plus qu’une autre ? Et, en quoi, cela aurait-il Ă©tĂ© plus juste qu’une autre soit choisie ?

 

 

Ma mère est une femme gentille. Comme aurait pu l’être le personnage joué par l’acteur Tim Robbins dans Mystic River réalisé par Clint Eastwood.

 

Ma mère est donc l’opposĂ©e d’une BĂ©atrice Dalle. Si l’une et l’autre ont quittĂ© leurs parents avant leur majoritĂ©, leur tempĂ©rament les sĂ©pare.  BĂ©atrice Dalle a pu « se prendre la gueule Â» avec des femmes et des hommes, connus ou inconnus. Elle a aussi connu la rue. EtĂ© punk. Elle peut baptiser des injures et professer des menaces qui ont valeur de futur. Ma mère n’a jamais prononcĂ© le moindre gros mot devant moi. Elle a fait baptiser ses enfants.

 

Dans le livre qu’il a consacrĂ©e Ă  BĂ©atrice Dalle, le journaliste Pascal Louvrier relate que celle-ci a pu faire penser Ă  une « panthère Â». Ma mère n’a rien de la panthère. Mais j’aurais aimĂ© qu’elle le soit. Qu’elle puisse l’être. Qu’elle sache l’être. Qu’elle puisse griffer. Elle ne le fera jamais. Au lieu de griffer, elle priera. BĂ©atrice Dalle est croyante Ă  sa façon, parle de JĂ©sus-Christ mais elle et ma mère ne sont pas faites de la mĂŞme ferveur religieuse. J’attends de voir BĂ©atrice Dalle dans un film de Bruno Dumont.

 

Ma mère a été et est une très belle femme. C’est une femme capable. A son âge, beaucoup aimeraient avoir sa forme physique. Sa souplesse. Son endurance. Son dynamisme.

Mais elle est une de ces multiples femmes- déployées et employées- qui ont trop accepté un peu tout et n’importe quoi. Piégées sans doute par leur trop grande endurance, leur naïveté et leur indéfectible indulgence pour leurs peurs.

 

 

Certaines rĂ©ussites sont lĂ  pour masquer certains Ă©checs.  Normalement, ma mère a rĂ©ussi. Son mariage. Ses enfants. Sa maison. Ses activitĂ©s. Elle peut parler. Discrètement. Mais elle a plus subi de vĂ©ritĂ©s qu’elle n’en n’a dit.

 

 

Béatrice Dalle, c’est le contraire.

 

 

Ça tombe très bien qu’aujourd’hui, on parle moins de Béatrice Dalle comme sex-symbol.

 

Parce-que toutes ces histoires de sexe, de drogue et de frasques (des histoires de jeunes)  m’empĂŞchaient sans doute de comprendre qu’au cinĂ©ma, ou ailleurs, ce qui pouvait me dĂ©ranger chez BĂ©atrice Dalle mais aussi me donner envie d’aller la voir, c’était de pouvoir m’imaginer un peu ce que ma mère aurait pu ĂŞtre ou faire de diffĂ©rent.

 

Je vais peut-être au cinéma afin de pouvoir imaginer des différences. Et, pour moi, Béatrice Dalle permet ça.

Franck Unimon, Dimanche 4 juillet 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Que Dalle un livre sur l’actrice et comédienne Béatrice Dalle

 

                Que Dalle un livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle

 

                         Ecrit par Pascal Louvrier et BĂ©atrice Dalle

 

 

HĂ©siter entre la lecture de UCHIDESHI Dans Les Pas du Maitre (Apprendre ce qui ne peut ĂŞtre enseignĂ©)  de Maitre Jacques Payet, 8 ème Dan, Shihan, au sein de l’organisation Aikido Yoshinkan. Et la lecture du livre sur l’actrice et comĂ©dienne BĂ©atrice Dalle.

 

Opter pour ce dernier. Et se sentir d’abord éclaboussé par de la poussière de honte. Une fois de plus, avoir cédé aux séductions de la forme. Au lieu de déterrer de soi ces peurs qui nous martèlent les vertèbres.

 

Nos peurs sont des productions incessantes. Les combattants sont celles et ceux qui, jour après jour, les voient s’amonceler sur leur compteur. Et qui ont appris et apprennent de leurs peurs. Et qui répètent des gestes, parfois des incantations, ou des Savoirs, en vue de leur répondre.

 

Ce sont des voix qui leur parlent, Ă  toute heure,  Ă  eux seuls, et que personne d’autre n’entend, d’abord. Du moins ont-ils souvent cette impression.

 

Pas de combattant sans peur.

 

Mais comparer une actrice ou un acteur, Dalle ou autre, à un combattant tel que Maitre Jacques Payet, c’est aussi tenter de vouloir parer un miroir des mêmes mérites et des mêmes héritages que le diamant.

 

La diffĂ©rence entre les deux reste quand mĂŞme que, une fois « choisi Â», l’un (l’actrice ou l’acteur) est si puissamment Ă©clairĂ©, entourĂ©, stylisĂ©, entraĂ®nĂ©, conseillĂ© qu’il est presque condamnĂ© Ă  rĂ©ussir.

Je repense Ă  l’actrice Adèle Exarchopoulos tellement mise en valeur par Kechiche dans La Vie d’Adèle ( 2013)  que je m’étais dit :

 

 Â« Si après ça, elle ne rĂ©ussit pas une belle carrière au cinĂ©ma, elle ne pourra pas dire qu’elle n’a pas Ă©tĂ© aidĂ©e Â».

 

 

La combattante ou le combattant, longtemps, est bien moins entourĂ© que l’actrice ou l’acteur. C’est peut-ĂŞtre, aussi, ce qui le pousse Ă  surgir. Car, soit il restera victime, oubliĂ©, dominĂ© ou enfermĂ©. Soit il vivra. En se mettant Ă  vivre, la combattante ou le combattant commence Ă  Ă©blouir celles et ceux qui l’entourent.  Parce que vivre, c’est notre histoire Ă  tous. Sauf que pour beaucoup, vivre reste une intention ou une tentation. Alors que pour la combattante ou le combattant, vivre est une action.

 

L’actrice et l’acteur se mettent Ă  vivre lorsque l’on dit : « Action ! Â». La combattante et le combattant vivent parce qu’ils agissent. En dehors du combat. Au cours du combat. Mais, aussi, après le combat.

 

Le combat, c’est le temps absolu. L’extrême. Aucun faux semblant possible.

 

Il y a maintenant un jeu de mot très facile Ă  faire : le contraire du combat, plus que la dĂ©faite, c’est le coma. Etre dans le coma, c’est bien-sĂ»r ĂŞtre allongĂ© dans un lit d’hĂ´pital dans un service de rĂ©animation. Peut-ĂŞtre en mourir. Peut-ĂŞtre en sortir. Peut-ĂŞtre en revenir diminuĂ©, paralysĂ© ou transformĂ©.

 

Mais le coma, c’est aussi laisser quelqu’un d’autre ou une substance agir ou faire des rĂŞves Ă  notre place. Puis exĂ©cuter au dĂ©tail près. Comme des rails nous menant vers une destination préétablie par quelqu’un d’autre que nous et Ă  laquelle nous accepterions de nous rendre sans conditions.  

 

 

A ce stade de cet article, par lequel je me suis laissĂ© « dĂ©tourner Â», il faudrait maintenant  vraiment parler du livre.

Normalement, ce que j’ai Ă©crit m’a dĂ©jĂ  disculpĂ© concernant le fait d’avoir « prĂ©fĂ©rĂ© Â» d’abord lire cet ouvrage sur BĂ©atrice Dalle. Mais la normalitĂ© peut aussi ĂŞtre une folie souvent acceptĂ©e par le plus grand nombre. Alors, je vais prendre mes prĂ©cautions et m’en tenir Ă  ce que j’avais prĂ©vu de mettre en prĂ©ambule.

 

La lecture de la « biographie Â» de l’acteur SaĂŻd TAGHMAOUI, SAĂŹD TAGHMAOUI De La Haine A Hollywood dont j’ai rendu compte il y a quelques jours m’a influencĂ©. SaĂŻd Taghmaoui/ De la Haine A Hollywood

 

Dans son livre, TAGHMAOUI ne dit pas un mot sur Béatrice Dalle et Joey Starr. Pourtant, il est impossible qu’ils ne se soient croisés.

 

Ils ont Ă  peu près le mĂŞme âge. Sont entrĂ©s dans le grand bal de la scène mĂ©diatique Ă  peu près au mĂŞme moment mĂŞme si Dalle fait un peu figure « d’aĂ®nĂ©e Â» avec 37°2  de Beineix, sorti en 1986.

Ils ont eu des amis et des intĂ©rĂŞts communs : Au moins Le Rap, Les Tags, les graffitis, la banlieue parisienne dĂ©favorisĂ©e ( Taghmaoui, Morville) Benoit Magimel, les frères Cassel ( Vincent et/ou Rockin’ Squat).

 

Si leur adresse et leur réussite artistique (TAGHMAOUI, DALLE, Joey Starr/ Morville) doivent à leur présence physique ainsi qu’à leurs origines sociales et personnelles, elles doivent aussi à leur intelligence particulière (du jeu, du texte, pour faire certaines rencontres existentielles et décisives) ainsi qu’à leur travail d’avoir duré alors, qu’au début, dans leur vie mais aussi comme lors de leur arrivée dans le milieu de la musique ou du cinéma, rien ne le garantissait.

 

Pour le dire simplement et sans mĂ©pris : Aucun des trois ne venait d’un milieu social et intellectuel privilĂ©giĂ© et, d’une façon ou d’une autre, tous les trois ont connu ce que l’on appelle la « zone Â». Que ce soit la prison, les gardes Ă  vue, la drogue, la rue. Dans un pays officiellement dĂ©mocratique et universel comme la France, celles et ceux qui rĂ©ussissent et sont aux avant postes de la sociĂ©tĂ© ont gĂ©nĂ©ralement d’autres profils, d’autres CV,  voire d’autres prĂ©noms, que ces trois-lĂ .

 

Et, avec ces trois-lĂ , aussi, le mĂŞme « miracle Â» s’est plus ou moins rĂ©pĂ©tĂ© (davantage avec Dalle et Joey Starr en France, toutefois) :

 

Une fois que chacun de ces trois-là a réussi à bien planter sa tente dans le décor avide de la réussite artistique, économique, commerciale et Jet Set de ce pays, ils sont devenus désirables. Respirables. Par le plus grand nombre. Spectateurs et parasites compris.

 

Je ne fais pas exception. Au dĂ©but du livre, avant sa toute première rencontre avec elle, Pascal Louvrier raconte son apprĂ©hension vis-Ă -vis des rĂ©actions de BĂ©atrice Dalle qui avait pour rĂ©putation d’être imprĂ©visible et, bien-sĂ»r, d’ĂŞtre peu frĂ©quentable. Une fĂ©tichiste des options racaille. Ces apprĂ©hensions, je les ai longtemps eues vis-Ă -vis d’elle comme vis-Ă -vis de Joey Starr . Et les jugements moraux dĂ©prĂ©ciatifs dĂ©finitifs -fondĂ©s bien-sĂ»r sur des Ă©clats mĂ©diatiques et certaines de leurs attitudes- que d’autres ont pu avoir sur eux, je les ai eus aussi.

 

Et, cela va dans les deux sens : Dalle, pour parler d’elle, ne brille pas non plus par une tolĂ©rance de tous les instants pour autrui. MĂŞme si elle est capable de gentillesse ou de prendre la dĂ©fense de celles et ceux qu’elle perçoit comme victime. Lors d’un tournage comme dans la vie.

Car, Dalle « vomit Â» aussi les tièdes. Et les mĂ©ritants. Toutes celles et tous ceux qui font de leur mieux et qui, Ă  ses yeux, sont « faibles Â» ou ne valent pas qu’on s’attarde sur eux : les gens sans particularitĂ© Ă©vidente, monocordes et lambda qui se fondent dans le dĂ©cor social comme dans une boite Ă  chaussures.

 

Ce faisant, elle rĂ©pète comme d’autres, y compris comme celles et ceux qui l’adorent, certaines injustices et certains prĂ©jugĂ©s, que, comme ses adorateurs,  elle condamnera ailleurs. Et en d’autres circonstances selon des critères sĂ©lectionnĂ©s par eux. Et par elle.

Cela, c’est le paradoxe permanent du « Star Système Â» que l’on Ă©volue dans le cinĂ©ma hautement commercial ou dans le cinĂ©ma d’auteur :

 

Pour peu que l’on soit admirĂ© et aimĂ© par des personnalitĂ©s du monde du spectacle, de l’art ou de l’intellect, on sera excusĂ© et dĂ©fendu contre les bien-pensants et les bons Ă©lèves besogneux qui, les abrutis ! , ne peuvent rien faire de mieux- et de plus- que de rĂ©flĂ©chir de travers. Comme on pisse sur le sol en ratant l’urinoir ou la cuvette des toilettes. Avant, Ă©videmment, de partir prestement et lâchement, en laissant tout en l’état sans mĂŞme se laver les mains. 

 

C’est mon principal reproche au livre de Louvrier : cette façon de mettre Dalle sur un piĂ©destal et de, pratiquement, tout justifier et tout accepter de certains de ses actes « dĂ©flagrants Â».

 

Je vais nĂ©anmoins m’abstenir de frimer dans ces quelques lignes. Au tout dĂ©but du livre, je me suis bien dit :

« J’aurais pu mieux Ă©crire Â». «  J’aurais pu mieux faire Â».

 

Mais, par la suite, je me suis avisĂ© que Louvrier a effectuĂ© un très gros et très bon travail de recherche. Que ce soit dans les archives mais aussi auprès de Dalle et de quelques personnes qui ont travaillĂ© avec elle et dont certaines sont devenues des proches :

 

Dominique Besnehard, l’agent qui l’a découverte et qui est aussi un de ses protecteurs et un de ses proches. Un protecteur dévoué et idéal.

Besnehard a aussi été l’agent de TAGHMAOUI. Mais à lire celui-ci, sa rencontre avec Besnehard a nettement moins été à son avantage.

 

Du reste, pour avoir lu- avec plaisir- l’ autobiographie Casino d’Hiver de Besnehard ( parue en 2014), je « sais Â» que TAGHMAOUI ne figure pas parmi les rencontres qui ont le plus marquĂ© Besnehard, humainement et artistiquement. Au contraire de BĂ©atrice Dalle, Jean-Claure Brialy, Nathalie Baye, Marlène Jobert ou Maurice Pialat par exemple.

 

Je garde d’ailleurs un très bon souvenir de ses pages sur Pialat.

 

La rĂ©alisatrice Claire Denis est aussi « convoquĂ©e Â» pour parler de BĂ©atrice Dalle dans Que Dalle.

 

Tout comme le photographe  Richard Aujard.

 

Ainsi que le rĂ©alisateur Jean-Jacques Beineix, bien-sĂ»r, dont j’avais aimĂ© lire l’autobiographie parue en 2006 : Les Chantiers de la Gloire.

 

Ma seconde excuse pour avoir choisi de lire Que Dalle avant celui de Sensei Payet est que le livre de celui-ci est sorti récemment. En 2021 pour la version française. Celui consacré à Dalle, en 2008 puis en 2013. Je crois l’avoir acheté en 2013. Cela fait donc huit ans que je l’avais parmi plein d’autres livres. Sur le cinéma et d’autres thèmes.

 

Entre les annĂ©es 80-90 et le « rĂ©cit Â» parcellaire, de sa relation Ă  ressorts et Ă  sorts avec Joey Starr/ Didier ou avec son premier mari et ses autres amants et mari(s) sans omettre certaines parties judiciaires de sa trajectoire, et les annĂ©es qui ont suivi, j’ai appris Ă  mieux regarder Dalle et celles et ceux qui lui ressemblent. Pour tout dire : je l’avais toujours fait. Car il n’y a aucune raison pour que, subitement, je sois devenu plus sensĂ©. Elephant Man

 

 

MĂŞme si je me distingue des mâles alpha et de ces personnes « destroy Â» ou « rock’n’roll Â» (femmes ou hommes) qui captent tant le regard de BĂ©atrice Dalle et l’imaginaire des rĂ©alisateurs et des photographes comme des stylistes de toutes sortes, ma vie normale et mentale, comme celle de beaucoup d’autres, est moins monocorde et plate qu’elle ne le paraĂ®t. Sauf que je le garde pour moi. Par prĂ©caution. Par peur.

 

Mais, aussi, pour protéger les autres.

 

Car c’est aussi, ça, l’un des très grands secrets de beaucoup de gens normaux : avoir cette capacitĂ©, trop grande sans doute, de tenir en laisse certaines folies. Et laisser Ă  d’autres l’initiative de se jeter dans les gueules mais aussi dans les trous de diverses folies que l’on a pu soi-mĂŞme, suivre, observer, tuyauter, tutoyer, dissimuler. Ou condamner.

 

Les gens normaux peuvent être de très grands comédiens. Ils le sont tant qu’ils jouent leur vie puis l’oublient. La folie, psychiatrique, comme la dépression, bien-sûr, est régulièrement proche à trop souvent se renier.

 

Alors, quelques fois, lorsque les gens normaux tombent sur une BĂ©atrice Dalle, ou une autre ou un autre, ça peut aussi leur donner envie de se rapprocher. Mais pas trop près. Car ça leur rappelle quelqu’un. Peut-ĂŞtre, aussi,  que ça leur rappelle leur adolescence. L’époque des rĂ©voltes, des mutations et des rĂŞves les plus excessifs. Lorsque ça bouge et que ça s’agite. Parce-que, c’est bien connu, le calme, le quotidien et l’immobilitĂ©, c’est l’extinction et la soumission assurĂ©es. Et, ça, c’est bien-sĂ»r pour les faibles et les moins que rien.

 

Franck Unimon, ce vendredi 2 juillet 2021.