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A Voir absolument

 

 

 

                                                     A voir absolument

La norme, chez l’être humain, c’est l’extrĂŞme. Je le rĂ©apprends de temps en temps avec du  retard. Je t’aime et je t’adore aujourd’hui mais aussitĂ´t que je serai suffisamment intime avec toi, je deviendrai parfaitement libre de te maudire et de vouloir modifier ta race et ta constitution pour plusieurs gĂ©nĂ©rations. De leur faire subir toutes les interruptions de grossesse – mĂŞme si tu es un homme- et toutes les perturbations endocriniennes disponibles et accessibles Ă   mes connaissances. Oui, j’ai du chien ! MĂŞme si tu l’oublies alors que je te souris et que je suis cool avec toi. Tu as intĂ©rĂŞt Ă  bien te tenir. C’est aussi simple que ça.

 

La mauvaise foi est bien-sûr un fantastique adjuvant en même temps qu’un puissant conducteur. C’est également un excellent liant. Et, certaines fois, aussi, un très bon facilitateur de l’appareil reproducteur. Car si la norme chez l’être humain, c’est l’extrême, la contradiction et l’opposition font partie de ses meilleurs aphrodisiaques.

 

Je n’avais pas prévu ce préliminaire pour commencer à parler de cette affiche. C’est venu tout seul il y a quelques minutes après avoir relu mon texte écrit rapidement il y a plusieurs semaines.

 

 

Cela fait plusieurs jours, que je vois l’affiche de ce film :

 

A voir absolument. Il est un peu plus de 8 heures ce matin. Je suis dans le bus 21 qui traĂ®ne du cĂ´tĂ© des Halles. Dans moins d’une heure trente, je vais interviewer Abdel Raouf Dafri pour son premier film en tant que rĂ©alisateur : Qu’un sang impur. ( Interview en apnĂ©e avec Abdel Raouf Dafri)

 

Mais parlons de ce film, Scandale, qu’il faut voir absolument tandis que je suis assis à côté d’une femme sur une place prioritaire. Imitant en cela une autre femme sur ma gauche.

Quelques minutes plus tôt, j’avais bien vu que la femme à côté de qui je me suis décidé à m’asseoir m’avait en quelque sorte fait une petite place. Mais j’avais résisté.

Je suis d’abord resté debout comme un soldat avec mon sac.

 

Depuis des mois ou des années, je me suis aperçu que, désormais, dans les transports, j’ai tout un tas de scrupules à m’asseoir à côté d’une femme inconnue. Parce qu’en tant qu’homme, je suis suspect. Et si je suis embarrassé, c’est évidemment parce que j’ai des reproches à me faire.

 

Assis Ă  cĂ´tĂ© de cette femme inconnue dans ce bus 21, je m’attends Ă  ce que la brigade des mĹ“urs monte bientĂ´t afin de venir me menotter. En attendant, je poursuis  mon parcours de dĂ©linquant sexuel potentiel et passif. Un de ces jours, on instaurera des transports en commun ou des quotas sĂ©parant les femmes des hommes. Et les contrĂ´les porteront aussi sur notre genre sexuel. Les transgenres deviendront alors encore plus les nouveaux Arabes et les nouveaux Nègres de la sociĂ©tĂ©. Pour celles et ceux qui ne m’ont jamais vu : J’informe que je suis noir de peau de naissance et le resterai jusqu’à ma mort sauf Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et indĂ©pendant de ma volontĂ©.

 

 

Non, Madame ! Ce n’est pas de ma faute si le bus 21 s’arrĂŞte Ă  la station Palais Royal au lieu de St-Ouen ! MĂŞme si je l’apprends en mĂŞme temps que vous. Comme vient de vous le dire le chauffeur de bus, il fallait regarder l’affiche !

 

Mais c’est peut-ĂŞtre de ma faute si les trois actrices principales du film Scandale, qu’il faut absolument aller voir, sont, Ă  nouveau, trois blondes. MĂŞme si, vous, Madame, vous n’êtes pas du tout blonde. Pourtant, toutes les femmes sont blondes. Toutes les femmes hautement dĂ©sirables depuis au moins un demi-siècle au cinĂ©ma sont automatiquement et majoritairement blondes. Et, ça, il faut le voir absolument. Bien-sĂ»r, il y a des exceptions, Madame.  Jennifer Connelly, prĂ©sente dans le film Alita, Battle Angel rĂ©alisĂ© par Robert Rodriguez qui m’a bien plu,  ressemble de plus en plus Ă  Demi Moore. Alden Ehrenreich- qui est un homme- rappelle James Dean.

Dans le milieu du cinéma, on est très loin d’être conservateur. On est vraiment dans le renouvellement et dans l’évolution des modèles et des visages.

 

Je dois voir ce film. C’est bon pour ma rééducation et ma conscientisation.

 

J’irai aussi le voir parce qu’avant l’affaire Weinstein – j’ai malheureusement raté le documentaire qui lui a été consacré. Mais c’est sûrement du fait de ma complicité inconsciente avec lui même si le documentaire est resté peu de temps dans quelques salles – avant l’affaire DSK et d’autres affaires de viol et de harcèlement, j’aimais déjà le jeu d’actrices de Nicole Kidman et de Charlize Theron. Mais ça, j’aurais dû absolument le passer sous silence. Puisque je suis un homme, je suis sûrement allé voir ces femmes au cinéma pour des motifs dépravés.

 

PS : c’est comme avec cette stagiaire Ă  qui j’ai fait la bise ce matin. Finalement, elle ne m’avait rien demandĂ©. J’y repense seulement maintenant. Elle ne m’avait pas demandĂ© de l’inclure dans cette ronde des bises matinales. Elle et moi, nous n’avons pas gardĂ© les cochons ensemble. Et mĂŞme si nous l’avions fait, un de ces jours, elle pourra me reprocher de l’avoir forcĂ©e, moi qui pourrais ĂŞtre son père, et qui Ă©tais en situation de supĂ©rioritĂ© de par mon grade et ma fonction. J’aurais dĂ» lui demander la permission. Et non pas la mettre devant le fait accompli en prĂ©sence de tout le monde (une grande majoritĂ© de collègues femmes).

 

Il va falloir que je me reprenne. Et que je sache me tenir. Comme avant, lorsque j’étais puceau, que j’écrivais des poèmes Ă  une jeune de mon âge pour lui dĂ©clarer mes sentiments et que, le plus souvent, je me prenais des râteaux.  J’aurais dĂ» Ă©crire un poème Ă  cette Ă©tudiante afin de lui demander si je pouvais lui faire la bise. Ou Ă©tablir une demande en bonne et due forme. Faire parvenir cette demande Ă  la responsable de son centre de formation voire peut-ĂŞtre Ă  ses parents voire Ă  sa compagne ou Ă  son compagnon – que je ne connais pas- mĂŞme si elle Ă©tait majeure.

 

Mais je raconte n’importe quoi. Je fais du mauvais humour pour masquer le fait que, là, je me suis mis dans une très très mauvaise situation. En plus, je suis marié et j’ai une fille. Non seulement je donne un très mauvais exemple. Et, en plus, je banalise le viol et toutes les offenses faites aux femmes par les hommes depuis des millénaires. Le scandale. C’est une attitude complètement irresponsable. Méprisable. Indéfendable. Et ça a l’air de beaucoup m’amuser, en plus.

 

Ça commence par une bise pour dire bonjour Ă  une stagiaire prĂ©sente dans le service depuis plusieurs semaines. Et, ensuite, on sait tous que ça se transforme en autre chose de beaucoup plus grave. Oui, mais maintenant que j’ai commencĂ©, si j’arrĂŞte de lui faire la bise alors que je vais continuer d’embrasser mes collègues femmes – que j’ai vues lui faire la bise- pour les saluer, que va t elle penser ? Que je suis bizarre ? Et si je la regarde plus de cinq secondes ?

 

Lorsque je passe devant l’affiche, je le vois bien, que sans rien dire, avant mĂŞme d’aller  voir le film,  que Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie me jugent dĂ©ja. C’est la norme.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 février 2020.

 

 

 

 

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