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Le théâtre Zingaro ce 8 avril 2025

Le théâtre Zingaro, ce 8 avri 2025l après le concert de Rocio Marquez. Photo©Franck.Unimon

Le théâtre Zingaro ce 8 avril 2025

 

Ils sont là, tout en bois, immobiles. Ils flottent à plusieurs mètres au dessus de nous, esprits ou vaisseaux prêts à charger pour ces voyages que nous avions imaginés. Mais nous les avons abandonnés ou oubliés. Par le corps et la peur. Par facilité, aussi.

Au Théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Ils ne descendront pas. C’est à nous de percevoir l’éclat qui leur reste et, pour eux et par eux, de faire le nécessaire avant de renaître en poussière.

Sous le chapiteau du théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Je ne devrais pas avoir à le dire mais le théâtre Zingaro est un endroit étrange. C’est le contraire d’un supermarché du divertissement. Même s’il s’est adapté à l’économie et à notre environnement commerçant. Mappemonde du Temps, il nous promet ou nous propose encore notre possible affranchissement. Pourvu que l’on soit aussi proche de notre état de conscience que l’on peut l’être de la sortie d’une bouche de métro.

 Autrement, nous repartirons titubant en continuant à nous éclabousser de nos défaites et de nos blessures comme nous sommes venus. Mais au moins, nous aurons essayé, ici aussi, de nous libérer en mettant un pas devant l’autre. Ce sera déjà mieux que rien.

Pour quelques jours ou quelques heures encore, le festival Fragile se déroute au théâtre Zingaro. Plusieurs artistes y sont déjà passés.

J’ai raté Mayra Andrade ainsi que Molécule. Rodolphe Burger, Mehdi Haddab et Sofiane Saïdi, que j’ai déjà « vus », ont fait partie de la liste. Aucune de ces têtes d’affiche, à ce que je sache, ne fait de publicité pour une marque de voiture électrique ou de slip hybride.

Aucune d’entre elle n’occupe une activité rémunérée d’influenceur ou d’influenceuse sur les réseaux sociaux. Ces musiciennes, musiciens, chanteuses et chanteurs existent et se produisent sans bling-bling, sans rattrapage visuel, et, pour l’instant, sans intelligence artificielle.

Celles et ceux qui tendent encore l’oreille ou cherchent un peu ont entendu parler d’elles ou d’eux. Pour les autres, c’est l’ignorance. Car ce n’est pas du Rap et c’est peut-être, tout simplement, aussi, une musique « de » vieux et « pour » les vieux.

Car je suis vieux, c’est évident. Et, comme beaucoup de vieux, je fais mon maximum pour l’ignorer et pour ne pas me faire repérer. J’ai un très bon maquillage. Cependant, comme tous les vieux, je laisse derrière moi un faisceau d’indices qui me ressemblent et me signalent : « Tu vois là-bas, c’est un vieux ».

Je dois me faire une raison et continuer d’apprendre à me raccorder aux autres tant que cela est possible.

Ce n’est pas facile.

C’est beaucoup plus facile de se faire livrer à domicile d’un simple clic, de suivre la file devant soi mais aussi de s’énivrer d’algorithmes sans file d’attente. Cela m’est encore arrivé récemment. J’ai à nouveau pris une bonne cuite d’algorithmes jusqu’à trois heures du matin. Ensuite, je me suis vomi. Je me suis senti minable de m’être laissé aller une nouvelle fois malgré tout ce que je savais et connaissais déjà de l’expérience.

On se dit que l’on va passer juste quelques minutes à regarder pour se distraire un peu. On se convainc que l’on a la maitrise du Temps et qu’on l’a bien mérité : Le Temps.

On a encore la capacité de regarder l’heure qu’il est. Puis, on voit que l’heure passe mais on se rassure. On n’a toujours pas compris que le Temps n’appartenait à personne. Mais ce n’est pas très grave. On « a » du Temps. On se sent bien comme on est. Devant nous passent les images et les « contenus » sans dérangement désagréable ni rupture dans une parfaite, propre – et artificielle- continuité. Ce qui est tellement différent de ce que l’on vit d’ordinaire ou survient toujours une moisissure et une contrariété quelconque mais toujours viscérale.

Bien-sûr, si l’on faisait le ratio entre le nombre d’heures passées à regarder ces images et ce que l’on en a retenu, on s’apercevrait que l’on a perdu « notre » Temps. Mais dans ces moments-là, on est très loin d’être fort en calcul mental. Car on est alors beaucoup plus proche d’être d’un « bon » cul mental relié à nos besoins d’état régressif et végétatif. Et tout cela grâce à notre petit écran que nous pouvons transporter partout où nous allons et où nous le décidons.

Mais pour aller au théâtre Zingaro, cela ne marcherait pas.  Car pour s’y rendre, il faut rester sobre, être encore capable de regarder autre chose que son écran. Etre volontaire pour employer « son » temps autrement. Et se déplacer.

Le théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025 après le concert de Rocio Marquez. Photo©Franck.Unimon

Afin d’y voir Rocio Marquez ce 8 avril, je me suis déplacé. Environ trois quarts d’heure de trajet par les transports en commun. De banlieue à banlieue en passant par Paris. Du Val d’Oise à la Seine Saint Denis.

En convenant au préalable avec ma fille qu’elle resterait à la maison faire ses devoirs le temps que sa mère rentre du travail une à deux heures plus tard. J’aurais vraiment voulu emmener ma fille mais elle avait ses « devoirs » pour l’école le lendemain. Pour elle, cette soirée aurait fini tardivement.

J’ai vraiment bien fait de partir plus tôt. Au théâtre Zingaro, on commence à l’heure. J’ai eu le temps de m’installer, de retrouver cette disposition des tables et des places faite de telle manière à ce que l’on se sente à l’aise ici mais, aussi, à ce que l’on puisse saluer et converser avec les autres personnes venues comme nous assister au même spectacle.

C’est seulement la deuxième fois que je viens au théâtre Zingaro malgré ce que j’en avais entendu pendant des années. C’est sans doute mieux que rien.

L’ article sur le concert de Rocio Marquez ce 8 avril au théâtre Zingaro est pour bientôt.

Rocio Marquez au théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce samedi 12 avril 2025.

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En Concert

Lagon Nwar au café de la danse ce 31 mars 2025

Le Groupe Lagon Nwar au Café de la danse ce lundi 31 mars 2025, Paris. Photo©Franck.Unimon

Lagon Nwar au Café de la danse ce 31 mars 2025

Un texte est une peau dont on se débarrasse. Et certaines sont plus tenaces que d’autres.

Le 31 mars 2025 aura été cette journée où a eu lieu à l’hôpital Georges Pompidou, à Paris, la quatrième journée scientifique de la CUMP (cellule d’urgence médico psychologique destinée à s’occuper des victimes de situation sanitaire exceptionnelle et potentiellement psycho-traumatisante) à laquelle je suis allé assister. J’y ai aussi pris des photos. Un peu plus de cent cinquante professionnels de la Santé ( psychologues, infirmières et infirmiers, psychiatres, autres…) étaient présents.

C’est aussi lors de cette journée que nous avons appris que la meneuse du Rassemblement National (ex Front National), Marine Le Pen, a été condamnée, elle et certains des membres de son parti politique, pour détournements répétés, pendant  plusieurs années ( douze), de fonds publics à hauteur de quatre millions d’euros.

Cet argent a été employé pour des emplois fictifs.

Marine Le Pen a décidé de faire appel car cette condamnation, si elle s’appliquait, la rendrait inéligible lors des prochaines élections Présidentielles de 2027.

Elle et ses partisans « menacent » de son innocence. Ils affirment aussi que le résultat de ce jugement est « politique » et mensonger et qu’il signifie que la démocratie en France est en danger car  elle et ils estiment que c’est elle, la victime du « système ».

Marine Le Pen a entre autres déclaré qu’elle ne se laisserait pas faire et a précisé :  » Je suis combattive ». 

Les juges qui, eux, ont démontré sa culpabilité sont désormais -pour certains d’entre eux dont une femme- sous protection policière. Car ils sont « coupables » de l’avoir déclarée  » coupable », elle, Marine Le Pen, et plusieurs membres et proches de son parti politique. 

Cette « pression » ou cette façon qu’ont Marine Le Pen et ses partisans – sincères ou intéressés- de vouloir faire plier et diriger, de façon brutale et autoritaire, le monde et les autres à leur volonté, en cherchant à intimider ou à détruire, font un peu penser au moins au style du Président américain Donald Trump lorsqu’il avait perdu- et contesté- le résultat des précédentes élections américaines et alors que réélu récemment, il veut aujourd’hui régenter, distribuer et imposer des taxes au monde entier. Comme si le monde était une pièce montée dont il serait le pâtissier et le commerçant et qu’il entendrait la découper- et la vendre- comme il l’entendrait en fonction des personnes qu’il aurait décidé d’inviter (en leur faisant payer l’accès à son salon ou à son jardin) à son anniversaire.

Mais ce 31 mars 2025, il y a aussi eu heureusement des événements plus réconfortants et plus démocratiques :

il y a aussi eu le concert du groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, du côté de Bastille, dans un des arrondissements très prisés et festifs de Paris.

Le groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025, au Café de la Danse. Photo©Franck.Unimon

Le Café de la danse est une belle salle de concert intimiste, très agréable, de cinq cents places assises, où la scène est proche et la musique est réelle, ouverte et sans menaces. C’est en y retournant que je me suis rappelé y être allé une première fois une vingtaine d’années plus tôt afin d’aller y voir Susheela Raman dont on entend moins parler aujourd’hui. Et le groupe Lagon Nwar est sans doute inconnu pour beaucoup de personnes.

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Je l’ai connu ou en ai entendu parler parce-que la chanteuse et musicienne réunionnaise Ann’ O’Aro en fait partie.

 

 

Ann’OAro du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au Café de la Danse. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencé à écouter Ann’ O’Aro à partir de son premier album ( voir l’article Ann O’Aro  ). Et l’année dernière, pour la première fois, je l’avais vue en concert. J’étais arrivé en retard. Le concert m’avait beaucoup plu. Mais je n’avais pu prendre de photos dans les meilleures conditions.

Je suis allé au concert de Lagon Nwar sans avoir écouté leur album. Les critiques à son sujet étaient bonnes mais de toute façon, j’étais confiant. Et curieux.

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Le groupe Lagon Nwar est le rassemblement de plusieurs artistes déjà rodés par d’autres projets. La jeune spectatrice d’à peine vingt ans apparemment venue seule de province, groupie du saxophoniste, qui était assise à ma droite, m’a ainsi appris que celui-ci jouait avec Clara Ysé que je connais pour l’instant uniquement de nom.

Elle m’a d’ailleurs fortement recommandé d’aller voir Clara Ysé à l’Olympia en m’informant qu’il ne restait plus beaucoup de places pour son concert.

Le saxophoniste de Lagon Nwar s’appelle Quentin Biardeau et durant la prestation, il s’est aussi occupé des synthétiseurs. Il est aussi celui qui, dès le début, nous a amusé avec son humour :

« On va vous jouer tous les morceaux de l’album et ensuite vous allez l’acheter ».

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

A la batterie, au chant et au Koundé, il y avait Marcel Balboné du Burkina Faso dont l’allure avec ses lunettes noires au début du concert faisait penser à une sorte de Stevie Wonder.

 

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Puis, il y avait Valentin Ceccaldi comme bassiste. Aucun(e) guitariste n’était prévu et ce « fantôme » ne nous a pas manqué durant le concert puisque dès le début, le groupe Lagon Nwar nous a possédé. Si les critiques de leur album, que j’ai donc acheté après leur concert et me suis fait dédicacé par Ann’ O’Aro, sont très bonnes, leur concert a été, selon moi, bien meilleur.

 

Le groupe Lagon Nwar au Café de la danse, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Car ces musiciens font partie de ces artistes qui déploient leurs sortilèges sur scène.

Le groupe Okali qui avait assuré leur première partie était très bon.

Le groupe Okali au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Okali, fait de la chanteuse Gaëlle Minali d’origine camerounaise et de Florent Sorin pour les instruments, nous ayant donné une performance simple et toute autant mémorable.

Gaëlle Minali du groupe Okali, Café de la Danse, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 Si la voix et la présence de Gaëlle Minali ont pu toucher aussi par sa puissance et son élégance, l’accompagnement musical de Florent Sorin a aussi su faire mouche. Alors qu’il est très difficile d’assurer une première partie et que, pour ma part, je ne m’attendais pas à être aussi agréablement surpris par Okali. Et, comme je l’ai ensuite dit à Florent Sorin passé près de nous, j’aurais facilement « pris » pour quinze à trente minutes de musique supplémentaire du groupe Okali. Lequel est ensuite resté pour assister comme nous au concert de Lagon Nwar.

Concernant Ann’O’Aro dont la présence s’impose même lorsqu’elle sort du « chant », je me suis demandé comment une telle captation sonore pouvait par moments sortir d’un si petit corps.

Le groupe Lagon Nwar, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

25 euros la place pour voir Okali puis Lagon Nwar en me trouvant au premier rang, place non numérotée, à moins de dix mètres de la scène, en plein Paris ce 31 mars.

J’aime me rappeler ce genre de chiffres et d’heur-eux-montant. Cela a pour moi une fonction et une affection incantatoire. Et me rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’aller se tire-bouchonner pendant des heures à l’entrée d’une grande salle de concert. Tout cela afin de venir scruter et ausculter sur grand écran, au milieu des aéropages multipliés d’autres buffles comme moi, une artiste ou un artiste dont la place de concert aura coûté le triple ou le quadruple ou davantage. Même si l’on sera content, malgré tout, d’être allé « voir » cet/cette artiste ( voir l’article  Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023).

Certaines fois, la surpopulation présente à certains concerts et festivals peut nous exposer au triple pontage. Surtout si l’on rajoute que ces festivités peuvent nous priver d’apporter un peu d’eau pour de prétendues raisons de sécurité mais aussi exiger une assez bonne condition physique voire peut-être un peu de matériel d’alpinisme ou de randonnée- mais toujours un moyen de paiement infaillible- car elles peuvent aller se nicher à des endroits modérément pratiques d’accès où la pluie et la boue parfois nous apportent en plus leur souffle et leurs secondes peaux.

Rien de cela ce 31 mars dans la salle de concert couverte du Café de la Danse. Une ambiance détendue. Un public qui aurait pu être familial (j’ai aperçu un petit au début du concert qui n’avait pas plus de dix ans) et Ann’ O’Aro, comme lors du précédent concert l’année dernière, a invité à la danse. Que ce soit lorsque Ann’ O’Aro ou Marcel Balboné qui chantent – ensemble ou séparément-dans leur langue natale ou en Français, le public a suivi.

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Il y a même eu un spectateur, qui, le temps d’un morceau, s’est fait le premier danseur de tous, parmi nous qui étions assis, au point que l’on a pu croire que cela avait été prévu par le groupe.

 

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

D’autres spectateurs sont arrivés plus tard pour danser. Certains avec Ann’ O’Aro, artère et vigile mobile du groupe.

Cette fois, j’ai réussi à desserrer le frein à main car j’ai plus de mal qu’avant à me laisser faire. Je suis parvenu à déposer mon appareil photo et à quitter mon siège. Je m’en serais voulu d’avoir manqué une fois de plus cette occasion. De seulement continuer d’endurer et d’entretenir cette expérience quotidienne et exclusive du spectateur.

Un concert où les artistes sont proches, jouent (très) bien, mieux que sur leur album, et où de l’imprévu, en plus, reste possible, est un très bon concert. Un concert que l’on pourrait regretter d’avoir raté.

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais bientôt, je vous parlerai un peu du concert de Rocio Marquèz- autre voix tenace et persistante- que je suis depuis allé voir et écouter, enfin, au théâtre Zingaro, alors que je l’avais ratée l’année dernière lorsqu’elle était passée en concert ailleurs avec Bronquio.

 

Franck Unimon, ce jeudi 10 avril 2025.

 

 

 

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Jorja smith en concert cet été et les détournements de fonds publics de Marine Le Pen

 Jorja Smith en concert cet été et les détournements de fonds publics de Marine Le Pen

Tout à l’heure, à la Fnac, j’ai eu de la chance. Il y avait peu de monde à faire la queue à la billetterie. Il était environ 15h. Un jeudi.

Mais il n’y avait plus de place pour Jorja Smith avec la billetterie de la Fnac. Epuisé. Sold out.

Dans le train pour Argenteuil, sur mon téléphone portable, j’ai quand même regardé sur la billetterie du festival. Apparemment, il était encore possible d’acheter des places.

J’ai voulu me mettre dans les meilleures conditions pour aller voir ce concert. J’ai commencé à regarder la place la plus chère qui nous permet de « chiller », d’avoir un espace réservé, aéré, et d’être bien placé sur « le côté droit de la scène » sans avoir besoin de venir très longtemps à l’avance. 149 euros la place. Ou, plutôt, 149 euros pour le billet de ce samedi 23 aout dans ces conditions.

J’ai hésité.

Ce qui m’a fait hésiter, c’est la ribambelle de questionnaires qu’il faut désormais remplir chaque fois que l’on veut acheter certains billets pour des spectacles sur internet. Notre nom, notre adresse, notre date de naissance, notre genre sexuel, notre position préférée, la taille de nos pieds, la date de nos dernières règles, notre couleur détestée, si l’on veut une assurance annulation/remboursement (15 euros, ici).

Au moment de payer, il y avait toujours quelque chose qui coinçait. Ça devait se sentir que je ne me livrais pas sincèrement.

Puis, j’ai réussi à passer à l’étape suivante. Là où l’on commençait à me demander les coordonnées de ma carte bancaire. A ce moment-là, j’étais dans le train. Je me suis dit que je n’allais pas faire ça dans le train. Si j’avais pu payer par paypal, j’aurais peut-être pris la place. 149 euros.

Lorsque je suis arrivé à Argenteuil, quelques minutes plus tard, je me suis dit que l’année dernière, j’avais très bien pu tolérer de « rater » le concert de Lana Del Rey à l’ouverture du festival Rock en Seine. Je pouvais très bien recommencer pour Jorja Smith cette année. 149 euros.

Pour l’instant, je les ai, ces 149 euros. Sauf que je suis déjà juste dans mes comptes ce mois-ci. Et nous sommes le 3. Je suis encore créditeur. Mais il va me falloir faire attention. Ma superbe voiture électronique actuellement clouée sur place – des paramètres électroniques de sécurité plus sophistiqués que moi et que je ne sais pas désactiver estiment que je n’ai pas le droit de m’en servir et elle reste stationnée dans le noir sur la place de parking que je loue–  me coûte 272 euros de crédit tous les mois. Et, en plus, je paie une assurance spéciale  de 55 euros mensuels dessus.

Je me suis dit que je pouvais utiliser ces 149 euros mieux. Et autrement.

Si j’avais le fric, si je n’avais pas besoin de faire des acrobaties comptables pour donner ces 149 euros, j’aurais pris ce billet pour voir Jorja Smith entre-autres dans les meilleures conditions possibles. Mais je me suis dit qu’il fallait soit être aisé financièrement, soit renoncer à ses vacances, être nourri, logé, donc vivre encore chez ses parents ou être désespéré pour accepter de donner 149 euros «pour » Jorja Smith.

Mais mes parents sont repartis vivre en Guadeloupe pour leur retraite il y a plusieurs années. Et je suis marié et père de famille. Il est donc nécessaire que je m’assume financièrement ne serait-ce que pour donner- un peu- le change. 

Et j’ose encore croire que ma vie vaudra encore quelque chose même si je ne « vois » pas Jorja Smith sur scène ce 23 aout 2025. D’ailleurs, c’est elle qui fera tout son possible pour venir me voir. Elle se déplacera sans aucun doute jusqu’à mon domicile après sa prestation. Elle prendra un train de la ligne J depuis la gare St Lazare. Elle se sera renseignée auparavant ou je la guiderai par sms. Et si elle a un empêchement, elle se sentira tenue de me passer un coup de fil. Impossible pour elle de repartir comme ça. Trop douloureux. Car je suis irrésistible.

 

Le groupe Okali au Café de la danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Et puis, un peu de « logique » : ce lundi 31 mars, il y a trois jours, pour voir deux très bons concerts au Café de la Danse, près de Bastille, d’abord  celui du groupe Okali puis du groupe Lagon Nwar avec  entre-autres la chanteuse, musicienne et poétesse Ann’ O’Aro, il m’a suffi de payer 25 euros. J’étais dans une très bonne salle de concert, intimiste, assis au premier rang à moins de dix mètres de la scène. Et, j’ai pu prendre toutes les photos que je voulais sans être bousculé. 500 personnes maximum, assises et bien disciplinées au Café de la danse, contre les milliers de spectatrices et spectateurs debout au festival Rock en Seine en Aout dans quelques mois.

Trois membres du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au café de la danse. Photo©Franck.Unimon

 

Et, ce 8 avril, dans quelques jours, cette fois ce sera sous le chapiteau du Théâtre Zingaro, que j’irai enfin voir la chanteuse Rocio Marquez en concert. Je l’avais ratée l’année dernière en concert lorsqu’elle était passée avec Bronquio.

Je « sais » que le concert de Rocio Marquez sera exceptionnel. Pour ce concert, j’ai pris le tarif le plus cher, me mettant au plus près de la « scène, avec personne devant moi. Une place assise et numérotée. Pour cela, j’ai payé…39 euros.

Rien qu’avec ces deux concerts, je n’atteins toujours pas la barre des 149 euros minimum que me coûterait celui de Jorja Smith et des autres artistes présents ce jour-là à Rock en Seine. Et je sais que j’ai des courses alimentaires à faire, peut-être demain, sur le marché d’Argenteuil.

Malgré mes plus de trente années- la retraite se rapproche- d’expérience en tant qu’infirmier psychiatrique qui me valent un salaire supérieur à celui de mes collègues plus jeunes  (infirmiers mais aussi psychologues) et malgré le fait que mon pouvoir d’achat reste « dopé » par le fait que ma compagne et moi mettons en commun nos salaires pour nos dépenses, je n’ai pas le droit à l’erreur en matière de gestion. Mais, comme beaucoup de personnes, j’en fais un certain nombre. Jusqu’à ce que cela ne soit plus possible.

Marine Le Pen, elle, mais aussi un certain nombre de ses électrices et électeurs- dont désormais un certain nombre de soignants- voient ça autrement. Pour eux, les détournements de fonds publics répétés pendant plusieurs années par Marine Le Pen et plusieurs de ses relations et proches de son parti sont inventés par « le système » ou sont des informations dérisoires. Des manoeuvres destinées à éviter les « vrais » sujets.

Plus de 4 millions d’euros de fonds publics ont été détournés. C’est une des conclusions apportées par le tribunal correctionnel récemment.

Mais selon Marine Le Pen et ses « partisans », cela serait des mensonges ou une Kabbale contre elle car elle est si proche du but : devenir Présidente de la République. 

Pour elle et son camp, « le système a sorti ( ou employé) la bombe nucléaire » contre eux. 

Pourtant, je pense que jusqu’à maintenant, Marine Le Pen avait beaucoup flirté avec la justice et s’en était toujours très bien tirée jusque là. Elle a dû se croire définitivement immunisée contre ses lois.

Je pense aussi que Marine Le Pen aime le fric. Et qu’elle en a déjà pas mal. Or, les électrices et les électeurs qui votent pour elle ont tendance à le minimiser.  Entre- autres parce qu’ils sont en colère et ont reporté sur elle beaucoup de leurs espoirs.

Je pense que bien des électrices et des électeurs en manque de pouvoir d’achat et de reconnaissance sociale ou autre croient que Marine Le Pen est comme eux et vit comme eux. Ou pour eux.

Non, elle n’est pas comme eux. Tout à l’heure, j’ai repensé à ces images que j’avais pu voir de Marine Le Pen il y a quelques années alors qu’elle passait ses vacances en Thaïlande. J’avais trouvé paradoxal que cette personne et cette figure politique frontale qui ne voit que par la France pour les Français parte passer des vacances en Thaïlande, dans un pays étranger et d’étrangers. Au lieu de les passer en France. 

Aujourd’hui, j’aurais tendance à croire qu’elle y était sûrement en vacances comme le colon peut être en vacances dans un pays étranger. En infantilisant les autochtones, en les résumant à leurs apparences, en feignant de les trouver sympathiques dès l’instant où ils restent à leur place contrairement à ce qui se passe dans le film Parasites. 

 Je crois qu’elle était venue chercher en Thaïlande du tourisme récréatif  et superficiel  ambiance club med et lambada. Même si la lambada est sûrement peu prisée en Thaïlande.

J’ai beaucoup de mal à l’imaginer allant véritablement à la rencontre des autres. Je la vois plutôt comme la vacancière  restant dans sa bulle de champagne avec des gens comme elle et pensant comme elle, se faisant bronzer dans un transat ou participant à des safaris et à des sauteries pour touristes préservés.

 Je ne la vois pas partant faire du trek à pied, faisant du stop, lavant ses chaussettes et ses culottes à la main ou allant se recueillir dans un quelconque monastère qu’elle aurait atteint à la sueur de son front après avoir gravi 10 000 marches  afin d’y pratiquer l’introspection. A moins d’y avoir été menée et éventée par des porteurs- étrangers- tout le trajet durant.

Enfin, je doute que ses vacances en Thaïlande aient été les mêmes que celles que puissent s’offrir un bon nombre de ses électrices et ses électeurs.

Je ne peux imaginer Marine Le Pen que dans des hôtels de luxe ou du personnel se plie au doigt et à l’œil  devant toutes ses volontés pendant qu’elle maintient ses doigts de pied en éventail et qu’une ou deux manucures étrangères s’en occupent avec application.

Cependant, je ne crois pas particulièrement que les jeunes et moins jeunes qui iront piétiner à Rock en Seine cette année votent plus que d’autres pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour ou Marion Maréchal ou Bruno Retailleau ou Eric Ciotti. Par contre, je crois qu’à ma place ( elle et moi avons un ou deux ans d’écart), Marine Le Pen aurait payé cette place de 149 euros pour aller voir Jorja Smith ou se la serait faite offrir. D’ailleurs, le festival se déroule dans la ville de St Cloud. Ce n’est pas très loin de sa maison et de sa cellule familiale. Elle s’y rendra peut-être tandis que moi, soit je resterai à Argenteuil ce jour-là, soit je serai au travail finalement afin de pouvoir continuer de payer mes charges et mes crédits. Et je ne crois pas un moment, et ne le souhaite pas, qu’elle viendra me voir ou me passera le moindre coup de fil. 

Franck Unimon, ce jeudi 3 avril 2025.