Ce serait facile
« Aux Grands Hommes La Patrie Reconnaissante » peut-on lire Ă lâentrĂ©e du PanthĂ©on.
Je vais finir par connaĂźtre cette phrase par cĆur. Mais il y a une autre affirmation que depuis le couvre-feu dĂ©cidĂ© la semaine derniĂšre, lâĂ©pidĂ©mie du Coronavirus Covid-19 va continuer de mâapprendre pendant plusieurs semaines :
« Hier Ă lâabandon, aujourdâhui, les soignants des hĂŽpitaux publics sont les hĂ©ros de la Nation ».
LâĂ©pidĂ©mie est dĂ©rangeante car en plus de nous dĂ©sarmer et de tuer, elle nous oblige Ă comprendre que notre mĂ©moire est changeante. MĂȘme si des monuments prĂ©sents depuis des siĂšcles sont lĂ pour nous rappeler lâHistoire.
Cela a Ă©tĂ© facile dâoublier lâHistoire des hĂŽpitaux publics. MĂȘme moi, je la connais peu.
Mais je me souviens encore que les mouvements de contestation des soignants existent depuis plus dâune gĂ©nĂ©ration : ils nâont pas dĂ©butĂ© « seulement » en 2004 ou en 2005 avec la T2A, depuis dix ans ou quelques mois comme on peut encore le lire.
A la fin des annĂ©es 80, dĂ©jĂ (au 20Ăšme siĂšcle). Cela serait trĂšs facile de continuer de lâoublier.
Comme cela serait trĂšs facile de croire quâune prime et une revalorisation salariale vont suffire, comme dâautres fois, Ă gagner du temps, alors que les hĂŽpitaux publics, comme dâautres institutions publiques, sont le miroir de la sociĂ©tĂ© mais aussi son socle.
Cela a Ă©tĂ© trĂšs facile de lâoublier. De lâignorer. De (se) regarder dans dâautres miroirs. De « gĂ©rer » le sujet. De considĂ©rer quâil y avait dâautres prioritĂ©s.
Et lâĂ©pidĂ©mie sâest imposĂ©e. Câest lâĂ©quivalent dâun Krach en bourse- mais en direct- que peu de personnes ont vu venir. Sauf que donner de lâargent, du matĂ©riel, sâils font partie de la solution, ne vont pas suffire. Il va falloir donner de la pensĂ©e, du temps et du futur quâon a bradĂ©. Donner ce que lâon nâa pas ou plus que ce que lâon a, câest souvent ce que lâon fait Ă lâhĂŽpital tandis que dâautres prennent beaucoup plus quâils ne donnent. Ce nâest pas nouveau dans notre sociĂ©tĂ©. Ce serait facile de lâoublier.
Il va falloir rendre une autre vision du monde plutĂŽt que de continuer Ă contribuer Ă sa division. Car, aujourdâhui, la division du monde est blindĂ©e et couverte par lâĂ©pidĂ©mie.
Ce serait facile de croire quâaprĂšs elle, nous serons prĂȘts, que nous aurons tout prĂ©vu, que nous aurons tout modĂ©lisĂ© et serons capables de tout maitriser. Câest ce que nous avons cru avant lâĂ©pidĂ©mie.
Franck Unimon, jeudi 26 mars 2020.